« ZAYN ! »

Le prénom à peine lancé qu’un coup d’épaule se fourre dans le bois de la porte. Clenche oubliée, épaule fracassée. C’était une façon de frapper à la porte affirmerait-elle si un intrus avait pu la voir. En réalité, avec sa casserole à la main, sa cuillère en bois dans l’autre et sa bouteille de lait sous le coude, elle ne risquait pas d’ouvrir la porte.

« ZAYNEUUUUUH ! »  Pesta Aengus en fourrant un nouveau coup d’épaule dans la porte.

Evidemment, elle ne s’ouvrit pas plus. Dire que ce genre d’individu effectuait des études supérieures… Le niveau de la faculté devrait être à revoir. La langue pincée entre les lèvres, elle parvînt tant bien que mal à abaisser la poignée et fourrer un grand coup de godasse dans le bois de la porte. Le battant vola rapidement dans la pièce sans qu’Aengus n’envisage un seul instant que l’occupant puisse se trouver à l’arrière. Mais non, il était vautré sur son plumard.

« P’tain Zayn, faut que tu goutes ça ! » S’exclama-t-elle en fourrant sa cuillère en bois dans la casserole.

Ni bonjour, ni usage de politesse. Nul besoin de se fatiguer, elle avait d’autres choses à faire. Depuis qu’elle avait choisi de ne plus se prendre la tête et de profiter de la vie, Aengus avait réalisé une chose primordiale. Puisqu’elle avait perdu la mémoire, elle avait la chance de pouvoir faire des choses qu’elle ne connaissait pas comme si c’était la première fois.  Elle lui planta sa bouteille de lait sous le nez pour l’encourager à boire une ou deux gorgées comme s’il était question d’une potion magique qu’elle avait trafiquée. Bref, un truc sensationnel qu'il ne fallait absolument pas manquer.

« Alors ? C’est périmé ? » Demanda-t-elle après que Zayn ait bu.

La réponse ne se fit pas attendre. Oui, c’était périmé depuis probablement un bon mois. Et face à la réaction de Zayn, la justification ne se fit pas prier.

« Bah quoi ? J’allais quand même pas goûter moi-même. Toi t’es déjà mal foutu alors un peu plus, un peu moins… alors que moi je suis au sommet de ma forme ! Faut que je reste au top.»

Pouffant de rire devant sa vanne, elle lui fourra presque la cuillère en bois dans la bouche  quand il souhaita protester. Ca s’était bon ! De la crème à la vanille probablement avec un peu de miel. Habituellement, les préparations d’Aengus frisaient la catastrophe. Pour cette fois, l’ensemble avait prit et les ingrédients se mariaient à la perfection. Le changement d’attitude et de physique d’Aengus ne pouvaient passer inaperçu. En première lieu, ses cheveux devenus blonds s’organisaient autour de son visage. Bien qu’ébouriffés, le tout avait été savamment calculé. Un rouge à lèvres rouge vif marquait ses lippes comme deux pétales de fleurs, du coquelicot. Toxique et si délicat. Comme la plante, les lèvres d’Aengus ne se posaient pas n’importe où. Le coquelicot ne poussait que sur les meilleures terres. Un jean à sa taille, sans le moindre trou, sculptait ses fesses avec grâce. Son haut rouge, uni au maquillage, soulignait ses formes, accentuant l’aspect féminin de la présidente.  

« Pis c’est moi la présidente ! » Ajouta-t-elle en tirant la langue à son bras droit.

Zayn savait pertinemment qu’Aengus tenait à lui. Son attachement pour le jeune homme restait purement amical. La simplicité dans laquelle ils évoluaient rassurait Aengus qui n’avait pas des milliers de questions à se poser. Avec Zayn, aucun tabou n’existait, plus encore, ses émotions avaient toujours l’air acceptable et acceptées. Il ne connaissait pas l’ancienne Aengus, celle qui avait eut un accident. Aussi, avec lui, Aengus se sentait libre d’agir à sa guise. Bref, il était plus qu'évident qu'elle ne s'était pas donné la peine de venir jusqu'ici pour lui faire goûter son lait. Elle aurait pu trouver n'importe quel idiot trainant dans la cuisine pour se soumettre au test, ou pire, forcer Pavel.

