C’était la journée rêvée, LA journée par excellence que toute fille normalement constituée voudrait fêter avec un preux chevalier qui donnerait tout ce qu’il possédait pour la passer avec elle. C’était la journée idéale pour se voir offrir tout ce dont on rêvait et une belle déclaration d’amour comme cerise sur le gâteau. Qui plus est, lorsqu’un bal était organisé spécialement pour cette journée unique au nom de l’amour, on ne pouvait qu’espérer y aller au bras d’un bel homme qui faisait battre notre cœur par son unique présence à nos côtés. On se mettait sur son trente et un et on attendait dans son salon que la sonnerie de la porte retentisse avant d’aller à la rencontre de notre cavalier, un sourire à faire pâlir les dieux aux lèvres. Et lorsque tout se déroulait comme prévu, on regagnait notre chez-soi, le cœur gonflait de bonheur, les yeux emplis d’étoiles et de beaux rêves en perspective. Malheureusement, Sashenka n’était pas une fille normalement constituée ou plutôt elle l’était et ces pauvres filles ne l’étaient pas. Comment pouvait-on croire une seule seconde qu’une seule journée pouvait changer quoi que ce soit à une relation ou encore qu’elle puisse rapprocher deux êtres. Ou on s’aimait ou on ne s’aimait pas, il n’y avait pas des peut-être et des je ne sais pas. Ce n’était pas ainsi que ça fonctionnait et toute cette hypocrisie qui émanait de ce jour en devenait presque déprimante. Cela dit même si l’idée de fêter la Saint-Valentin l’horrifiait plus que tout, prendre du bon temps et s’amuser en bonne compagnie n’était pas exclus surtout lorsqu’il s’agissait d’un bal organisé. La mexicaine était toujours prête à aller faire la fête et lorsque cela se produisait en compagnie d’une personne qu’elle affectionnait particulièrement, elle ne pouvait qu’accepter.

J’en serais ravie ma jouliiiiiiie ! Tu me connais, les Jules et moi ça fait deux à part si leurs lits sont aussi confortables qu’eux sont compétents, si tu vois ce que je veux dire…J’ai hâte d’y être et d’enfin mettre un visage sur ta folie

Il était grand temps pour les deux demoiselles d’enfin se voir face à face, mettre un visage sur un nom, sur un caractère était toujours plus agréable même si cette amitié qui s’était liée entre elles durant tout ce temps. Juno avait été d’une aide précieuse durant ces moments difficiles qu’avait vécu la jolie mexicaine, un soutien sans faille et elle ne la remercierait jamais assez d’avoir été son échappatoire à sa vie qui n’en était pas vraiment une. Bien sûre, certaines parties de sa vie restait tabou même pour Juno, elle adorait la jolie brune mais, certaines choses devaient rester secrètes pour le bien de tout le monde. En tout cas, c’était de cette manière qu’elle voyait les choses. N’ayant rien à se mettre pour la soirée en question, Sashenka était allée faire la boutique en compagnie de Leonora tout en laissant Sebastian avec Aaron. Une sortie shopping entre sœurs n’était pas plus mal, cela allait leur permettre de se retrouver entre filles et de parler de tout et de rien. Surtout que la jeune femme savait bien que tout ce changement ne laissait pas indifférente sa sœur même si cette dernière se plaisait à dire le contraire. Une dizaine de magasins plus tard, elle trouva la robe qui allait faire tourner bien des têtes. Une robe bleue nuit qui mettait ses formes en valeur, avec un décolleté assez plongeant mais, en aucun cas vulgaire. La robe parfaite quoi !

« Je savais que tu étais folle mais, pas que tu parlais toute seule sauf si c’est comme ça que vous fonctionnez en Amérique ? »

Souriant à celle qui était devenue au fil du temps une véritable amie, elle ne pu retenir longtemps un rire sonore. Taquiner était bien une chose qu’elle appréciait, un domaine dans lequel elle excellait et avec sa meilleure amie, ce n’était que bonheur assuré.

Juno ne savait même pas quoi faire avec ses mains. Son impatience était telle que son corps en tremblait presque…Pourtant, ce n’était pas son genre de perdre ses nerfs comme ça, surtout qu’elle n’attendait pas son preux chevalier en armure mais bien une amie qu’elle n’avait encore jamais rencontrée physiquement. Pour rien au monde elle n’aurait échangé cette soirée en perspective avec l’ennui mortel qu’elle risquait de ressentir en présence d’un individu masculin. C’était la raison pour laquelle elle n’avait prévenu aucune conquête potentielle. Juno avait plutôt prévenu LA personne qui risquait d’égayer sa soirée de telle façon qu’elle resterait mémorable quoi qu’il advienne…La brunette ne savait juste pas à quel point elle allait être mémorable, ni dans quel sens. Elle n’avait pas encore sentit un regard masculin inquiet et nerveux sur sa personne, complètement éblouissante dans cette robe. Elle n’eut même pas le temps de s’en apercevoir que déjà, une voix malheureusement inconnue ET féminine s’était dévoilée dans son dos, la faisant sursauter au passage avant que sa surprise ne soit vite remplacée par une expression détendue et un rire cristallin. Décidément, cette soirée n’allait pas les décevoir, l’une comme l’autre…

