Le temps s’était écoulé, égrainé, effrité. Les jours fuyaient les uns après les autres sans qu’une main ne puisse les retenir. La blonde palpitait si fortement dernièrement qu’elle ne parvenait que rarement à rester concentrée sur autre chose que le temps. Le temps perdu, le temps gâché, le temps qui filait.

Aujourd’hui comme tous les autres lundi, Aengus revenait de sa course à pied. Une course particulière car le lundi, elle était plus intense, plus longue, plus difficile. Malgré sa fatigue, Aengus continuait à courir, escalader, s’étirer et accomplir ses exercices de gymnastique. Elle tenait à garder son niveau, même un très haut niveau. Bientôt, les derniers tests auraient lieu et elle saurait si elle était sélectionné ou non. Dans peu de temps, elle pourrait toucher son rêve du bout des doigts. Impossible de flancher. Les cheveux noués dans une queue haute luisaient d’une fine pellicule de sueur. Un haut moulant spécialement conçu pour l’escalade, un pantalon fait à l’identique, sa tenue prouvait ce qu’elle avait fait durant plus de trois longues heures. Il était huit heures à présent et elle avait la ferme intention de monter prendre une douche. Malheureusement, Aengus avait hérité des plus mauvaises chambres et par la même occasion des douches collectives. Les affaires sous le bras, elle quitta sa chambre pour les étages inférieurs. Avant toute chose, elle s’arrêta à la cuisine pour prendre à boire. Les affaires déposées sur le bord de la table, elle s’avança vers le robinet. A peine fut elle retournée, dos contre l’évier que ses orbes claires croisèrent celles bien connues de Maëlle.

Bien sûr, elle devait tomber sur elle. Bien sûr, elle devait réfléchir. Comme toujours, Maëlle Silverwood la regardait étrangement. Aengus avait fait l’effort de ne pas la croiser, de ne pas lui parler, de ne pas s’emporter… La mâchoire se crispa poussant l’effort du silence pour quelques secondes supplémentaires. Le verre se porta à ses lèvres descendant lentement le contenu. Il ne fallait pas surcharger trop rapidement l’estomac après tant d’effort. Mais son attention était ailleurs. Pourquoi la fixait-elle ? Qu’elle arrête !

« Arrête de me fixer ! Tu m’emmerdes ! » Grogna Aengus à Maëlle. « Je croyais que les personnes de ta confrérie passait leur temps à se mater le nombril ! »

Le regard d’Aengus courut sur la jeune femme avec le même air qu’elle. Elle analysa le moindre détail. Visiblement, la jeune femme allait bien mieux. La majorité de ses blessures avaient eut le temps de se remettre. Aengus en connaissait un rayon concernant les maux et leur rétablissement. Avec les combats qu’elle avait pu mener et qu’elle menait encore, les blessures avaient été nombreuses.

« Bah continues. » Pesta Aengus en se tendant dans un arc.

Il était huit heure et quart. Le lundi débutait à peine et déjà Aengus avait oublié ses bonnes résolutions de l’année. A quoi bon ? Depuis l’hopital, elle avait soigneusement évité la bêta et le professeur. Elle cherchait à ne pas croiser la route de James d’autant plus qu’elle avait commis une grosse bêtise. Le genre de chose qui risquait de ne pas plaire. Pour l’instant, elle n’avait eut aucun écho et espérait bien que James ne serait pas informé. Il était vrai que pousser son frère ainé à l’internement sous le nez de Louna n’avait pas été une brillante idée. Mais ne pas surveiller Louna et la laisser s’enfuir seule dans la ville demeurait bien pire. Enfin, tout ca était une autre histoire.

La rencontre de deux vipères. Fuir le conflit marquait la sagesse d’un esprit lorsque la raison de la dispute n’était que futilité. Néanmoins, l’âme d’Aengus brillait dans l’adversité et la colère. Deux sentiments qui lui avaient permit de tenir la route durant toutes ses années au coté de sa famille. La solitude était une compagne fidèle et jalouse qui accompagnait la blondinette depuis trop de temps à présent pour qu’elle n’ait cure de la façon dont les autres pouvaient la percevoir.

