Une fois dans les toilettes pour femmes, Sydney sortit son nécessaire à maquillage de sa pochette puis commença à s'admirer dans la glace face à un lavabo pour être certaine que son visage demeure toujours aussi parfait. Dire qu'elle était partie pour acheter quelques bouquins pour Dominic, puis donner de bonnes adresses à Noah... voilà qu'elle se retrouvait avec un écrivain reconnu, son éditeur apparemment bien assez riche pour porter un costume Armani à dix mille dollars dans un restaurant aussi chic et qu'elle ne déboursait pas un rond. Il y a des moments comme ça où, quand on prend un peu de recul pour observer la situation, on en vient à la conclusion que la vie est plutôt bien faite. Ou que le hasard fait bien les choses. L'Égyptienne était bien décidée à profiter de cette soirée autant qu'elle le pourra puisqu'elle se retrouvait en compagnie de deux charmants hommes qu'il lui tardait de connaître davantage... pour une fois, elle voulait les connaître sans avoir d'arrière-pensée. Étonnant, pas vrai ? Pourtant, les deux auraient été tout à fait à son goût.
Après en avoir fini avec son gloss, elle rangea ses affaires dans sa pochette et mit de l'ordre à ses cheveux avec quelques mouvements de la main trahissant de l'habitude qu'elle avait à agir de la sorte. Une splendide jeune femme sortit d'une des cabines avant d'aller se laver les mains. L'Égyptienne la regarda avec une attention limitée bien qu'elle ne manque aucun détail. Brune, une robe Chanel, silhouette svelte et assez grande sans que ses talons aiguilles y soient pour quelque chose. Une beauté sur laquelle la fashionista ne s'attarda pas plus longtemps que cela... ce fut d'ailleurs l'autre qui engagea la conversation. "Un homme à impressionner pour vous coiffer de la sorte ?" Sydney haussa les épaules sans détacher les yeux de son reflet qu'elle prenait un plaisir narcissique à admirer sous tous les angles. "Plutôt deux... un certain Noah Clives et son éditeur, Joe Sh... - Shark. Il m'a invitée à dîner avec lui." La blondinette se tourna enfin vers son interlocutrice pour la regarder avec un intérêt déjà plus soutenu. Un sourire s'afficha sur ses lèvres. Elle avait compris... contrairement à cette fille. Cet homme semblait être radicalement différent de Noah : aussi somptueuse soit-elle, cette beauté représentait un passe-temps pour lui... tandis que Noah s'était intéressé à elle sans la moindre arrière-pensée, elle en aurait mis sa main à couper. A la façon assez froide dont elle avait eu de lui répondre, cette fille s'imaginait qu'elle allait avoir droit à plus qu'un dîner et peut-être une nuit de plaisirs... la pauvre. Toutefois, pas une seule once de compassion ou de solidarité ne s'afficha dans le regard de la Bêta. Au contraire, elle était curieuse de voir ce que les deux hommes valaient chacun avec une femme ou ce que l'autre Anglais avait réservé à l'écrivain. Sydney esquissa quelques pas vers elle puis lui tendit son bras avec un sourire. "Ne vous en faites pas... je préfère les blonds. Votre éditeur est tout à vous, pour ce soir." Satisfaite, la brune enroula son bras autour du sien avec un sourire déjà plus amical et les deux bombes de la soirée sortirent ensemble des toilettes.

