Un soir peu avant le départ pour Berkeley, dans le bureau de Monsieur Thompson.'Tu ne l'as toujours pas recontacté?' 'Non. Tu sais James, je ne connais pas grand chose de ce garçon. Mes tentatives d'approche ont toutes échouées. Je ne vais quand même pas le forcer!' 'Tes tentatives? Tu as toujours eu cette sensation que ce garçon n'était rien pour toi, que tu ne pourrais jamais l'aimer comme il se le devait. Alors arrête de parler de tentatives! C'est ton fils Gavin. Ton fils! Et tu ne sais même pas ce qu'il est devenu!' Mes mains s'arrêtèrent soudainement de tourner les pages du livre que je feuilletais, à la recherche de plus amples informations sur Berkeley et sur les alentours. Dans quelques jours, je prendrais l'avion. Dans quelques jours, je serais enfin sur le sol californien. J'avais hâte d'enfin rencontrer Jack, ma correspondante. Hâte d'être là-bas. L'aventure ne m'avait jamais fait peur. Au contraire, elle m'intriguait, me poussait à aller au dessus de mes limites. J'avais donc passé ma soirée dans le bureau de mon père, au fond. Là où il avait fait monter une bibliothèque digne des meilleurs libraires. C'était rare quand je m'éternisais ici. D'habitude, je préfèrais prendre le livre qui m'interessait et filer dans ma chambre pour l'examiner. Mais aujourd'hui, je m'étais installé dans ce fauteuil et je m'étais perdu dans l'histoire des grandes universités. Au départ, rien de bien passionnant mais j'avais fini par être emporté par le style d'écriture de l'auteur. Il avait une jolie plume c'était certain. Probablement un des seuls à rendre passionnant une histoire qui ne l'était pas forcément. Pris dans cette histoire, je n'avais pas vraiment fait attention que mon père et mon oncle étaient rentrés dans le bureau. Tout comme eux ne semblaient pas m'avoir apperçu. Une dispute éclata et c'est à cet instant que je me rendis compte que je n'étais plus seul. Ton fils. La voix de mon père avait été sans appel. Je le reconnaissais bien là, lui qui -malgré ses absences à cause de son travail de chirurgien- avait toujours tout fait pour nous voir le plus souvent possible, Leelo et moi. Ses enfants, c'était la prunelle de ses yeux. Alors je comprenais parfaitement son état d'esprit à cet instant. Mais surtout, je venais d'apprendre une information sur la famille Thompson. Une ombre sur un tableau de famille si parfait. L'aimant oncle Gavin m'avait en fait toujours caché qu'il avait un fils. Autrement dit, j'avais un cousin que je ne connaissais pas. La nouvelle m'avait abassourdi. C'était comme si on venait de me frapper un coup de marteau sur la tête. Je ne savais plus que penser de mon oncle. Mon livre tomba sur le sol et je pris ma tête entre mes mains. Y avait-il encore d'autres secrets que j'ignorais sur ma propre famille? 'Cole?'Une voix familière. Celle de mon père. Je relevais la tête et tombais nez-à-nez avec le regard bienveillant de mon paternel. A ses côtés, mon oncle me regardait avec un air inquiet. Il me connaissait comme si il m'avait fait, il savait que j'étais du genre à très vite m'emporter. Il redoutait certainement ma réaction. Mais je n'avais plus 18 ans. Je n'allais pas sauter de mon siège en lui criant: comment as-tu pu? avant de partir de la pièce en rage. Non, j'avais à présent 23 ans et j'avais appris que m'emporter ne servait à rien, qu'une bonne discussion était préferable à la fuite. Je retenais donc cette colère qui bouillonnait en moi. J'avais lancé un regard noir à oncle Gavin avant de le poser sur mon père. Je leur en voulais à tous les deux de m'avoir caché cette information, de nous avoir caché ça. De nous avoir privé d'un cousin, Leelo et moi. 'Je veux tout savoir'Ca pouvait sembler capricieux mais c'était ainsi. Je venais d'apprendre que j'avais un cousin, je voulais à présent faire sa connaissance.

