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"Beauty is in the eye of the beholder"

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MessageSujet: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptyMer 20 Nov - 1:13


“ Les musées sont les endroits les plus vivants du monde.
On dirait une concentration d'humanité. ”


Je soupirais bruyamment avant de m’enfoncer dans l’un des bancs qui trônaient dans le hall du musée. Les sourcils froncés et la mine boudeuse, j’étais parfaitement incapable de contenir ma mauvaise humeur. Pourtant, j’étais la joie de vivre incarnée, et je possédais ce ravissant sourire que tout le monde jugeait communicatif, enfin, ça c’était avant. Avant ce monstrueux plâtre qui recouvrait plus de la moitié de mon bras gauche et qui m’empêchait de faire le moindre mouvement. Chaque geste était une torture et me demandait une organisation fastidieuse. N’étant déjà pas douée lorsque mes deux mains étaient valides, je courais droit à la catastrophe en étant ainsi privé d’un bras. Tous les petits gestes du quotidien devenaient des défis à relever, allumer une clope par exemple me prenait cinq fois plus temps, et enfiler un jean demandait d’avoir des talents de contorsionnistes. C’était parfaitement injuste, d’autant que j’avais plutôt intérêt à prendre mon mal en patience parce que cette horreur ne me serait retirée que dans une semaine. Garrett disait que je le méritais, que je l’avait bien cherché et que je ne devais m’en prendre qu’à moi même : foutaises. C’était de sa faute, encore et toujours. Une dispute qui avait mal finie, j’avais escaladé son piano alors il avait osé mettre mes précieux livres dans un sac poubelle. J’avais tenté de stoppé le mécréant en le bombardant de farine, puis je m’étais faite avoir à mon propre piège en glissant lamentablement sur le carrelage. Dix minutes plus tard Garrett attendait en ma compagnie aux urgences tout en me faisant la morale. Le verdict était tombé, et désormais, j’étais là comme une cruche sur ce banc a essayer de tourner la page de mon livre avec mon nez. La scène était d’un ridicule affligeant, tout comme le coeur difforme que Garrett avait osé dessiné sur le plâtre. Une horreur que j’avais dans mon viseur constamment. Comment un type qui n’était pas foutu de dessiner un coeur pouvait il être un bon frère ? C’était ça la vraie question, celle que j’allais noter dans mon carnet des questions existentielles. Ainsi après cinq tentatives vaines, j’abandonnais l’idée de lire le dixième chapitre de l’attrape coeurs de Salinger, et je relevais la tête vers mes collègues qui rentraient chez eux. J’aurais bien aimé leur faire un signe de la main, mais évidemment, ce n’était pas possible. La première tenait le livre, la seconde était hors service. Ils devaient me prendre pour une asociale, une malpolie, une gosse capricieuse. D’ailleurs j’avais passé la journée au musée à travailler, et si, d’ordinaire je faisais toujours mon job avec le sourire et dans la bonne humeur, ce n’était définitivement pas le cas aujourd’hui. Je répondais par des haussements d’épaules et des signes de tête avant de m’enfermer dans la réserve des toiles destinées à l’exposition. A vrai dire, pour être honnêtes, je m’étais tournée les pouces -non, le pouce- pendant presque sept heures. Personne n’avait rien vu, j’avais su me montrer discrète, moi et ma mauvaise humeur on était pas copines. Doucement je relevais les yeux vers l’horloge accrochée au mur et je constatais que Kilian était en retard. Je n’attendais pas dans le hall du musée après mes horaires de travail par plaisir, mais parce que j’avais un rendez-vous avec ce type hors du commun et en un sens, absolument génial. En pensant à lui, un sourire apparaissait immédiatement sur mes lèvres, ça devait être le premier de la journée, et sans doute pas le dernier. Kilian était un étudiant qui m’avait interpellé sur le campus quelques semaines plus tôt. Non sans mal, il était parvenu à me convaincre de poser pour lui, pour ses peintures, qui à mes yeux étaient fantastiques. Il avait un style très particulier et très personnel, une sensibilité qui m’avait immédiatement touché et séduite. L’art était son oxygène. Néanmoins, Kilian était un homme à prendre avec des pincettes - ce que je ne faisais pas, préférant largement la provocation- il était susceptible comme pas deux, et vivait reclus dans sa tanière loin des gens qui ne supportaient plus son humeur grincheuse. Moi je m’en moquais éperdument, parce qu’il avait des qualités exceptionnelles au compteur. Premièrement, il m’avait fait le meilleur dessert du monde avec une dose de chocolat dépassant mes exigences. Deuxièmement, il était honnête et sincère avec moi. Et troisièmement, il avait ce petit truc en plus, un goût pour l’art, pour le beau, pour la vérité. Sans compter ses deux yeux d’un bleu hypnotisant. Ce soir, je passais entre les mains de l’artiste pour la première fois. Il allait immortaliser mes traits sur la toile et je ressentais une certaine appréhension. Je craignais de ne pas être à la hauteur de ses attentes parce qu’il avait peut-être fait de moi sa nouvelle muse sur un coup de tête. Ma foi, peut-être parviendrait t’il a trouver l’inspiration dans mon plâtre. « Kilian, Kiliaaaaaan ! » sifflais-je en brandissant mon livre de gauche à droite. J’allais à sa rencontre tout en tentant de soulever mon sac avec mon pied, accomplissant ainsi le cent-soixante-dixième échec de la journée. « Si tu fais un seul commentaire pas sympa, je m’en vais. Par principe, sache qu’on ne se moque pas des personnes handicapées. » le menaçais-je alors que dans mon état, clairement, je ne risquais pas d’aller bien loin. Je n’étais déjà pas foutue d’attraper mon sac à main, alors prendre le volant d’une voiture, encore moins. J’affichais tout de même un large sourire, parce que, en dépit de toutes choses j’étais sincèrement contente de le voir - et de savoir que j’allais pouvoir détendre gentiment mes nerfs sur sa personne. « Tu m’as préparé du chocolat avec du beurre salé et tout comme la dernière fois ? » demandais-je avec des étincelles dans le regard et une voix enfantine délicieusement attachante. Le moulin à paroles que j’étais n’avait quasiment pas dit un traitre mot de la journée et commençait dangereusement à s’activer. Après tout, c’était l’une de mes trois conditions, avoir le droit de parler. « Je me demandais si à tout hasard, et dans un excès de galanterie ... tu accepterais de porter mon sac. » je désignais le sac resté par terre d’un regard avec un sourire en coin. J’étais presque mignonne à me placer ainsi en victime, on aurait dit que le ciel venait de me tomber sur la tête. Après tout, s’il y avait bien un avantage à être malade ou infirme, c’était ça. Pouvoir se comporter comme une petite princesse quelques temps et dresser une liste d’exigences saugrenues. « Sinon, tu peux aussi me porter sur ton dos. C’est vrai, quand je marche ça à tendance à me lancer dans l’avant bras. » continuais-je avant d’émettre un rire mélodique. J’aimais bien jouer avec la patience du Sigma et ce, même si nous nous connaissions à peine. Il y avait une certaine connexion entre nous, mon coté imprévisible s’accordait très bien avec son coté grincheux. Je croisais alors les bras - le bras- autour de ma poitrine tout en reprenant mon sérieux. « Tu voulais faire un tour dans le musée et la réserve avant d’y aller ? » Je savais qu’il aimait l’art et que ce serait presque une torture pour lui de venir ici sans prendre le temps d’admirer deux ou trois chefs-d’oeuvre. Délicatement, je posais la main sur son épaule par amitié, par instinct. « Et merci beaucoup d’être venu me chercher. » puis, dans un mince sourire, je détournais le regard du sien. Ma bonne humeur était de nouveau au rendez-vous, ou du moins, sa présence semblait m’apaiser. 
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MessageSujet: Re: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptyDim 15 Déc - 21:17