Dans la grande pièce principale du restaurant, Joe avait déjà emmené son cher Noah jusqu'à sa propre table pour quatre personnes puis leva les yeux au plafond avec un air exaspéré suite au trait d'humour tenté par l'écrivain. "J'ai déjà pris un petit-déjeuner et un déjeuner... il me reste donc le dîner." hasarda-t-il sur une voix innocente. Sachant qu'il lui arrivait de choisir une femme différente pour chaque repas, Noah ne tarderait pas à comprendre l'allusion. Les deux hommes s'assirent puis Joe reprit sa coupe de champagne en main avec un léger sourire amusé par l'envie de son ami de lui présenter la jeune femme avec qui il était entré. "Coco, tu commences à grandir et à choisir des femmes appétissantes... je ne vais pas te gâcher ce plaisir. Par ailleurs, j'ai de quoi me mettre sous la dent pour ce soir." De toute évidence, il semblait avoir dans l'idée de maquer le blondinet avec Sydney... C'est ce moment que choisit d'ailleurs la Bêta pour reparaitre, accompagnée par la fameuse conquête du businessman. "Voici Natasha, elle est avec vous, je crois ?" Joe hocha la tête tandis que Sydney s'installait à nouveau en face de Noah avec un petit sourire. Si seulement elle savait. Le prédateur de la soirée prit l'une des quatre cartes laissées par le serveur, dissimulant ainsi le léger sourire carnassier qui étirait ses lèvres avec une subtilité telle qu'on pouvait en venir à douter de ce sourire. Tout dans la nuance. "J'opterai bien pour une salade de gésiers en entrée." Avec sa petite idée en tête, Sydney semblait également vivement intriguée par l'ami de Noah et Noah lui-même. Attention, il y a une nuance entre être cultivée et être futée... et Sydney était très, vraiment très futée. "Cela fait longtemps que vous vous connaissez, tous les deux ?" demanda-t-elle en regardant aussi la carte, un sourcil arqué naturellement. Pour l'instant, elle ne cherchait pas ce qui la mettait en appétit mais elle faisait plutôt la chasse aux plats trop caloriques... et de toute évidence, vu l'air concentré de Natasha, les deux femmes s'adonnaient à la même activité.

Pendant qu'elle parcourait la carte, Sydney finit tout de même par relever légèrement la tête en entendant Noah surenchérir à propos de son identité. En même temps, ce n'est pas comme s'il n'avait rien tenté pour qu'elle découvre seule la vérité, elle n'avait pas été suffisamment futée sur le coup afin de deviner par elle-même. Comme beaucoup de femmes à sa place, elle aurait pu se sentir vexée ou mal à l'aise d'avoir été jouée de la sorte, cependant, rien de tel ne s'afficha sur son joli minois. Au contraire, c'est plutôt une moue attendrie par la politesse remarquable de Noah qui prit empire sur ses traits. Elle déposa sa main sur celle de l'écrivain puis lui adressa un sourire confiant et gentil. "Ne vous en faites pas pour ça... à votre place, j'en aurais fait autant." Le blondinet avait bien raison, Sydney n'était pas d'une nature foncièrement rancunière. Volage d'hommes et d'esprit, rares étaient les fois où quelqu'un arrivait à la vexer au point qu'elle se mette à lui en vouloir plus de deux heures d'affilée. Certains la jugeaient naïve pour posséder cette facilité de pardon, Sydney préférait répondre que la vie est trop courte pour en vouloir sans cesse aux autres pour des raisons parfois futiles.
Quoiqu'il en soit, une chose n'avait pas échappé à Joe : celui-ci avait furtivement posé son regard sur la main de la fashionista déposée sur celle de son cher Noah... Silencieux, il n'ajouta rien à cela mais l'ombre d'un nouveau sourire se mit à poindre sur le bout de ses lèvres. D'ici ce soir, cette charmante jeune femme aura en main le reste du corps de son ami, l'éditeur semblait s'en être fait une mission secrète. Tout à l'heure, l'écrivain avait souligné que cette jeune femme n'était qu'une connaissance rencontrée quelques heures plus tôt afin d'en apprendre plus sur les coutumes du pays. "Et de tous les guides touristiques de San Francisco, tu as dégoté une jeune et jolie blonde à la robe haute couture indécemment courte, à la poitrine opulente et aux jambes fines...? Allons bon, pas à moi. Arrêtes un peu de prendre toutes les femmes vraiment intéressantes pour tes amies. Prends les tout court." ajouta-t-il dans ce murmure à une voix démesurément basse qui échappa totalement à Natasha et Sydney. Joe dans toute sa splendeur... avec un langage aussi fleuri que salace et parfois à l'encontre de toute forme éventuelle du mouvement féministe. Dire qu'il considérait souvent les femmes comme de jolis objets à utiliser ou à exposer ne semblait pas irréel, apparemment.