Berkeley, vendredi 08 mars 2013, devant les casiers. Cela faisait à présent quelques temps que j'avais débarqué sur le sol californien. Dire que j'avais cru pouvoir échapper à mon passé, prendre un nouveau départ ici. En fait, c'était tout le contraire qui c'était passé. Mon passé me poursuivait toujours, inlassablement. Les demoiselles qui avaient le plus comptés dans ma vie sentimentale se retrouvaient devant moi ici, à Berkeley. Ce qui avait le don de me plonger dans une sorte d'incertitude. Tout devenait de plus en plus compliqué entre Alexie qui m'avait avoué à demi-mots ses sentiments et Serana qui avait ressurgi de nulle part après 8 ans d'absence. Sans compter Caroline, une demoiselle que je venais de rencontrer ici mais qui ne me laissait nullement indifférent alors que l'on s'entendait comme les pires ennemis du monde. Bref, c'était le désordre complet dans ma tête, un bordel désorganisé dans lequel même un chat n'y retrouverait pas ses chatons.Rien n'était donc simple dans ma petite vie. Et cela n'allait pas s'arranger avec le temps. Surtout que j'avais encore une chose à faire ici, chose que je voulais faire avant le Spring Break: aller parler à Mason, mon cousin. J'avais fini par digérer la nouvelle mais je ne savais pas encore comment l'annoncer au jeune homme. Je me voyais mal lui dire: Mason, je suis ton père cousin, comme ça, d'entrée de jeu sans même le connaître. Avec les informations que mon père et mon oncle m'avait données, j'avais pu en apprendre très peu sur lui. Mason Gavin Ward, 20 ans. J'avais une ancienne photo, datant de 2008. En arrivant ici, j'avais mené discrètement ma petite enquête. Et ce n'avait pas été facile de mettre un visage sur un nom, Mason ne semblait pas être populaire. En quelques jours, j'avais appris que mon cousin était un Alpha, une confrérie pour intello si j'avais bien compris. Et qu'il étudiait dans le journalisme. Et c'était tout. D'ailleurs je l'avais déjà croisé une fois mais je n'avais pas osé l'accoster, lui semblait ne pas m'accorder la moindre importance. Enfin. Ma première semaine de cours à Berkeley s'achevait. La matinée venait de passer et je me rendais au casier qu'on m'avait attribué. Cela m'avait d'ailleurs fait sourire de savoir qu'on nous avait attribué un casier alors qu'on dormait sur le campus. Mais cela se révèlait fort pratique. Pas besoin de se rendre dans sa chambre, c'était un gain de temps entre deux cours. L'échange de livres entre ceux du matin et de l'après-midi ne prit que quelques secondes. Je reclapais mon casier, les bras chargés et me retournait dans le seul but de m'en aller. Je ne comptais pas m'éterniser ici, les places à la cafétariat étaient chères. C'est là que je tombais nez-à-nez avec Mason, qui était certainement ici dans le même but que moi. Mon regard bleu se posa dans ses prunelles brunes. C'était le moment où jamais. Mais que dire à son cousin qui ignorait tout de vous, même jusqu'à votre existence? 'Bonjour' fut le seul mot que ma bouche articula. J'espérais que Mason n'allait pas me repousser, j'avais une chose importante à lui dire. Il fallait au moins qu'il me réponde pour que je puisse continuer.

