Son réveil sonna pour la énième fois, la tirant d'un profond sommeil. La jolie grecque avait cours aujourd'hui et même si son envie de rester au fond de son lit, sous les couvertures, était bien présent, elle n'avait pas d'autre choix que de quitter les bras de Morphée, bien malgré elle. Les paroles du Doyen Fredericksen résonnait encore dans son esprit comme une mauvaise chanson qui tournait en boucle sans qu'on puisse l'oublier. C'était là sa dernière chance. La chute de ses résultats avant son départ de Berkeley et son année passée loin de l'Amérique ne jouait pas en sa faveur. Laissant l'eau chaude couler sur son corps, elle posa une main sur sa poitrine, traçant du bout des doigts la cicatrice qui avait - à présent - élu domicile sur sa peau douce. Une cicatrice de plus qui venait s'ajouter aux anciennes mais contrairement aux autres, celle-ci lui rappelait que la vie lui donnait une nouvelle chance. Recevoir un nouveau cœur et reprendre sa vie là où elle l'avait laissé sans avoir peur de mourir à tout moment aurait dû la combler de bonheur mais, ce n'était pas le cas. Les choses étaient plus compliquées que ça. Habillée, elle quitta sa chambre pour rejoindre celle de sa fille. Ces derniers mois n'avaient pas été une partie de plaisir pour la jeune femme et seule Eleanore avait réussit à la maintenir debout. C'était pour elle qu'Esmeralda se battait pour garder la tête hors de l'eau, ce qui n'était pas simple. Les quelques mois qui avaient précédé son départ de San Francisco avaient été éprouvants. Son cœur faible n'arrivait plus à tenir la cadence que lui imposait sa vie mouvementée et qui ressemblait plus à des montagnes russes qu'à la vie d'une simple étudiante. C'était le moment de la journée qu'elle préférait depuis qu'Eleanore faisait partie de sa vie. Cette heure où rien n'avait d'importance, où son passé ne venait pas la hanter, où le temps semblait s'arrêter pour lui permettre de profiter de ce moment de répit avant que le tourbillon qu'était devenu sa vie ne reprenne le dessus. Elle pouvait rester auprès de sa fille pour s'occuper d'elle et empêcher le monde extérieur de les atteindre toutes les deux ou leur faire du mal. Malheureusement, elle ne pouvait se permettre de s'attirer les foudres du Doyen, même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait mais, elle savait qu'à la moindre erreur de sa part, il ne se gênerait pas pour lui tomber dessus et elle ne comptait pas lui faire ce plaisir. Les heures défilèrent augmentant son mal de tête. Son séjour en Europe n'avait en rien changé ses habitudes. Faire la fête toute la nuit restait l'un de ses passe-temps favoris et son retour chez les omégas n'allait surement pas changé cette habitude. Son calvaire terminé, elle pu enfin quitter la salle de cours, un sourire triste sur les lèvres. Fût un temps où ses études étaient ce qu'il y avait de plus important à ses yeux, aujourd'hui, c'était une manière comme une autre de s'assurer d'un futur bien meilleur que le passé qu'elle trainait derrière elle. Perdue dans ses idées, Esme ne remarqua même pas la personne en face d'elle et ce n'est qu'en le bousculant qu'elle revint à la réalité, se confondant en excuses avant que ce visage familier et qu'elle ne connaissait que trop bien ne la stoppe net. « Martin ! » La surprise était tellement grande qu'elle dû faire un gros effort pour ne pas s'effondrer. Comment cela était possible ? Elle se croyait dans un rêve. La dernière fois qu'elle avait posé le regard sur lui, Martin était allongé dans un lit d'hôpital, se battant pour survivre. Elle s'en souvenait comme si c'était hier, assise à ses côtés jusqu'à ce qu'il soit sortit d'affaire. Son seul reflexe à l'époque avait été de tourner les talons, le laissant seul face à ses démons, n'ayant pas elle-même la force d'affronter les siens. « Tu as l'air en pleine forme ! » Rien d'autre ne lui venait à l'esprit à cet instant, encore moins après ce qui s'était passé entre eux.

