Esmeralda avait quitté l’hôpital encore plus mal que quand elle y était entrée plus tôt dans la journée. Ce n’était vraiment pas le genre de nouvelles qu’elle s’attendait à recevoir en se réveillant ce matin. La vie était vraiment mal faite. A peine commençait-elle vraiment à se donner une chance de vivre pleinement sa vie qu’elle se retrouvait confronté à un nouveau problème et pas des moindres. Une insuffisance cardiaque. Ce n’était pas un simple rhume, une fatigue passagère ou un simple mal de tête. C’était un problème au cœur qui la rendait vulnérable, un problème qui l’exposait encore plus. La jeune femme laissa échapper un rire nerveux tandis qu’elle déambulait dans les rues de San Francisco. Elle ne savait pas où elle allait. Enfin, elle avait une vague idée d’où ses pas la mèneraient, c’était le seul endroit où elle pouvait y aller. L’unique endroit où elle pouvait se réfugier dans ces moments-là. Difficile à avouer mais la vérité était bel et bien là : elle n’avait nulle part où aller dans ce genre de situation, personne à qui se confier sur ce qui la tracassait. Des amis, elle en avait plusieurs seulement, on ne parlait pas de ça avec n’importe qui. Esme avait bien pensé à aller voir Perdita, sa Iota préférée, sa chérie comme elle aimait l’appeler mais, cette dernière avait elle aussi ses problèmes à régler. Quatre ans qu’elle vivait à San Francisco, quatre ans qu’elle étudiait à Berkeley et en fin de compte, tout était semblable à ce qu’elle vivait à son arrivée. Faire de jolis sourires pour ne pas dire la vérité, faire semblant que tout allait bien alors que c’était le contraire et ne pas savoir vers qui se tourner parce que ce n’était pas une nouvelle qu’on voudrait ébruiter. Esme eut le sentiment que la vie lui jouait un mauvais tour, comme si elle revivait son arrivée dans cette ville. Seule, mal dans sa peau et sans aucun soutient.

Debout devant cette porte d’entrée, la présidente des Sigma avait de plus en plus de mal à garder son calme. Que faisait-elle devant cette porte au juste ? Pourquoi venir l’importuner avec ses problèmes ? Elle avait surement mieux à faire que d’écouter une étudiante se plaindre encore et toujours. Mais avant qu’elle n’ait pu décider de rester ou de partir, sa main s’élevait déjà dans les airs pour toquer contre la porte en bois. A croire que son corps était déconnecté de son cerveau. Bonne ou mauvaise chose ? Allez savoir. Tout ce dont elle était sûre c’est qu’elle avait besoin de parler à quelqu’un, de toute urgence sinon, elle ne donnait pas cher de sa santé mentale. Quelle ne fût pas sa surprise lorsque la porte s’ouvrit sur un homme aux yeux bleus se tenant en face d’elle.

« Hum…Je pourrais parler à Maria. »

Bon d’accord ! Ca se présentait encore plus mal que ce qu’elle ne l’aurait cru. Se retrouver face à face avec Edward était la dernière chose qu’elle aurait souhaitée aujourd’hui surtout lorsqu’on connaissait la nature de leurs rapports. Tentant de garder son calme, la jolie brune se mit à douter que la journée se termine bien, elle allait surement être aussi désastreuse qu’elle n’avait commencé.

« Papa ! Papa ! Papa ! Papa ! Papa ! Papa !!! » J'ouvrais doucement les yeux alors que j'étais allongé là, sur le canapé. Une énième insomnie avait bousillé ma nuit et je commençais à ressentir sérieusement le sommeil grimper en moi. Je m'étais donc accordé une petite pause devant la télévision, dans le salon. Au final, je m'étais endormi comme une masse devant un dessin animé que Seth, mon fils de huit ans, regardait, particulièrement captivé, un peu comme mon Golden Retriever ayant trouvé refuge entre les jambes du petit garçon qui le gratifiait de quelques caresses sur le museau. Maria était sortie et je l'avais juste sentie déposer un baiser sur ma joue, avant de me murmurer qu'elle revenait d'ici deux heures. Je n'avais même pas eu la force de répondre que je retombais dans un sommeil profond.