L'Egyptienne finit enfin par se décider pour une salade composée dont elle avait égrené le moindre petit aliment composant afin d'être certaine que son régime n'en souffrirait pas. Les seules calories qu'elle s'autorisait, elles se trouvaient dans les desserts. La jeune femme referma la carte puis la déposa dans son assiette afin que le serveur puisse la récupérer avec celles des autres lorsqu'il passerait. Elle prit son cocktail à la main et le termina lentement, buvant avec précaution comme dans n'importe quel milieu aristocratique. La dénommée Natasha leva la tête vers Noah suite à sa question... tandis que Joe venait de poser son regard dans le vide avec un air blasé et un léger rire jaune. 1-0 pour Noah. "Je connais Joe depuis un mois, environ. Je l'ai rencontré à un des défilés de Milan, j'y assistais avec mon compagnon. Mais depuis que celui-ci s'est fait renvoyé de son travail, je l'ai quitté. Et ce soir, je fête ceci dignement." ajouta-t-elle en trinquant avec l'éditeur. Sydney les regarda faire en silence puis plissa très sensiblement les yeux en observant le regard de prédateur avide affiché par Joe, suspicieuse... La tante de Max aurait mis sa main à couper que le licenciement du précédent petit ami de Natasha n'était pas étranger au fait qu'elle fréquente l'Anglais ce soir. Serait-il assez insensible pour briser un couple dans le seul but de s'envoyer en l'air avec la demoiselle...? Un fin sourire ourla les lèvres de Sydney. De toute évidence, entre Noah et Joe, c'était le jour et la nuit.
Elle se tourna vers sa voisine puis prit un air vivement intéressé. "Vous êtes mannequin, ou simplement intéressée par la mode ? - J'ai été mannequin, mais depuis deux ans, je travaille comme styliste. - Moi aussi !" L'éditeur termina sa coupe de champagne en observant les deux femmes avec recul. "Comme quoi, cette soirée prouve que nos goûts en matière de femmes sont voisins... Natasha, je pense que si vous n'aviez pas passé la soirée en ma compagnie, ce cher Noah aurait volontiers tenté sa chance. C'est donc vous la veinarde, mademoiselle Khelos." ajouta-t-il avec un petit clin d'oeil. Joe savait pertinemment que leurs goûts féminins étaient séparés par un fossé béant. Mais Sydney commençait déjà à poser un regard légèrement différent sur Noah... comme si elle commençait à se dire que l'écrivain cachait très bien son jeu. Inconsciente, pour le moment, que ce meilleur ami ne faisait que démarrer le jeu des manipulations. "Et vous, monsieur Clives, qu'écrivez-vous comme livres ?"

Sydney n'avait pas manqué l'interruption de paroles de Noah qui devait lui aussi avoir senti le coup fourré qui aurait pu être orchestré par son éditeur... Natasha haussa les épaules avec un sourire charmant. "Ce n'est rien, ne vous inquiétez pas. S'il a réussi à se faire virer en un coup de fil, cela voulait dire qu'il n'était peut-être pas aussi fiable qu'il en avait l'air." Le regard fixé sur la jeune femme, Sydney tourna la tête au moment où Joe reprit la parole. "Dieu merci, certains sont plus professionnels et ambitieux que d'autres." Le jeune « couple » trinqua alors que la blondinette fixait le meilleur ami de Noah avec un sourcil arqué. Là, elle en était désormais sûre et certaine : il était à l'origine de ce renvoi immédiat. Elle surprit même un regard amusé de Joe à son meilleur ami, un peu comme Satan en personne s'amuserait à ruiner quelques vies ou histoires d'amour en ayant à composer un numéro de téléphone. Surprise ? Elle l'était, cela va sans dire. Impressionnée ? Sans aucun doute. Presque admiratrice de ce que le pouvoir et la richesse peuvent offrir comme passe-temps... Malgré une nature foncièrement gentille quoique maladroite, insouciante et dénuée de tout tact, l'Égyptienne convoitait cette sorte de puissance que seul l'argent et la détermination peuvent apporter. Elle n'était pas une manipulatrice compulsive, mais il lui arrivait souvent de manigancer afin de parvenir à ses fins dans certaines situations corsées. Allez demander à ceux qui avaient été témoins de sa première entrée officielle sur les podiums des défilés de Barcelone... Une vraie Mata-Hari, quand elle s'y mettait. Du coup, lorsqu'elle croisait des gens avec une telle influence, Sydney avait l'impression de tomber en adoration totale, bien que certains se soient joué d'elle à ses dépends par ce biais.