Deux semaines après la première de mon film, j'avais encore un peu de mal à réaliser que le fruit de mon travail était désormais accessible au grand public. Il y a vraiment une marge entre faire des études pour devenir acteur et l'exercer au point de crever le grand écran dès le premier essai. Les critiques n'ont pas tardé à pleuvoir et toutes sont unanimes pour féliciter ma performance en tant que jeune débutant dans le septième art. Je suis actuellement à l'appartement, en train de consulter mes e-mails, et lorsque je vois s'afficher "3 mails sur 314", j'écarquille les yeux en renversant une partie de la tasse de café que j'ai à la main, bouche bée. Des tonnes de gens que je ne connais pas, des attachés de presse pour des interviews, et j'en passe. Première question : comment ont-ils eu accès à mon adresse électronique ? Berkeley. Il y a un registre et il suffit de demander pour la connaitre. En voyant le temps que cela prend à mon ordinateur pour tout charger, je soupire et marche jusqu'au balcon une fois la baie vitrée ouverte. Le regard porté sur l'horizon, je suis inquiet. Pour ne pas dire effrayé. A l'université, je suis Grincheux, celui qui a une réputation d'amabilité de porte de prison. Moins on me parle, mieux je me porte. Et en quelques jours, je me retrouve affiché au-dessus d'un nombre incalculable de cinémas, demandé pour des shootings, des plateaux télés pour la promotion du film… Je regarde mon téléphone en pensant à mon père. Lui, il sait gérer tout ça. Il a eu une sacrée popularité à l'époque où il foulait les planches quand j'étais encore enfant. Plus que jamais, je vais avoir besoin de lui. J'ai beau m'être préparé pour cet enchaînement d'évènements, jamais je n'aurais cru qu'il y aurait pu y avoir un tel emballement médiatique pour ce film qui caracole déjà très largement en tête des autres pour sa première semaine dans les salles obscures. Je finis mon café d'une traite et lorsque je regarde l'heure, je me dis qu'il va être grand temps de partir. Tant pis pour les mails, l'ordinateur va continuer de les télécharger le temps que j'aille au musée. Il faut que j'aille y retrouver Mackenzie, soit la plus belle rencontre que j'ai pu faire depuis au moins le début de l'année scolaire, si ce n'est davantage. Rien qu'à penser au moment que nous allons passer ensemble, j'éprouve une grande joie – traduisible par une ébauche de sourire au coin de la bouche – ainsi qu'une certaine anxiété. Je vais devoir faire le croquis de la jeune femme afin de la peindre sur une toile format portrait. J'ai déjà acheté tout ce qu'il me fallait et puisé dans le matériel qui était resté trop longtemps à mon goût dans la pièce qui me fait office d'atelier. Une fois dans ma Mustang aux allures old school, je mets les voiles en direction de son lieu de travail qu'elle avait promis de me faire visiter. Plus qu'une muse qui m'a redonné l'envie de peindre la féminité dans tous ses états, j'ai été également touché par sa personnalité et le regard perçant de l'expert artistique qu'elle sait exercer à la perfection. Au lieu de donner un avis fade sur mien, elle a été tout en nuances et chacune de ses remarques peut me guider pour améliorer ma technique. L'émotion, elle, est entièrement propre à l'artiste, mais la manière de la faire ressortir est toujours perfectible. "Bon, tu la bouges, ta charrette !" Le feu venait de passer au vert il y a environ deux ou trois secondes et le type derrière moi s'était mis à me klaxonner en me criant dessus. Bad move. Parfait chieur dans l'âme, je coupe le moteur, je défais ma ceinture et je sors de la voiture avec un air badass sur le visage. D'ailleurs, depuis le tournage du film, je remplis à merveille le rôle du grand dérangé qui peut cogner jusqu'à ce que mort s'ensuive. Le type s'enfonce étrangement dans son siège et cherche à remonter sa glace le plus vite possible : je glisse ma main avant qu'il n'y parvienne et j'appuie dessus pour la forcer à descendre. "Premio, ma charrette vaut mille fois plus que ton tas de feraille. Deuxio, si tu m'parles encore comme ça, je te promets que j'te fais avaler ton volant pour te faire taire. Compris ?" Le type hoche la tête avec véhémence alors que je daigne enfin lâcher sa vitre et lui faire un bref sourire faussement aimable pour ensuite rejoindre ma voiture et démarrer à l'orange. Pourquoi ? Pour que ce crétin puisse s'enquiller le prochain feu. Voilà, la mauvaise action du jour est faite. Je soupire et m'allume une cigarette pour me détendre le temps du trajet jusqu'au musée. Avec les bouchons, j'ai bien vingt minutes de retard. J'arrive vers l'aile où nous nous sommes donné rendez-vous et c'est une voix perçante qui me sort de ma concentration pour la retrouver. "Toujours aussi discrète." murmurai-je pour moi-même en marchant jusqu'à elle, presque rassuré que rien n'ai changé chez elle. J'ai bien dis presque. Je constate qu'elle porte un plâtre, ce qui me fait froncer les sourcils, davantage encore lorsqu'elle se pique de me menacer. Je la regarde avec curiosité en haussant les épaules. "J'ai jamais eu envie de me moquer des handicapés." A plus forte raison que j'en ai été un sévère pendant au moins six mois, contraint de me déplacer en fauteuil roulant à cause d'une blessure à la colonne vertébrale. Toutefois, n'étant pas décidé à revenir là-dessus pour l'instant, je m'abstenais d'expliquer pourquoi. "Tu verras." Rictus mystérieux au coin de la bouche, je m'amuse de la laisser dans l'incertitude. J'ai bel et bien préparé un gâteau, mais différent de l'autre fois, en espérant qu'il lui plaise. J'arque un sourcil et, en silence, je saisis le sac pour me le mettre sur l'épaule. "J'aurais pris un manteau assorti, si j'avais su." Monter sur mon dos ? "J'suis galant, pas bonne poire." Amabilité, bonjour ! Mais au fond, je sais qu'elle plaisante, alors je me permets de sourire légèrement à mon tour. Elle sait que son caractère me plait et plus elle pousse le bouchon, plus je fais le grognon de service, et plus nous arrivons à nous entendre. Elle s'ennuierait si j'étais le genre de gars à aller toujours dans son sens. Je remarque dans son regard qu'elle a dû passer une mauvaise journée. Médium ? Non, observateur. Derrière sa bonne humeur, il y a comme un résidu de frustration particulièrement présent dans sa manière d'être. Être artiste, c'est savoir observer autrui. "Oui, je veux bien, si ça ne t'ennuie pas. Autrement, on peut toujours revenir une autre fois." Je ne voulais pas pousser le bouchon dans la mesure où elle en avait déjà pas mal avec son plâtre. Le sac sur l'épaule, je reste près d'elle en veillant à ce qu'elle ne touche rien avec son plâtre tandis que nous déambulons dans une pièce comprenant les grands formats du musée. "C'est normal. J'peux au moins savoir comment tu t'es fait ça ?" demandai-je en désignant son plâtre. "Te connaissant, t'aurais pu le faire en gommant du crayon sur une feuille, mais juste par curiosité, j'aimerai voir si je brûle ou si tu peux encore épater la galerie." Je pose un regard sarcastique et taquin sur elle afin de la provoquer un peu. Elle en fait autant avec moi, sans doute a-t-elle besoin qu'on prenne la peine de lui renvoyer l'ascenseur. "T'as l'air d'avoir passé une mauvaise journée, en tout cas. J'espère que la suite te plaira davantage." Je dis ça l'air de rien en faisant vagabonder un regard vivement intéressé par un tableau de Rembrandt que je n'avais pas encore pris la peine d'observer attentivement malgré quelques passages en ces lieux auparavant.
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MessageSujet: Re: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptySam 21 Déc - 22:34


“ Les musées sont les endroits les plus vivants du monde.
On dirait une concentration d'humanité. ”