Le travail c'est la santé. Cette vision des choses était partagée par chaque membre de la famille Thompson et ce depuis toujours. Les Thompson étaient réputés pour être des travailleurs acharnés. Des personnes qui ce sont faites toutes seules. Car au départ, ils n'étaient pas bien riches. Mais comme c'est à force de forger qu'on devient forgeron, l'arrière grand-père de James avait réussi à accumuler une jolie somme d'argent et se faire une belle place parmi l'élite londonnienne. Restait alors à la famille de continuer ce qu'il avait commencé. Et ce n'était pas avec James que cette réputation allait faiblir. Ni même Gavin. Les deux frères étaient fort différents et pourtant semblable sur un point: le nombre d'heures passées à leur boulot. Comme si ils avaient cette impression qu'on ne pourrait jamais se passer d'eux. Comme si le service de chirurgie cardiaque n'allait plus tourner rond si mon père s'absentait. Et cette ressemblance s'arrêtait là. Alors que James considérait sa famille comme une grande partie de sa vie, Gavin avait préféré taire la venue de son fils en Angleterre. Si bien que j'ignorais jusque son existence. Cette soirée là avait donc été pleine de révélations. C'était éprouvant. J'étais déçu de savoir que mon oncle, que je croyais pourtant bien connaître, avait passé sa vie à me cacher une partie importante de la sienne. Savoir qu'il avait un fils, et que donc j'avais un cousin, m'avait complètement retourné. Je ne savais plus quoi penser de cette nouvelle facette de mon oncle. Lui en voulais-je? Enormément. Mais lui faire payer cela n'était pas la meilleure des revanches, ni même ma préoccupation première. Tout ce que je voulais à présent c'était en savoir plus sur mon cousin. Peut-être qu'après j'aurais la force d'aller tout lui avouer. Alors seulement, ce serait une belle revanche sur la vie si je pouvais m'entendre avec lui. Si j'arrivais à lui faire une place dans la famille Thompson. Car si j'avais bien compris Gavin, la maman de Mason était morte. Il se retrouvait donc seul. Rien que cette information m'avait glacé le dos. Qu'aurais-je fait dans sa situation moi qui considérait ma famille comme la chose la plus importante à mes yeux. Intérieurement, j'admirais déjà Mason et sa force de caractère sans même le connaître. C'était peut-être parce que je ne le connaissais pas et que j'ignorais si il aurait envie de faire connaissance avec une partie de sa famille que je n'avais rien dit à Leelo. Comme moi, elle n'avait jamais appris l'existence de Mason alors je ne pouvais pas lui faire de mal si je ne lui avouais pas tout de suite ce que je venais de découvrir. Je voulais d'abord savoir comment mon cousin allait apprendre la nouvelle, quelle serait sa réaction pour ensuite envisager de faire part de cette découverte à ma petite soeur. Mais maintenant que je me tenais devant le jeune Alpha, je ne savais plus du tout si c'était une bonne idée de tout lui avouer. Sympathiser avec lui tout en le laissant dans l'ignorance pourrait être une idée. C'est d'ailleurs la première qui me passa dans l'esprit alors que je l'accostais. Seulement je me demandais quelle serait la réaction de Mason quand il apprendrait qui j'étais vraiment. Car il finirait par l'apprendre. Tout se savait toujours un jour ou l'autre. Alors j'avais chassé cette mauvaise idée de ma tête et j'avais pris mon courage à deux mains, accostant Mason poliment. Bonjour fut le seul mot qui sortit de ma bouche. Je me sentais stressé. J'avais cette peur que Mason me rejette, qu'il ne veuille pas entendre parler de nous, de sa famille. Et après tout, je le comprendrais. Gavin avait été odieux avec lui. Mais était-ce une raison pour repousser tout le reste des Thompson? Etait-ce une raison pour nous mettre tous dans le même sac? J'ignorais totalement la réaction de Mason, que j'espérais quand même positive. Il me répondit poliment à mon bonjour et cela m'encouragea à ne pas prendre la poudre d'escampette, prétextant une erreur."Excuse moi, mais je ne me souviens pas de toi, on s'est déjà rencontrés ?" Mason ne me laissait plus le choix. Je me devais de continuer la conversation. Maintenant qu'elle était lancée, je ne devais pas revenir en arrière. La fuite n'était pas la meilleure des solutions. Je respirais un bon coup avant de me lancer dans une conversation que je savais pénible à l'avance. Ici, je marchais sur des oeufs, je triais chacun de mots afin de les choisir minutieusement. Je ne voulais pas brusquer Mason. Se voir tomber un cousin sur la tête, ce n'était jamais simple, j'avais reçu le coup quelques jours auparavant. 'Non. Pourtant on aurait du' Ma voix était calme et posée. J'étais plein d'espoir, de sympathie envers ce cousin que je ne connaissais pas encore. J'étais conscient d'avoir été énigmatique dans ma réponse. Alors je décidais de continuer. Simplement. 'Escuse-moi, je manque à toutes mes obligations. Je m'appelle Cole' Je me tus un instant, hésitant à lui révéler mon nom de famille, celui de mon père et celui de mon oncle Gavin par la même occasion. Si je faisais cela, je savais que Mason ferait probablement le rapprochement. Mais après tout, c'était peut-être la solution la plus subtile pour lui faire comprendre. La moins crash aussi. 'Cole Thompson', avait achevé beaucoup plus bas. Je ne savais pas encore quelle serait sa réaction et cela me pesait pas mal. Je plantais alors mon regard bleu dans ses pupilles brunes, attendant une réaction quelconque de sa part.