Ainsi, lorsque ses yeux se posèrent sur Noah, une étrange impression l'envahit. Le voir recracher son verre en protestant qu'il n'était pas tel que son voisin de table le décrivait fugacement, cela ne fit que renforcer les soupçons qui naissaient en elle. L'écrivain était-il vraiment aussi naturel, un peu maladroit et gentil qu'il en avait l'air... aussi droit qu'il le prétendait ? Être assis à côté d'un prédateur insensible en puissance n'arrangeait pas les interrogations de la Bêta qui se demandait si le grand blond ne se jouait pas d'elle davantage qu'il voulait bien le reconnaître. Si tel était le cas, il était un séducteur encore plus redoutable que Joe. Séduire n'a pas qu'une incidence amoureuse... ces deux hommes formaient peut-être l'un de ces tandems de manipulateurs qui se renvoient la balle jusqu'à atteindre un objectif commun. Pendant quelques minutes, la styliste se mit à observer les moindres faits et gestes de celui qui l'invitait à dîner comme pour essayer de repérer une éventuelle faille qui laisserait entendre qu'il ne faisait que jouer un rôle admirablement bien mené. Un léger silence s'installa lorsque Noah eut fini de répondre à Natasha et que le serveur dépose devant chacun d'entre eux une assiette avec leur commande. Absorbée par ses pensées, la soeur de Dominic n'avait pas détaché une seule fois ses yeux de Noah... Elle ne s'aperçut même pas que Natasha la regardait suite à l'invitation que Noah avait formulé pour la conduire à répondre plus personnellement sur la nature des ouvrages dont il était l'auteur. "Mademoiselle Khelos, il y a un problème ?" La jeune femme papillonna des yeux en secouant la tête. "Hein, quoi ? Oh, pardon... j'étais... perdue dans mes pensées. - Oui, cela m'avait tout l'air d'être vos pensées qui flottaient dans ces yeux émeraude." ajouta Joe en glissant un léger regard satisfait à Noah pour ensuite picorer dans son assiette comme si de rien n'était. Une curieuse ambiance commençait à s'installer autour de la table.

Après quelques bouchées, la jeune femme regarda Natasha en haussant les épaules. "A vrai dire, je n'ai pas lu une seule ligne de ce que Noah a écrit... c'est sûrement très joli, mais ça manque d'images." Un rire parfaitement étouffé franchit les lèvres de Joe, si bien maîtrisé qu'aucune des deux femmes ne put le remarquer. Sydney et sa délicatesse naturelle... "Par contre, mon neveu adore ses bouquins, c'est vrai ! En fait, je vais sûrement me faire gronder en rentrant chez moi ce soir parce que j'aurais mis du temps à les lui rapporter !" Natasha se mit à rire doucement, Sydney également... mais Joe, un peu moins. Il souriait, mais comme un hypocrite confirmé le ferait à l'aube d'un mauvais coup. "Croyez-moi, mademoiselle Khelos : plus votre neveu attendra et plus la lecture lui sera passionnante. Prenez le temps de profiter de votre soirée." A ces mots, Sydney entrevit un léger coup de coude subtil adressé à Noah de la part de l'Anglais qui reprenait ses couverts pour couper les gésiers qui se trouvaient dans son assiette. La Bêta arqua un sourcil puis se pencha un peu plus vers Noah, décidée à passer à l'attaque pour le questionner sur sa réelle personnalité... puisqu'avec ces insinuations, elle commençait sérieusement à douter de la bienveillance attachante qui émanait pourtant de lui depuis qu'elle l'avait croisé dans cette librairie. "Noah, vous prévoyez d'écrire un nouveau livre, d'ici peu de temps ? Une source d'inspiration particulière ?"

