Le dîner de con
La classe mondiale... Peut-être même le champion du monde !
Il a une belle tête de vainqueur.

Depuis quelques temps ma vie ne semblait plus ressembler à rien. Je savais en arrivant à Berkeley que les choses n'allaient pas être simples mais je n'aurais jamais cru que ce serait aussi dur. Mais le pire dans l'histoire, ce n'était pas les cours et les horribles partiels à passer avant les vacances de noël, ni même les élèves exécrables, capricieux, hautains et complètement inconscients, mais bien ce qui m'étais arrivé quelques semaines auparavant. Moi, la fille sans doute la plus raisonnable, la plus sage, la plus innocente, je m'étais retrouvée en cellule après avoir pris de la drogue, à mon insu certes mais quand même! En seulement quatre petits mois, j'avais expérimenté beaucoup plus de choses qu'en seize années passées, j'avais aussi fait des tas de rencontres, et surtout j'avais ressentit tellement de choses nouvelles. Je me sentais complètement perdue à présent, j'avais de plus en plus l'impression de marcher sans but, plus ça allait et moins je me reconnaissais. Jusqu'à présent j'avais toujours été très sûre de qui j'étais, ce que je voulais faire, où je voulais aller dans la vie, mais désormais c'était comme si je n'avais plus aucune certitude. Pour tout cela, j'aurais dû être terrorisée à l'idée de me retrouver dans cet état second qui m'avait toujours été inconnu, mais étrangement cela ne me faisait ni chaud ni froid. Au départ, je dois bien avouer que j'avais un peu paniqué, mais très vite une sorte de lassitude s'était emparée de moi et à présent je me laissais vivre, advienne que pourra. Après mon passage au poste de police, j'avais réussi à me sortir des ennuis auprès de tout le monde (mes parents et les flics surtout) mais j'avais malgré tout dû accepter de me rendre dans une sorte de centre pour jeunes adolescents nécessitant des conseils ou du soutient dans un quelconque moment de leur vie. Je ne ressentais vraiment pas le besoin de parler à un inconnu, j'avais beau étudier la psychologie je n'avais aucune envie d'être analysée par qui que ce soit, et puis d'ailleurs je n'en voyais pas l'utilité. Je n'avais aucun problème, ce n'était pas de ma faute si un sombre crétin s'était permis de me droguer en mettant de l'herbe dans des gâteaux. Ma gourmandise me perdra, je pense pouvoir l'affirmer maintenant. Mon père ayant fait le déplacement depuis le Nouveau Mexique m'avait fait promettre d'au moins aller à un rendez-vous histoire de voir si je pouvais être un peu conseillée sur la vie en campus universitaire pour que rien de tel ne puisse se reproduire. Il était inquiet pour moi, je le savais, c'est pourquoi j'avais accepté de me rendre une seule et unique fois dans ce stupide centre. Seulement, maintenant ils tenaient tous à ce que j'y retourne régulièrement et moi cela commençait sérieusement à me taper sur les nerfs. Je ne voulais qu'une seule chose, qu'on me fiche la paix. Etait-ce trop demander?

Je venais de quitter mon dernier cours de la journée et j'étais impatiente de rentrer chez moi. Avant, je devais trouver un moyen d'esquiver mon rendez-vous de ce soir au centre. Je cherchais dans ma tête une idée capable de me sortir de là, trainant des pieds, fixant le sol, je n'avais pas le moral. En relevant un peu la tête, j'aperçu Andrew. Je l'avais rencontré à quelques reprises dans le passé, il avait été plutôt sympathique avec moi ce qui avait vraiment été une surprise, comme il me faisait signe, je décidais de m'approcher de lui. Je n'avais pas trop envie de discuter mais je ne pouvais pas le snober non plus. Ma mère m'a toujours dit que peu importe mon humeur, il est nécessaire de rester polie. "Salut Andrew!" j'essayais tant bien que mal d'esquisser un sourire avec un peu de difficulté tout de même. Soudain, une idée brillante me traversa l'esprit. Je répétais avec plus d'entrain "Andrew, hey!" même plus besoin de me forcer pour sourire. "Je peux te demander un service?" je lui fis ma bouille la plus adorable espérant qu'il ne me résisterait pas. "Tu saurais te faire passer pour mon père? Enfin, juste pour un coup de fil… Ca me sauverait vraiment la vie!" Je n'attendais même pas qu'il me réponde pour sortir mon portable et commencer à chercher le type du centre dans mes contacts. "J'ai besoin que tu dises à ce monsieur que je ne pourrai pas venir à notre rendez-vous de ce soir parce que je suis malade ou une autre bonne raison, si tu en as une qui ne soit pas trop suspecte. Dis lui que tu es venu depuis Santa Fé juste pour me voir et que tu veux profiter d'un maximum de temps avec moi, ça sera parfait!" Je trépignais tant j'étais fière de ma petite ruse. Je lui tendais mon portable avant de lui dire: "Il s'appelle Juste Leblanc, c'est un français alors ne parle pas trop vite histoire qu'il comprenne tout, sait-on jamais!"

