J'étais habillée d'une veste en cuir, d'un jean et de chaussures à talons légèrement hauts. La matinée était bien trop dur, et j'avais décidé de me réveiller en prenant un café. Profitant de l'occasion, j'avais appelé Léo pour qu'elle me rejoigne. Nous nous étions pas vues depuis quelques jours, et j'espérais pouvoir prendre de ses nouvelles. J'avais entendu dire que son moral n'était pas au top, et, étant certaine qu'elle m'en parlerait, j'avais estimé que prendre un café ensemble serait l'occasion parfaite de se retrouver. Nous n'étions pas de supers amies inséparables, nous n'étions pas toujours fourrées ensemble, et nous n'étions pas vraiment sur la même longueur d'onde. Mais je l'appréciait, et prendre des repas ensemble était devenu une bonne habitude. La pluie n'avait cessé de s'abattre sur San Francisco depuis une semaine. Je haïssais la pluie.
Me dirigeant d'un pas rapide vers l'entrée du Starbuck, je faillis glisser un bon nombre de fois. Mais mon équilibre dû aux nombreux entraînements faits dans le passé, m'empêchèrent de me rétamer sur le trottoir. Merci destin. De plus, ce n'était pas vraiment le moment de se faire remarquer. La foule grouillait de tous les côtés, et suite à une rencontre récente avec les flics, je n'avais pas vraiment envie de m'attarder dans les rues de la ville.
Une fois arrivée au bon bâtiment, je poussai la porte du café et entrai dans un soupire de soulagement. J'étais dégoulinante. Une boisson chaude était la bienvenue. Mon regard fit rapidement le tour des tables occupées. Elle n'était apparemment pas encore arrivée. Me dirigeant vers la queue de la caisse, je déportai mon attention sur le menu, fièrement affiché au dessus de nos têtes. Un moka. J'allais prendre un bon moka bien chaud. Au passage, j'attrapai deux petites cuillères et une poignet de sucres de toute sorte. L'odeur de la caféine chatouillait mes narines, et mon impatience s'enflamma.
Une fois mon tour arrivé, un jeune homme, certainement étudiant, m'accueillit avec un sourire légèrement lasse.

- Bonjour, je vous écoute.
- Un moka medium s'il vous plait... Et un café noir. Serré.

Il trifouilla quelques secondes en me tournant le dos, avant de se retourner, deux gobelets à la main, qu'il posa sur le comptoir. En retour, je déposai la somme correspondante à ma commande, et attrapai les deux cafés.

- Merci.
- Bonne journée.

C'était typiquement le genre de conversation qui se renouvelait presque tous les jours, et qui ne faisait que prouver l'existence d'une routine non désirée.
Je me faufilai entre les clients pour me diriger vers une table libre. Elle était au bord de la fenêtre. Parfait pour rêvasser en attendant ma coéquipière. Je déposai le gobelet de Léo face à la chaise d'en face, avant de boire une gorgée de mon Moka.
Mes pensées se tournèrent vers les évènements des jours précédents. Il fallait que je lui en parle.

En voyant arriver Léonie, un sourire s'afficha sur mon visage. Elle semblait toute autant dégoûtée de la pluie que moi.
Je pris le temps de l'observer, tandis qu'elle me cherchait encore du regard. Elle semblait fatiguée, et j'avais la légère impression qu'elle avait également maigrit.
Je lui fis un signe de la main lorsqu'elle m'aperçut. La voyant se diriger vers moi, je ne cessai de sourire. J'étais contente de la voir. Rien de mieux que de prendre un café avec elle. Ça me donnait la pêche, et c'était un peu comme une source de motivation : La voir, pour savoir affronter la journée ensuite.
Elle était habillée d'un pull chaud et d'un jean, qui semblait être trop grand pour elle. Sa dégaine n'avait jamais cessé de me faire chaud au coeur. Elle faisait partie de ce genre de filles, qui ne s'habillaient pas de manière à paraître le plus à la mode possible. Elle ne se prenait pas la tête et ne pensait pas vraiment au regard des autres, et j'adorais cela. Le naturel dans toute sa pureté. Je l'accueillit en l'embrassant sur la joue, avant de la laisser s'asseoir. Elle semblait bizarrement stressée.
L'observant en train de s'installer, je lui répondis simplement :

Parfait, et toi ? Tu sembles..Fatiguée.

A sa réaction concernant la commande que je lui avais prise, je pinçai les lèvres.

Je suis désolée, je pensais que ça t'irait. Tu peux aller l'échanger...

Je jetai un coup d'oeil vers le jeune homme qui m'avait servi il y avait quelques minutes de cela. Il se débattait entre deux clientes assoiffées et une machine en panne.

En plus le serveur est mignon.

Lui lançant un clin d'œil complice, je m'interrompis une seconde, avant de continuer.

J'ai énormément de choses à te raconter. Ça y est, j'ai la certitude que ce con est à l'université.

Je la regardai, peinée. Elle m'expliqua qu'elle était exténuée, et qu'elle aurait dormi deux jours d'affilée si elle n'avait pas reçu mon appel. Je lui souris, légèrement amusée. Je ne regrettais donc pas du tout mon choix.