« Mais papa ! Hé ho ! PAPA !!! » Jade, la jumelle de Seth, était venue s'asseoir sur moi et m'ébouriffais les cheveux, sachant très bien que cette méthode allait me sortir de mon sommeil. Je laissais un léger grognement s'échapper de ma gorge. Cela ne l'intimida pas le moins du monde. « Papa ! T'avais promis que tu m'aiderais pour mes maths ! » J'ouvrais enfin une bonne fois pour toute les yeux alors qu'elle agitait son cahier de cours rouge sous mon nez. « J'arrive... j'arrive... Mais avant, je veux un câlin. » Elle soupira. « Mais papa... t'es énervant... ! » Puis je l'attrapais, la forçant à me faire un câlin, avant de la chatouiller. Elle éclata de rire en essayant de se débattre. Puis l'attaque passée, elle vint elle même caler sa tête dans le creux de mon cou et se blottir dans mes bras. « Je t'aime ma chérie, je t'aime tellement. » Je déposais un baiser sur son front et profitais de sa présence le temps de quelques minutes.

Trente minutes après le départ de Maria, je me trouvais à la table du salon, Jade sur mes genoux, alors que je lui expliquais son cours de mathématiques. Les jumeaux sont particulièrement intelligents. Néanmoins, ils tiennent de moi pour être d'une grande fainéantise lorsqu'il s'agit de l'école. Ma fille est largement capable de comprendre les mathématiques, néanmoins, elle ne prend pas la peine en cours d'écouter son professeur. Elle part directement dans le principe qu'elle n'aime pas, donc qu'elle ne comprend pas. Et lorsque je lui explique, elle trouve cela très facile. Elle tenait de moi, il n'y avait aucun doute là-dessus.

Soudain, quelqu'un sonna à la porte. Je fus surpris car je n'attendais personne aujourd'hui. Je me levais et enfilais un T-shirt vert car jusqu'à présent, j'étais torse-nu. Puis je me dirigeais vers la porte avant de l'ouvrir. Là, vision d'horreur. Esmeralda Williams apparut dans mon champs de vision. Ah non ! Hors de question ! « Hum… Je pourrais parler à Maria. » En vue de notre relation explosive, mieux valait que nous ne soyons mais au même endroit au même moment. Mes yeux se posèrent sur elle alors que je la toisais. « Désolé, pour une fois, t'es arrivée en avance, mais Maria ne revient que dans une heure et demie. » Petite blague vis à vis du fait que notre animosité était née d'un retard qui avait mal tourné. Puis je lui fermais la porte au nez dans une arrogance qui m'était propre. Je revenais au niveau du salon, jusqu'à ce que le petit ange sur mon épaule m'explique que Maria ne serait pas très heureuse de savoir que j'ai traité une de ses meilleures amies de la sorte. Un soupir s'échappa donc de mes lèvres, et enfin je revenais à la porte d'entrée que j'ouvrais. « Tu veux entrer peut-être ? » D'accord, on lisait clairement sur mon visage que ça m'écorchait la gueule de lui proposer cela mais soit.

Ce n’était vraiment pas son jour ou bien elle était maudite. Comme si la journée n’avait pas été assez longue et remplit de mauvaises nouvelles, comme si elle n’était pas assez mal comme ça. Il fallait qu’en plus de tout ce qu’elle avait enduré aujourd’hui, elle devait tomber sur ce professeur. Elle aurait bien été tentée de l’étrangler de ses propres mains ou pire encore mais, il restait le mari de Maria, une femme qu’elle considérait comme une mère, une femme qu’elle appréciait et qu’elle respectait alors, non, elle ne le pouvait pas même si l’envie était bel et bien présente. Pourquoi diable avait-il fallu qu’elle tombe sur le seul professeur qui sortait avec la Directrice de Berkeley ? Elle était surement maudite ou un truc du genre, allez savoir. « Il y a des personnes qui méritent que je vienne en avance, que voulez-vous ?! » Ce n’était pas le jour de jouer à ça. Elle en avait plus que gros sur le cœur et comme si ce n’était pas assez, il fallait qu’elle supporte les sous-entendus de cet homme. Ca jamais. En y pensant bien, ces deux là ne se croisaient que dans ce genre de situation, lorsque ni l’un, ni l’autre n’était enclin à la discussion, enfin surtout Esme. Elle aurait bien éclaté de rire dans d’autres circonstances, si elle n’avait pas ses problèmes de santé et lui en face d’elle.