« Cela doit être parce que je suis écossaise et non américaine…Ma folie est originaire de là-bas, de toute évidence ! »

Juno aimait ses origines, c’était l’évidence même. Mais il ne s’agissait là que d’une taquinerie avant que la brunette ne lui saute littéralement au cou pour la saluer, toute fidèle qu’elle était à son tempérament tactile et extraverti. Il n’était pas question de faire des manières ou de se saluer à trois kilomètres…Elles se rencontraient enfin et cela valait bien une petite effusion de joie ! Effusion qui fut parfaitement suivie par le même inconnu, qui ne semblait pas lâcher Juno du regard et dont elle finit justement par capter l’attention évidente. La donne aurait très bien pu faire diminuer son sourire, mais il en fallait bien davantage à la jolie étudiante en Physique pour s’offusquer : Elle devait être LA personne la moins facilement vexée de toute la création, et elle n’était jamais contre une petite attention masculine lorsque celle-ci était généreusement offerte et n’attendait pas de retour…Hélas pour elle, cet homme semblait visiblement attendre un retour.

« Tu as choisi ta robe pour t’assurer des crises cardiaques comme s’il en pleuvait ma parole ! En tout cas, tu ne peux pas savoir comme je suis conteeeeeente qu’on se voit enfin !! Depuis le temps !! »

A nouveau, la demoiselle avait serré Sashenka contre elle, avec tout l’enthousiasme dont elle était capable, jusqu’à ce qu’elle ne capte une fois encore le regard insistant de l’homme, pourtant « caché » dans un coin du hall. Cette fois-ci, la brunette lâcha doucement sa nouvelle camarade de soirée tout en soutenant le regard de l’homme, et ce sans discontinuer. Il y avait deux issues possibles à ce véritable combat de regard : Il jetait l’éponge en premier et s’en allait trouver une autre victime à draguer pour cette soirée…Ou il insistait et Juno devrait le repousser poliment, avec tout ce que cela impliquait par la suite. L’un dans l’autre, cela risquait de jeter un léger froid sur sa soirée avec Sashenka et ce n’était pas nécessairement une bonne chose pour l’homme en question…Ah, si Juno avait su par avance ce qui allait se passer, sans doute ne l’aurait-elle-même pas regardé !

Une soirée mémorable comme on n’en faisait que très rarement. Une soirée inoubliable qui risquait de marquer les cœurs ainsi que les esprits pour longtemps. Jamais, la Mexicaine n’aurait pensé que sa soirée allait être si inoubliable ou que cela allait faire remonté des souvenirs qu’elle mettait un point d’honneur à oublier. Si seulement, elle avait su que tout changerait en une fraction de seconde, elle aurait surement pris son amie par le bras avant de quitter cette soirée qui n’était décidément pas faite pour elles. Mais voilà, personne ne pouvait prévoir ce qui allait se produire. Inconsciente de ce que l’avenir lui réservait et leur réservait à tous, Sashenka s’était préparée pour passer une excellente soirée avec la personne la plus adorable qu’elle connaisse. C’était LA meilleure soirée pour faire la connaissance de Juno ou plutôt enfin rencontrer Juno parce qu’elles avaient eu tout le loisir de faire plus ample connaissance lorsqu’elles se parlaient grâce à la technologie.

« Ah ! Tu me rassures ! » Dit-elle en un sourire amusé. « Eh bien, un jour tu devras me faire visiter ton pays… »

Son sourire s’élargit lorsque la Gamma la prit dans ses bras, elle hésita quelques secondes avant de resserrer ses bras autour d’elle. Enfin. Elles se voyaient pour de vrai. Sashenka n’était pas habituée à ce genre de marque d’affections, à part avec Leonora et Sebastian. Les seules preuves d’amour qu’elle avait reçu dans sa vie étaient les cicatrices sur son corps. Elle se retira ensuite de l’étreinte de son amie, un sourire radieux ornant ses lèvres, ça la changeait de d’habitude et ce n’était pas plus mal. Occupée à se souvenir de chaque mimique de Juno, la brunette ne remarqua point la présence d’une tierce personne qui portait sur elles un regard ne présageant rien de bon.