Depuis tout petit, j'avais toujours été du genre à aimer les surprises. Savoir déjà quel cadeau on allait m'offrir m'otait la joie de déchirer fébrilement le papier, la joie de la découverte en somme. Et cet effet de surprise, je le chérissais encore maintenant. Ce n'était pas exagéré si je disais même que je l'entretenais. Car après tout, j'étais capable de beaucoup pour surprendre. Imprévisible, voilà ce que j'étais. Il n'y avait qu'à demander à Emy à qui j'avais fait la surprise de débarquer à San Francisco et de la retrouver dans un bar de la ville. Elle était tombée des nues en me voyant. Mais voir la joie de nos retrouvailles sur son visage m'avait enchanté. Emy? C'était une de mes bonnes amies. Au départ nous avions flirté ensemble. Nous avions même fini par sortir ensemble quelques jours. Et puis elle était repartie. Les amours de vacances ne duraient jamais. J'étais bien placé pour le savoir depuis que j'avais tenté l'expérience avec Serana. La souffrance finissait toujours par nous accompagner. Avec Emy, on avait pas eu le temps de s'accrocher. Et on avait conclu d'un commun accord de rester amis. Skype, Msn, Facebook & Twitter. On ne comptait plus le nombre de conversations qu'on s'était échangées. Emy était donc devenue une amie. Bref. Tout ça pour dire que j'aimais surprendre tout comme j'aimais être surpris. Sauf que de cette surprise qui m'était tombée sur la tête dans le bureau de mon père, je m'en serais bien passé. Comment mon oncle avait-il pu omettre de nous raconter un détail aussi important de sa vie? Comment avait-il pu nous priver de la présence de ce cousin qui était donc un parfait étranger pour moi? Toutes ces questions n'avaient pas de réponses bien précises. Il ne savait pas vraiment. Il ne voulait pas d'enfant. C'était pour ça sans doute qu'il n'en avait jamais eu en Angleterre. A moins qu'il nous en ait caché d'autres. Mais c'était fort peu probable. Caché un fils qui vit à San Francisco est plus facile de cacher la présence d'un enfant à Londres, juste sous notre nez. Qu'on parle de ça, ça m'avait bien énervé de savoir que mon cousin était venu en Angleterre et que Gavin n'avait pas jugé utile de nous le présenter. Cela aurait pu rendre le séjour du jeune homme beaucoup plus agréable. Il aurait pu se sentir en famille. Enfin, du moins, on aurait essayé de le faire rentrer dans la nôtre. Mais là, rien. Il l'avait laissé seul dans sa grande maison sur le temps qu'il travaillait. Et il me l'avait annoncé sans aucun scrupule. J'avouais que pour le coup, j'avais fait fort pour ne pas m'emporter. Quel genre d'humain était-on quand on se comportait de la sorte? J'avais découvert une autre facette de mon oncle. La partie noire. Et je ne l'aimais vraiment pas. Après tout, c'était à cause de lui si je me retrouvais devant Mason à lui avouer indirectement qu'il était mon cousin. Mes mains tapotaient nerveusement mes livres alors que j'attendais une réaction quelconque de ce cousin. J'en venais à me demander ce qui m'avait pris d'aller à sa rencontre. Avant de me dire qu'il aurait peut-être aimé savoir qu'il n'était pas seul dans ce monde, qu'il avait une famille. Mais après tout, je ne savais pas si le fait de nous avoir allait l'enchanter. Alors j'attendais simplement, l'observant tout en essayant de décrypter le moindre de ses gestes. Le silence s'était installé