A peine eut-elle le temps de finir sa phrase qu’une porte se referma. Elle n’arrivait pas à y croire, il ne lui avait quand même pas fermé la porte au nez ? Elle le détestait, c’était officiel, elle ne voulait plus jamais avoir à faire à lui qu’en cas de cas extrême comme ça l’était à cet instant. Malheureusement, même avec une fierté comme la sienne, elle ne se voyait pas retourner chez elle pour revenir plus tard parler à Maria. Pas dans son état, elle se connaissait, si elle partait maintenant, elle ne reviendrait surement pas de si tôt et elle avait besoin d’en parler. La jeune femme se mit à penser, elle pouvait aller dans un café dans les alentours en attendant le retour de la brunette ou encore restait assise devant sa porte ou sur les marches d’escalier mais, ces deux dernières solutions ne feraient que jeter de l’huile sur le gaz. Même si elle ne portait pas Edward dans son cœur, elle ne voulait pas créer des problèmes dans le couple de Maria surtout qu’ils étaient encore de jeunes mariés. Tandis qu’elle pensait à la meilleure façon de tuer le temps en attendant Maria, la porte d’entrée se réouvrit, laissant apparaître toujours la même personne au grand désarroi de la jolie grecque. « Ca ne serait pas de refus. » Dit-elle, sa fierté en prenant un coup. Elle n’était pas faible, elle n’aimait pas qu’on ait pitié d’elle mais, elle allait devoir faire quelques concessions aujourd’hui et accepter la proposition d’Edward même si cela la dérangeait de l’accepter et surtout de rester coincée entre quatre murs avec lui pendant un certain laps de temps. Même cinq minutes paraissaient interminables en compagnie du professeur d’Histoire. Edward la laissa passer avant de refermer la porte, la jolie Sigma était déjà venu ici par le passé mais, à chaque fois qu’elle mettait un pied dans cet appartement, il y avait Maria même si ce n’était pas elle qui ouvrait la porte. Aujourd’hui, c’était totalement différent. Respirant un bon coup et se persuadant intérieurement de garder son calme, elle attendit son hôte à l’entrée, elle ne voulait pas qu’il pense qu’elle était mal élevée, déjà qu’il ne l’aimait pas, il ne fallait pas en rajouter. « Vous avez une belle maison ! » Lâcha-t-elle plus pour rompre le silence devenu un peu trop pesant.

On dit souvent que ''les amis de mes amis sont mes amis''. Foutaise ! La vie, c'est pas Facebook ! J'ai quelques amis en commun avec Esmeralda et pourtant, nous sommes loin de nous apprécier. Tout d'abord, elle considère mon épouse comme sa mère de cœur. En effet, Maria connaissait la mère de Williams. D'ailleurs, elles étaient de très bonnes amies. Bien évidemment, cette relation amicale a grandement rapproché ma femme et cette jeune étudiante. Il n'est pas rare qu'elles sortent toutes les deux ensemble pour se changer les idées et la différence d'âge ne semblent pas les gêner le moins du monde. Je ne les blâmerai pas dans la mesure où je m'entends également très bien avec certains de mes élèves. Je n'ai jamais remis en cause l'amitié qui liait Maria à Esmeralda. Je n'ai juste jamais souhaité faire parti de leurs sorties. Plus je me trouve loin d'elle, mieux je me porte. Ainsi, j'ai parfaitement accepté par exemple qu'elles partent toutes les deux, sans accompagnant dans un autre État américain suite au décès de maman Williams. Soit. Ensuite, il y a Alcide, également très bon ami de la jeune femme. Ils se sont rencontrés dans un hôpital et on fini par prendre plusieurs cafés ensemble. J'ai d'abord cru qu'elle plaisait physiquement à Van Stexhe et qu'il souhaitait la mettre dans son lit – comme avec une bonne partie de la gent féminine – mais non. Une grande amitié les unit, et seulement une grande amitié. Enfin, on retrouve Brooke et Maya dans la liste d'amis que nous avons en commun. Et parmi toutes ces personnes, nous sommes deux à ne pas nous apprécier, Esmeralda et moi. Rien à faire. Nous nous sommes pris la tête une seule fois et avons nourri notre relation conflictuelle avec de nombreux pics et coups bas. Il y en avait toujours un pour énerver l'autre et multiplier les pressions.

