❦ oops, i did it again

Fixer rendez-vous à Alaina un dimanche matin n’était pas une démarche des plus intelligentes à faire. Quiconque la connaissait un minimum savait sans aucun doute que le dimanche matin, en fonction de l’heure, elle rentre ou dort. Le samedi soir est synonyme de sortie pour les Gammas, et Lanie avait directement adopté cette tradition avec le plus grand plaisir. La jolie rousse ne perdait pas une occasion de plonger dans un état euphorique par tous les moyens possibles et imaginables. Et il faut dire que pour ça, elle était bien tombée dans sa confrérie, car cette mentalité était partagée par une écrasante majorité des Gammas. Live fast, die young, tel était l’adage scandé à l’unisson par sa confrérie et Alaina s’y reconnaissait parfaitement. Non pas qu’elle connût le désir de se détruire par tous les moyens possibles, bien qu’elle ait déjà tenté de le faire par le passé. Elle vivait tout simplement sans se soucier des conséquences, et bien qu’elle fût pertinemment consciente des risques qu’engendrait son comportement, rien ne lui importait aussi peu et elle avait depuis longtemps décidé de faire l’autruche et de ne pas considérer sérieusement le moindre changement dans son comportement, changement qui lui permettrait d’assurer une espérance de vie supérieure à celle à laquelle elle semblait promise depuis quelques mois.

Chaque samedi, donc, la demoiselle sortait jusqu’au petit matin et finissait toujours dans un état d’ébriété avancé, finissant ainsi totalement désinhibée et prête à défier toutes les situations possibles et imaginables. La jeune femme aux cheveux et au regard flamboyants, c’était elle. Celle qui riait le plus fort, c’était elle. Celle qui montait sur les tables pour y danser juchée sur des Louboutin à talons de douze centimètres, c’était toujours elle. Son jeu ne connaissait qu’une limite, c’était la séduction et tout ce qui pouvait en découler, car jamais elle ne laissait un garçon trop s’approcher d’elle. Dans le quartier, on commençait à la connaître – cette fille chaude comme la braise qui pourtant ne laissait personne la toucher. Alaina se complaisait dans cette image et ne se gênait pas pour le montrer, car, à chaque fois, elle recommençait et en rajoutait une couche, tout en veillant à polir l’image qu’avaient les gens d’elle et qui lui seyait comme un gant. Ce samedi-là fut, par conséquent, rigoureusement identique à tous les autres, et Alaina se retrouva déchainée, enchaînant les verres, dansant jusqu’au bout de la nuit et de retour au pavillon des Bêta aux alentours de sept heures du matin, heure où certains étudiants fort courageux – ou masochistes, selon le point de vue – commençaient déjà à émerger. Alaina ne se donna pas la peine d’être silencieuse, fût-ce à cause de son état d’ébriété ou parce que cela ne la dérangeait pas de réveiller tous les membres de la confrérie qu’elle détestait le plus et chez qui elle était toutefois obligée de dormir, à la suite d’une stupide décision du doyen. Elle rejoignit son lit dans les plus brefs délais, sans même prendre la peine de se démaquiller, se contentant d’enlever ses chaussures et sa robe, et s’effondrant sur le matelas, presque instantanément endormie.

Elle ne se réveilla pas avant midi, ce qui, en soi, était déjà un miracle car, si l’on calculait, cela ne lui faisait jamais que cinq heures de sommeil. Mais de manière générale, Alaina était plutôt insomniaque et elle dormait toujours très peu, si bien que, même lorsqu’elle arrivait à s’endormir, elle se réveillait après très peu de temps. Miraculeusement, elle n’était plus du tout en proie aux effets de tout l’alcool qu’elle avait ingurgité la veille – en revanche, les conséquences étaient lourdes, car un mal de crane l’assaillit sitôt qu’elle émergea de sa courte nuit – ou, plutôt, matinée – de sommeil. Fronçant les sourcils, Alaina jeta un coup d’œil à son réveil, qui indiquait 12h03. Elle s’apprêta à s’endormir, consciente qu’on était dimanche et que, par conséquent, elle n’avait pas à se lever, mais ce fut alors que, miraculeusement, elle se souvint qu’elle était censée rejoindre Deelan… plus d’une demi-heure auparavant. Affolée, Alaina se précipita sous la douche après avoir avalé un cachet, en ressortit en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, se brossant les dents tout en s’habillant en quatrième vitesse. Vitesse tout à fait relative dans la mesure où elle se sentait tellement mal qu’elle était obligée de s’arrêter toutes les quelques seconde pour se calmer et ignorer sa douleur. Alaina ne prêta aucune attention aux hématomes qui marquaient se jambes et ses bras et dont elle n’avait pas la moindre idée comment ils avaient bien pu atterrir là. Elle ne s’en soucia pas outre mesure, guère étrangère à ce type d’apparitions au lendemain d’une soirée, et se contenta d’enfiler un gilet par-dessus ses vêtements, de chausser ses bottes et de se saisir de ses affaires avant de se précipiter, les cheveux encore mouillés et le maquillage plus qu’approximatif, vers la pelouse où Deelan lui avait fixé rendez-vous. Alaina jeta un rapide coup d’œil à son portable, qui affichait deux appels en absence et qui lui informa qu’il était désormais 12h18 – autrement dit, elle avait fait diablement vite mais elle avait plus de trois quarts d’heure de retard. Elle accéléra encore le pas, fronçant les sourcils à cause de sa migraine qui ne faisait qu’empirer, et finit par le voir, en discussion avec un étudiant qu’elle ne connaissait pas. Deelan était encore là, mais Alaina sentait qu’elle allait passer un très mauvais quart d’heure – et c’était entièrement justifié, elle n’avait pas d’excuse valable. Attendant que l’étudiant inconnu s’en aille, Alaina commença à s’avancer vers Deelan, accélérant le pas lorsqu’elle remarqua qu’il s’apprêtait à partir. Elle finit par arriver à sa hauteur, légèrement essoufflée et toujours en proie à un mal de crâne abominable qui lui broyait littéralement le cerveau. « Deelan ! » Il se retourna en l’entendant l’interpeller et elle s’installa à ses côtés, l’air penaude. « Vraiment, vraiment désolée pour le retard, je suis impardonnable, je sais. » Elle lui adressa un petit sourire coupable mais renonça à se lancer dans une explication plus complète, car elle avait l’impression que sa tête allait exploser. De toute façon, il allait bien finir par en demander lui-même, des explications…