entre nous et je me sentais assez mal à l'aise. Faire demi-tour? Maintenant ce n'était plus une solution envisageable. Non mais qu'est-ce qui m'avait pris sérieusement? Il a le droit de savoir que tu existes. Il a le droit. J'avais beau me répéter ses phrases, cela ne me rassurait guère. Plus Mason mettait du temps à répondre, plus je stressais. C'était bien la première fois que j'étais dans cet état. Après tout, c'était la première fois aussi que je devais gérer ce genre de situation. Et ça, j'avais tout comme l'impression que j'avais encore des progrès à faire niveau communication. En même temps, je me doutais bien que Mason devait être surpris de cette nouvelle. C'était plus que compréhensible. Mais là, je n'avais qu'une envie: le secouer afin qu'il me réponde. Je n'en fit rien bien entendu et l'alpha finit par ouvrir la bouche. "Thompson, comme dans Gavin Thompson ?" La question me fit hausser les sourcils, d'un air perplexe. Il connaissait beaucoup d'autres Thompson? D'accord, ce nom était assez répandu en Angleterre mais si je n'avais aucun lien avec Gavin, je ne serais pas devant lui à cet instant à lui révéler une si étrange nouvelle. 'Oui' Simplement. Je n'avais pas envie de m'éterniser sur le sujet de mon oncle. J'étais assez remonté contre lui depuis que j'avais appris la nouvelle. Mieux valait que je ne me mettes pas en colère en criant à Mason que son père était un abruti de première. Ca, il le savait déjà depuis longtemps. Inutile de se faire remarquer. "Tu es qui pour moi concrètement ? Il y a beaucoup d'autres Thompson qui risquent de débarquer à San Francisco ?" La question de Mason me fit redescendre sur terre. Il fallait que j'arrête de penser à oncle Gavin. Il fallait que je me tourne vers l'avenir et mettre cette rancune de côté pour le moment. Mason attendait une réponse. Mes mains avaient arrêté de tapoter sur mes livres et quand je pris la parole, ma voix sembla beaucoup plus détendue, plus accueillante aussi. Après tout, j'étais un être sociable, se lier avec moi n'était pas bien difficile en règle générale. 'Gavin est le frère de James, mon père. En gros, nous sommes cousins'Inutile de lui retracer tout l'arbre généalogique des Thompson, cela risquait de ne pas le passionner du tout. Et puis si jamais il se posait des questions là-dessus, quelque chose me disait que Mason n'hésiterait pas à me demander de plus amples informations. D'ailleurs il voulait savoir si il risquait de tomber sur d'autres membres de sa famille ici. A l'entendre, il n'avait pas l'air enchanté. 'Ce n'est pas prévu non. Leelo n'a pas pu participer à l'échange, elle a posé sa candidature deux jours trop tard....' Je l'observais un instant avant de me rendre compte qu'il ne devait probablement pas savoir qui était Leelo. 'Leelo est ma soeur. Elle est âgée de 19 ans' Je ne savais pas pourquoi j'avais rajouté cette dernière information. Peut-être pour spécifier à Mason qu'il y avait quelqu'un de beaucoup plus proche de son âge dans la famille. Ou alors, je ne savais pas vraiment. Devais-je justifier ma présence devant lui? Lui expliquer comment j'avais découvert notre lien de parentée? Encore une fois, je ne savais pas si cela interresserait le jeune homme. Alors je me contentais d'attendre des réactions, des paroles, des questions. Je ne savais vraiment pas où notre conversation allait nous mener.