La spontanéité dont je faisais preuve en voyant Kilian franchir les portes du musée me rendait ridicule. J’avais tout d’une groupie hystérique à scander son nom dans cet endroit où le silence était d’or. Pourtant, il l’ignorait mais il était en quelque sorte le rayon de soleil tant espéré de ma journée poussiéreuse. Je ne le connaissais pas depuis très longtemps, mais je l’appréciais déjà énormément. Il était différent des autres, plus grincheux, plus provocateur dans ses paroles, plus artiste, plus sensible aussi. Il parvenait d’une manière plutôt brillante à duper son monde en faisant de ses défauts : des qualités, des atouts. Cet air pas sympa qu’il affichait me donnait envie de me démener pour lui décrocher un sourire. C’était ça, chaque fois qu’il me souriait je le prenais comme une petite victoire personnelle. C’était comme un jeu auquel je ne perdais jamais. D’une manière où d’une autre je savais instinctivement quoi faire pour qu’il baisse sa garde. Les gens en général ne se méfiaient pas de moi, j’étais la douce rêveuse aux cheveux d’or et au sourire éclatant. Une âme d’enfant à jamais préservée, des doutes, des faux caprices et des questions plein la tête. J’étais donc heureuse de le voir et j’exprimais mon bonheur à coups de grands gestes en allant vers lui. Je me moquais éperdument qu’il soit en retard, néanmoins quelque chose semblait le tracasser au plus haut point, il était presque excédé. « Tu as l’intention de commettre un meurtre prochainement ? » le questionnais-je presque sérieuse. « Tu as la tête d’un -type pas content- moi qui pensais que tu serais heureux de me voir ! » terminais-je par dire avec un large sourire, parfaitement consciente de mon humour douteux. Qu’importe, ça me faisait au moins rire moi. C’est alors que son regard se posait sur l’horrible chose qui retenait mon bras prisonnier, il devait se demander comment j’étais parvenue à ce résultat, mais c’était une histoire peu glorieuse que je gardais pour plus tard. Au lieu de ça, je lui faisais promettre de ne pas se moquer, car, je savais qu’on pouvait s’attendre à tout avec Kilian. J’étais tellement maladroite qu’il aurait pu faire des centaines de commentaires à ce sujet. Néanmoins j’avais passé la journée à expliquer comment je m’étais fait ça, que je commençais à me lasser de raconter encore et encore la même histoire en boucle. Quoi qu’il en soit, je me débrouillais toujours pour enjoliver la réalité, me faisant passer pour une héroïne aux yeux de tous. C’était l’occasion où jamais, j’en profitais largement, je le méritais. « Des handicapés peut-être pas. Je t’accorde le bénéfice du doute. Mais, te moquer de moi à du te traverser l’esprit. Ne nie pas, non, non, non. » répondais-je au tac au tac avec une once de provocation dans la voix. C’était presque un crime de provoquer de la sorte monsieur Grincheux, mais l’idée que je puisse être la seule à avoir ce privilège -et sans conséquences en plus- m’emplissait de joie. Je n’en avais peut-être pas encore pleinement conscience, mais, le Kilian que je connaissais était complètement à l’opposé de la réputation qu’il avait sur le campus. Celui qui était qualifié de -jamais content- était à mes yeux, un artiste à part entière, un homme brillant, un cuisinier hors pair, une personne que je voulais compter parmi mes amis, parmi les gens importants. « Tu peux au moins me dire s’il y a du chocolat ? Parce que pour moi, un dessert sans chocolat se serait comme un film sans acteur. » lâchais-je avec un sourire gourmand, mes pupilles scintillaient déjà rien qu’à l’idée de déguster dans très peu de temps un dessert made-in-Salaun. J’avais encore le souvenir de son précèdent dessert avec le caramel au beurre salé, j’en salivais. J’avais presque failli aller chez lui la semaine dernière pour lui demander de m’en refaire un. Mais, je devais me calmer car à cette allure là, j’étais capable de me nourrir exclusivement de chocolat et ce, jusqu’à ma mort. Kilian se penchait alors légèrement afin d’attraper mon sac à main et de le poser sur son épaule. Il serait presque aussi doué en tant que mannequin, qu’en tant qu’acteur. (l’absence de sourire étant un bon point dans le milieu). « Je vois ça. Tiens d’ailleurs, prend note. J’exige une dédicace de monsieur -pas-bonne-poire- sur mon plâtre pour compenser avec sa mauvaise humeur légendaire. » sifflais-je plus amusée que vexée avant de m’éloigner en direction de la réserve. Il m’avait fait grâce d’un petit sourire moqueur, je gagnais. L’air de rien, je me retournais à plusieurs reprises afin de voir s’il me suivait bien. J’avais ce sourire indélébile en travers du visage, presque joueur. Dans le fond, j’étais impatiente de voir comment cette journée allait se poursuivre. Il allait m’immortaliser sur l’une de ses toiles pour la première fois, et, j’avais déjà pu juger de son talent incroyable quelques semaines plus tôt. Tout dans son travail m’avait conquise, l’intensité des coups de pinceau, l’harmonie de l’ensemble, la capacité à faire naitre une émotion à partir de rien, les couleurs qui s’unissent, la création à l’état pure. La vérité, simplement. Perdue dans mes pensées, je m’arrêtais brutalement lorsqu’il me demandait comment je m’étais blessée de la sorte. Je manquais de rire aux éclats en me remémorant la terrible scène digne d’un film de kung-fu avec mon frère Garrett. « C’est pas de ma faute. » articulais-je d’une voix innocente accompagnée d’une moue boudeuse. « En plus ça fait super-mal ! » Mes yeux se posaient sur mon plâtre avant de s’enfoncer dans le bleu des siens. Il avait apparemment décidé de me provoquer plus que jamais en sous-entendant qu’une gomme aurait pu suffire à faire tant de dégâts. Je m’avançais de quelques pas vers lui, attrapant son avant-bras. « Je me souviens plus ... C’est lequel de nous deux qui s’est renversé du chocolat brulant sur la main l’autre jour ? Haaaaaa mais oui, c’est toi. » Je faisais alors mine d’examiner sa main avant de la relâcher subitement. « échec et mat. » à croire que la mauvaise journée que je venais de vivre me faisait gagner quelques points de repartie. A force de se renvoyer la balle de la sorte nous allions finir par nous détester et/ou nous adorer, j’en étais convaincue. « Je me suis -battue- avec mon frère. Je jouais avec ses guitares et il n’a pas apprécié alors il a balancé mes livres dans un sac poubelle. Du coup je l’ai attaqué avec de la farine, et puis j’ai escaladé son piano et vu que c’était glissant, je suis tombée. C’est tout. » racontais-je relativement rapidement en évitant de préciser les détails peu flatteur. Il devait déjà s’estimer heureux d’avoir eu la version longue. D’autant que ça paraissait atrocement ridicule raconté comme ça, c’était presque pire que le coup de la gomme et du crayon. J’ouvrais alors la porte de la réserve sans me retourner, un peu honteuse de cette histoire rocambolesque. Le paradis se matérialisait devant nous : des dizaines et des dizaines de toiles d’artistes plus célèbres les uns que les autres. Des merveilles de la peinture, des siècles d’histoire. « Prend celle que tu veux , c’est Noël. » lançais un brin moqueuse avant de m’asseoir sur un carton face au Rembrant qu’il détaillait religieusement. Un silence sacré s’imposa alors naturellement, nous étions admiratif de l’Art en général et l’observation d’une telle oeuvre était digne d’une immense bouffée d’oxygène, d’un shoot de rêves. « Kilian, je suis allée au cinéma voir ton film. » l’interpellais-je dans un grotesque mensonge. Monsieur était en pleine promotion et sa notoriété grandissait de jour en jour. C’était étrange de le voir à la télévision, ou sur les affiches des cinémas de la ville mais j’étais heureuse pour lui. Quoi qu’il en soit je n’avais pas eu la chance -par manque de temps- de franchir la porte des salles obscures pour voir Kilian sur écran géant. « Il était bien, seulement fais gaffe à ta ligne. Je l’ai remarqué direct ! dès les trois premières minutes. A l’écran ça ne pardonne pas. » Je me contrôlais pour ne pas rire et ainsi ruiner ma gentille petite provocation à son égard. « On pourra escalader des pianos tout les deux si ça peut t’aider à garder la ligne. J’accepte de faire ce sacrifice. » Je me laissais tomber en arrière sur l’immense carton, et mon regard se fixait sur un point invisible du plafond. Maintenant il devait vraiment me prendre pour une folle. « Je plaisante ... Je l’ai pas vu. J’espérais avoir droit à une séance privée avec l’acteur principal. » A coups sur qu’il avait autant de talent face à la caméra que devant une toile. Notre duo était plutôt insolite, alors, la suite de cette journée ne pouvait être que prometteuse. 

Citation :
relecture demain :plop:
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MessageSujet: Re: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptyDim 29 Déc - 11:46



