sois ma princesse pour une journée

 

Il fallait qu'elle dorme. Il le fallait, presque deux jours sans avoir fermé les yeux, ça commençait à faire beaucoup et Siloé le ressentait dans la lourdeur de ses yeux, et son esprit qui semblait somnoler. Cependant, le regard vrillé vers le plafond blanc de sa chambre chez les Lambda qu'elle partageait avec Alessandra, la blonde avait grande peine à trouver le sommeil libérateur, se repassant un million de fois en tête la scène où elle apprenait par le biais d'une amie que Jorden s'était marié. Jorden-Kol Rosenbach, marié. Mon Dieu ça sonnait tellement comme un énorme canular. Marié quoi. D'une, non seulement il était trop jeune pour un acte aussi officiel, enfin de son point de vue en tout cas, mais en plus de ça, il s'était marié avec cette stupide blonde bêta, Marni. C'était incontestablement le point qui l'énervait le plus, évidemment. Sans même qu'elle ait été mis au courant. Elle le connaissait depuis qu'ils étaient tous deux gamins, et même pas elle avait su qu'il se mariait. Et dire qu'elle adorait les vêtements de la marque 'Marni', il allait falloir qu'elle cesse d'en acheter car c'était hors de question de porter une tenue qui portait le nom de cette fille. Soupirant, Siloé se retourna une nouvelle fois sur la gauche dans son lit confortable, tentant sans succès d'effacer ces images et ces pensées de sa tête. Constatant que le sommeil ne viendrait pas malgré tous ses efforts, l'étudiante en mode attrapa son blackberry à la coque rose posé sur la table de chevet en acajou, situé juste à côté du lit, l'alluma puis tapant frénétiquement sur le clavier, envoya un message à Orphée, qu'elle adorait. Dès leur toute première rencontre, Siloé avait senti que le courant était immédiatement bien passé, et très rapidement, comme elle l'avait pressenti, une superbe relation s'était instauré entre les deux jeunes, et ce, bien qu'il soit également le meilleur ami de Jorden. Elle n'allait certainement pas rompre le contact avec lui, même si elle n'adressait plus la parole au Rosenbach. Non, elle tenait bien trop à Hasting pour ça. Il était de loin l'un des plus merveilleux garçons qu'elle ait rencontré jusqu'à maintenant et elle ne le laisserait sûrement pas filer. Cependant, bien sûr, son sms fut empli de critiques envers les deux nouveaux époux, et de plaintes, alors qu'il était tout juste neuf heures environ, et connaissant Orphée de mieux en mieux, il devait probablement encore dormir et il y avait donc de grandes chances pour qu'elle l'ait déranger. Espérant qu'il ne lui en voudrait pas trop, blondie reposa son portable, repoussa ses couvertures, puis se leva. Sa colocataire avait déserté le dortoir, et Siloé se demanda un instant où Alessandra pourrait se trouver à cette heure-ci. Un bâillement venant lui décrocher la mâchoire, suivi d'un bip de son téléphone lui annonçant qu'elle avait reçu un message, et elle oublia presque son amie, saisissant l'objet. Orphée lui avait répondu.