Cela avait été difficile pour moi d'imaginer mon oncle faire du mal à un enfant. Après tout, même si je savais qu'il n'en avait jamais voulu, il était resté l'oncle exemplaire: aimant, conseiller, ... Bien entendu, je ne le voyais pas beaucoup et ce à cause de son travail. Pourtant, dans ces faits et gestes j'avais cette impression qu'il aurait fait un super papa. Je pensais qu'il ressemblait énormément à mon père de ce côté-là: travailleur mais aimant sa famille. Ce que j'avais pu me tromper! Depuis presque toujours mon oncle nous avait menti et seul mon père était au courant de cette partie plus sombre de la vie de Gavin. Que mon père ne nous ait rien dit, je pouvais comprendre mais je lui en voulais quand même un peu. Car de toute évidence, il avait voulu bien faire, il avait voulu protéger son frère de nos regards et il avait essayé sans succès de le raisonner à plusieurs reprises. Mais ce n'était pas suffisant pour moi. Mon père avait du savoir que Mason était arrivé chez Gavin et il ne nous avait rien dit. Donc, je lui en voulais aussi. Tous les deux, ils nous avaient volé des moments de vie. Alors d'accord je ne connaissais pas Mason et j'avais envisagé l'hypothèse qu'on ne s'entende pas. Ce n'était pas parce que le sang nous liait qu'on aurait des passions communes, qu'on serait sur la même longueur d'ondes. Tout était probable. Pourtant je n'avais pas hésité une seule seconde pour aller à la rencontre de mon cousin quand j'avais su qu'il étudiait dans l'université où j'effectuais mon échange. Mais depuis quelques minutes je me retrouvais dans une situation ingérable pour moi. Je ne contrôlais rien de la situation. J'aurais très bien pu me faire remballer par mon cousin comme il aurait très bien pu m'accueillir les bras ouverts. En fait, il y avait tellement de réactions qu'il pourrait avoir. Je me retrouvais donc plonger dans l'inconnu et je détestais ça. J'aimais tellement tout contrôler, deviner les futures réactions des personnes avec qui je parlais. Cela était impossible dans cette situation. Devais-je encore une fois rappeler que je ne connaissais rien de mon cousin? Alors comment aurais-je pu savoir ce qu'il pensait en cet instant précis? J'essayais de me mettre à sa place. Après tout, quelques jours plus tôt j'avais appris la même nouvelle que lui. Sauf que cette conversation je n'étais pas censé l'avoir entendu, je n'étais pas censé me trouver là. Mais mon père avait réagi en adulte. Il m'avait tout expliqué sur le temps qu'oncle Gavin se faisait tout petit. Je ne savais pas si il avait honte de ce qu'il avait fait ou juste si il était mal à l'aise car il venait de casser son image d'homme parfait à mes yeux. Peut-être un peu des deux. Quoiqu'il en soit, je m'imaginais dans la situation de Mason. A la sortie d'un cours devant les casiers, rencontrer un étudiant qui vous annonce sans détour qu'il est votre cousin, qu'il fait partie de votre famille. Famille dont vous n'avez plus entendu parler depuis pas mal d'années. Comment aurais-je réagi? Je ne savais pas exactement. J'aurais certainement eu cette envie de nier tout en bloc. Le déni, c'était tellement facile comme réaction. Tellement lâche aussi. Je n'aurais donc certainement pas bien accueilli ce cousin. Mais je savais au fond de moi que ma curiosité aurait fini par prendre le dessus. Que j'aurais fini par vouloir savoir un peu plus d'information sur ma famille et que peut-être que je lui aurais laissé une chance de rentrer dans la mienne. Enfin, ce n'était que des suppositions. Je n'étais pas dans la situation de Mason. Je ne pouvais pas savoir ses réactions. Je ne pouvais qu'attendre. Attendre qu'il parle. Et surtout être compréhensif si jamais il ne voulait rien savoir de nous. Car après tout, il était possible qu'il ne veuille plus entendre parler des Thompson après ce que son père lui avait fait subir. Cependant, je savais qu'un rejet de sa part allait me toucher. J'étais un jeune homme qui accordait une grande importance à sa famille. J'étais loyal, fidèle et toujours présent pour elle. Alors même si je ne connaissais pas Mason, j'étais déjà prêt à lui faire une place dans ma vie. Savoir qu'il ne voulait pas de moi sans même prendre la peine de me connaître m'aurait frustré. Mais bon, je n'allais pas commencer à me faire des scénarios alors que je ne savais pas du tout où notre