Défoncer la porte, tout de même pas ! Elle l’avait ouverte avec un peu de violence. Zayn et sa mauvaise humeur ne l’intimidaient en rien. Avait-elle seulement remarqué ses traits un peu plus tirés par la fatigue ? Probablement. Les personnes souffrant des mêmes maux se remarquent toujours. Insomnie, cauchemar, sensations fantômes… tout finiraient par s’effacer aurait-elle eut envie de lui dire, mais les mots se refusaient à s’extirper de sa bouche. Combien de cauchemars faisaient-elles encore ? La date fatidique des un an arrivait et étrangement, elle, elle flippait. Aussi, s’occuper devenait le seul moyen de tenir debout sans trembler de la tête aux pieds. Alors que sa cuillère venait trouver sa bouche, Aengus hochait la tête en mimant d’écouter les protestations de Zayn. Mais oui, mais oui, parfaitement, il lui devait le respect. Mais alors qu’elle s’apprêtait à prendre une nouvelle bouchée, son geste se suspendit. Bloquée l’instant d’une minute, la réflexion marqua son visage. Est-ce que c’était un compliment ou une critique que de devenir une femme ? A force de se répéter les propos de Zayn dans un coin de sa tête, la blonde déforma l’ensemble. Un véritable téléphone arabe dans son cerveau. Le message passait au jugement, à la réflexion et autre siège possible dans une tête aussi déjantée que la sienne. Dans tout les cas…

« Quoi ? » S’indigna Aengus en pointant Zayn de sa cuillère en bois. Quelques gouttes giclèrent sur le haut du garçon mais Aengus trouva ça plus marrant que de crier finalement. « Tu ne remarques QUE maintenant que je suis une fille ? Tu croyais que j’étais qu… Hey attends… » Et voilà que son regard s’allumait d’une étincelle de fierté. Pourquoi passer pour un homme lui faisait-il plaisir ? « T’as peut être une superbe gueule de lover mais j’ai plus de couilles que toi, d’abord ! »

Il paraît que le propos ne se tenait pas du tout là. Et alors ? Est-ce que ça posait problème à quelqu’un si elle se vantait un peu ? Zayn se faisait mousser aussi après tout. Chacun y trouvait son compte, ou presque. Portant son ustensile dans la casserole, elle tortilla son postérieur tout en chantonnant une petite chanson pour se payer la tête de Zayn.

« D’ailleurs en parlant de ça, ça doit faire un bail que t’as pas vu un cul toi… Ca te dit d’aller draguer dans les bars un peu ? »

Oui, comme ça, changement de sujet total. Elle pointa à nouveau son haut de sa cuillère.

« Mais sérieux mets un autre haut parce que là… t’es pas sortable. T’es tout tâché. Non mais sérieux, tu ne sais pas manger ? » Provocation suprême avec un sourire de prédateur qui signifiait parfaitement qu’elle savait comment les tâches étaient arrivée là. Que voulez-vous, elle en était une, elle aussi, de grosse tâche ! « Je sais que tout le monde n’aura d’yeux que pour moi mais, je ne sors pas avec n’importe quoi… »

Bien sûr qu’elle plaisantait, sauf pour la sortie. Elle imitait juste les bêta pour le plaisir de se jouer un peu la comédie ! Même si elle se payait très souvent leur tronche, Aengus appréciait certains Delta, Rayan, notamment. Même si Zayn n'avait rien d'un Delta, il savait vraiment bien s'habiller et Aengus avait déjà pu remarquer le regard d'autres demoiselles s'allumer sur son passage. Mais pour Aengus, il aurait pu être déguisé en pingouin qu’elle aurait prit le temps de faire une petite virée avec lui.

