J’avais passé la soirée avec Aiden, et ça m’avait fait du bien. Ça m’avait fait réaliser qu’il ne fallait pas que je me roule dans ma carapace, et que je m’éloigne de mes meilleurs amis. J’avais déjà parlé à Jorden, mais je ne l’avais pas fait avec Erwan, qui lui est tout de même mon vrai meilleur ami. Je lui avais parlé il n’y a pas longtemps sur la messagerie instantanée, et on s’était convenu pour se voir un de ces jours. Alors dès que je me suis réveillé aujourd’hui, je lui ai envoyé un message. Espérant du plus fort que je pouvais, qu’il serait libre pour qu’on parle. Car oui, je l’avoue enfin : j’ai besoin de parler. Parler de tout ce que je vis en ce moment, et de ce que je peux ressentir. Je peux étudier la psychologie, mais ce n’est pas suffisant pour se remonter soi-même le moral. A mon plus bonheur, il me répondit qu’il était libre. Je me levais d’un coup. Et sans même prendre une douche, je remis les vêtements de la veille. J’envoyais un message pour lui dire où me retrouver, et je sortis. Je me dirigeais vers les salons des Epsilons. Jorden m’avait aidé pour que j’y aie accès. Au cas où si je voulais lui parler, ou venir avec quelqu’un pour en parler. On sait tous que ces salons sont ceux avec l’accès le plus privatif de toute l’université. Ce qui est plutôt pas mal si on veut parler avec son meilleur ami, de sa nouvelle orientation sexuelle. Sans qu’on ait peur que quelqu’un traine ses oreilles pas très loin. Bien vite, j’y fus. Je choisis un salon. Celui où je me trouvais le plus confortable. Et enfin choisi, je m’y installais. Je pris mes aises. Après tout, j’ai bien besoin de cela pour bien pouvoir parler à mon meilleur ami. Il faut que je sois à l’aise. Je sortis de mon sac un whisky plus une glace tout juste sortie de mon réfrigérateur. On allait être bien là. Je fus très fier de moi. Alors que je ne devrais pas l’être. Autant pour la glace, ce n’est pas grave, à part si nous sommes au régime. Mais le whisky, on devrait s’en passer. Seulement je ne peux pas moi. Quoique je mange, j’ai besoin de ma boisson à côté. Et cela, même en dehors des repas. Je devrais arrêter, mais je n’ai pas la force pour. Et c’est connu que les cures de désintoxication ne servent à rien si on ne le souhaite pas au plus profond de soi. Alors j’attends. Mais d’ici là, j’ai le temps de mourir à cause de toutes ces boissons. Ou mourir de honte à cause de ma sexualité. Au choix. Erwan était arrivé, et par message il me demandait où j’étais. Je sortis donc de la salle, pour le rejoindre. Et une fois devant lui, je fus très hésitant. Je ne savais pas trop si je pouvais le prendre dans mes bras ou pas. Maintenant qu’il savait pour moi. Est-ce qu’il le prendrait comme avant ? Ou alors il trouverait ce geste trop déplacé ? J’optais alors pour un coup de main. Ce que je trouvais très bizarre comme geste. C’était trop formel, alors que je ne suis pas comme ça avec mon Alpha normalement. Les petits mots doux, et les câlins c’est habituel chez nous, normalement. Mais ma sexualité fait changer beaucoup de choses…

En attendant mon meilleur ami, s’il était toujours ça, j’écoutais de la musique. J’avais une seule oreillette de branché à mon oreille, pour entendre si Erwan débarquait. J’écoutais une chanson en boucle. Je ne savais pas trop pourquoi cette chanson, car ce n’est pas du tout le genre de chansons que j’écoute normalement. Mais en ce moment elle m’inspirait. J’avais même commencé à essayer de la jouer à la guitare, mais j’avais énormément de difficultés. Elle n’est surement pas faite pour être joué à la guitare. Pourtant j’aurais aimé pouvoir la jouer, et trouver une chanteuse. Je ne cherchais pas à créer un groupe. Je cherchais seulement à garder une quelconque activité extra-scolaire. J’avais laissé tomber le sport, et la musique était la seule chose qui me passionnait encore un petit peu. Malgré l’alcool qui coule continuellement dans mon sang. J’avais même pensé à prendre des cours de chant, ça serait tellement plus simple pour moi. De pouvoir chanter les morceaux que je joue. Au lieu de toujours compter sur un chanteur à côté. Enfin, j’entendis mon ami arriver. Je stoppais donc mon lecteur audio, rangeais le tout dans mon sac. Une fois face à Erwan, je ne savais pas du tout comment le saluer. J’avais peur de lui faire un câlin, comme nous avions l’habitude de faire auparavant, et