A la lecture du message, un sourire vint se dessiner sur les lèvres de Siloé : comme il était adorable. Vraiment, comment ne pouvait-on pas l'aimer ? C'était impossible. Le genre d'ami rêvé, l'idéal. Elle se plaignait comme une gosse, et il lui accordait sa journée, en l'invitant à la fête foraine, lieu où elle n'avait jamais mis les pieds depuis son arrivée à San Francisco au passage, alors qu'étant donné l'heure, il aurait très bien pu l'envoyer bouler. Catwright savait qu'elle pouvait toujours compter sur lui, quoi qu'il arrive, il venait de le lui prouver une nouvelle fois. Et elle avait déjà hâte de le retrouver là-bas, ça promettait. Laissant son blackberry sur son lit, la jeune femme fila sous la baignoire, où faisant couler l'eau, elle prit une douche courte, mais bouillante, et l'expédia en un quart de minutes. Attrapant une serviette qu'elle enroula autour de son corps, la blonde retourna dans la pièce principale, ouvrit son placard, puis après avoir farfouillé pendant quelques instants, en dénicha un short en jean, un top blanc où le drapeau américain était imprimé, ainsi que des sous-vêtements assortis. S'habillant à la vitesse grand V, Siloé décida de laisser ses cheveux lisses détachés, se maquilla légèrement d'une couche d'eye-liner bleu et de gloss irisé, chaussa ses talons compensés noirs, puis préparant son sac bleu où elle fourra le strict nécessaire, blondie, après avoir vérifié une énième fois que rien ne manquait, sortit hors de la chambre, puis de l'université. Le soleil tapait durement à l'extérieur, comme d'habitude. Étant habituée à la chaleur continuelle, dans la mesure où elle était originaire de Miami, la Lambda s'approcha du trottoir afin de héler un taxi, qui s'arrêta. Grimpant à l'intérieur, Sissi comme on la surnommait parfois, demanda à ce qu'on la conduise à Nob Hill, le lieu convenu par Orphée. La circulation était dense pour une heure assez matinale, et de ce fait, elle ne fut à destination qu'après un bon quart d'heure. Payant le chauffeur, la blonde s'extirpa hors du véhicule, claqua la portière puis s'avança vers l'intérieur de la fête foraine, plutôt bondée. Immédiatement à se droite se trouvait le stand de tirs, et Siloé se surprit à penser à mettre la tête de Marni en tant que cible. Là, elle deviendrait imbattable, à coup sûr. Celle de Jorden aussi, tiens, pendant qu'on y était, après tout il était plus coupable encore que l'autre blonde, sa femme. L'horreur. Cependant, la voix familière d'Orphée la tira de ses songes, alors qu'il brandissait un paquet de bonbons puis prenait parole. « Tu m’as réveillé en sursaut, ce matin… mais je ne t’en veux pas. C’était un cas de force majeure. Alors, aujourd’hui, on laisse Jorden et ces conneries de côté et on s’éclate, d’accord ? Ah et après, tu as toujours envie de le massacrer, essaye d’y aller mollo quand même. C’est mon meilleur pote. J’y tiens quand même. » Voilà, encore une attention subtile de la part du jeune homme, qui était non négligeable. Souriant à son tour et venant déposer un baiser sur sa joue, Siloé piqua une confiserie dans le sachet, avant de lui répondre : « Désolée de t'avoir réveillé ce matin, vraiment, mais merci pour cet après-midi. Et ouais, on va tout laisser de côté. » Elle se garda d'ajouter qu'elle le massacrerait quand même. Car oui, elle comptait bien ne pas rester les bras croisés, sûrement pas. A la remarque suivante d'Hasting, Siloé éclata de rire, avant de jeter un regard circulaire à la fête foraine : « Bon, et bien, je veux bien qu'on aille exploser les ballons dans le stand de tirs alors, et puis, la grande roue après ? » Sans même attendre la réponse, la blonde attrapa la main d'Orphée dans un geste impulsif, puis l’entraîna au stand-dit, tandis qu'il ajoutait une énième remarque. « Tu sais… Je t’ai prévenu de laisser les sujets qui fâchent devant l’entrée de la fête mais… Si tu as besoin de parler, je suis là, Siloé. Si ça avait été une autre que toi, crois-moi que je n’aurais pas fait l’effort de me lever à 9h du matin après m’être couché à 4h… Je tiens à toi, alors n’hésite pas. » Son visage se rembrunissant légèrement, et prenant une inspiration, l'étudiante relâcha la main, posa son regard verdoyant sur le brun, puis demanda d'un ton plus sérieux, ce qu'elle n'avait encore jamais osé demander, d'un ton hésitant : « Hum... Honnêtement.. tu penses qu'il... qu'il l'aime ? … Ce n'est pas comme s'il la connaissait depuis des années, tu sais... Enfin, je sais pas... Il t'a dit quelque chose ? » Elle n'avait aucune envie de gâcher leur journée avec ses questions, mais celle-ci était la seule à laquelle elle souhaitait absolument une réponse, car c'était la plus importante. Mais de là à savoir si Orphée connaissait la vérité.