Splatsh… fut la réponse qu’obtint Zayn lorsque la blonde atterrit sur son lit après que Zayn ne l’y ait entrainée. La goutte d’eau qui fit déborder la casserole.  En effet, son précieux trésor à la vanille et à la cannelle se vautra contre le rebord menaçant le lit de Zayn. Seul le haut d’Aengus avait morflé.

« T’inquiète, il paraît que c’est bon pour la peau… » Annonça t –elle en regardant le lit de Zayn. Intact ! Trop un génie ! Juste une minuscule tâche.

Il n’allait pas pouvoir dormir là dedans maintenant. Qu’il ne fasse aucun caprice, c’était la faute du bras droit, Zayn, pas une défaillance dans son bras, à elle. Un bras droit, ça n’a pas de neurone, fallait pas lui en vouloir à ce petit Kremer ! De toute façon, si Zayn voulait terminer la soirée avec une fille il pouvait se rendre chez elle plutôt ici. D’ailleurs, c’était encore le mieux vu l’état de la chambre. Après un ou deux verres… pardon, après une ou deux bouteilles, Zayn serait comme neuf ! La politique d’Aengus face à la déprime sortir, faire la teuf et ne surtout pas penser au problème.
Et alors qu’elle tortillait les fesses dans sa danse de la joie, elle s’immobilisa.

« QUOI ?! »

Comment ça non ? Non ? Personne ici ne pouvait dire non pour sortir. Dans un pivot, la blonde pivota la tête sur le côté. La décoration de la chambre était à revoir non ? Histoire de terminer en harmonie avec la grosse tâche sur le lit. Rassurez-vous, pour une fois, elle ne parlait pas de Zayn. Aussi, la casserole trouva une petite place à côté de la lampe de bureau. Parfait ! Idéale pour le repos.

« T’as raison. J’ai pas trop envie aussi. Je suis fatiguée d’avoir cuisinée. » Annonça Aengus en récupérant d’un doigt la crème sur son haut pour mieux la savourer. La fatigue n’avait rien de joué. Aengus l’ignorait simplement, de peur de terminer, une fois de plus au fond de son lit à regarder le temps filer. Délicatement, elle vînt se vautrer à côté de son camarade pour qu’il lui fasse une place. « On pourrait regarder un film… en se goinfrant de cupcakes…j’ai fait des cupcakes avec le nappage que tu viens de manger. J’ai aussi fait de la mousse à la fraise mais ça, Riri a goûté et c’était pas bon. On pourrait regarder un truc de zombies. J’aime bien manger devant des zombies en train de manger des gens. Ou alors on fait rien. C’est bien rien. Non ? On se met un masque tient…personne saura que c’est nous les seuls gammas à pas être sortie. »

Le regard bifurqua sur son acolyte. Sans broncher, elle plaça sa main sur la crème de son haut avant de l’étaler sur la joue de Zayn.

Bien sûr qu’elle était bonne ! Un hoquet prouva à Zayn qu’elle était même bien au-delà d’être bonne ! Avec la crème sur le pull, les sommets de la bonitude venaient d’exploser ! Finalement vautrée sur le lit de son compère, la gamma fixa un temps le plafond avant de se rabattre sur la bouille à côté d’elle. L’application qu’elle imposait à son geste pour tartiner Zayn de crème à la cannelle relevait plus de l’école primaire pour apprendre à peindre sa main sur une feuille que des grands maîtres en la matière. Cependant, blondie se voyait déjà réaliser le plus merveilleux des chefs d’œuvre !

« Non mais j’aime bien le masque. » Affirma Aengus en commençant à attaquer le nez de Zayn. « Vengeur masqué à la cannelle et Super crème fouettée bouffent un gamma pour s’être moqué ! Pourquoi on les virerait ? On les convoque puis on les enferme dans la cave…héhéhé ! Ou on les oblige à faire un truc horrible pour pouvoir rester dans la confrérie, genre, chantage ! »

C’était idiot comme principe mais elle s’en moquait bien. Rapatriant sa main à la crème pour la reposer sur son ventre, un soupir lui échappa. La flemme de bouger maintenant qu’elle était vautrée à côté de Zayn. Ce lit devait être un piège à limace et il fonctionnait à merveille.