Sydney n'était pas cultivée, du moins pas au niveau littéraire... s'en sentait-elle complexée pour autant ? Certainement pas. La seule chose qui pouvait la faire éventuellement complexer, c'était son physique qu'elle prenait tellement de temps à entretenir et jusque là, rien n'avait su lui faire de l'ombre, à ce corps de déesse. En face d'elle, il y avait deux hommes dont les références et les connaissances combinées pourraient former un dictionnaire complet selon ce que la blondinette s'imaginait. Pourtant, elle ne prit pas leurs rires de travers en tapant une crise sur le fait qu'ils pouvaient éventuellement se moquer : pour qu'elle soit vexée, il aurait fallu qu'elle vive mal le fait de ne rien savoir des œuvres littéraires de Noah. Ce qui comptait le plus pour l'Égyptienne, c'est qu'elle soit ravie d'avoir fait la connaissance du trentenaire puisqu'il devenait de plus en plus intriguant au fil de ce dîner. Tant et si bien qu'elle ne put s'empêcher de sursauter de surprise lorsqu'il se mit à lancer très fort qu'elle ne deviendrait pas sa nouvelle Muse. Ni même qu'elle en avait envie. La Bêta arqua un sourcil sceptique et légèrement blasé... typiquement anglais. Comme quoi, ses racines commençaient tout doucement à prendre de la place dans son attitude. "Je ne savais pas que j'étais aussi désuète à vos yeux." Attention : emploi de mot savant ! Et il était adapté au contexte, celui-là ! Champagne pour tout le monde, aujourd'hui est un jour à marquer d'une pierre blanche. Sydney se recula sur sa chaise et croisa ses bras sur sa poitrine tout en fixant son interlocuteur avec une intensité toute particulière, curieuse de savoir ce qu'il allait trouver pour bien vouloir s'excuser. Cette maladresse eut au moins le mérite de lui faire penser que Noah n'était tout simplement pas à l'aise avec les femmes... et que cette attitude n'était pas le fruit d'un plan machiavélique pour cumuler les conquêtes comme cela semblait être le cas pour son voisin de table qui ne cessait d'observer sa conquête avec un regard de prédateur dominant. A côté de lui, l'écrivain semblait être un chétif et innocent garçon qui tente tant bien que mal de se faire comprendre sans faire de bourde. Trop chou. Pour un peu, elle se serait levée pour lui pincer ses joues rougies par la gêne.
En revanche, elle fronça très légèrement les sourcils face à la divergence d'opinion des deux hommes sur les conditions d'abandon du dernier roman de Noah. Sydney fut tentée de mettre les deux pieds dans le plat en rajoutant une couche pour avoir le fin mot de l'histoire, toutefois elle préféra s'abstenir. L'écrivain avait piqué du nez dans son assiette pour la terminer en silence, idem pour Joe. Le blondinet s'était déjà mis dans un embarras répété alors qu'ils n'en étaient qu'à l'entrée... attendons le dessert pour lui faire remonter le rouge aux pommettes. A moins qu'une autre gaffe ne s'en charge.

Sydney regarda Noah puis posa sa main sur la sienne. "En tout cas, je peux vous garantir que je suis une très bonne source d'inspiration pour les cas désespérés..." N'y voyez pas de la méchanceté dans le fait qu'elle le taxe de cas désespéré, il ne s'agissait une fois de plus que de sa façon toute particulière de s'exprimer. Cambrée sur sa chaise, elle capta le sourire léger affiché par Joe qui avait avisé ce rapprochement et l'allure de l'Égyptienne. "C'est à n'en pas douter... c'est mon Noah qui en a de la chance !" Alors que l'éditeur terminait son assiette en conversant sur un sujet banal avec Natasha, Sydney se leva de table et chassa les plis de sa robe d'un geste sensuel qui, une fois encore, n'échappa pas à Shark. "Noah, vous voulez bien m'accompagner ? J'aimerai avoir des dédicaces de vos livres, avant que j'oublie de vous en demander." Sans attendre sa réponse, elle le tira par la main pour le forcer à la suivre. Idem pour la petite tape dans le bas du dos que lui adressa Joe avec un regard insistant comme pour l'engager à ne pas se dérober. Connaissant l'éditeur, il y aurait vu l'occasion d'entamer les préliminaires... ne restait qu'à espérer que son chaste bichon soit suffisamment dégourdi pour agir de cette manière.
