Et voilà, encore une nuit passée sans dormir. J'étais insomniaque depuis quelques temps déjà et c'était de plus en plus dur à supporter. Je me tournais et me retournais sans cesse dans mon lit à la recherche d'un sommeil en fuite. Cet idiot refusait d'être à moi ne serait-ce quelques heures par nuit. Lorsque je dormais cinq heures par nuit j'étais à mon maximum. Souvent je sombrais aux alentours de minuit et me réveillais vers trois ou quatre le matin. L'avantage était que j'avais pu avancer un maximum sur mes révisions pour les examens. L'inconvénient, j'étais épuisé et donc irascible. Je me doutais que mes amis devaient me trouver un peu sur les nerfs en ce moment.
Cette tumeur me rendait la vie impossible. Heureusement pour moi j'avais eu les résultats de l'hôpital, elle n'était pas cancéreuse finalement. Cela avait été un grand soulagement pour moi mais ne m'avait pas non plus permis de trouver le sommeil.
Je sortis de mon lit une heure après mon réveil, il était seulement cinq heure. J'allais sans doute finir par aller consulter un médecin pour qu'il me donne un médicament qui m'aiderait à dormir. Mais en attendant, je profitais du silence de la maison de la confrérie pour prendre une douche dans le calme. J'enfilais ensuite un caleçon propre avant de trainer telle une âme en peine dans ma chambre. Je ne savais plus quoi faire, mes devoirs étaient fait, je ne voulais pas étudier -chose rare chez moi- et la BU était fermée à cette heure très matinale de la journée. Le plus rageant dans ces insomnies ? Je commençais seulement à onze heure les cours ce matin, donc j'aurais très bien pu m'offrir une grasse matinée, ce que j'aurais fait en temps normal...
Tant pis, j'avais fait depuis longtemps le deuil de mon sommeil. Tellement longtemps en fait que j'avais presque l'impression que mon corps s'habituait à dormir très peu. Mais le manque me rendait toutefois dépressif sur les bord. Enfin, non, pas vraiment, simplement je ne faisais que ressasser mes idées noires. Je ne voyais plus grand chose de positif dans ma vie. Je pensais sans cesse à ma mère qui était morte seule, à mon père qui ne m'aimait pas alors que j'avais besoin de lui -malgré tout ce que je voulais bien dire-, cette tumeur qui m'avait paniquée quand j'avais appris son existence quelques mois plus tôt. Désormais elle faisait partie de moi, elle était non cancéreuse et je devais me la faire retirée, mais le chirurgien avait été très clair : elle pouvait à tout moment revenir et être cette fois si maligne. J'allais être sous surveillance durant toute ma vie après ça...
Le jour commençait à se lever. Et moi je m'ennuyais de plus en plus. Je décidais de sortir marcher un peu en ville. J'enfilais donc un jean, un tee-shirt bariolé et une veste en cuir par dessus pour ne pas avoir froid.
Une fois en ville, je laissais mes pas avancer seuls tandis que mes pensées étaient partie loin. Heureusement, je ne percutais personne. Il n'y avait pas grand monde dans les rues de San Francisco. Ce qui était étrange alors que l'heure de point n'allait pas tarder. Mais je m'en moquais, j'étais seul avec ma conscience. J'avais l'impression d'avoir épuisé mon quota de bonheur dans la vie et que désormais j'allais souffrir. Ce sentiment était pour le moins horrible, mais depuis quelques temps j'étais de plus en plus renfermé sur moi, rien de bien n'arrivait dans ma vie et je ne voulais pas porter la poisse à tout le monde. Depuis cette tumeur, ma vie c'était mise sur pause. Mais c'était comme un arrêt brutal. C'était idiot de prendre ce soucis de cette manière, je le savais. Mais la dernière fois que j'avais vécu ça, au travers du cancer de ma mère, cela avait définitivement mis un terme à sa vie en quelques mois. Forcément, je ne pouvais m'empêcher d'établir des parallèles. J'avais d'ailleurs bien du mal à croire le diagnostic du médecin qui m'avait assuré que ce n'était que bénin. Je savais, je m'étais documentée, là où elle était située, il aurait été plus probable qu'elle soit maligne... Bref, je ne voulais plus croire à ma chance et je pensais que ma vie allait se finir. Cette réalité n'était pas facile à admettre alors qu'on a que vingt ans.
Mes pas m'avaient conduit devant le Starbuck de la ville. Il était ouvert mais il n'y avait personne hormis la vendeuse. Elle était rousse, avec des tâches de rousseurs plein le visage. Si j'avais été d'humeur, j'aurais probablement plaisanté avec elle en entrant dans le café. Mais là, je m'étais contenté de passer ma commande : un mocha blanc. Elle s'empressa de satisfaire ma commande, et je rajoutais du sucre et de la vanille par dessus avant d'aller m'assoir. Je posais mon gobelet sur une table, et sortis des feuilles de mon sac. Même si je ne voulais pas apprendre quoi que ce soit, je pensais que ce serait une bonne manière pour éviter que quelqu'un vienne me parler. Paraitre occupé pour fuir les gens, je pratiquais cette technique bien trop souvent. Je savais que ce n'était pas une bonne chose de me couper du monde. Il fallait vraiment que je me ressaisisse, mais c'était tellement tentant de tomber dans l'apathie. Demain peut-être ferais-je un effort pour être plus sociable. Ou peut-être pas... Aucun doute sur la tête que j'avais : celle de quelqu'un qui dort peu, qui à un visage déprimé. Le genre de tête que les autres fuient. Mais peut-être que tous ne réagissaient pas de cette manière.
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