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ELINA, CAMILLE

Depuis la fusillade, la vie de Camille Dupenher avait pris un nouveau tournant. Certes, l’événement commençait à dater et l’université semblait s’en être remise, mises à part quelques exceptions parmi les étudiants, qui ne parvenaient pas à passer à la suite. Parmi eux, on retrouvait les frères et sœurs des victimes du drame qui avait frappé Berkeley le jour de la Saint Valentin, ou ceux qui y avaient perdu leur âme sœur, ou leur meilleur ami, ou encore les rares étudiants qui avaient été grièvement blessés et qui gardaient encore des séquelles psychologiques ou physiques de ces blessures. Camille rentrait dans plusieurs de ces catégories, autrement dit, le bilan était lourd. Physiquement, il s’était remis des quatre balles qui lui avaient perforé la peau – deux dans la cuisse, une dans le ventre, une dans l’épaule. Heureusement, même la balle qui lui avait endommagé l’abdomen n’avait touché aucun organe vital et la seule séquelle que gardait le jeune homme quelques mois après avoir été blessé et avoir perdu la moitié de son sang, c’était quatre cicatrices et autant de douleur lorsqu’on frôlait les zones en question – il n’était pas certain que cette douleur fût réellement provoquée par les cicatrices, mais Camille revivait les impacts des balles à chaque fois qu’on touchait une de ces zones et la douleur n’en était pas moins réelle. Mais les séquelles ne s’arrêtaient pas là. Fallait-il commencer par le meilleur ami, ou l’amour de sa vie, que lui avait coûtés la fusillade ? Nathaniel était mort et ne reviendrait jamais. Quant à Charlotte, elle était la raison pour laquelle il avait pris ces quatre balles de plein fouet, et elle s’en était sortie indemne. Mais elle avait quitté la ville, et le continent par la même occasion, au lendemain de la fusillade. Et Camille avait tout juste eu le temps de lui dire qu’il l’aimait, et de s’excuser une fois de plus pour tout le mal qu’il avait infligé à son ex petite amie, avec qui les rapports avaient été des plus tendus depuis qu’il avait rompu avec elle sans la moindre explication, deux ans plus tôt. Bref, la vie de Camille ces derniers temps était un beau bordel et les souvenirs de la fusillade ne cessaient de le hanter , amenant avec eux d’autres souvenirs tout aussi atroces, liés quant à eux à la mort de sa petite sœur, Claire, dont il avait mis près de deux ans à se remettre mais qui redevenait aussi douloureuse que dans les premiers moments de deuil. Pas facile de tenir le coup avec tous ces poignards qui lui transperçaient le cœur…

Et c’est pourquoi, au bout d’un moment, Camille avait décidé de tout plaquer. Non pas abandonner ses études et sa vie actuelle pour partir au bout du monde, non, il ne s’agissait pas d’un changement de direction de cette nature-là. Camille avait décidé d’arrêter de ressentir tout avec autant de force, d’arrêter de s’attacher, d’arrêter d’aimer, de s’en faire pour les autres et de les faire passer avant lui. Non pas qu’il désirât devenir un connard de première ligne – il n’avait pas la moindre intention de laisser tomber ses amis et de tourner le dos à ses fréquentations du jour au lendemain. Mais il ne comptait plus laisser quiconque entrer dans sa vie pour la mettre sens dessus-dessous, et cela concernait principalement les femmes, qui ne lui avaient causé que de la souffrance ces derniers mois. Fini les grandes romances, bonjour les relations détachées. Camille n’était pas un adepte de ces relations sans lendemain, qu’il estimait irrespectueuses des femmes. Pourtant, il ne tarda pas à s’y faire, et à s’y complaire.

On était samedi matin et, légèrement échevelé et débraillé, Camille entra dans le pavillon de la confrérie qu’il présidait, ayant pris soin de n’être vu de personne dans cet état. Silencieusement, le jeune homme monta les escaliers qui le menaient à sa chambre, s’efforçant de ne pas penser à la migraine qui semblait sur le point de fendre sa tête en deux. Il avait encore abusé de la vodka la veille… et ne se souvenait même plus du visage de la jolie blonde aux côtés de laquelle il s’était réveillé une heure plus tôt, et qu’il n’avait eu aucun mal à séduire, se servant de son image d’Alpha impeccable et adorable. Camille esquissa un rictus à cette pensée, mais celui-ci eut tôt fait de s’évanouir lorsque le jeune homme remarqua que la porte de sa chambre était entrouverte. Son cœur manqua un battement alors qu’il se remémora avoir fermé la porte à clé la veille au soir. Quelqu’un était-il donc entré ? Cela ne faisait aucun doute. Mais pour quoi faire ? Et surtout, depuis combien de temps au juste sa chambre était-elle ouverte et à disposition de toute la confrérie ? Méfiant, Camille poussa légèrement la porte et entra prudemment dans sa chambre, avant de tomber nez à nez… avec Elina, une de ses amies proches, l’une des seules, d’ailleurs. Surpris, il arqua un sourcil, sans comprendre ce qu’elle faisait là. Elle n’avait pas les clés – personne ne les avait. « Ellie ? Mais qu’est-ce que tu fous ici ? » La surprise et la consternation étaient nettement palpables dans la voix bourrue de l’Alpha, qui parcourut rapidement la pièce du regard pour s’assurer qu’elle était intacte.