"J'ai toujours la tête d'un type pas content." relevai-je en toute amabilité allant de pair avec le visage que je me plaisais à afficher. Ce masque de Grincheux est une façade que j'ai appris à porter pour ne jamais me faire avoir par la superficialité de ceux qui vous abordent avec de la pommade dans le dos. Là, au moins, tout le monde reste à bonne distance et c'est pour le mieux. En revanche, malgré le peu de fois où nous nous sommes vus, tous les deux, je dois bien reconnaître la facilité déconcertante avec laquelle Mackenzie flirte avec les interdits et les limites pour chercher à abattre ce rempart levé par un air taciturne qui ne peut tomber d'un battement de cils. Et vous savez quoi ? Je commence à prendre goût à cette naïve insouciance savamment dosée avec un charme insolent. Elle n'a rien d'une princesse pourrie gâtée, mais elle vous donne l'envie d'aller décrocher la Lune pour la faire rire, même si c'est souvent à peu de frais vu son caractère jovial. Je me contente de hausser les épaules sans répondre sur la moquerie qui a pu traverser mon esprit. Bien sûr que, par réflexe, j'aurais pu la railler, mais j'ai préféré abandonner aussi vite que cela m'est venu. Nous marchons ensemble dans la galerie, mon regard azur s'abandonne à la contemplation des œuvres des grands maîtres qui la peuplent, attachant un soit attentionné à la technique utilisée pour la retravailler face à une toile et la revisiter à ma manière. "Il y aura du chocolat. Ou peut-être pas. Je crois que j'ai oublié." Bonjour, Kilian Salaun, chieur professionnel, enchanté. Sans sourire aucun, le sarcasme prend ses marques dans le regard taquin que je promène sur la muse de mes toiles à venir, amusé rien qu'à l'idée de la voir s'interroger de façon véhémente sur le contenu de ce que j'ai préparé. Je suis néanmoins convaincu de faire mouche. Je l'ai vaincue une fois avec l'estomac, je réitèrerai l'effort sans problème, a priori. Je la suis d'un pas léger en direction de la réserve, promettant d'un hochement de tête que je signerai son plâtre. À ce sujet, elle reprend ma question pour se moquer du chocolat que je me suis renversé dessus l'autre jour. "Tu lâches jamais le morceau, toi ?" grognai-je en arquant un sourcil. Cependant, je me penche légèrement sur son visage, un air d'adorable sale gosse sur le visage. "Moi non plus, alors c'est échec et mat quand j'en aurais décidé ainsi." Si son caractère est bien trempé et insoumis par nature, autant lui rappeler qu'elle parle à un Breton pur beurre, soit un jeune homme génétiquement programmé pour mordre sans jamais lâcher. Et j'ai un paternel dans le même état d'esprit pour avancer mon propos. Toutefois, je la toise avec un amusement à peine dissimulé. Elle a compris que je n'accordais de crédit qu'aux gens comme elle, à celles et ceux qui n'ont peur de rien, qui osent se dresser et imposer un incessant challenge. De l'esprit et du culot, elle n'en manque pas. J'écoute donc sagement le récit de ses aventures car, oui, il s'agit bien d'aventures à ce niveau-là. Devant la porte de la réserve, je bloque et ne bouge plus en essayant de visualiser la scène. Seigneur... "Et ça s'est donc passé il y a à peine quelques jours ?" Parce qu'on dirait franchement une bataille entre gamins. Cependant, je lutte intérieurement pour ne pas éclater de rire. J'imagine Mackenzie, armée de son sac de farine, et prête à bombarder son frère avant de se vautrer lamentablement sur le piano. "Je vois, sacrée histoire... J'espère que votre baby-sitter est bien payée pour garder des enfants aussi turbulents." Ton ironique et regard faussement innocent, je me moque davantage de la situation plutôt que du résultat peu glorieux de cette bagarre sans merci. Nous arrivons à l'intérieur de la réserve et je ne peux retenir un rictus lorsqu'elle m'invite à me servir. "Sans façon. Je devrais t'assommer pour m'échapper avec et t'es déjà suffisamment amochée comme ça. J'ai pitié de toi." Nouveau regard en coin pour la provoquer un peu plus, mais jamais avec méchanceté. À nous entendre, on pourrait presque croire que c'est un jeu bien rodé entre nous. Je m'avance vers un tableau de Vouet, un peintre français souvent associé au Caravagisme. J'aime beaucoup ce genre de peinture, il y a quelque chose de fondamentalement sensuel, presque érotique mais exprimé d'une façon plus artistique que jamais. Une peinture qui donnerait presque envie de la toucher, même si je me retiens comme je le peux. D'ailleurs, c'est la voix de Mackenzie qui m'arrache à mes pensées et me fait écarquiller les yeux. "Quoi ?" Parfois, j'oublie que c'est un film que tout le monde peut aller voir, dont tout le monde peut voir les affiches un peu partout... Et que quand je passe à la télévision, tout le monde peut m'épier. Pour quelqu'un de naturellement réservé, c'est assez difficile à admettre. Je déglutis puis fronce les sourcils en regardant mon ventre. Attends, elle plaisante ? J'ai spécifiquement suivi un entraînement et un régime pour avoir le physique idéal pour ce rôle et les scènes d'action, alors si... Eh oui, elle plaisante. Je me suis encore fait avoir. Je croise les bras sur mon torse avec un air bougon. "C'est malin. J'sais pas si je vais t'emmener, pour la peine." En fait, c'est moins pour ce qu'elle vient de dire que pour ce qui se passe dans le film. D'ailleurs, mon visage se métamorphose seconde après seconde à mesure que je marche dans sa direction. "J'ai un rôle qui peut effrayer si on ne s'y prépare pas. Un type qui devient fou, qui rend une justice fictive, arme à la main et sang sur les doigts... Incapable de discerner le vrai du faux après s'être fait trop souvent duper... Même le réalisateur a dit que je prenais tellement à cœur mon personnage que ça en devenait... flippant." J'étais presque sur elle, debout, un visage à faire trembler les pires criminels de la planète. Le moindre détail facial parfaitement calculé. Bon élève et appliqué dans les cours de cinéma et de théâtre, j'ai encore pu aiguiser mes talents aux côtés des acteurs de haut vol que j'ai fréquenté lors du tournage, à commencer par Michael Fassbender. Ce n'est qu'une fois à peu près certain que Mackenzie soit en train de s'interroger sur les intentions malsaines qui peuvent courir dans le regard sombre que j'impose dans le sien que je me décide à afficher un rictus satisfait. "Mais après, c'est toi que ça regarde si tu veux vraiment venir." Vicieux ? Non, bien sûr que non, enfin... Finalement, je me détache d'elle et regarde les tableaux avec attention, comme si de rien n'était. "Tu veux qu'on y aille, maintenant ? C'est que j'ai un gâteau à couper, si tu as encore de l'appétit." Oui, je vais prendre un couteau de cuisine. Allons, vais-je arriver à distiller un peu de peur dans cette adorable tête blonde ?
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MessageSujet: Re: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptySam 4 Jan - 1:39


“ Les musées sont les endroits les plus vivants du monde.
On dirait une concentration d'humanité. ”


« Non, c’est pas vrai. Une fois je t’ai vu sourire. Je m’en souviens parce que ça t’allais bien. » répliquai-je, tout en prenant un malin plaisir à le contre-dire. D’ailleurs, si la plupart des gens allaient généralement dans mon sens, ce n’était définitivement pas le cas de Kilian. Le Sigma en plus d’avoir réponse à tout, semblait s’être lancé à lui même le défi -perdu d’avance- de me clouer le bec. J’étais un moulin à paroles, j’avais derrière moi plus de vingt années d’expérience, jamais il ne pourrait sortir victorieux de cette bataille. J’étais capable de l’embrouiller, de lui donner une migraine abominable en quelques secondes. Ne lui avait-on pas apprit à se méfier de l’eau qui dort ? Néanmoins, à force de le fréquenter, j’avais compris une chose : son sourire était précieux et réservé à une poignée de personnes. Je me demandais comment il faisait pour être grincheux à longueur de journée. J’avais bien essayé une ou deux fois d’en vouloir à la Terre entière, de me plaindre de tout et de tout le monde, en vain. Ce n’était pas possible, il fallait être pré-programmé, faire la gueule était un sport de haut niveau et Kilian Salaun était un médaillé d’or. Il me provoquait encore et toujours sur le contenu du dessert avant de porter son regard sur les peintures exceptionnelles qui étaient exposées devant lui. L’endroit était un paradis pour les amateurs d’Art, pour les connaisseurs, pour les âmes égarées en manque d’inspiration. Un calme presque religieux régnait dans la pièce, l’Art nécessitait un certain silence. Un silence qui durait trois dixième de seconde dans mon cas. Je revenais sur le tapis et l’attaquais tandis qu’il était en pleine contemplation d’une peinture de Vouet. « Ja-mais. » insistai-je. Jamais je ne lâcherais le morceau, j’étais déterminée à lui rappeler ad vitam aeternam l’épisode du chocolat brulant tombé sur sa main. J’allais devenir une vraie plaie à force de le fréquenter. Un jour, il allait avoir envie de me balancer par la fenêtre, en attendant, j’en profitais. « Je vois pas pourquoi c’est toi qui devrais décider. Je suis pas d’accord. En plus d’être -pas content-, tu es macho. C’est beau ! » soupirai-je exagérément en croisant mes bras contre ma poitrine à mon tour. Puis, évidemment, il me posa la question à un million - pourquoi j’avais un plâtre au bras- j’aurais pu mentir, trouver une excuse moins ridicule que la vérité, mais ma fierté s’était envolé avec mon avant-bras. Je racontais donc mon histoire d’une traite et je tentais de jauger sa réaction. Il dissimulait un -foutage de gueule royal- ou je rêvais ? Maintenant qu’il avait visualisé la scène j’étais fichue, fichée à vie comme une guerrière armée de farine et maladroite comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. « La prochaine fois je ne te raconterais rien du tout. Fais pas l’innocent. Je sais très bien ce que tu penses. » J’étais vexée. Un peu. J’espérais qu’il allait me plaindre, prendre ma défense, dire de Garrett qu’il était inconscient de m’avoir laissé grimper sur le piano, me demander si la chute n’avait pas été trop douloureuse sur le coup. Mais non, rien. Kilian était à la hauteur de son personnage, ton ironique, moqueries. « N’empêche que j’aurais pu me faire mal. Enfin, plus que ça. » ajoutai-je en m’installant sur le carton qui trainait face aux toiles. Je lui proposais d’en choisir une sur le ton de la plaisanterie, et il ne perdit pas une seconde pour répliquer, avec toujours beaucoup d’élégance et de modération dans ses propos. « Pour t’échapper avec, faudrait déjà que t’arrives à la décrocher du mur et à la soulever. Et moi, j’ai pas pitié de toi. Pas du tout. » finissais-je par dire en me laissant tomber sur le dos. Malgré son caractère atypique, je commençais vraiment à apprécier Kilian. J’aimais ses gâteaux, ses yeux, le cadre de lui et son papa dans son salon, ses peintures, ses sautes d’humeur, ses demi-sourires, et sa mauvaise humeur. Je dirais même que j’étais en train de m’y habituer doucement. Il avait une manière particulière de m’amuser, de me surprendre. Néanmoins, le bonheur ultime consistait à lui couper l’herbe sous le pied. Lui laisser croire que tout est sous son contrôle et appuyer sur le bouton rouge qui déclenche la bombe atomique. Il semblait surpris voir même déstabilisé lorsque je lui annonçais que j’avais vu son film. Je fronçais légèrement les sourcils en guettant sa réaction, parce que j’avais la curieuse impression qu’il n’avait pas du tout envie que je le voit. « Au pire j’irais toute seule. Tu sais on dirait pas, mais je suis grande et j’ai pas besoin d’une baby-sitter pour aller au cinéma. » Je me demandais si le film était nul, s’il avait honte de sa prestation, ou si ... « Tu as peur que je me rende compte que tu n’as aucun talent ? Pourquoi tu veux pas que j’aille le voir ? » Un large sourire se dessinait sur mes lèvres. Mine innocente, visage enfantin, on m’aurait donné l’absolution sur un plateau. Sans broncher je l’écoutais argumenter sur le fait, que ce n’était pas un film pour moi, que ça pourrait heurter ma sensibilité etc, etc. « Ouaip’, c’est pas un Walt Disney. Le réalisateur a peut-être dit ça parce que, tout comme ton personnage : tu es fou. C’est pas une insulte, c’est une constatation. » Nouveau sourire innocent, oeillade complice. Retour du pouvoir dans le camp Mackenzie. Enfin pas pour longtemps. Voilà que Kilian s’approche à la façon d’un serial-killer au dessus de moi. Il est crédible, trop crédible. Effrayant même. Je reste bouche-bée en attendant qu’il termine son one-man show. « Sauf si tu décides de me séquestrer, j’irais quand même le voir. Avec ou sans toi. » murmurai-je tandis qu’il regardait une dernière fois les oeuvres encadrées au mur. Il était temps de prendre la route en direction de son appartement pour notre première séance de peinture. J’avais encore un peu d’appréhension, l’idée de me glisser dans la peau d’un modèle ne me mettait pas forcément à l’aise. Il allait me scruter sans interruption, j’allais devoir rester plus ou moins immobile, et me connaissant, j’étais capable de tout foutre en l’air dès le début. « Oui, j’ai faim. » sifflai-je tandis que nous quittions le musée afin de regagner sa voiture puis son appartement. Je regardais l’ascenseur avant de choisir les escaliers. Je préférais mettre dix minutes de plus et monter cinquante marches plutôt que de rester enfermée dans une boite d’un mètre carré. Une fois dans son appartement, je remarquais une odeur de chocolat qui planait dans l’air et un large sourire s’empara de mes lèvres. Je me dirigeais naturellement vers le salon, et m’installai, faisant comme si j’étais chez moi. « Si jamais tu as besoin d’une colocataire tu me fais signe. J’accepterais de gouter tout tes plats sans me plaindre. » lançai-je sur le ton de l’humour. Je partageais déjà mon quotidien entre l’appartement de Garrett et de Jake, et même s’ils n’étaient pas très présents pour moi, et que ils ne me faisaient de bons petits plats, c’était un bonheur de les avoir à mes côtés. « Tu pourras éviter de peindre le plâtre ?! » ajoutais-je en m’adressant à lui, tandis qu’il était dans la cuisine, avant de rire doucement. Puis, je me levais afin de mettre de la musique. Il n’y avait rien de tel qu’un bon morceau de Dire Straits pour mettre l’ambiance. Sultans of Swing ! Yeah. « Youuu get a shiver in the dark. It's been raining in the paaaark but meantime » commençai-je à chanter en secouant la tête de gauche à droite. Dommage Kilian, si tu voulais une modèle normale et docile pour tes peintures : faudra repasser plus tard.

