Scott n'avait jamais eut un très bon sens de l'orientation. Il aimait se balader pourtant, étant bien loin du garçon qui passe ses journées chez lui sans se risquer à mettre le nez dehors. Non, il avait toujours aimé voir du pays, découvrir de nouveaux endroits. Il s'enrichissait de cette façon, mais entre s'enrichir sur ce plan et se perdre, pour lui, il n'y avait qu'un pas. Il était pourtant habitué aux grands espaces : sa propre maison, ou il avait grandit, était particulièrement vaste, par exemple. Cependant et même après vingt années d'existence, elle lui faisait encore parfois l'effet d'être un labyrinthe. Il ne s'y perdait plus, bien heureusement, mais il n'aurait sut dire exactement le nombre de pièces composant la demeure familiale en Angleterre. Berkeley, c'était plus nouveau et de ce fait, le sens de l'orientation défectueux de Scott reprenait le pas sur tout le reste. Il ne connaissait pas encore l'étendue du campus et avait la certitude que ce ne serait pas le cas avant plusieurs mois. Ce n'était pas forcément essentiel, d'ailleurs. Scott estimait savoir les choses importantes. Il avait en effet effectué un petit repérage de tous les endroits ou il était susceptible de vouloir se rendre, le complexe sportif en tête de liste. Il s'était efforcé de digérer un plan brouillon qu'il s'était dessiné pour ne jamais perdre de vues les grosses lignes. Ca marchait, plus ou moins. Alors que la semaine touchait à sa fin, le brunet pouvait en effet se vanter de n'avoir pas eut à se renseigner auprès d'un autre étudiant depuis la semaine précédente. C'était une petite victoire, pas de quoi sauter au plafond, mais une victoire tout de même et Scott avait l'optimisme de célébrer joyeusement chaque pas esquissé vers l'avant. Un jour, les choses seraient plus simples. Dans quelques années, il avait le projet de s'acheter une maison confortable et spacieuse, sans tomber dans l'excès, excès dans lequel il se faisait plus ou moins l'effet d'avoir baigné depuis sa naissance. Une petite maison, sans extravagance, un vrai chez-soit chaleureux. Chaleureux. En attendant, il était étudiant et il avait quelques heures à perdre sur le campus. Il ne fallait pas être un génie pour savoir comment il allait finir par s'occuper. Scott ne s'ennuyait jamais longtemps et son remède à l'ennui était toujours le même. C'était un remède qu'il avait découvert plus de quinze ans auparavant et qui avait révélé ses vertus magiques sur lui avec le temps : la danse classique. Plus que n'importe quoi en ce monde, la danse c'était son truc. Son sport, son moyen d'expression, sa raison d'exister, ou presque. La danse s'était avéré être au fil des années la réponse à presque tout pour lui. Ca marchait toujours. Un remède miracle, c'était définitivement une bonne image pour décrire ça. Un sentiment de plénitude, voilà ce qui le submergeait des pieds à la tête dès lors qu'il dansait et c'était peut-être le plus beau sentiment du monde à ses yeux. Il dansait par plaisir et le plaisir, il le retrouvait dans cette émotion chatoyante qui semblait le faire irradier de l'intérieur comme un soleil. Alors il dansait beaucoup et sans doute que c'était vers la salle de danse qu'il allait finir par se diriger en cette fin de journée, tout naturellement, sans même trop y penser. Comme guidé par son instinct. En attendant, Scott se baladait, ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles. Le campus était toujours bien vivant, ou du moins c'était l'impression qu'il avait. Il y avait toujours quelqu'un, peu importe l'heure. Cela ne cessait jamais, comme avait put le remarquer Scott alors qu'il avait quitté la semaine dernière la salle de danse à une heure particulièrement tardive. Il aimait bien cette agitation ambiante, il lui trouvait un côté serein, jovial. En cet instant, tout était accentué par la belle journée ensoleillée qui touchait à sa fin. Quelques semaines déjà que les cours avaient repris, voyant l'été se terminer au passage et le beau temps était toujours là, donnant davantage envie de sortir pour en profiter plutôt que de rester enfermé dans une salle à écouter un professeur balbutier sur un sujet X ou Y. Pour sa part, Scott ne se sentait pas particulièrement grincheux ou blasé. Il n'avait jamais été de ces gamins qui font la moue alors que la rentrée approche. Bien sûr, il portait une affection toute particulière aux périodes de vacances où il n'avait plus qu'à se laisser vivre, mais il n'avait pas non plus envie de se jeter sous un train à la perspective de retrouver les bancs de l'université et sa petite routine. Ca avait quelque chose de rassurant, de reproduire les mêmes gestes et puis, ce n'était pas non plus la prison. Une part restait libre pour l'improvisation.