« J’ai la flemme… » Annonça-t-elle dans un effort ultime.

La porte grande ouverte laissait entrer quelques cris et chahut divers et variés. Chez les gammas être tranquille était un luxe. Mais à l’annonce de Zayn, Aengus fronça les sourcils, pour bouger sa main et cogner mollement son flanc. Comment ça elle n’était pas obligée.

« Je te préviens, je bouge plus ! Et bien sûr que c’est ta faute. Tu m’as contaminée ! » Désapprouva-t-elle sans plus bouger un pouce.

Est-ce qu’elle était réellement obligée de descendre chercher les cupcakes ? Non. Elle allait envoyer Zayn à la place ! Après tout, elle, elle avait les cupcakes, lui, il pouvait bien aller les chercher. D’ailleurs, c’est une réflexion dont elle lui fit part. S’il descendait, elle pourrait en profiter pour choper une ou deux affaires qu’il avait l’habitude de porter en soirée et fermer sa porte à clef. Elle n’aurait qu’à bouffer sa clef tient ! Il sera obligé de sortir comme ça. Quel plan machiavélique, pardon, parfait ! Elle n’aurait ensuite plus qu’à changer de haut et le tour était joué ! Son génie la surprenait parfois ! Même dans les moments de flemme intense son cerveau continuait à fonctionner !

Zayn ne voulait pas plus bouger qu’elle. Son plan tombait à l’eau. Elle qui avait espéré le faire descendre dans la cuisine pour ensuite l’enfermer consciencieusement dehors. Elle aurait pu le forcer à parcourir les bars, les boites ou autres réjouissances du même ordre. Mais non ! Ils étaient tout les deux vautrés sur le lit comme deux énormes cachalots échoués sur la banquise ! Bien que la pauvre bête pouvait avoir plus de classe.

« Je suis jamais molle. » Rétorqua Aengus dans une énergie toute relative. « J’ai des fesses, c’est du béton, mon petit. Je pourrais te casser la gueule avec ! » On se passera de démonstration. « C’est toi, qu’est mou. » Elle ria doucement en pointant du doigt l’entre-jambe de Monsieur le bras droit. « C’est moi l’homme ici ! »

Le rapport ? Aucun ! Dans un regard en biais, la blonde s’interrogea sur les raisons de leur soudaine mollesse, et le mot semblait faible. Même l’idée de le pousser hors du lit pour le forcer à rejoindre la cuisine et lui rapporter les cupcakes lui sorti de l’esprit. La fatigue gagnait en puissance et Aengus eut le malheur de fermer les yeux. Grossière erreur ! La voilà qui peinait à relever les paupières ! Est-ce que la crème les avait transformés en béton, comme ses fesses ? Actuellement, il semblait impossible de les faire bouger. Quoi le masque ? Ah oui le masque.

« Démerde-toi. » marmonna-t-elle dans sa barbe en tirant sur l’oreiller pour lui balancer à la figure. Enfin, tout restait approximatif puisqu’elle ne pouvait pas le voir. Aurait elle la chance de le toucher au visage. « Tiens, une serviette. » Bah voyons…

Elle avait déjà eut la bonté de le tartiner, elle n’allait pas en lui le débarbouiller ! Elle était sympa mais quand même… A prèsent, elle roupillait, un bras sur le torse de Zayn et l’oreiller crispé entre ses doigts. Personne le bouge ou elle l’assomme à coups d’oreiller. C’était parti pour la sieste ! Elle aurait l’air d’une idiote au réveil, mais qu’importe. Elle était bien là. Le lit de Zayn était mieux que le sien ! Arnaque, c’était ELLE la présidente.