« Il y a des personnes qui méritent que je vienne en avance, que voulez-vous ?! » C'était exactement ce genre de réponse qui m'avait poussé à lui fermer la porte au nez. Mais je m'étais bien vite ravisé car si Esmeralda attendait dans le froid, dehors, et que Maria revenait et la voyait ici, il est clair qu'une grande dispute aurait lieu entre nous deux. Après tout, je pouvais bien lui ouvrir la porte et l'ignorer. Pourquoi ne décidait-elle pas de repasser ? Sa présence seule hérissait les poils de mes bras. Mais je devrai faire un effort durant une heure trente seulement. Même si ''seulement'', ça paraissait long quand Williams était dans le coin. Un soupir s'était donc échappé de mes lèvres et je m'étais forcé à lui ouvrir de nouveau la porte pour l'inviter à rentrer et à se mettre au chaud, même si au fond de moi, j'espérais qu'elle refuserait. « Ça ne serait pas de refus. » A cet instant précis, si nous avions été dans un manga, mon visage serait passé par plusieurs expressions. La première ? La surprise, avec des yeux ronds et des lèvres en forme de ''O''. Puis la frustration, avec les dents serrées, les yeux vides et un corbeau qui passerait juste au-dessus de ma tête. Enfin, pour finir avec la tristesse, le visage accompagné deux larges cascades sous les yeux. Mais comme nous étions dans la réalité, je m'efforçai de garder une expression neutre sur le visage.

Je m'écartais de la porte pour la laisser entrer, puis je la refermais derrière elle. « Vous avez une belle maison ! » Mes yeux se levèrent jusqu'au plafond. « Comme si tu la découvrais cette maison... » En effet, elle était déjà venue plus d'une fois, avec, ou sans ma présence. D'ailleurs, Jade, ma fille, ne tarda pas à courir vers Esmeralda, qu'elle avait eu l'occasion de voir à de nombreuses reprises, notamment quand Maria et son amie passaient la journée ensemble qu'elle devait gardé ma petite de huit ans. J'observais la scène alors qu'elle tendait ses petits bras vers elle pour l'embrasser. « Traitresse... », murmurais-je à l'encontre de ma fille qui me tira la langue. Un nouveau soupir s'échappa de mes lèvres. « Je t'en prie, rentre, ne reste pas dans l'entrée. » Parole de politesse numéro une. La seconde : « Je t'offre quelque chose à boire ? On a des bières, du lait, du jus de fruit, du coca enfin... tout ce que tu pourrais trouver dans un bar... » Oui, faire la liste serrait visiblement trop long.

Lorsqu’elle avait vu dans le regard de son médecin que son état ne présageait rien de bon, c’était encore pire que ce qu’elle n’avait cru. Cependant, il fallait encore attendre quelques jours pour avoir les autres résultats et à partir de cet instant, ils prendront une décision sur la meilleure façon de la soigner. Elle n’était pas encore décidée si elle allait se rendre encore une fois seule à l’hôpital ou si elle demanderait à quelqu’un de l’accompagner, elle y penserait le moment venu. De toute manière la présence d’un ami ou son absence ne changerait rien à la situation, elle était bel et bien malade, à un stade avancé à en croire l’expression du médecin et elle allait devoir y faire face seule. L’air frais de San Francisco lui fit le plus grand bien, marcher dans les rues de cette ville l’aidait à se vider l’esprit et à penser à autre chose qu’à sa vie qui prenait encore une fois un nouveau tournant. Pensant instinctivement à celle qu’elle considérait comme sa seconde mère, la présidente des Sigma était arrivée devant chez elle dans l’espoir de lui parler et de lui confier ses peines. Terrible erreur, pensa-t-elle en se retrouvant face à face avec l’époux de la directrice de Berkeley.