Elle avait toujours du talent pour arranger les choses. Elle mit du sucre dans son café, et m'assura que ce n'était pas grave. Elle n'avait pas déjeuné, et commanda alors un beignet au chocolat. Grâce à sa gourmandise, le serveur vint vers nous, et je pu prendre le temps de l'observer, tout autant qu'il y avait quelques minutes de cela, lorsque j'avais commandé les deux cafés. Il était beau, mais blond. Et je savais qu'elle n'aimait pas vraiment les blonds.
Lorsqu'elle me fit son rapport, je souris et riais légèrement. Je commençai à réellement la connaître.
Mais une de ses réflexions me fit réagir. Alors était-il possible qu'elle soit amoureuse ? Je la regardais, interrogatrice, mais avant même d'ouvrir la bouche, elle me posa une question.

Tu parles d'un ex ?

Je la regardai quelques instants. Pouvais-je réellement parler d'un ex ? Etions-nous réellement sortis ensemble ? Entre Benedikt et moi, ça n'avait été que le sexe, la violence, la haine et la passion. Rien de vraiment concret. Plusieurs images me revinrent en tête. Il y avait même eu une fois, où il était revenu avec un cocard chez lui, par ma faute. J'en avais ri pendant des jours.
Je lui répondis, songeuse.

Hum..Pas vraiment. C'est compliqué à vrai dire...

Un sourire malicieux se forma sur mes lèvres.

Mais toi..Dis moi, tu ne visais pas une personne en particulier en pensant ce que tu viens de dire ?

On entendit des sirènes de police au loin, et je ne pu m'empêcher de sursauter. Je restai cependant à fixer mon amie, comme si de rien n'était. Une pensée me vint alors en tête.
Peut-être que je mettais tous mes proches en danger, en restant près d'eux.

Léonie ne semblait pas vraiment à l'aise avec son beignet et son café. Avait-elle des problèmes de digestion maintenant ?
Oui, en effet, j'avais drôlement besoin de parler de Benedikt, mais à vrai dire, je ne savais pas vraiment comment débattre sur le sujet. Un gars avec qui vous avez grandit, vous abandonne trois années auparavant pour aller faire je ne sais quoi en Amérique, et lorsque vous décidez de le rejoindre, voilà qu'il vous ignore totalement. Comment fallait-il le prendre ? J'avais au moins une certitude, il était bien à Berkeley.
Je posai un instant mon regard sur la fenêtre à ma droite. Pensive. Et s'il avait fui la Russie pour me fuir à moi ?
Non, c'était impossible. Il était mon confident. Mon pire ennemi, certes, mais mon meilleur ami aussi. Il était mon amant, et celui que je détestais le plus au monde, tout autant que je tenais à lui. Mon sang ne fit qu'un tour.

Tu te rappelle du gars Russe dont je t'avais parlé ? Celui avec qui j'ai grandi blabla...Et bien figure toi, qu'il m'a totalement ignoré la dernière fois que je l'ai croisé. Alors que ça faisait trois années tout au plus que nous ne nous étions pas vus. Je suis censée le prendre comment ?

Je marquai une pause, avant de reprendre, plus pensive encore.

Ça a toujours été un sale type, de toute manière.

Levant les yeux sur mon amie, je remarquai qu'elle avait les yeux légèrement brillants. Et c'est alors que je confirmai la chose : Elle était vraiment déprimée.
Je lui adressai un sourire amical et réconfortant, lorsqu'elle m'expliqua d'une voix tremblante qu'elle était dégoûtée par les hommes.
Songeuse, le regard dans le vide, je répondis finalement :

Tu as bien raison...

Serait-il possible qu'elle le connaisse ? S'il l'avait rendue furieuse, c'était impossible que ce soit le même. Il n'était vache qu'avec moi. Je ne savais pas vraiment si j'avais envie d'en parler ou non. Je brûlais d'envie de cracher tout ce qui me démangeait, mais j'étais persuadée que j'allais la faire dormir sur place. Je lui souris, lorsqu'elle me prit la main. Sa générosité et sa douceur étaient appréciées. S'il avait vraiment de bonnes raisons, il était temps pour moi de les découvrir. Mais je n'en avais pas envie. J'avais juste envie de lui dire d'aller se faire foutre. Mais il me manquait. Dieu qu'il me manquait...Je décidai de tout lâcher.

A vrai dire, ce n'est pas vraiment intéressant. Et puis, son nom n'a pas d'importance...Laisse tomber, ce n'est sûrement pas celui que tu connais. Il aurait été parfaitement gentil avec toi si ça avait été le cas. Crois moi.

Je lui souris et lâchai un rire. Mes arguments étaient prêts à être jetés à la poubelle.

Et puis, c'est impossible de discuter avec lui..Tu échange le "c" avec un "p" et tu as le résultat de nos dialogues. A la longue. Tout le temps. Tout le temps. Vraiment. Tout le temps.

C'est juste que..Rhho, et puis pourquoi je me lamente là-dessus. Après tout, je m'en fiche de ce gars.

Je relevai les yeux vers elle, déterminée à ne plus en parler, et à ne pas l'endormir plus que cela. Il était hors de question que Benedikt réussisse à me prendre autant la tête. Pas de sentiments, pas de prises de têtes.

Je ne pu m'empêcher de rire à sa remarque. Je lui pris la main à mon tour, comme pour la remercier de son soutien. Puis, dans un souffle déterminé, jeme redressai.

Bon ! Assez parlé de moi...Comment tu vas ? Tu ne sembles vraiment pas dans ton assiette.