 
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MessageSujet: Re: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptySam 4 Jan - 17:23



Avec Mackenzie, il n'est pas question de lui pourrir la vie comme j'aime le faire avec certaines personnes, il s'agit seulement de la taquiner le plus possible. La charrier pour lui montrer que sous des dehors grincheux, c'est ma façon d'apprécier son caractère libéré, insoumis et illuminé. Il existe des personnes qu'on peut qualifier de solaire tant elles ont ce petit je ne sais quoi qui fait tout rayonner autour d'elles, la jeune étudiante en fait partie. De son sourire à ses cheveux en passant par son visage, c'est littéralement impossible de vouloir lui faire du mal ou souhaiter l'observer souffrir. Tout ce qu'on veut voir, c'est un sourire se nicher sur ces jolies lèvres fines et ne plus jamais s'effacer. Une muse parfaite, elle l'est plutôt deux fois qu'une car son tempérament est aussi inspirant que sa silhouette. C'est pour cette raison que je m'incline face à ce moulin à parole, ne répondant que par un petit air exaspéré qui n'est pas sans traduire le fond de ma pensée amusée. Lui faire le plaisir de sourire ? Non, pas encore. Le sourire de Kilian Salaun, ça se mérite. Fut un temps où, petit, je souriais à tout va. Mon pessimisme vous répondra qu'à l'époque, j'avais davantage de raisons de sourire qu'aujourd'hui. Tout comme j'avais davantage de personne à qui sourire qu'aujourd'hui, ce qui rend chaque élu(e) suffisamment spécial(e) pour recevoir de rare témoignage de contentement. "Non, effectivement, on dirait pas que t'as besoin d'un adulte pour faire quoique ce soit avec toi." répondis-je avec sarcasme en posant un regard critique sur son plâtre. En réalité, j'étais inquiet et espérais réellement que ce ne soit pas trop grave, mais la bousculer gentiment sur le plan verbal est une façon détournée de lui montrer que j'y pense. C'est tordu, je sais. Vous remercierez mes parents de ne pas m'avoir conçu avec le mode d'emploi pour savoir comprendre un Kilian Salaun, ça aurait pourtant été utile. Je soupire puis m'adosse à un mur en arborant une mine détachée quand elle m'accuse de n'avoir pas de talent. "C'est pas parce qu'Hollywood embauche des gros bras sans cervelle pour des films à gros budgets que les débutants n'ont pas de talent non plus." Fier, le Breton ? Pas qu'un peu. Sans jamais avoir été un jour égocentrique ou quoique ce soit de ce genre, j'ai tout de même un peu d'orgueil. Je ne me mets pas spécialement en avant dans la vie de tous les jours, mais ce n'est pas pour autant que j'ai un caractère à me laisser marcher dessus, Mackenzie elle-même peut témoigner. "C'est juste que... J'ai une scène plutôt osée avec l'actrice principale. J'ai pas envie que graille voir le film et que tu tombes follement amoureuse de l'image que je renvoie en tant que fantasme masculin, tu vois ?" Le ton de ma voix est purement sarcastique, mais il cache en réalité un léger malaise. J'avais compris la force de la scène, j'y avais même mis tout mon cœur malgré ma réticence à m'afficher nu d'une manière aussi... frontale. Cependant, de là à faire tourner l'info à tous mes amis pour qu'ils n'aillent voir le film que pour ça, ce n'était vraiment pas le but. Et encore moins Mackenzie qui sera soit très embarrassée, soit moqueuse. J'ai déjà eu un mal de chien à la convaincre d'être un jeune artiste honnête qui ne voulait pas l'entraîner dans un plan tordu, inutile de replacer le doute en elle. J'esquive les rougeurs qui empourprent mes joues ordinairement blanches puis je me racle la gorge. "Ceci dit, je te remercie du compliment." Si je peux paraître aussi fou que ce personnage, alors j'en serai ravi. Enfin... On enlèvera juste les tendances psychopathes et ce genre de bricoles, quand même. J'ai déjà une réputation peu enviable au niveau sociabilité, on va donc éviter d'en rajouter. Nous quittons ensuite le musée, non sans me faire la promesse intérieure d'y repasser dès la prochaine fois que Mackenzie y travaillera, et nous nous dirigeons jusqu'à l'appartement. Sans surprise, nous empruntons les escaliers puisqu'elle a peur de l'ascenseur. Notez que j'ai l'élégance de ne pas balancer une petite remarque désobligeante. Vous voyez, ça m'arrive parfois d'être aimable. Ou de ne pas être délibérément désagréable, voyez-ça comme vous le voudrez. À l'intérieur de l'appartement, le parfum du chocolat flotte et se mélange avec une légère note boisée. "Dommage pour toi, la place est déjà prise. En prime, je sais pas si j'aurais eu la patience de troquer un réveil électronique contre une blondinette à voix de crécelle." Cette fois, je lui souris, c'est vrai, mais c'est le sourire d'un adorable chieur qui ne mérite qu'une petite claque pour lui faire passer l'envie de se moquer. Dans la mesure où je partage cet appartement avec Stephen, mon "frère Sigma", qui est à peu près aussi aimable que moi, pas besoin de préciser que l'omniprésence de Mackenzie La Terrible aurait fini par mener à une guerre ouverte. Une pie bavarde entre deux fauves ronchons, c'est peu recommandé. Je file en cuisine puis je reviens en écoutant la musique qu'elle a mis en route sur la chaîne. Je l'observe un instant tournoyer un peu au rythme du son femme libérée par excellence. Elle n'a même pas besoin de se forcer pour avoir cet air bohème qui la rend aussi charmante. Je suis sûr qu'elle aurait pu être du genre à partir sur les routes avec rien d'autre qu'une guitare et un sac à dos sans se soucier de l'endroit où le vent la porterait. C'est un vieux rêve que j'aimerai réaliser aussi, mais passons. "Entremets aux trois chocolats et feuillantine de praliné, pour la demoiselle Fitzgerald." Je dépose le gâteau face à Mackenzie sur la table basse. Glaçage miroir, chocolat noir, blanc et au lait, le croquant du praliné entre les mousses, un biscuit bien fondant... Si avec ça, je ne la calme pas pendant quelques minutes, je ne m'appelle plus Kilian Salaun. Je lui en découpe une belle part, en comptant sur sa gourmandise, puis je lui donne dans une assiette avec une cuillère. "T'inquiète, ton plâtre sera absent de la toile, c'est autre chose que j'ai en tête." Je tire vers moi le chevalet avec la toile et les différentes peintures sur une table roulante à côté. "Ça va être très simple : la seule chose que te demande, c'est de manger ce gâteau. Et ne pas courir dans tous les sens, j'ai pas la patience de la nounou qui s'occupe de tes frères et toi." Pour le reste, libre à elle de bouger, parler. Plutôt pas mal, le compromis, non ? Je n'ai pas besoin qu'elle reste parfaitement immobile, même s'il y a un minimum. Je veux avant tout représenter sa gourmandise avec une petite cuillère, soit un portrait serré qui s'arrêtera au niveau de sa poitrine, et encore. J'aimerai faire ressortir sa joie de vivre, cette joie des choses simples, son plaisir gustatif, la petite étincelle qui pétille au fin fond des yeux quand plus rien ne compte hormis ce qui se trouve dans sa petite cuillère ainsi que ce que cela peut lui évoquer. "Alors, il est comment, ce gâteau ? J'ai ajouté une petite pointe de café pour casser un peu le sucre." Et maintenant, silence, l'artiste est à l'œuvre. Mais le silence, c'est pour combien de temps...?
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MessageSujet: Re: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptyDim 12 Jan - 18:11