Bon d’accord, ce genre de réflexion de la part de la brunette n’était surement pas la meilleure des façons de calmer le jeu entre eux, c’était d’ailleurs pour ce genre de réponses que tout avait commencé. C’était une journée comme aujourd’hui, les mauvaises nouvelles avaient plu sur elle comme la pluie battante de l’hiver, rendant la jeune femme encore plus détestable quand on ne la connaissait pas. Quelques minutes de retard seulement. Quelques minutes de retard à son cours d’histoire et voilà que la troisième guerre mondiale était déclarée. A peine avait-elle mis un pied dans sa salle de cours que le professeur O’Malley l’agressait déjà. Ou pas. Question de point de vue après tout. Et comme toute grecque au tempérament de feu qui se respecte, la réponse de l’étudiante ne se fit pas attendre, encore moins celle du professeur d’histoire qui la vira de sa classe. A croire qu’elle était damnée à tomber sur Edward O’Malley à chaque fois que les choses tournaient mal dans sa vie. Pénétrant l’appartement, la jeune femme se sentit de suite mal à l’aise. Que faisait-elle au juste ici ? Ce n’était pas comme si Maria revenait dans quinze petites minutes, ce n’était pas comme si elle était allée acheter du pain à la boulangerie du coin. Une heure trente quand même, ce n’était pas rien. Déjà que cinq minutes dans la même pièce était synonyme de pseudo-meurtre alors plus d’une heure à se regarder. Le cauchemar. Seulement, elle se souvint de la raison de sa venue ici, elle ne pouvait pas repartir sans l’avoir vu, ni lui avoir parlé. Elle se connaissait que trop bien, si elle ne l’attendait pas maintenant, elle n’aurait jamais le courage de lui dire la vérité. Et c’était à elle de le faire, elle ne voulait pas que Maria l’apprenne d’une autre bouche que la sienne. Ce serait un manque de respect envers elle, elle ne pouvait le concevoir.

« Hey ! Salut toi… Tu as grandi depuis la dernière fois, tu vas bientôt me dépasser. »

Jade était une adorable fillette qu’Esme avait eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises par le passé, en venant rendre visite à la Directrice de Berkeley. La jolie grecque s’était très bien entendue avec elle, elle avait toujours eu ce don de s’entendre avec eux, tout comme sa mère. Elle ignorait pourquoi, ni comment mais, elle était douée avec eux et le fait qu’elle avait un jour eu la chance d’en sentir un grandir dans son ventre avait fait le reste.

« Merci ! » Lâcha-t-elle en avançant dans ce lieu qu’elle avait déjà eu l’occasion de voir. « Un verre d’eau s’il vous plaît. » Même si l’idée de la bière était beaucoup plus tentante, pensa-t-elle. Se retournant une nouvelle fois vers la fillette tandis que son père allait en cuisine, elle lui sourit. « Comment ça à l’école ? Tu es toujours aussi bonne ? » Questionna-elle un sourire amusé sur les lèvres avant de voir Edward revenir vers eux, un verre d’eau en main. L’attente allait être très très longue pour son plus grand désarroi.

Tout avait assez mal commencé entre Esmeralda et moi. C’est comme si, au final, nous n’étions pas fait pour nous entendre. Le début de notre animosité remontait à quelques temps déjà, lorsque je donnais un cours dans un des amphithéâtres bondés de l’université de Berkeley. Je n’étais pas vraiment dans mon assiette, il faut même dire que j’étais d’un tempérament énervé, comme il était d’ailleurs rare que je le sois. En effet, ce type de comportement ne me ressemblait pas, mais je restais dans le fond quelqu’un de très impulsif. Je garde très facilement mon sang froid et suis tout aussi compréhensif qu’ouvert d’esprit. Et pourtant, ce jour là, il ne fallait pas me contredire, surtout sur un point qui m’était cher : le respect. Esmeralda était arrivé en retard, et quand nous avions tous entendu, étudiants et moi, la porte s’ouvrir derrière la jeune femme qui n’avait même pas pris la peine de s’excuser – peut-être parce que je ne lui en ai pas laissé le temps – j’étais tout de suite monté sur mes grands chevaux. Pourtant, je m’étais contenté d’un simple respect sur le fait que le moindre des respects, c’était de se pointer à l’heure à un cours pour ne pas l’interrompre en arrivant, ou bien de ne pas venir du tout. Mais, dans la mesure où Williams était le genre de personnes à ne pas se laisser marcher sur les pieds, elle s’est vite empressée de me répondre sur un ton peut-être tout aussi agressif que le mien. Je n’avais donc pas été par quatre chemins. « Ca ne vous plaît pas ?! Et bien la porte est juste derrière vous ! Allez, du vent ! » Les étudiants avaient été assez étonnés de la tournure des évènements alors que de base, je suis quelqu’un de relativement calme et proche de mes élèves. Pourtant, j’étais tout aussi connu pour ouvrir ma gueule lorsque cela me jugeait bon de le faire. Jamais je ne me suis laissé marché sur les pieds, et j’avais voulu faire comprendre à Esmeralda, de part ma remarque, qu’elle n’aurait pas le dernier mot avec moi, et encore moins quand je suis persuadé de ne pas avoir tord. Et si c’est le cas, je l’assume très bien. Dommage pour elle.

