En ce moment, mes journées se ressemblaient et je trouvais cela bien triste. Bien sûr j’avais des occupations, des amis à aller voir et des sorties programmées pour plusieurs semaines mais il manquait le petit piquant qui rendait ma vie moins ennuyeuse parce que c’était clairement comme cela que je la trouvais actuellement. Il fallait aussi dire que cela faisait longtemps que je n’avais pas vu mon ami Ezra, cet homme un peu foufou que j’avais rencontré et avec qui une folle série de défis s’était créée pour une seule et unique raison : que je succombe enfin à son charme et qu’il me mette dans son lit. Il n’y était encore pas parvenu mais ma foi, en ce moment, il n’avait pas l’air des plus motivés puisqu’il ne donnait plus signe de vie. En attendant, je ne me laissais pas couler non plus puisque je sortais comme toujours afin de peut-être trouver l’homme qui me conviendrait, ou tout simplement ma prochaine proie. J’étais plus souvent à la recherche de ma prochaine proie parce que je ne voulais pas d’une relation stable, le père de ma fille que j’avais fait adopter m’en avait dégouté. Hier soir, j’étais d’ailleurs sortie dans le but de trouver un nouveau gigot pour passer la nuit et après quelques verres et plusieurs heures de danse, j’étais finalement rentrée accompagnée, mais pas à la maison de confrérie, il y avait trop peu d’intimité, mais plutôt dans l’appartement du jeune garçon. Je ne comprenais pas vraiment comment il pouvait autoriser une femme d’une nuit à entrer chez lui, dans son intimité mais ma foi, si il préférait cela à payer une chambre d’hôtel il était dans son droit. De mon côté, à cinq heures du matin, je n’avais pas réellement été en état de vérifier la propreté des draps dans lesquels je me couchais, je n’avais donc pas fait de résistance. Cependant, ce matin, j’avais les idées assez remises en place pour savoir que je devais me réveiller doucement pour me faufiler à l’extérieur du lit et à l’extérieur de l’appartement tout simplement sans qu’il ne se réveille. Et oui, comme j’étais chez lui et que je trouvais cela louche, j’avais toujours cette petite appréhension qu’il m’ait emmené là pour passer plus d’une nuit avec lui. J’étais une professionnelle du faufilage en douce et encore une fois je ne loupais pas mon coup, cependant, la porte de l’appartement étant à faire claquer pour la fermer, une fois que j’eus fait cela, ce qui fit un peu de bruit, je courus dans la cage d’escaliers pour les descendre au plus vite et que le jeune homme ne me rattrape pas… Une fois dans la rue, je tentais de camoufler mon visage pas très frais jusqu’à la maison des lambdas dans laquelle je vivais. Sur le chemin, j’avais bien sur croiser certains regards mais je n’y avais pas fait attention, bien trop omnibulée par la douche qui m’attendait. Une fois à la confrérie, je faisais tout doucement pour rejoindre la salle de bain et ne réveiller personne. Lorsque j’eus terminé de prendre ma douche et me remaquiller, je filais à nouveau en dehors de la confrérie pour aller prendre l’air et surtout un bon petit déjeuner. Je regagnais donc une rue commerçante de New York et là, même s’il était vraiment tôt et que j’avais très peu dormi, mon éternelle envie de shopping me pris. La faim se faisant tout de même sentir par mon ventre qui gargouillait de plus en plus, je décidais d’aller au starbucks le plus proche pour acheter un bon café et un muffin aux myrtilles pour me caller une petite dent. La tête toujours dans le potage, je ressortais mon café et commençait à regarder les boutiques qui se trouvaient autour de moi. Pas bien réveillée, un café dans les mains, le regard fixé sur une vitrine alors que je continuais à avancer, je ne manquais pas de percuter un jeune homme qui arrivait en face de moi, surement la tête un peu en l’air aussi… Mon café m’échappa et alla s’écraser sur le sol et un peu sur ses pieds me mettant légèrement dans une situation de gêne. Sans faire attention plus que cela au jeune homme, je commençais alors à faire le petit speech que je sortais à toutes les personnes qui avaient le malheur d’être sur le chemin de ma maladresse.« Je suis désolée vraiment, je vais vous donner de quoi vous en racheter une paire ou les faire nettoyer pour me faire pardonner… » Alors que je cherchais dans mon sac, je trouvais enfin mon porte monnaie lorsque le garçon m’adressa la parole. Cette voix m’interpella et me fit relever la tête reconnaissant Jaden, un ami, si on pouvait toujours l’appeler comme cela après le petit coup dans le dos que je lui avais fait avant de partir de France sans jamais lui donner d’explication. Si moi j’étais plus heureuse de le voir car il avait été un ami, un soutien en France, à Paris lorsque j’avais été en surpoids et lorsque j’avais été enceinte, je n’étais pas sûre que lui soit heureux de me voir ici devant lui. « Oh ! Jaden… Ca fait longtemps ! » Oui cela faisait longtemps, quatre ans que l’on ne s’était pas vu, quatre ans pendant lesquels il avait surement oublié ce qu’il s’était passé la dernière fois que l’on s’était vu… Enfin, s’étaient ses prochaines paroles qui allaient me dire ce dont il se souvenait de moi.