Le dîner de con
La classe mondiale... Peut-être même le champion du monde !
Il a une belle tête de vainqueur.

Je manquais à tout mes devoirs en oubliant même les plus simples règles de politesse. Je m'en voulais en peu d'être aussi brutale avec lui, mais je me promettais de me rattraper dès l'instant où Andrew aurait fait ce que j'attendais de lui: passer un simple coup de téléphone. Je me mordillais la lèvre inférieure en acquiesçant vaguement à sa question. "Ca va, ça va. Et toi?" En réalité, pour le moment sa réponse m'importait guère. En entendant qu'il était d'accord pour se faire passer pour mon père, je ne pu retenir un large sourire satisfait. Il se mettait déjà dans le personnage en répétant l'excuse qu'il allait devoir dire au type au bout du fil. "Parfait, si tu dis exactement ça, je pense qu'il y a de grandes chances qu'il n'y voit que du feu!". Heureuse d'échapper à ce stupide rendez-vous, j'étais tellement contente d'avoir pu tomber sur Andrew et que celui-ci accepte de me rendre ce léger service. Le hasard de la chance sans aucun doute. Depuis ma rencontre avec l'Oméga, certaines choses étaient parvenues à mes oreilles…Disons qu'Andrew n'avait pas forcément la meilleure des réputations, mais jusqu'à présent pas un seule fois je n'avais eu l'occasion de l'observer sous un mauvais jour, au contraire même il était toujours très sympa avec moi et visiblement près à me filer un coup de main si nécessaire. Alors que je lui expliquais que le conseiller à appeler était un français prénommé Juste Leblanc, Andrew m'affirma parler la langue de Molière. Cela tombais donc drôlement bien! Il lâcha ensuite une phrase qui me fit sourire. "Voulez-vous couchez avec moi" … Bonjour le cliché! Moi qui parlait aussi français et ce de manière presque complètement bilingue je ne pouvais m'empêcher de rire. J'espérais vraiment qu'il ne dirait rien de ce genre au conseiller, sinon j'allais être vraiment mal, c'était sûr que Leblanc ne croirait jamais que mon père puisse s'exprimer ainsi. Quoi qu'il en soit, je lui mettais mon portable dans les mains, j'avais déjà sélectionné le numéro à appeler, il ne lui restait plus qu'à presser le petit téléphone vert.

Je m'attendais à ce que tout cela soit rapidement réglé, une affaire de minutes à n'en pas douter. Seulement, je restais perplexe en entendant ce qu'Andrew était en train de me dire. "Attends, quoi?" Il me fallut quelques (longues) secondes pour comprendre où il voulait en venir. "Non mais Andrew, il s'appelle vraiment Juste Leblanc." Je rigolais, je me demandais s'il n'était pas en train de me faire une bonne petite blague. Je voyais quand même une certaine incompréhension dans les yeux du jeune homme. Ce n'était pourtant pas bien difficile à comprendre si? Juste. Leblanc. "Toi, ton prénom c'est Andrew, c'est juste? Et bien lui c'est pareil, c'est Juste." Il n'avait toujours pas l'air d'avoir saisi la chose. Je fis une sorte de moue, réfléchissant à la manière à laquelle je pourrais lui expliquer cela un peu mieux. "Leblanc c'est son nom et c'est Juste son prénom. Juste Leblanc! Tu comprends là?" Moi qui croyais qu'on y était presque, j'avais pratiquement réglé mon problème, je ne voulais qu'une chose, en finir une bonne fois pour toute, rentrer à la résidence pour me préparer un bon chocolat chaud avec quelques guimauve sur le dessus, un bon vieux livre, un peu de musique, le tout à apprécier tout étant glissée dans mon lit, sous les couvertures bien chaudes et cozy. Mon Dieu rien que d'y penser j'avais envie de pleurer. Par pitié qu'on m'achève si je devais passer encore une heure dehors! J'avais besoin de calme, et par dessus tout de solitude. J'espérais donc qu'au moins que cette fois Andrew aurait compris. Je tapotais l'écran de mon portable qu'il tenait toujours entre ses mains. "Vas-y, tu l'appelles?" Je ne voulais pas perdre plus de temps. Je lui fis mon plus beau sourire pour le motiver d'avantage. De tout façon il n'avait qu'à appeler le conseiller par son nom, pas besoin de continuer de papoter plus longtemps, qu'on en finisse!