Ainsi aux paroles de Maëlle, la Iota redressa un sourcil interloqué. C’était l’hopital qui se moquait de la charité. Elle avait beau jouer les jolis cœurs, Aengus n’était pas dupe. Maëlle laissait entendre qu’elle s’occupait de tous avant d’elle-même, qu’elle se préoccupait de la petite Louna avant elle. Pour Aengus, tout ces simagrées et minauderies s’agitaient sous le nez de James, en particulier, pour mieux l’attirer dans les filets de la texane.

« Alors tes petites leçons de moral tu peux te les carrer ou je pense. Ca devrait pas être trop dur d’ailleurs au vu de la facilité avec laquelle tu parviens à écarter les cuisses. » railla t elle sans le moindre scrupule.

L’idée d’être égoïste lui passait souvent par la tête et Aengus n’en éprouvait que rarement de la culpabilité. Elle ne donnait pas assez mais pour toute excuse l’étudiante en psychologie brandissait son incapacité à comprendre les attentes d’autrui ou simplement son entêtement à bouder et se replier. Les autres ne la comprenaient pas autant qu’elle ne les déchiffrait jamais. Si elle semblait aveugle sur certains points que d’autres jugeaient primordiaux, une chose lui sautait pourtant aux yeux. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer le nez de Cyrano non ?

« Tu t’es pas plus renseignée sur mon état à moi non ? Mais rassures toi je sais très bien que les personnes comme toi sont incapables de ce genre de chose. Vous êtes toujours la victime, c’est une évidence. Les autres autours n’ont d’intérêt que par ce qu’ils peuvent t’offrir. »

Son problème ? De la peur ? Aengus pouffa de rire en la regardant avec un certain dédain. Laissez la rire. Maëlle jouait les psychologues débutants. A l’image de l’apprenti sorcier, elle prenait des raccourcis et risquait l’inondation. La facilité d’interprétation n’avait jamais été porteuse de fruit rouge et fertile pour l’avenir.

« Je n’ai peur de rien. Quant à mon problème, c'est ta gueule qui ne cesse de me scruter et il semblait plus qu’évident. Ohohoho » Ria Aengus à la fin de la phrase de Maëlle « Pour sûre je suis certaine que tu as de très bons arguments pour te faire apprécier. Un coup de langue par ci par là… »

Maëlle ne possédait plus une haute estime dans le cœur de la Iota. Si autrefois la belle bêta avait le respect de la blonde, ce dernier s’était envolé à l’hôpital ou même avant. Qu’importe les tords qu’elle pouvait avoir, qu’importe l’importance de la haine qu’il pouvait vouer à certains mots, Maëlle ne valait plus rien ou juste assez pour mériter sa colère. Mais l’émotion que recevait Maëlle n’égalait pas la honte qu’Aengus éprouvait pour elle-même. Ce ressenti sortait des torpeurs de sentiments profondément endormis depuis des mois. S’étirant de leur long sommeil, ils revenaient en force pour fracasser le début de vie que s’était reconstruit la Iota. Heureusement, la colère avait toujours été un allier fidèle. Un bouclier et une arme redoutable qui lui avait permit de fuir nombre de douleurs et de coups. Pourquoi changer un comportement qui avait fait ses preuves ? Pourquoi éviter une situation plus douloureuse encore ? La réponse semblait évidente non ? Aengus soupira en pivotant pour reposer son verre dans l’évier et le nettoyer correctement. La sueur avait collé ses vêtements à sa peau et une douche serait la bienvenue à présent.

Partie sans un mot ? Elle était avec James en train de minauder ! Elle ne voulait pas non plus qu’Aengus lui tienne la chandelle ! Ca prenait combien de temps de prendre un téléphone et envoyer un texto pour composer deux mots ? Que Maëlle ne lui dise pas qu’elle ne connaissait pas son numéro de portable ! Aengus et elles s’étaient donné rendez vous pas téléphone pour aller à ce bar. Mais la blonde ne lui reprochait pas réellement de ne pas avoir prit des ses nouvelles. Sa volonté demeurait simple. Maëlle se plaignait du manque d’investissement d’Aengus pour connaitre son état de santé et l’avancement de sa guérison alors qu’elle-même n’avait pas bougé le petit doigt pour savoir comment Aengus allait. Dans le fond, la Iota se fichait pas mal de savoir si oui ou non c’était important, si Maëlle aurait dû appeler ou pas. Simplement, elle ne désirait pas recevoir de reproche à ce sujet.