Lorsqu'ils se retrouvèrent seuls, Sydney attira le Britannique dans un couloir puis s'assura que le couple avec qui ils mangeaient ne les voyaient pas. "Votre ami veut nous caser ensemble, ça se voit à des kilomètres." lui lança-t-elle au débotté. "Et vu votre adorable teint de pêche qui a tendance à virer à la tomate, ça vous met mal à l'aise. Pourtant, il n'y aurait pas de quoi, trésor..." Sur ces bonnes paroles, elle fit voyager son index sous le menton de l'écrivain puis sur le haut de son torse tout en laissant échapper un rire léger et franc. La fashionista vérifia une nouvelle fois que personne ne les voyait ni ne les entendait puis elle fixa son interlocuteur dans les yeux. "Si on s'amusait à notre tour avec lui ? Histoire de ne pas être deux marionnettes comme il pourrait l'imaginer ?" Une main sur sa hanche, un léger sourire machiavélique s'empara de ses lèvres pulpeuses. Se faire draguer, Sydney n'était jamais contre. Mais être considérée comme acquise, elle en avait une sainte horreur. "Deux plans me viennent. Soit on fait mine de flirter l'un avec l'autre et à la fin du dîner, on lui colle la honte. Soit on inverse les rôles : vous flirtez gentiment avec sa copine et moi je flirte avec lui... et à la fin, nous les lâchons tous les deux pour les finir en beauté." Elle s'avança vers lui avec un visage rompu par la malice. "Natasha est trop peu maligne pour voir le coup venir... mais votre ami, lui, il va voir le danger. Puis si on fait mine de flirter tous les deux, vous et moi, ça risque d'être assez drôle de le voir nager dans son jus de satisfaction. Alors, ça vous tente, l'un des deux plans ?" Quitte à pimenter la soirée pour s'amuser aux dépends d'un homme qui se croit entremetteur professionnel, autant le faire à deux. L'Égyptienne espérait seulement que Noah serait assez emballé pour se prêter au jeu et éviter de devenir la marionnette de Joe.

S'il y a une chose que Sydney a appris des séducteurs, c'est qu'ils sont plus vulnérables lorsqu'on entre dans leur jeu. Leur résister est une futile tentative de se dérober car sitôt on marque un pas en arrière, le séducteur en fait deux pour nous rattraper et nous garder contre lui. Ce soir, elle avait compris qu'ils étaient en compagnie d'un véritable maître en la matière, un homme d'expérience et de toute évidence chaud comme la braise... un prédateur qui connaissait les femmes sur le bout des doigts. Aussi bien au sens figuré qu'au sens propre. Lui échapper serait difficile, mais le berner était très largement à sa portée. Malgré ses vingt-et-un ans, la blondinette avait une expérience de ces messieurs qui pourrait faire pâlir bien des femmes mûres. Était-elle une fille facile pour autant ? La belle se plaisait à le faire croire, ne serait-ce que pour mieux piéger les hommes qui l'intéressent. Ce soir, Joe avait décidé de la prendre pour une fille aussi naïve et banale que la belle Natasha qui finirait dans ses bras... grave erreur. Il avait eut le culot de vouloir la caser à tout prix avec un homme qui avec son charme naturel aurait pu lui faire passer une excellente soirée sans devoir être poussé à bout par les soins de son meilleur ami. En le voyant tout paniqué de se retrouver seul avec elle dans un couloir sombre et isolé, la fashionista ne put retenir un grand sourire amusé : elle adorait cette sensation d'imprévu qu'elle pouvait créer chez les hommes les plus « réticents ». Quoiqu'il en soit, il ne mit pas beaucoup de temps à surenchérir sur le comportement difficilement gérable de son éditeur... à l'entendre parler, on pourrait presque se demander ce qu'il lui trouvait qui puisse faire qu'ils se considèrent l'un l'autre comme meilleurs amis. Elle afficha une petite moue désolée en tapotant son épaule. "Pauvre petite chose... et vous n'avez jamais pensé à lui en présenter aussi ? Ça l'occuperait, et vous auriez la paix le temps qu'il puisse conclure." Elle leva les yeux au plafond en faisant mine de réfléchir. "A sa façon de parler avec Natasha, ça vous laisserait une petite heure, assez pour fuir et vous barricader chez vous." ajouta-t-elle en pouffant de rire. Elle repensait à une série télé qu'elle adorait, How I Met Your Mother... avec un certain Barney qui voulait toujours caser son ami Ted avec de belles inconnues. Sa technique phare ? Tapoter sur le dos de l'inconnue, lancer un magistral "Haaaave you met Ted ?" et s'en aller en les laissant faire la conversation, bien obligés. Cette technique, Noah aurait largement pu s'en servir comme diversion.