conversation allait nous mener. J'allais devoir gérer sur le moment, du tac au tac. "Comment tu as su qui j'étais ? Et comment tu m'as retrouvé ? Leelo, elle ressemble à quoi ?" Mason finit par me poser la première question qui fut très vite suivie par deux autres. A cet instant, cela me soulagea de voir que le jeune homme était quand même ouvert à avoir une discussion avec son cousin. Il me laissait une chance de lui parler, une chance de le connaître. Je n'allais pas la laisser filer. Je ne pensais pas non plus que tout serait facile. Je voulais d'ailleurs y aller par étapes, sans forcer Mason. Si il voulait voir le reste de la famille, on s'arrangerait. Mais je ne voulais surtout pas le forcer. Avoir une famille, c'était tout nouveau pour lui. Je me reconcentrais sur la première question de mon cousin. Comment avais-je su qu'il existait? Je réfléchis aux mots que je devais employer. Devais-je tout lui raconter? 'C'était un hasard. Je n'aurais pas dû savoir. Mon père et le tien avaient décidés de ne pas en parler, mon père se contentant de faire la morale à son frère de temps en temps. Mais peu avant mon départ à Berkeley, je me trouvais dans le bureau de mon père. Ils ne m'ont pas vu et j'ai fini par entendre une dispute entre eux deux. Mon père en avait marre que le tien ne fasse rien pour te connaître. C'est là que j'ai appris ton existence' Inutile de lui dire que j'avais été surpris de cette nouvelle et que j'en voulais énormément aux deux hommes de nous avoir caché Mason. Je ne quittais pas du regard mon cousin alors que j'enchaînais, répondant à sa deuxième question. 'J'ai simplement demandé l'information. Dès que j'ai su que tu existais, j'ai voulu en apprendre plus sur toi. Cela n'a pas été facile. Gavin ne savait pas grand chose, juste que tu étudiais ici...' Je marquais une pause, reprenant ma respiration. Ma voix semblait de plus en plus détendue à mesure que je lui révélais la vérité. 'Après, quand je suis arrivé ici, j'ai essayé de récolter des informations sur toi. Et c'est comme ça que j'ai su mettre un visage sur ton nom. C'était important pour moi que tu saches que tu avais de la famille. De la famille qui ne te rejettes pas et qui veut te connaître si tu le désires' Je ne sais pas pourquoi je lui racontais tout ça. Peut-être pour lui faire comprendre que tous les Thompson n'étaient pas les mêmes et qu'il pourrait avoir une place chez nous. Parce que je nous connaissais et je savais à quel point notre petit noyau était porté sur la famille. Leelo adorait faire de nouvelles connaissances et n'arrêtait pas de parler de ses cousins/cousines d'Espagne. Je savais qu'elle accueillerait Mason les bras ouverts. Quant à ma mère et mon père, j'étais certain qu'ils sauraient apporter à mon cousin l'amour et l'attention qui lui avait manqué. Maintenant, je ne savais vraiment pas comment Gavin prendrait la nouvelle si il savait qu'en cet instant, je parlais avec son fils unique. Mais bon, ce n'était pas le sujet. Un sourire apparu sur mon visage alors que je m'apprêtais à parler de Leelo. 'Leelo c'est une vraie boule d'énergie. Souriante et taquine, elle est la première à être là si tu as un moindre problème... Son seul défaut, c'est probablement son petit côté rebelle. Elle ne fait jamais ce qu'on attend d'elle. Sinon, elle est adorable' Parler de ma soeur me rendit un peu nostalgique. Cela ne faisait que quelques jours que j'étais parti de Londres et elle me manquait déjà. Pourtant on était pas du genre à rester coller 24h sur 24 ensemble mais nos petites chamailleries, notre complicité rythmaient ma vie. Je me rendais compte à cet instant que j'avais de la chance de l'avoir bien que je ne lui avais jamais rien dit de tout ça. Je me contentais de la surprotéger et elle avait fini par faire de même. Je sortis alors de mon porte-feuille une photo. J'avais toujours des photos des personnes importantes pour moi. Ma famille mais aussi Alexie. Malgré le fait que notre histoire était terminée, je n'avais pas encore réussi à retirer cette photo. C'était d'ailleurs la seule qui me restait d'elle, les autres ayant fini déchiquetées dans la poubelle de ma chambre. Je tendais donc la photo de Leelo, souriante et espiègle à Mason. Sans dire un mot je l'observais. Je me demandais si je n'allais pas trop vite dans les révélations. La suite de notre conversation me le dirait.