A ce sujet, alors que raisonnait dans ses oreilles le dernier Maroon 5, Scott tourna sur la gauche, déviant de la trajectoire menant à la salle de danse. Il n'avait pas anticipé ce changement de direction et ne savait absolument pas ce qu'il allait faire. Le nez en l'air, il se lançait dans une nouvelle balade, sans but précis, sans objectif, le genre qu'il aimait bien car cela n'exerçait sur vous aucune pression. De l'avis de Scott, il était parfois bon d'agir sans réfléchir. Cela ne signifiait pas que l'inconscience devait dominer le reste des émotions, non. Mais, parfois, il était bon de lâcher un peu du leste. Scott lui était comme ça. Il était capable de se montrer particulièrement réfléchi, obstiné, solidement ancré au sol et puis, il pouvait décoller dans la seconde, s'arrachant au monde, comme flottant dans une bulle pour mieux se concentrer sur la légèreté avec laquelle il était possible de vivre sa vie. Cette faculté de se déconnecter était l'une de celle que Scott chérissait le plus. Il aimait être le garçon qui débarquait comme une fleur, sans penser le moins du monde aux gens qu'il pouvait croiser, aux paroles qu'il allait bien pouvoir prononcer, aux gestes qu'il allait adopter. Il était devenu à ses yeux assez doué pour improviser avec un naturel désarmant. Au bout de quelques minutes, Scott se retrouva devant la salle de musique. En cette fin d'après-midi, les salles se vidaient doucement, uniquement occupés par des étudiants ayant choisit d'être là, en dehors de leurs cours. Des heures supplémentaires, en quelque sorte. Virant un de ses écouteurs, Scott vint poser sa main sur la poignée de la porte, mais resta immobile quelques instants, ne la tournant pas de suite. A la place, il colla son oreille contre la surface quelques instants, puis s'exécuta, ouvrant la porte et pénétrant dans la pièce. Il vint glisser une main dans la poche de son jean et coupa le son de son portable, histoire de bien entendre. Une fille, qui devait avoir à peu près son âge, était à l'intérieure. Elle était seule, dans un coin de la pièce, face à lui, mais trop concentrée sur ce qu'elle était en train de faire pour lever les yeux sur lui et prendre conscience de sa présence. Elle jouait d'un instrument, l'air absorbé par sa mélodie. Scott alla s'accouder à un meuble, plissant légèrement les yeux, son regard fixé sur la fille. Il ne la connaissait pas, ce qui n'avait rien de bien extraordinaire. Il était vraiment très loin de connaître tout le monde ici. De façon générale, il n'avait jamais été du genre à préférer les immenses bandes à la poignée d'amis de confiance. Il préférait être entouré de quelques personnes de confiance que d'une foule. Scott resta silencieux, par respect, écoutant la musique. Pour sa part, il n'avait jamais sut jouer d'un instrument. Il aimait beaucoup la musique, mais il en écoutait seulement. Chacun son truc. Il fallait des danseurs, des chanteurs et des musiciens. A chacun sa voie. Au bout de quelques instants, la fille cessa de jouer et le silence revint. Scott resta bouche-bé quelques secondes, avant de finir par ouvrir la bouche. « C’était très joli » commenta-t'il finalement, trahissant sa présence.