Aengus se décolla de l’évier pour avancer vers les affaires de douche qu’elle avait posé sur l’une des tables en arrivant. Sentir la sueur ne faisait pas parti des choses qu’elle préférait, bien au contraire. La jeune femme prêtait grande attention à l’odeur qu’elle pouvait émettre. C’était l’une des premières choses que les autres ressentaient d’elle. C’était donc primordial ! Elle haussa les épaules à la réplique de Maëlle qui divaguait de plus en plus. Ou allait elle donc chercher tout ca ?

« Non ce qui est malheureux c’est que tu te permettes de me reprocher de te juger sans te connaitre alors que tu ne fais que ca depuis le début de la conversation. Faite ce que je dis mais pas ce que je fais. »

Finalement, elle pivota pour faire à nouveau face à Maëlle. Délicatement, elle remonta ses affaires contre son torse alors qu’une main passa dans ses cheveux. Foutue migraine qui ne passait pas ! Qu’importe car Aengus se fichait pas mal des battements incessant de son sang contre ses tempes. Elle mettait ca sur le dos de la colère et de la rancœur qu’elle éprouvait pour Maëlle. Cette dernière avait fait une erreur, une erreur dans laquelle elle l’avait entrainée et c’était, malheureusement pour elle, la seule erreur qu’Aengus ne pardonnait pas.

« Quand on couche avec une personne alors que l’on est déjà engagé auprès de quelqu’un d’autre, James ou un autre et qu’importe la situation avec cette dernière, ca s’appelle être une salope. C’est un fait. C’est ce que tu as fait et je n’ai pas besoin d’en savoir plus sur toi autant que je n’ai pas besoin de ce genre d’ami à mes cotés. Je suis de celle qui préfère être bien accompagnée. Tu n’es plus mon égal. Tu es une salope et qu’importe la façon dont tu interprète mon comportement. Alors, oui, je ne te connais pas mais j’en ai assez vu pour savoir ou te ranger et sans le moindre scrupule. Quant à tes élucubrations sur les raisons de mon comportement, laisse moi rire. Ca t'arrangerait bien que j'agisse par pur caprice plutôt que de façon tout à fait justifié face à ton comportement. Tu assumes ce que tu es et bien tant mieux parce que tout ce que tu es c'est une salope, une trainée et j'en passe des meilleurs.Tes actes l'ont prouvé et ne vient pas me parler de faiblesse alors que tu n'es visiblement pas capable de dire non. »

Elle pouvait dire ca elle, alors qu'elle se camait jusqu'à la moelle et qu'elle ne parvenait pas à résister à l'appel de la drogue. Mais le sujet n'était pas là. Inspirant profondément pour reprendre son souffle, elle soupira ensuite avant de reprendre.

« Des explications, des disputes ou même des regards auraient pu continuer mais à l’avenir il me semble bien plus judicieux de ne simplement plus se parler ou se regarder. Tu m’ignores, je t’ignore et tout ira très bien. Sinon effectivement, je risque de mordre. Tu t'en sens capable ou c'est trop te demander? »

Qu’on se le dise, ce n’était pas une menace. C’était une façon de remettre les points sur les « i ». Ce n’était pas elle qui était en tord dans cette affaire. Ce n’était pas elle qui avait des choses à regretter et pourtant, c’était elle qui culpabilisait de ce qui avait pu se passer à l’arrière de ce bar. Si elle avait su… Alors oui, elle en voulait à Maëlle pour l’avoir mise dans cette situation encombrante. Autant ne plus se voir, ne plus se parler et éviter une troisième guerre mondiale ! Mais cette proposition n’était faite que pour une simple raison : la paix des ménages. Aengus ne désirait pas d’embrouille avec James. Elle en avait déjà bien assez à gérer avec lui.