« Je peux te retourner le compliment ma belle ! Si avec ça, les mecs n’en perdent pas la parole c’est qu’ils n’ont rien là où je pense. Ca me fait tellement plaisir de te voir enfin, devant mes yeux et pouvoir te parler sans un écran qui s’interpose entre nous. » Tournant le regard vers l’endroit que fixait la jolie brune, Sashenka resta un instant à fixer le jeune homme qui semblait dévorer Juno du regard. « Si tu veux, on peut aller lui dire notre façon de penser, il te laissera tranquille ou sinon, on apprend à cette idiot que parler à deux déesses de notre genre a un prix, qu’en penses-tu ? »

Sashenka ne comprendrait que plus tard qu’elle venait de commettre une erreur en tenant tête à ce garçon. Tout acte avait un prix, tout geste avait une conséquence. Elle aurait dû le savoir mieux que personne, elle aurait dû faire plus attention. Son séjour en prison aurait dû lui apprendre la vigilance surtout avec ce genre de personnes. La soirée allait être longue, très longue et même les meilleurs risquaient de ne pas s’en sortir indemne.

Déjà que Juno appréciait tout particulièrement le franc parler de Sashenka lorsqu’elles s’écrivaient de longs mails à n’en plus finir, elle ne pu qu’éclater de rire de voir ce fameux phénomène en vrai. A ceci près qu’elle n’eut guère le temps de s’en réjouir durant de longues minutes que déjà, l’homme qui les scrutaient depuis tout à l’heure s’était dangereusement rapproché. La brunette eut beau le dévisager pour mieux le fusiller du regard, il vint bientôt se coller à elle, de manière si détestable que Juno eut presque l’impression qu’il voulait lui arracher ses vêtements sur place. A ce qu’il lui semblait, Sashenka avait voulu intervenir, mais tout s’était passé très vite…Ce type avait sortit son arme, menaçant dès lors la rouquine avec celle-ci. Juno n’était pas du genre à jouer les héros dans des moments pareils, pensez-vous…Mais elle ne comptait pas pour autant laisser son amie risquer de prendre une balle parce qu’elle avait repoussé les intentions de cet homme, parfaitement inconnu au bataillon et somme toute méritant de le rester ! La brunette eut beau tenter de lui prendre son arme, la bousculade qu’elle engagea ne fit qu’envenimer les choses. Au final, un immense tourbillon d’émotion s’empara net de la brunette et dès lors, sa vision se troubla. Il lui fallut un certain temps pour se rendre compte qu’elle venait de prendre une balle sur le flanc droit, tant elle avait été assourdie par le coup de feu tiré presque à bout portant. Elle mit d’ailleurs un certain temps avant de se rendre compte qu’un second coup avait été tiré, blessant de ce fait Sashenka qui était venue à son secours…Tout était de sa faute. La culpabilité n’avait pas fini de la ronger et alors que sa tête tournait à des millions de tour par minute, Juno trouva tout de même le courage et la force de se hisser afin de ramper à terre jusqu’au corps de son acolyte préférée. Elle voulait s’assurer qu’elle soit encore vivante, même si elle hurlait déjà à s’en perforer elle-même les poumons afin que quelqu’un ne vienne à leur aide. Tout ce que l’on dit sur la volonté en cas d’extrême nécessité est vrai. Juno n’aurait sûrement jamais fait preuve d’un tel aplomb malgré la douleur si la vie de son amie n’avait pas été en danger. Si elle mourait, jamais elle ne s’en remettrait. L’étudiante en Physique avait beau savoir faire l’autruche mieux que personne, il n’empêche qu’elle tenait à Sashenka, que c’était son amie et que l’amitié avait une valeur que personne ne saurait contester. Ainsi, elle parvint jusqu’au corps inerte de son acolyte afin de lui prendre le pouls, n’ayant aucune idée d’où la balle s’était logée. Juno n’était pas en position pour l’aider ou faire quoi que ce soit susceptible de lui sauver la vie…Mais elle était vivante. Son cœur battait encore, bien que relativement faiblement, et en s’en rendant compte la voix de l’écossaise ne fit que résonner plus fortement encore dans cet immense hall d’entrée. Il fallait qu’on vienne les secourir, il fallait qu’on les sauve…Juno ne savait hélas pas encore qu’elles n’étaient pas les seules à avoir été victimes des balles de ces malades mentaux bons à être enfermés à l’asile !! « Nous sommes ici !! Venez nous aider, mon amie est blessée !! » Juno ne connaissait pas l’ampleur de sa blessure. Elle ne savait pas si elle nécessitait en premier des soins alors dans le doute, autant qu’elle soit prise en charge en premier. En attendant, la brunette avait eu le bon réflexe d’appuyer sa main contre sa plaie, afin que l’hémorragie ne se propage pas…Elle pouvait attendre. Sashenka, elle, ne le pouvait peut-être pas. « A l’aide !! Je vous en prie !!! »