“ Les musées sont les endroits les plus vivants du monde.
On dirait une concentration d'humanité. ”


« Je ne vais même pas prendre la peine de répliquer. » soupirai-je en le laissant gagner cette manche. J’estimais ne pas avoir besoin de baby-sitter ou d’adultes responsables pour garder un oeil sur moi, et ce malgré le fait que je sois incroyablement maladroite. J’avais un don pour me mettre dans des situations embarrassantes, c’était agaçant mais j’avais fini par me faire à l’idée que la fatalité avait une dent contre moi. Kilian ne pouvait pas comprendre, et ce n’était ni ses sarcasmes mêlés à l’humour, ni ses conseils ridicules qui permettraient à la roue de tourner. D’autant qu’en y repensant, la personne la plus immature des Fitzgerald ce n’était pas moi, mais bel et bien ce très cher Garrett. Avec ses grands air, sa modestie inexistante et sa renommée planétaire, Monsieur enchainait les plans douteux et les enfantillages. Oui, dans la famille j’étais la douce Mackenzie, rêveuse, studieuse et passionnée. Personne ne pouvait dire le contraire. Appuyé contre le mur de la réserve, Kilian m’observait visiblement amusé de ma situation. Les petites provocations et autres remarques savamment placées faisaient parties intégrantes de son vocabulaire. Clairement, si j’avais envie d’un vrai sourire, j’avais plutôt intérêt à me lever tôt. « Ca veut dire que tu vas te mettre à la muscu ? Parce que y’a du boulot ! » répondis-je sur le même ton que lui. Bien déterminée à lui clouer le bec de temps en temps, même si niveau répartie la Bretagne était loin devant l’Australie. Quoi qu’il en soit, je ne doutais pas de son talent, en peinture il excellait et j’espérais qu’il en soit de même dans le domaine du cinéma. Néanmoins, j’étais bien incapable de me positionner sans avoir vu au préalable le fameux long métrage dont les affiches recouvraient la ville. Si Kilian avait été plus égocentrique, il aurait eu l’immense bonheur de pouvoir s’admirer sous toutes les coutures sur les affiches géantes de la promotion du film. Personnellement, la célébrité ne m’avait jamais attiré. Etre poursuivit par une horde de paparazzi, ne plus pouvoir faire un pied hors de chez soi, voir son visage placardé à gauche et à droite entre deux pubs de bagnole dans un magazine, dans des émissions pseudo-culturelles, une vie disséquée sur les réseaux sociaux par des internautes hargneux et jaloux. Non merci. Je me demandais comment il allait gérer tout ça, qu’elle était son plan pour ne pas se faire bouffer puis recracher par le « star system ». « Tu n’as pas peur de tout ça ? Que ça aille trop vite pour toi ? La célébrité, les bruits de couloirs, la presse déchainée ... » demandai-je à demi-mots sans être convaincue d’être la bonne personne à qui il avait envie de parler de ses doutes. Il pouvait se confier à moi évidemment, mais seulement s’il le souhaitait. Je pouvais être de bons conseils, parce que je parlais en connaissance de causes. J’avais vu Garrett changer du tout au tout, se faire happer par une spirale infernale et ultra-médiatique. A un moment, il avait perdu pied. Il s’était éloigné du droit chemin. Des dérives toujours plus sombres, des excès toujours plus dangereux. Drogues, sexe, filles, alcool, abus. Il était si facile de tomber du mauvais coté. Pendant une seconde tout va bien, et celle d’après, c’est le début d’une longue descente aux enfers. Je n’avais pas envie de voir Kilian s’embourber là dedans, je refusais qu’il suive les traces de Garrett. C’était peut être égoïste, peut être précipité, mais j’avais le besoin compulsif de le protéger, de ne pas voir encore la même histoire se réécrire sous mon nez tout en étant impuissante. « Merci de m’avoir spoiler la partie -sans doute la plus intéressante- du film. » soufflai-je en riant, plutôt gênée. Je ne savais pas trop comment prendre cette révélation. Voir avec un film avec des scènes osées était monnaie courante, voir un ami dans un film avec ce genre de scènes c’était une toute autre histoire. Je décidais donc d’user de l’humour en ultime recours, une pirouette bien rodée puis j’aviserais lorsque je visionnerais la fameuse scène. « Non, mais ça pourrait être carrément sensationnel ! Je serais ta groupie officielle et je pourrais mettre des posters de toi partout dans ma chambre. Attend bouge pas ! » J’attrapais mon téléphone portable au fond de mon sac à main avant d’activer l’appareil photo. « Fais moi ton plus beau sourire, comme ça je pourrais l’imprimer grandeur nature. » poursuivais-je un brin moqueuse à l’intention de Kilian avant d’appuyer sur le bouton. « C’est dans la boite. Premier cliché d’une longue série. Tu pourras le dédicacer ? Comme ça quand tu seras encore plus connu je pourrais le revendre à prix d’or sur le web. » demandai-je avant de quitter le musée en sa compagnie. Notre première séance de peinture nous attendais à l’autre bout de la ville. Une fois arrivée devant l’immeuble, je me dirigeais vers les escaliers puis franchissais le seuil de son appartement parfaitement à l’aise. J’aimais bien cet endroit, et encore plus l’odeur de chocolat planant dans l’air. C’était comme un avant-goût du paradis. « Ha oui, c’est vrai. Il faudrait que tu me le présentes un jour. Ceci dit, je prend pas beaucoup de place, je pense qu’il y a parfaitement moyen de me caser quelque part entre tes sautes d’humeur et ton coté ronchon. » Un partout ! Score égalisé. Je n’avais pas une voix de crécelle. J’étais bavarde. Nuance. En l’attendant, j’allumais son ordinateur afin d’y passer une musique entrainante et rock n’roll que j’affectionnais tout particulièrement. Mes pas suivaient le rythme des guitares et mes mouvements aériens témoignaient d’une liberté rare et précieuse. Comment il faisait Stephen pour supporter Kilian au quotidien ? Ils n’avaient jamais tenté de s’entretuer les deux ? Je notais ces questions bien soigneusement dans un coin de ma tête afin d’y revenir plus tard. C’est alors, qu’il revenait armé d’un gâteau hallucinant, du chocolat partout, du sucre, de la praline. Mes yeux s’écarquillaient comme si j’étais une gamine de six ans dans le plus grand magasin de jouets du monde. « Hoooooooo ! » ajoutai-je pour unique réponse. J’étais impatiente d’y gouter, car rien qu’au niveau du visuel, Kilian avait placé la barre très haute ! Je retournais m’installer sur le canapé et l’observais préparer mon assiette. J’étais chouchoutée comme jamais, et le sourire qui s’installait sur mes lèvres n’était pas prêt de disparaitre. « A l’attaque ! » clamais-je haut et fort en plantant ma cuillère dans la généreuse part. Plus rien d’autre ne comptait, je devenais muette tandis qu’il s’activait à l’autre bout de la pièce avec son chevalet et sa peinture. Evidemment, je n’entendais pas un traitre mot des recommandations de Kilian le dictateur en puissance. Première bouchée : j’étais conquise ! C’était un véritable plaisir pour le palais. J’étais capable de tout ingurgiter jusqu’à la dernière miette quitte à m’en rendre malade, et à prendre deux kilos. Le -chez Kilian- était sur le point de devenir ma cantine officielle. Je levais le pouce en l’air pour toute réponse, c’était tellement divin que j’en perdais mes mots. J’avais déjà avalé la moitié de ma part lorsque je relevais les yeux vers lui. Il était entrain de peindre. De me peindre pendant que je mangeais. C’était une blague ? On était loin de Jack et Rose dans Titanic, j’allais passer pour une accro du chocolat immortalisée sur une toile. « T’es pas entrain de me peindre pendant que je mange, avec du chocolat autour de la bouche et tout ? » demandai-je un peu surprise en le menaçant avec ma cuillère. Je posais mon assiette sur la table et me relevais dans la précipitation. Ce que je n’avais pas calculé alors, c’était la proéminence de mon plâtre et le risque élevé de dégâts qu’il pouvait représenter au moindre geste brusque. Et bam ! Le vase posé sur le meuble à coté de moi fut propulser d’un coup hors de sa place initiale avant de s’écraser sur le sol en mille morceaux. « Oups ! C’est pas moi. C’est le plâtre. » Murmurais-je innocemment. J’espérais que ce n’était pas un objet de valeur, parce que il était irréparable à première vue. « Tu dis rien. Je vais nettoyer. Bouge pas. » Il allait s’énerver si je ne faisais rien, et étant donné que j’étais sensible comme pas deux, l’incendient pourrait prendre des proportions démesurées. Instinctivement, je me dirigeais vers le placard du couloir dans l’espoir d’y trouver un balai afin de faire un tas avec les morceaux de verre histoire que personne ne se coupe la plante du pied. Y’avait bien un balai. Tout au fond. Fallait que je l’attrape à une main, sans rien faire tomber autour. Pari gagné. Je revenais comme une fleur et commençais à réparer mes dégâts. Ce n’était pas évident. Le balai à une main. « Ca marche pas ! En plus il y a des bouts de verre sous le meuble là bas. C’est trop loin. » Je me plaignais et soupirais bruyamment. Mon handicap éphémère me rendait la vie infernale. « Tu veux pas le faire ? » l’hôpital qui se fout de la charité, oui. Je faisais un demi-tour sur moi même en hissant l’objet sans penser une seconde que le bout de bois pouvait être une arme encore plus redoutable que le plâtre. C’était un jeu de dominos grandeur nature. Le plâtre qui fait tomber le vase, le balai qui heurte le chevalet. Le chevalet qui chute sur le pied de Kilian. « Oh ... merde. » murmurai-je entre mes dents. J’étais coupable, et archi coupable. Son appartement ressemblait désormais à un champ de bataille. « Ca va ? » Tais-toi Mackenzie. Tais toi et cours.