En voyant le sourire se dessiner sur les lèvres de l'écrivain, Sydney ne put retenir un petit « Yeees !» surexcité avec un petit bond pour couronner le tout. S'il marchait dans le jeu, il allait en prime pouvoir donner une sacrée leçon à Joe... cela ne lui passerait peut-être pas l'envie de recommencer à long terme, mais disons que la méfiance sera sûrement de mise à l'avenir. "Polissonne ? Oui, on me l'a sans doute déjà dit... les gens aiment bien ma façon de marcher." Et techniquement, c'est à ce moment qu'un bruit de vent qui souffle dans le désert résonne, soulignant ainsi le moment de solitude de Noah. N'ayant jamais entendu ce terme auparavant, elle n'avait pas la moindre idée de ce que cela voulait dire et avait dû improviser. Mauvaise improvisation, en somme. On ne peut pas placer « désuète » de façon appropriée et comprendre l'adjectif « polissonne » dans la même soirée. Deux miracles d'un coup, même Dieu trouverait ça abusé. L'Égyptienne adressa un clin d’œil à son complice puis déposa ses deux mains sur ses hanches. "Ne vous en faites pas pour ça... je suis suffisamment bonne à ce jeu-là pour nous deux. Ça viendra tout seul, vous verrez, ayez confiance."
Alors que Noah allait repartir avec elle, Sydney le retint par le bras et se fixa avec les yeux écarquillés comme si elle avait oublié quelque chose de capital. "Attendez, on ne peut pas y retourner comme ça." Elle le tira à nouveau vers elle puis se mit sur la pointe des pieds pour atteindre sa chevelure blonde et bouclée. En quelques savants mouvement de mains, elle désordonna légèrement ses cheveux sans pour autant qu'il passe pour quelqu'un de négligé. Ensuite, elle desserra le nœud de sa cravate et déboutonna un autre bouton de sa chemise. Enfin, elle s'approcha de lui avec un sourire. "Ne bougez pas, j'apporte la touche finale." Sydney l'attira à elle puis appuya ses lèvres sur sa joue, assez proche de sa bouche sans pour autant l'effleurer afin d'éviter qu'il prenne peur, le pauvre petit blond. Le petit plus de la séductrice ? Elle embrassa le col de la chemise de son complice afin d'y laisser une seconde marque sur ce vêtement. Position stratégique revue et corrigée dans tous les films ou les séries télévisées. La Bêta recula et déposa ses mains sur ses hanches avec un air satisfait. "Voilà, vous êtes parfait ! Il ne faudra plus qu'un petit air essoufflé pour lui faire croire que vous et moi avons entamé les préliminaires pendant cette séance de dédicaces !" Soucieuse du moindre détail, elle n'était pas styliste pour rien. Elle se regarda dans la glace puis détacha aussi ses cheveux pour y apporter un léger effet négligé en les gonflant, soignant son décolleté pour donner l'impression que des mains baladeuses s'y étaient attardées. "Et voilà... Bon, on y va, joli coeur ?" Sydney se posta à ses côtés avec un regard de conquérante et on ne peut plus amusé par la situation qui se profilait. Elle présenta son bras au gentleman anglais et ensemble, ils marchèrent dans le restaurant pour regagner leur place... avec un tout nouveau rôle à jouer pour piéger le prédateur Shark.