J'avais décidé de me reprendre en main, de reprendre une rythme de vie le plus posément possible et me maintenir physiquement. Après avoir subi une greffe de moelle osseuse et pouvant reprendre une activité  sportive, je ne me fis pas prier pour aller courir. Autant commencer doucement non ? Il était très tôt 6h30, un lundi matin que je me rendis au parc pour quelques foulées. Le temps était quelque peu triste. Grisaille et brouillard entremêlés, mais qui annonçaient par la même occasion qu'il n'y aurait pas grand monde dans les parages. Un moment de tranquillité assuré. Chaussant mes baskets après avoir enfilé mon survêtement, je pris également mon I'Pod que j'avais soigneusement rechargé la veille au soir. J’étais donc fin prête !
Au volant de ma berline allemande, je me dirigeais donc au parc. Habitude reprise depuis près de deux semaines déjà. Tel un rituel. Seules deux , trois voitures étaient stationnées. Le jour se lèverait d'ici une bonne heure, j'avais donc tout le temps pour m'échauffer avant de partir parcourir les sentiers humides. Fermant mon véhicule à distance, je mis la clé dans l'une de mes poches avant de faire quelques étirements.  Je fis une queue de cheval afin d’être en meilleures conditions et me voilà foulant le sol, musique entraînante dans les oreilles. Je commençais légèrement, n'ayant pas courut depuis plus de deux ans, avec ma maladie, mais ce fut comme si je n’avais jamais cessé de courir, je reprenais doucement cette activité que j'aimais tant et cela me réjouissait.
Je fis le vide dans mon esprit , prenant soin de bien inspirer et expirer mais au bout d'une petite demi heure à peine, je me sentis à bout de force. Je ralentissais donc jusqu'à marcher toujours en gérant au mieux ma respiration. Je continuais de suivre l'un des circuits que beaucoup empruntait. Les sentiers se rejoignaient tous, la seule différence étaient leur longévité. Il y avait des petits, moyens et grands parcours. M'étant remise, telle une débutante dans ce domaine, j'avais entrepris de reprendre au pied de l'échelle. Après un certain temps et quand je serais apte à terminer le plus court circuit , alors là je pourrais passer au stade supérieur. J'avais beau avoir de la motivation, j'étais aussi triste et amère que le temps brumeux de ce matin. Je me boostais même toute seule , me parlant à voix haute pour me remotiver et ne pas  me laisser entrainer par la mélancolie ou la tristesse. Je devais à tout prix retrouver cette hargne pour me redonner du courage et une force de vaincre à toute épreuve !
« Allez Emy booste toi un peu ma vieille ! »Sur ce, je relevais les yeux et visais un point invisible dans la brume. Mais le souffle coupé  sentant la pointe de côté arrivée je fis une légère pause près d'un banc  à m'étirer de nouveau prenant appui sur celui-ci sans me douter si quelqu'un était dans les parages ou non ? Et quand bien même ? Je m'en fichais pas mal...je n'étais pas d'humeur à converser...

Je me motivais de façon à ne rien lâcher et à poursuivre dans cette voix de bienfait commençant par la reprise du sport. Le jogging pour travailler ma respiration et mon endurance dans un premier temps avant de plus tard reprendre la boxe. Et peut-être même l’équitation qui resterait cependant un hobby avant tout. La pointe de côté s'évaporait peu à peu, j'allais reprendre mon entraînement, avant quelques étirements et mes oreillettes de nouveau en place mais une voix à mon encontre me fit me stopper dans mon élan. Tournant légèrement la tête de trois quart sur mon profil gauche, je vis un jeune homme, que je ne connaissais nullement, ne passant plus toutes mes journées à étudier à Berkeley. Trop concentrée je n'avais même pas remarqué la présence sur ce banc à mes côtés...je fus étonnée qu'il s'adresse à moi et encore plus avec ce passage de lecture, œuvre de Shakespeare, auteur que j'appréciais grandement.
Ce jeune homme semblait s'y connaître en littérature mais était aussi très observateur. Je respirais doucement afin de reprendre un souffle normal alors que mon sourire s'étira à sa remarque. Fumeur et donneur de conseils à la fois. Quelle ironie ! J’étais assez de bonne humeur même si j'avais encore du mal à retrouver mes habitudes du passé et ma cadence. Deux ans sans pratiquer de sport, excepté la folle course de ma villa à l’hôpital pour les séances de chimiothérapie et tant d'autres choses que j’avais laissé cette envie de surpasser mes limites. Mais maintenant, j’étais prête à affronter le monde de nouveau. J'avais eu une seconde chance et je me devais de ne pas la gâcher même si mon organisme s'en était remis au final, ayant toutefois été proche de mort. Mais mon cœur lui, serait brisé à tout jamais.
A demi-pliée afin de retrouver un rythme cardiaque stable , je ne pus m’empêcher de me redresser, mains dur chacune de mes hanches faisant un pas vers lui. Venait-il souvent, -chaque matin- ici pour prendre son petit déjeuner ou bien venait-il ici pour m'épier ? Je devrais peut-être changer de sentiers parfois, ne pas avoir toujours les mêmes habitudes. Et s'il s’agissait d'un détraqué ? Je devenais méfiante tout à coup surtout qu’il avouait avoir bu et toujours être sous l'emprise de l’alcool. « Ce serait plutôt à vous de faire attention. Une chute dans ce brouillard, ivre ça pourrait vous engendrer tout un tas de soucis non ? » "Ne lui fait pas la conversation Emy tu risquerais de le regretter." Non que j’avais peur mais disons que je restais sur mes gardes. Je savais me défendre, ayant pratiqué pendant des années la boxe, mais dans mon état je ne devais pas forcer. De l'endurance, certes, mais pas d'effort surhumain pendant une année. Ce temps me paraîtrait bien long. Mais ce fut plus fort que moi.« Comme ça vous veniez tous les matins ici ? Est ce la vue qui plaît autant ou bien le calme qui peut régner ici si tôt ? »Voilà ma pointe de côté s'était volatilisée, et je redressais respirant à plein poumons tout en levant les bras pour quelque étirement. Je ne savais comment me tenir avec lui. Je le regardais terminer sa cigarette avant de m’approcher jusqu'à me retrouver face à lui, baissant les yeux sur sa personne. « Vous devriez laisser la cigarette pour le sport, ça décompresse pour pas mal de choses. Et puis vaut mieux être sous l'emprise de l'effort que du tabac et de l'alcool. Surtout au petit matin. Enfin c'est vous qui voyez. »J’allais m’apprêter à reprendre ma course d'ici peu...mais au moment de reprendre mes foulées je me retournais vers lui.« Il y a ..il y a une petite chose qui m'intrigue...Comment ça se fait que je ne vous ai jamais vu à l'inverse de vous ? »Je faisais attention à qui je pouvais croiser, sans toutefois appuyer mon regard sur chacune de mes rencontres même brève soient elles mais j’étais plutôt physionomistes...J’aurais du donc le reconnaître ou son visage aurait du m'interpeller ce qui ne fut nullement le cas...étrange...