Le passé est le passé et reste le passé. En général, c’est bien ce que je me dis pour éviter de penser à des choses pas toujours très plaisantes qui remontent à ma période de lycée. Cependant, lorsque le passé ressurgit, il est bien impossible de le refouler. Aujourd’hui, alors que rien ne laissait présager que j’allais revoir quelqu’un que j’avais connu en France, c’était bel et bien ce qui venait de se passer. En plus de cela, comme à mon habitude de demoiselle bien maladroite, je n’avais pas fait les choses à moitié. Il était juste impossible pour moi de prendre mes jambes à mon cou pour partir loin et ne pas avoir à parler à Jaden puisque je venais de changer la couleur de ses chaussures. Aussi, j’avais toujours eu une très bonne éducation même si elle ne m’avait pas été inculquée par une femme mais bien par mon père dans les cinq premières années de ma vie ce qui était assez déterminant, puis par d’autres personnes puisqu’il n’avait plus le temps, alors il m’était juste impossible de ne pas assumer ma maladresse. Malgré cela, assumer mes bêtises avait aujourd’hui un goût bien différent puisque cela signifiait bien que je devais parler à mon ami français que je n’avais pas revu depuis que je lui avais menti et c’était donc prendre un risque qu’il revienne là-dessus alors que je n’avais pas forcément l’envie de revenir sur cette période assez triste de ma vie mais aussi parce que je n’étais pas vraiment fière de ce que je lui avais fait croire tout simplement. En effet, je l’avais mis dans mes histoires en lui faisant croire que j’étais enceinte de lui alors que je savais très bien que ce n’était pas le cas. Je ne savais pas m’expliquer pourquoi j’avais fait cela, mais je pouvais supposer que c’était pour ne pas me retrouver seule, pour pouvoir peut être gardé ce bébé, pour pouvoir avoir une personne à mes côtés… J’avais beau tenter de trouver toutes les excuses du monde dans ma tête, des excuses très probables, elle n’excusait pas réellement ce que j’avais fait à l’une des rares personnes qui ne m’avaient pas tournées le dos à cause de ma grossesse. Bref, maintenant, il était face à moi et comme je lui avais parlé, il avait ôté ses oreillettes qui l’empêchait de créer une réelle conversation avec quelqu’un. La discussion était engagé entre lui et moi et restait pour le moment assez superficielle ce qui m’allait bien car j’étais assez mal à l’aise ce qui n’était plus du tout mon genre puisque j’étais maintenant une jeune femme très à l’aise et pas du tout en manque de confiance en moi.« Non non ce n’est pas grave je ne regardais pas où j’allais. » On se fichait bien de qui était fautif mais tout de même, je ne voulais pas lui remettre une chose en plus sur le dos, c’était psychologique d’autant plus que là c’était juste la chute d’un café et pas une paternité dont il pouvait hériter, cela avait moins d’importance, moins de conséquence sur une vie. Je souriais finalement doucement tentant de paraitre moins gênée alors qu’il se décidait à me demander comment j’allais en précisant bien que cela faisait longtemps que nous nous étions pas vu par un petit ‘depuis le temps’. « Je vais bien, comme tu vois je suis ici maintenant, je vis ici depuis plusieurs années! Et toi ? Des vacances ou tu vis aussi ici ? » Et oui je vivais ici depuis plusieurs années mais je ne voulais pas vraiment préciser le nombre puisqu’il correspondait exactement au temps depuis lequel nous nous étions pas vu et tout ce qui allait avec. En effet, si il avait oublié le petit détail sur lequel nous nous étions quittés, je ne voulais pas lui rappeler. Cependant je n’étais pas folle, derrière cet air très décontracté, je savais bien que son cerveau tournait en boucle et retenait de commander à sa bouche de me poser la question fatidique. Je savais que j’allais bien y passer c’était sur puisque même si les hommes ont parfois peu de mémoire, ils ont surtout une mémoire très sélective et autant dire qu’il avait surement choisi de se souvenir de moi pour pouvoir régler ses comptes le jour venu.

