❦ Bien le bonsoir,

je suis l'animation de la soirée !

Samedi soir au DNA, c’était un classique pour les étudiants de Berkeley. Et Camille ne faisait pas exception à la règle. Depuis son arrivée à Berkeley, l’Alpha avait pris pour habitude de se rendre dans le fameux bar de San Francisco, accompagné de ses amis ou non, pour y passer une soirée plus ou moins arrosée et oublier ses soucis le temps de quelques heures. Ces derniers mois, l’aspect oubli était devenu plus important que l’aspect soirée entre potes, étant donné que depuis son retour à Berkeley, il y a un an de cela, Camille avait changé du tout au tout de cercle d’amis, pour des raisons diverses. Bien entendu, la raison principale était qu’il avait disparu sans donner de nouvelles pendant des mois, jusqu’à ce fameux retour. Et pour cause : il avait perdu sa petite sœur, Claire, et n’avait trouvé d’autre moyen que de s’isoler complètement sans adresser la parole à ses amis qui étaient tous en Californie, avec pour seule exception Sterling, qui l’avait soutenu tout au long de cette difficile épreuve. Mais ses autres amis, autrefois si dévoués, et proches, avaient eu du mal à avaler la pilule, que ce soit parce qu’il n’avait pas donné de nouvelles ou parce qu’il n’avait même pas dit à chacun d’entre eux que Claire était morte, ce qui était trop douloureux à l’époque pour qu’il pût en parler. S’étaient ajoutés à cela des changements de confrérie, des disputes violentes, et même un décès – bref, son cercle d’amis avait volé en éclats au fur et à mesure que Camille devait encaisser les coups durs, en plus de son deuil qu’il n’avait toujours pas tout à fait achevé, car pas un jour ne passait sans qu’il ne pensât à Claire. Ajoutez à cela son cœur brisé par son ex, Chuck, qui refusait de lui adresser la parole parce qu’il lui avait brisé son cœur à elle il y a un an et demi, à l’enterrement de Claire, en l’abandonnant sans autre explication. Aujourd’hui, Camille payait le prix de ses erreurs en voyant les personnes qu’il avait aimées s’en aller les unes après les autres. Résultat, même s’il ne manquait pas d’amis – d’autres amis, avec qui les choses n’étaient pas pareilles – Camille sortait de plus en plus souvent seul, pour se changer les idées, pourquoi pas rencontrer quelqu’un, bref, tout était bon aux yeux de l’Alpha, pourvu qu’il se changeât les idées. De plus, étant donné que le DNA Lounge figurait parmi les établissements les plus populaires auprès de la jeunesse californienne, et donc les étudiants de Berkeley, il n’était pas rare que Camille croise un visage connu, avec qui il passait donc un moment.

Ce soir, Sterling était censé rejoindre Camille après « un truc que j’ai à faire, ça ne prendra pas trop longtemps, promis, mec ». Camille soupçonnait son meilleur ami de se rendre dans un quelconque lieu glauque et sinistre de la ville pour y choper un sachet d’une quelconque substance dont il savait uniquement qu’elle était strictement illicite, mais il n’avait pas fait la moindre remarque, à part le traditionnel « tu ne changeras jamais, Ster. » Il savait pertinemment que rien de ce qu’il pouvait dire n’aurait d’influence sur le comportement de Sterling et c’est pourquoi il avait jugé plus utile de se taire et de se contenter toutefois de le menacer de mort atroce et douloureuse s’il venait à avoir un retard trop important. En attendant, Camille n’avait rien à faire et le jeune homme s’était donc rendu au DNA, où il s’installa à la table qu’il avait l’habitude d’occuper avec ses potes, près du bar sans pour autant être dans le passage de tous les clients avides de l’un ou l’autre moyen de se souler jusqu’au coma éthylique. Cam était un habitué de la maison, et s’entendait de surcroit assez bien avec la barmaid, qui lui servit sans même poser de question son verre de vodka. Camille la remercia d’un simple sourire en coin, sortit quelques billets verts de sa poche et les tendit à la demoiselle, avant de prendre une gorgée du liquide qui lui brûla la gorge quelques secondes – une sensation dont il ne se lasserait jamais. Il sortit son portable, répondit à un message d’Elmas, tout en sirotant son verre, s’attendant à ce que Sterling ne tarde pas à arriver. Son attention fut toutefois attirée par un mouvement à quelques mètres de lui – et il leva les yeux au ciel en reconnaissant un homme qui était, lui aussi, toujours là, en présence de sa bande d’abrutis et de pétasses. Celui qui s’était déplacé au bar et qui avait attiré l’attention de Camille avait la réputation de s’en prendre à toutes les demoiselles qu’il croisait, les invitant toutes à se joindre à lui et sa bande, et tous ceux qui l’avaient déjà vu à l’œuvre s’accordaient sur un point : il était oppressant et très, très insistant. Visiblement, la jolie rousse à laquelle il s’adressait ne s’en doutait pas, car elle lui répondit d’un ton léger. Sans quitter la scène des yeux, Camille vit deux autres gars de la bande se diriger vers elle, surgissant dans le dos de la jeune femme, un sourire malveillant aux lèvres. Tous trois semblaient insister, de plus en plus pressants, et Camille fronça les sourcils en remarquant que personne aux alentours ne semblait prêter la moindre attention à la scène. Il se leva et surprit une phrase du leader des trois, visiblement décidé à emballer sa proie du soir. « Allez, rien qu’un verre, ma jolie, c’est quand même pas la mer à boire ! Tu ne veux quand même pas me briser le cœur ? » Ses deux acolytes ricanèrent, et se rapprochèrent encore, si c’était possible, de la jeune femme, qui commençait à paraître en mauvaise posture. Soupirant, Camille franchit les quelques mètres qui le séparaient du petit groupe et les héla : « Hé ! ça vous dérangerait de laisser ma copine tranquille ? » Celui qui avait parlé s’apprêta à répliquer, mais Camille lui adressa un regard froid et menaçant, se félicitant intérieurement de surplomber son interlocuteur de quelques centimètres et de s’être remis à la muscu ces derniers mois. Sans autre forme de procès, il poursuivit : « C’est bien ce que je pensais. Allez, viens, chérie. » D’un geste protecteur, il passa un bras autour des épaules de la jeune femme et, lui lança un regard qui lui signifiait qu’il s’expliquerait dès qu’ils seraient à l’écart, il l’attira vers sa table, où il l’invita à s’installer tout en faisant de même. « Désolé pour l’irruption, mais je les connais, ces gars, ils peuvent devenir très désagréables quand il s’agit de séduire une jolie fille. Et quand je dis séduire, c’est pour rester poli. » Il sourit comme pour s’excuser, et détailla pour la première fois du regard la jeune femme, surpris de constater combien elle était effectivement belle.