 
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MessageSujet: Re: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptyJeu 16 Jan - 6:15



"Non, non, ça va… je gère, pour le moment." répondis-je sur un ton évasif à la question de Mackenzie sur l'effroi que pourrait provoquer cette soudaine célébrité. En réalité, je suis complètement terrorisé car je n'ai jamais été le genre de type à se mettre en avant ailleurs que sur une scène ou derrière une caméra. Pudique sur mes sentiments et ma vie privée, j'ai toujours méprisé les starlettes de Berkeley et les pseudos célébrités de télé-réalité qui vendent un quotidien truffé de sensations pour se mettre en avant. C'est la raison pour laquelle je me sens plus proche que jamais de mon père qui, pour l'avoir connu au sommet de sa célébrité comme comédien et humoriste quand j'étais enfant, gérait très bien sa réputation ainsi que sa vie privée. Il était resté le même et c'est précisément ce que je voulais. "Au pire, si jamais tu m'vois changer, je t'autorise officiellement à me mettre une gifle pour me rappeler à l'ordre." J'ironise, évidemment, mais dans le fond, ce n'est pas une blague de non-sens. Je ne veux pas changer, je veux rester le Kilian que j'ai toujours été. Un tantinet plus sociable face caméra histoire de faire avancer ma carrière, mais sans jamais devenir la coqueluche des papiers trash ou autres gros titres d'émissions de ragots en tous genres. Réaliser mon rêve d'acteur, pas me perdre dans le star system si bien huilé d'Hollywood. Pour ce faire, je pouvais compter sur mes proches pour m'aider à garder les pieds sur terre. Mackenzie en fait partie. Je m'étais d'ailleurs contenté d'arquer un sourcil pour tout sourire sur cette photo prise au dépourvu. Kilian, il ne sourit pas sur commande. Dans un sens, Mackenzie non plus vu qu'elle passe son temps avec la banane au visage, et rien que de la regarder on a presque envie de sourire aussi. Lui présenter Stephen ? Le connaissant, il va vite m'adresse un air complice en s'imaginant immédiatement que de muse à attirance, il n'y a qu'un pas. Certes, je suis tombé amoureux de la précédente femme qui a régné sur les portraits féminins que j'ai conçus, mais qui dit que je ne peux pas être un artiste "normal". Je lève les yeux au ciel en l'entendant se vendre pour pouvoir habiter ici. "T'sais ce qu'elles te disent, mes sautes d'humeur ?" Oui, je pense qu'elle arrivera à se le figurer toute seule, comme une grande. Vorace et empressée, la voilà qui se jette sur le gâteau à peine celui-ci déposé devant son nez. Que du chocolat sous différentes formes, de quoi la rendre dingue. Si j'aime beaucoup cuisiner, je le fais avec encore plus d'entrain lorsque je souhaite satisfaire l'appétit d'une personne qui me tient à cœur. Certes, je suis infiniment moins à l'aise et sociable qu'elle, mais ce gâteau fait partie des attentions qui soulignent à quel point j'apprécie passer du temps avec elle, malgré mes remarques cyniques qui pleuvent au même titre que sa répartie inextinguible. Et au cas où on pourrait se poser la question, non, je ne l'amadoue pas avec de la nourriture. Je n'ai même pas besoin de le vouloir vu sa gourmandise exacerbée. Je plonge d'ailleurs sur le chevalet pour m'emparer du pinceau et de la palette pour commencer à immortaliser l'essence de ce qu'elle représente à ce moment précis. La femme libérée, indomptable, satisfaite et charmeuse dans la simplicité. L'Australienne a-t-elle seulement conscience de l'image délicieuse qu'elle renvoie ? Je ne suis absolument pas de ceux qui ne jurent que par les maigrichonnes supra-populaires qui, perchées sur leurs talons aiguilles et habillées pour l'hiver avec une jupe à ras la salle de jeux, se rassasient d'un grain de raisin. Faut-il être fade et navrant de clichés pour apprécier ces femmes. Je préfère de loin une femme comme Mackenzie qui ne se refuse aucun plaisir, qui surfe sur une image solaire, passant de l'éclat de rire aux yeux écarquillés de la surprise en un quart de seconde. Une beauté incapable de frayer avec le mensonge sur sa propre personnalité. Concentré sur ces pensées, mon pinceau commence à tracer les courbes primaires, annonciatrices d'un portrait cadré jusqu'aux épaules, du moins jusqu'à ce la gloutonne qui prend une pose originale de modèle ne s'offusque de me voir l'immortaliser dans une posture qui ne semble pas la flatter. "Promis, le fait que tu sois une goinfre accro au chocolat restera entre toi et moi." Le sarcasme, encore et toujours. Je n'ai même pas levé les yeux vers la cuillère dirigée en guise d'arme dans ma direction, trop occupé à me laisser porter par l'inspiration du moment. C'est presque une sorte de transe, une transe dominée par l'omniprésence de Mackenzie et du mot "gourmandise" dans la moindre petite pensée. Cependant, je finis par en sortir lorsque le bruit d'un vase brisé retentit à mes oreilles. Je l'observe avec la bouche à moitié ouverte. Super. Un vase que j'ai acheté à Pont-Aven. Pas cher, certes, mais avec une valeur sentimentale. J'allais rétorquer que le plâtre allait être envoyé au coin, mais la blondinette préféra m'interrompre pour aller nettoyer. "J'sais pas si c'est une bonne idée…" Elle a l'air d'être aussi adroite qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine, alors si on peut se passer d'une autre catastrophe. Ceci dit, elle revient au pas de charge avec un balai pour galérer à former un petit tas. En la voyant se débrouiller comme elle le peut, je secoue la tête et pose mon pinceau avant même qu'elle ne me demande de ramasser. Par principe, je ne laisse pas une blessée faire ce genre de choses, on m'a élevé bien mieux qu'un sadique qui préfèrerait se tourner les pouces. Cela dit, dans sa formidable adresse toute relative, Mackenzie fait percuter le manche du balai contre le chevalet qui s'écrase sur mon pied. "Oh putain de bordel de merde !!" jurai-je dans un français comme elle aura sans doute rarement eu l'occasion d'en entendre. Cette vulgarité soudaine, je la tiens de mon Breton de père, c'est génétique. Je pousse sèchement le chevalet de mon pied gauche puis je m'appuie contre un fauteuil en cherchant à retirer ma chaussure. Un regard meurtrier dans sa direction lui suffira comme réponse à cette question idiote. J'enlève ma chaussette et j'arque un sourcil quand je vois deux de mes orteils anormalement gonflés. "Tu pourrais aller me chercher de la glace dans la c… NON ! NE BOUGE PLUS ! Reste où t'es ! Touche à rien !" m'interrompis-je en levant une main dans la direction de Mackenzie qui devait s'apprêter à foncer en cuisine. Elle en a fait suffisamment, on va éviter d'en rajouter. Je me lève et marche à cloche-pied en direction de la cuisine… à ceci près que je mets le pied sur un tesson de verre du vase précédemment brisé. Et en sautant dessus, s'il vous plait, sinon c'est pas drôle. "Aaaah bordel !!" Je tombe sur les fesses en serrant les dents et en regardant mon pied, les larmes aux yeux. Du sang s'écoule d'une coupure assez petite mais visiblement profonde. Pour peu que le tesson soit incrusté dans la chair… Je tape du poing plusieurs fois sur le sol et cogne ensuite le fauteuil à côté de moi. "Appelle les urgences, faut que j'aille aux urgences ! Tu peux pas conduire et moi non plus !" Je reste assis sur le sol, adossé au fauteuil, me tenant le front en serrant les dents pour ne pas pleurer sous l'effet de la douleur. "Mais c'est pas possible… Je le crois pas… Tu t'arrêtes jamais ? Par pitié, ne bouge plus jusqu'à ce que les ambulanciers soient là…" C'est l'histoire de deux gaffeurs qui font de la peinture… et qui finissent aux urgences. Ca, c'est un après-midi qui promet : un pied aux orteils écrasés et l'autre coupé avec un bout de verre planté à l'intérieur. Les yeux fermés, je mords ma lèvre inférieure en attendant les secours que Mackenzie va appeler, tâchant de ralentir le saignement du pied droit en plaquant une partie de ma main sur la coupure, mais pas suffisamment fort pour que le morceau de verre ne s'enfonce pas plus loin.