Après la nuit que je venais de passer je n’avais pas vraiment la tête à parler de choses vraiment sérieuses comme ce fameux mensonge que je lui avais dit à propos de ma grossesse. Cependant, le destin en avait décidé autrement puisqu’il venait de me faire percuter Jaden et je n’avais pas d’autre choix que d’être polie avec lui et ne pas m’enfuir comme une voleuse, même si je l’aurais bien fait pour éviter la fameuse conversation que je redoutais. Malgré cela, c’était tout de même lui, un très gentil garçon qui avait été plus qu’adorable avec moi, qui avait toujours été là contrairement aux autres qui se moquaient et je ne pouvais pas me comporter de la sorte avec lui tout simplement car il ne le méritait pas. En effet, j’avais pour mot d’ordre de ne pas faire subir les choses que j’avais pu subir moi-même et ne pas aimer à des personnes qui ne le méritaient pas. Il avait donc de la chance, ou du mérite, je ne savais pas mais bon, ce mérite et ma gentillesse pouvait bien vite s’effacer s’il venait à me parler de ce fameux mensonge. Je n’étais donc pas très à l’aise dans l’attente que ce sujet de conversation arrive c’est pourquoi je tentais tant bien que mal de ne pas laisser de blanc dans la conversation pour qu’il n’ait pas le temps d’aborder ce sujet. J’avais plutôt bien réussi jusqu’à présent puisque je lui avais demandé ce qu’il faisait ici, par pure curiosité mais aussi pour savoir si j’étais amenée à le recroiser. En effet, si je parvenais à éviter le sujet aujourd’hui et qu’il était simplement en vacances alors je n’aurais aucun risque de le recroiser, mais si je parvenais à éviter le sujet aujourd’hui et qu’il me disait qu’il était installé ici à San Francisco, alors je pourrais me dire que ce n’était que partie remise, que je devrais un jour où l’autre parler de cela avec lui. Beaucoup de questions se bousculaient dans ma tête pour une matinée si difficile et sa réponse plus que brouillon à ma question ne m’aida pas à y voir plus claire à la situation et donc à peut être me détendre cependant je ne fis mine de rien.« Je n’ai pas réussi à déduire de ta phrase la réponse à ma question, mais dans tous les cas, que tu vives ici ou que tu n’y sois que de passage, je suis contente pour toi ! » Contente pour lui oui, après tout vivre ici était une formidable opportunité et pouvoir voyager ici était une belle chance aussi que tout le monde n’avait pas forcément. Dans tous les cas, je ne pouvais pas lui dire être heureuse de le voir car pour le moment j’étais un peu trop gênée pour l’être ne sachant pas vraiment à quelle sauce j’allais être mangée. Après tout, je le connaissais plutôt bien, il n’était pas méchant et il avait toujours été plutôt doux et adorable avec moi mais mon mensonge pouvait peut être le rendre méchant et agressif, ce dont je n’avais pas envie d’autant plus que je n’allais pas pouvoir écourter la discussion puisqu’il me proposait indirectement de rejoindre un café. Et oui, deux vieux amis qui se retrouvent après quatre ans sans nouvelle ne peuvent pas en rester là, ne peuvent pas rester à se parler assez froidement au milieu d’une rue encore assez vide au vu de l’heure. « Allons boire un café ! Comme je n’ai pas pu boire le mien, se fera une bonne occasion de pouvoir me réveiller, en espérant ne pas te le renverser sur les chaussures cette fois ! » Il n’y avait aucune chance que je le renverse à nouveau, enfin ça ne serait du moins pas en lui rentrant dedans car j’avais bien compris qu’il voulait qu’on s’installe calmement dans un bar pour se retrouver. Maintenant je le savais, j’allais passer par le sujet, bébé, mensonge et tout le tralala, je ne pouvais pas y échapper ou alors il n’était pas