qu’il le prenne mal. J’avais tellement peur que tout soit pris avec de l’ambiguïté maintenant… Pourtant, tout cela ne devait être que de la parano venant de moi. L’alpha me demanda si je voulais qu’on reste là, ou qu’on aille ailleurs. Il a quoi l’endroit ? Ça ne lui plait pas ? Ne comprend-t-il pas que j’ai besoin d’un endroit un peu isolé pour lui parler ? Ou alors c’est le fait que ce soit un peu isolé qui l’effraie. Je plissais les yeux, avant de lui répondre, d’un ton franc, limite agressif. « Ça va je ne vais pas te sauter dessus ! » Il n’avait rien dit là-dessus, mais l’alcool me rendait légèrement paranoïaque. J’avais vraiment eu l’impression qu’il suggérait cela. Que je l’avais fait venir ici, dans un seul but : lui sauter dessus. Mais c’est mon meilleur pote. Je ne peux tout simplement pas être attiré par lui. Bon, il est vrai qu’il est un homme plutôt appétissant, mais je ne peux tout simplement pas être attiré par lui. Je le connais trop bien pour vouloir m’entacher de lui. Je prierais même tous les soirs, à partir de maintenant, pour que je ne tombe pas amoureux de lui. Là, ça serait trop awkward, et je ne voudrais pas le perdre. Je grimaçais un petit peu. « Excuse-moi. » Je regardais autour de nous. C’est vrai que ce n’est pas du tout commun de donner un rendez-vous à quelqu’un ici, mais tout le monde sait que je fais dans l’originalité. Surtout depuis que je suis alcoolique. L’alcool rend mes idées pas du tout clair, et pas du tout net. « C’est juste que je me vois mal te parler avec pleins de monde autour… et des oreilles qui pourraient écouter. Ici, je suis presque sûr que notre conversation restera bien qu’entre nous deux. » Mais si ça le mettait vraiment mal à l’aise, je ferais bien un petit effort pour lui, et nous irions autre part. Après tout, tout le monde sait pour ma sexualité maintenant… Certes, mais je ne veux pas que le reste les autres le sachent. Ma vie n’est pas publique.

Moi-même je n’arrive pas à comprendre mes réactions. Je n’arrive même pas à les contrôler. En ce moment je suis plutôt du genre à passer à l’acte, pour ensuite réfléchir. Ce n’est qu’après que je me rends compte de mes propos, et des actes que je peux faire. Je ne fais que des conneries, et je ne fais que dire des conneries. Je deviens agressif, insupportable. Je m’en veux. J’aimerais changer, mais je n’y arrive pas. Et ce n’est pas en continuant à boire que je vais réussir à changer. Enfin bon, là, n’est pas le problème. Le problème pour l’instant c’est : Erwan. Mon meilleur ami qui semble très, trop distant même, depuis l’annonce de mon homosexualité. Et alors, même si je tombe amoureux de lui, qu’est-ce que ça lui fait ? Je sais très bien que j’arriverais à me contenir, que je ne lui sauterais pas dessus. Je le vois prendre un de ces fichus médicaments. J’aurais aimé dire quelque chose, j’étais sur le point de le faire, mais je suis très mal placé pour dire quoi que ce soit. Et pourtant… « T’as pas fini avec ces merdes de pilules ? » Et si monsieur veut me renvoyer la question avec l’alcool, qu’il le fasse. J’assume totalement. Après tout, nous sommes tous les deux au fond du trou. Je crois qu’on ne peut pas faire pire que le duo qu’on fait. Nous sommes pitoyables, et alors ? Vaut mieux l’être maintenant, alors que nous sommes encore jeunes, plutôt que de l’être plus tard. Une fois qu’on aurait une famille à charge, et un boulot. Pour le moment, il n’y a que les études sur nos épaules. On a bien le droit de lâcher la pression un petit peu. Jusqu’à ce que ça ne nous plombe pas trop la vie non plus. « Tu dirais quoi si je partais ? » J’y avais pensé depuis quelques jours. Quitter Berkeley, et revenir en France pour retrouver ma famille. J’y serais peut-être mieux là-bas. Seulement, ça serait bien dur de tout quitter. Quitter mes études, mais surtout mes amis. Tels qu’Erwan, ou encore Jorden. Et je passe tous les autres. Mais ces deux-là sont bien mes deux piliers ici. « Je veux dire… que je rentrais en France… » Il s’agissait peut-être là d’un simple coup de tête, mais j’y pensais. Et j’avais besoin d’en parler à mon ami. Je ne voulais plus parler de mon homosexualité. Qu’est-ce qu’il y avait à dire là-dessus ? Rien. Je ne comprends pas ce revirement de sexualité, alors à quoi bon en parler. Ca ne peut que me faire encore plus de mal : ne pas comprendre ce qui m’arrive.