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MessageSujet: Re: "Beauty is in the eye of the beholder" "Beauty is in the eye of the beholder" EmptyMar 21 Jan - 0:43


“ Les musées sont les endroits les plus vivants du monde.
On dirait une concentration d'humanité. ”


Au lieu d’étudier l’histoire de l’Art, j’aurais du être une artiste. Il fallait reconnaitre mon talent, et quel talent ! Debout au centre de la pièce j’admirais mon -oeuvre- , ou plutôt j’évaluais soigneusement les dégâts. Sur une échelle de 1 à 10, la chute du précieux vase ayant une très forte valeur sentimentale se situait à 8. L’amputation d’un pied en revanche battait tout les records. Je dramatisais peut-être un peu, mais l’appartement bien rangé et douillet venait de laisser place à un véritable champs de bataille. Eclats de verre, chevalet couché sur le sol, du sang s’écoulant du pied de Kilian, et un blessé grave. Même handicapée j’étais un désastre. Un désastre avec une poisse dépassant l’entendement. A la manière d’une bombe atomique, j’avais tout détruit sur mon passage. Tout sauf le gâteau au chocolat, qui lui, était encore intact. Preuve que Dieu existe. « Je suis vraiment, vraiment, vraiment ... désolée. Je te jure que je n’ai pas fait exprès. » murmurai-je doucement afin de me racheter une dignité. J’étais couverte de honte tandis qu’il m’envoyait un regard accusateur. Immobile, j’observais la scène sans trop savoir quoi faire. Faire un mouvement, aussi minime soit-il représentait un risque tellement grand. Je refusais d’être à l’origine d’une nouvelle catastrophe. Quoi qu’il en soit, mes excuses étaient d’un ridicule confondant. Evidemment que je n’avais pas fait exprès. J’avais bien des défauts, mais pas celui de vouloir blesser physiquement les personnes que je considérais comme des amis. J’aurais du l’écouter lorsqu’il m’avait dit que c’était une mauvaise idée de vouloir balayer. Pourtant ma démarche partait d’une bonne intention. J’attirais la poisse, la malchance, et les situations aussi catastrophiques que celle-ci tout en étant parfaitement impuissante. Kilian était couché sur le sol, il se tordait de douleur, jurait en français. Je ne l’avais jamais vu dans un tel état, j’avais presque envie de plaisanter pour mieux faire passer la pilule, mais je savais qu’il ne rirait pas. Je savais que la moindre parole déplacée reviendrait à signer mon arrêt de mort. J’étais trop jeune pour mourir. Il était parvenu à me clouer le bec. Tout était allé trop vite, je ne comprenais plus rien. En revanche, je commençais à cogiter et je me disais qu’après ça, il ne voudrait sans doute plus jamais m’adresser la parole. Il allait m’en vouloir, me le rappeler ad vidam aeternam, et exposer aux yeux de tous sa future cicatrice sur son pied en clamant haut et fort qu’elle était l’oeuvre de la tyrannique Mackenzie. D’autant que maintenant il était célèbre, il commençait sa carrière en tant qu’acteur. Il allait avoir des impératifs, des rendez-vous importants, des rencontres déterminantes. Sans le savoir je venais peut-être de briser sa carrière, parce qu’il allait boiter pendant un long moment, porter des béquilles, se reposer. Le désastre était pire que prévu et je me sentais horriblement égoïste. Au lieu de l’aider, d’appeler vite les pompiers, je restais là, au centre de la cuisine encore sous le choc, et je pensais que j’allais devoir prendre l’ascenseur pour le conduire en bas en laissant dernière nous une trainée de sang digne d’un film d’horreur. En temps normal, je me serais enfuie le plus rapidement possible, mais là il n’en était pas question. Fuir maintenant ce serait de la non-assistance à personne en danger. « Je peux bouger jusqu’au téléphone ? » le questionnai-je. J’ignorais si j’avais le droit de marcher jusqu’au téléphone et prendre ainsi le risque de faire tomber : la table basse, la bibliothèque, le cactus en pot, l’ordinateur portable ou tout autre chose capable de tomber et de se briser. Pour seule réponse, il me lançait un nouveau regard accusateur au possible qui me glaça les veines. Je venais de perdre un ami, l’un des rares que j’avais depuis mon entrée à Berkeley. Le dénommé Monsieur Grincheux dont la réputation n’est plus à faire, a défenestrer des gens pour bien moins que ça. Pourquoi je serais l’exception ? Doucement, j’avançais vers le téléphone et composais le 911. Seigneur, comment expliquer à des inconnus la scène qui vient de se dérouler. « Je ... Allo ... Oui c’est pour une urgence. Mon ami enfin ... je sais plus trop ... Il a marché sur un bout de verre. Oui, ça saigne. C’est bien enfoncé dans la chair je crois. Il se tord de douleur et je ne peux pas conduire parce que j’ai le bras dans le plâtre. Voilà. Merci. » Je raccrochais en prenant soin de donner l’adresse de Kilian, et revenais vers lui en prenant soin de ne toucher à rien. J’étais une gamine de trois ans au milieu du rayon vaisselle d’un centre commercial et dont les parents répétaient en boucle - tu touches avec les yeux-. Sauf qu’évident, en gamine un peu stupide et inconsciente, j’avais littéralement -touché avec les yeux- si bien que tout le rayon s’était écroulé. J’allais me faire réprimander, engueuler, pourrir. Rongée par la culpabilité, je sentais ma gorge se nouer. Kilian n’en savait peut-être rien, mais il n’y avait pas une seule personne sur Terre plus sensible et à fleur de peau que moi. Une parole au dessus de l’autre, un cri, une dispute et je retombais en enfance, je me mettais à pleurer de manière parfaitement incontrôlable. « S’il te plait, hurle pas. » prononçais-je à demi-mot, presque implorante. Kilian passait sa vie à râler pour un oui ou un non, et maintenant que c’était parfaitement justifié, je lui demandais de rester calme. Je rêvais, je pouvais espérer encore un bon siècle pour l’entendre dire - c’est pas grave, je ne t’en veux pas. Un pied c’est pas si important.- Je m’approchais de lui et me mettait assise à ses cotés, ainsi il pouvait m’étrangler si l’envie lui prenait. Je faisais en sorte de ne pas croiser ses yeux bleus et prenait sur moi pour ne pas pleurer stupidement. « Je voulais pas ... » raté, une larme se mettait à ruisseler le long de ma joue. « J’avais pas imaginé que ... » que je puisse faire autant de dégâts en si peu de temps- mais je fus incapable de finir ma phrase. J’attrapais sa main avec douceur et la serrait dans la mienne, je n’avais plus rien à perdre. Dans le pire des cas, il pourrait toujours m’expédier à l’autre bout de la pièce et/ou du pays. J’aurais peut-être du rester en Australie finalement, ça m’aurait évité de potentiellement ruiner la carrière naissante de la future star du cinéma américain. « Je vais ouvrir ! » la sonnette venait de retentir. Les urgences étaient là. Je lâchais sa main et me précipitais vers la porte. « Il est dans le salon. » J’indiquais d’un geste l’endroit et tous s’activaient autour de Kilian afin de le conduire à l’hôpital. Néanmoins, l’un des pompiers s’approchait de moi. « Vous, vous êtes battus ? C’est lui qui vous a fait ça ? » hein, pardon ? Il désignait mon plâtre et devait s’imaginer toute histoire entre Kilian et moi à base de violence conjugale, de jalousie, et de règlement de compte qui tourne mal. « Non, non, c’est juste moi. Je suis pas douée. Je peux venir à l’hôpital avec lui ? Ce serait mieux qu’il ne soit pas tout seul. » quoi que Kilian prenait moins de risques en étant seul, qu’en étant accompagné par moi. En deux temps, trois mouvements, il fut placer sur un brancard à l’arrière de l’ambulance. Les pompiers lui demandaient sans cesse de ne pas bouger, de ne faire aucun geste brusque de peur que le bout de verre ne s’enfonce encore plus. Je restais dans mon coin, retranchée sur moi même, trop honteuse et coupable pour dire ou faire quoi que soit. D’ailleurs, il aurait sans doute préféré que je ne sois pas dans l’ambulance. Je n’avais pas imaginé ça comme ça, mais ... les après-midi peinture : c’est vraiment pas cool.
 
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