Leur histoire, si on pouvait appeler ça ainsi, faisait partie du passé. Les sentiments avaient commencé à prendre le pas sur l'amusement et cela avait effrayé la jeune femme. Elle ne savait plus où elle en était et le voir, ainsi, allongé dans un lit d'hôpital n'avait pas arrangé son cas. Bien au contraire. Elle avait profité de cette opportunité qui s'offrait à elle pour mettre de la distance entre elle et Martin. Et même s'il continuait à nier qui il était, elle ne le croirait pas. Esme aurait reconnu ces yeux n'importe où pour y avoir plongé son regard tellement de fois par le passé. Seulement, elle n'arrivait pas à comprendre ce qui le poussait à nier tout cela. Comment pouvait-il affirmer le contraire ? Ses jambes avaient du mal à la porter et elle aurait tout donner pour pouvoir prendre l'un de ses comprimés qui lui faisaient tellement de bien ces derniers temps. Du moins, c'était ce qu'elle pensait. Ils l'aidaient à se sentir mieux dans sa peau et les évènements des derniers mois ne l'aidaient pas à s'en passer. « C'est impossible ! » Elle ne savait pas comment le prendre. Elle ne pouvait pas s'être trompée, elle en était sûre. La seule explication possible restait qu'il lui en voulait. Et si c'était le cas, il en aurait le droit. Mais, à l'époque, se lancer dans une nouvelle histoire relevait du miracle. Elle avait déjà tant souffert que la seule idée de devoir retenter le coup avec un autre homme l'effrayait au plus haut point. Il était peut-être grand temps qu'ils jouent carte sur table et qu'ils mettent des mots sur ce qu'ils avaient vécu. Qu'ils le veuillent ou non, il y avait eu quelque chose entre eux et aujourd'hui, ils allaient devoir y faire face. « Tu auras beau dire ce que tu veux, je ne te crois pas… » Essayant tant bien que mal de reprendre un semblant de contenance, elle se rendit à l'évidence. « Je veux bien jouer le jeu mais, ne crois pas qu'on en a finit tous les deux. » Ce n'était peut-être pas le meilleur endroit pour ce genre d'explications. Attirer les regards sur eux n'était pas vraiment la meilleure chose à faire, surtout en ce moment. La jolie grecque devait se tenir à carreaux, qui plus est, elle ne tenait pas particulièrement à ce qu'on les remarque. L'attrapant par le bras, elle entraina le beau brun avec elle vers une petite porte qu'elle venait de repérer. Elle ne lui laissa pas le temps de réagir qu'elle refermait déjà la porte derrière eux et qu'elle s'appuyait contre celle-ci, l'empêchant ainsi de sortir. Comme si Martin avait besoin de cela pour sortir. Il faisait le double de sa taille, si ce n'est plus, et il pourrait très facilement sortir de là sans lui demander la permission. Esme regarda autour d'elle pour se rendre compte qu'elle les avait entrainait dans un placard à balai. Le lieu idéal pour une telle conversation, pensa-t-elle ironiquement. Il y avait vraiment des jours où valait mieux pas quitter son lit. « Ce n'est peut-être pas le meilleur endroit pour parler mais, c'est mieux que rien… » Elle ne savait pas ce qui la mettait plus mal à l'aise. Etait-ce le fait de se retrouver seule avec lui ou le fait qu'elle semblait lui reprocher une situation dont elle était la seule responsable. Ou peut-être était-ce seulement l'idée que cet homme ne soit pas réellement Martin qui la rendait nerveuse. Après tout, cela faisait plusieurs mois qu'ils ne s'étaient pas revus. Elle avait entre temps était kidnappée, séquestrée et même droguée. Son esprit pouvait facilement lui jouer des tours sans qu'elle ne s'en rende compte. Ajouter à cela les fêtes sans fin, l'alcool et les médicaments et elle se retrouvait aux premières loges pour un aller simple en hôpital psychiatrique. La brunette se mordit la lèvre inférieure, prenant subitement conscience qu'elle s'était surement précipitée et elle baissa inconsciemment les yeux. Pour quelqu'un qui avait pris la bonne résolution de ne pas se faire remarquer, elle s'y prenait pas de la meilleure façon que ce soit.