curieux pour un sou, d’ailleurs j’étais assez heureuse de voir qu’il n’était pas rancunier dans tout cela, même si je me méfiais toujours d’un éventuel renversement de situation. Alors que nous marchions en direction du café, je pensais qu’il allait se contenter, pour le moment de banalité, mais non il attaqua très vite sur le sujet du bébé… Mon bébé, ce bébé qui me manquait tant, ma petite fille que j’avais donné à l’adoption pour lui offrir la vie que j’aurais toujours aimé avoir avec une mère et un père présents pour elle… S’était un déchirement de parler de ce sujet mais je n’avais pas le choix puisqu’il était au courant que j’avais connu une grossesse et qu’il me posait une question des plus normales lorsqu’on n’en sait pas plus sur la fin de celle-ci. Finalement, il parvint tout de même à me faire rire alors que le sujet n’était pas du tout drôle en me disant que j’étais tendue comme un string. Si je le connaissais bien, il me connaissait aussi plutôt bien lui aussi, alors je ne pouvais pas mentir. Cependant, je préférais parler de cela assis autour d’un bon café. « On va parler, je vais t’expliquer… Mais allons nous installer dans ce café avant. » Sans même attendre sa réponse je me dirigeais vers un petit café assez cosy que j’aimais fréquenter et où je savais que nous pourrions nous mettre un peu à l’écart pour parler. En entrant, je commandais un nouveau café, laissais Jaden commander ce qu’il voulait et payait le tout, lui demandant de ne pas insister, je lui devais bien cela pour me faire pardonner pour ses chaussures recolorés par ma faute… Une fois nos deux boissons commandées et servies, je me dirigeais vers une petite table à l’écart des autres, comme un petit salon privé, où nous serions très bien. Je m’installais alors confortablement sachant très bien que nous n’allions pas rester là quelques minutes mais plutôt un bon petit moment afin que je puisse m’expliquer mais aussi m’excuser et lui permettre de comprendre pourquoi j’en étais venue à faire cela, même si je n’avais pas vraiment d’excuse car j’aurais pu complètement gâcher sa vie en lui disant qu’il était le père si il y avait cru. Et oui, être père et mère à dix huit ans à peine, personne n’en rêve et cela a forcément des conséquences sur la vie future… Enfin bon, il avait découvert la vérité, j’avais été retirée de l’école, j’avais eu mon bébé, l’avait fait adopté et avait changé de vie après avoir eu mon bac. C’était l’histoire en accélérée une histoire que j’allais devoir détailler pour qu’il comprenne mais avant tout je tenais à m’excuser. « Ecoute Jaden, je suis désolée… Je sais très bien de quoi tu veux parler derrière tout cela… Tu veux savoir pourquoi je t’ai fait croire que tu étais le père alors que ce n’était pas le cas… J’étais perdue, désespérée, j’aimais mon bébé, le vrai père m’avait ri au nez lorsque je lui avais annoncé ma grossesse, je ne savais plus quoi faire… Tu étais là comme toujours pour moi, puis on a eu cette petite aventure, je savais que tu étais quelqu’un de bien, je me disais que peut être… Voilà, j’ai été bête, je le sais, je m’en excuse encore, je n’aurais pas dû te faire croire cela c’était idiot de ma part. » Pour le moment la discussion était sérieuse mais pas triste et je ne voulais pas aborder le sujet de l’adoption tout de suite. En effet, je préférais qu’on règle les problèmes avant de parler du reste, le reste qui allait être surement moins facile à sortir puisqu’à chaque fois que je devais en parler ma gorge se nouait tellement j’étais triste de ce que j’avais fait même si je savais que je ne pouvais pas le regretter car j’étais intimement convaincue d’avoir fait le bon choix encore à l’heure d’aujourd’hui.