Il était presque étonnant de voir que ma fille, qui n’était pourtant pas celle de Maria, s’entende particulièrement bien avec Williams. Le regard que lui portait cette dernière était presque bienveillant, alors que Jade, elle l’observait comme si elle avait en face d’elle un modèle, ou bien une grande sœur. Comme quoi, une personne étant O’Malley de pure souche pouvait bien s’entendre avec Esmeralda. Etonnant, n'est-ce pas ? Et alors que la jeune femme me demandait un verre d’eau, que je partais chercher en cuisine, je le laissais toute les deux en tête à tête. « Comment ça va à l’école ? Tu es toujours aussi bonne ? » Je servais un verre d’eau et revenais avec ce dernier dans une main, et une petite bouteille de bière Guiness dans l’autre. Je tendais la boisson que souhaitait Williams alors que Jade entreprenais son petit discours. « Moui… mais j’aime pas ça. Ça m’ennuie. Pas autant que mon frère, mais ça m’ennuie quand même. J’ai hâte d’avoir ton âge, sauf que moi, je travaillerai déjà. Je serai archéologue comme mon papa. La différence, c’est que moi, c’est l'Égypte qui m’intéresse. Je veux voir plein de pyramides ! » J’esquissais un petit sourire amusé alors que je décapsulais ma bière pour en boire une gorgée. « Mais mon frère, il veut pas faire ça… j’ai le temps de le convaincre tu me diras… » Oui, Jade et Seth sont des jumeaux particulièrement liés. Et il leur semblait pour le moment inimaginable de ne pas faire les mêmes choses, de ne plus vivre ensemble plus tard, et j’en passe. Pour le moment, cette relation était adorable en vue de leur âge. Mais dans quelques années, ils devront apprendre à se détacher un peu l’un de l’autre pour pouvoir créer leur propre vie et ne plus être enfermés dans leur bulle. « Pourquoi tu voulais voir Maria ? » Demanda la fillette qui finalement avait pris place sans se gêner sur les genoux d’Esmeralda. Je levais les yeux au plafond, préférant ne même pas intervenir pour le coup. Pitié que le temps passe vite...

Que faisait-elle ici ? Cette question n’arrêtait pas de tourner en rond dans sa tête comme une mauvaise chanson qu’on venait d’écouter et qui restait ancrée dans notre tête. Si elle s’écoutait, elle aurait pris ses jambes à son cou pour mettre le plus de distance possible entre elle et le professeur d’histoire. Il y avait certaines personnes qui restaient indifférentes à la présence ou à l’existence de l’autre, ils ne se cherchaient pas des problèmes mais, ils ne s’appréciaient pas pour autant. Si la relation d’Esme et d’Edward s’était résumée à cela, ils auraient surement vécu dans le meilleur des mondes surtout par rapport à Maria. Seulement, un malheur n’arrivait jamais seul, cela était bien connu. En plus d’être très proche de la même personne, ils ne se supportaient pas, c’était limite s’ils ne s’entretuaient pas lorsqu’ils se retrouvaient dans la même pièce. Prenant sur elle pour ne rien dire de déplacer surtout en présence de la fillette, elle reporta son attention sur Jade. Au moins, ainsi, elle n’aura pas à faire la conversation au professeur O’Malley ce qui n’était pas plus mal. Laissant échapper un léger rire, elle accueillit avec plaisir la fillette sur ses genoux. « Je suis certaine que tu seras une archéologue très douée, ma mère disait toujours que quand on y croit très fort, nos rêves se réalisent toujours… » Était-ce vrai ? Elle n’en savait rien, c’était ce que sa mère lui répétait étant petite, elle devait d’ailleurs avouer qu’à cette époque c’était la seule chose qui avait de l’importance et qui leur permettait de supporter leur vie. Même si aujourd’hui, elle avait plus de mal à y croire, cela n’y changeait rien et si cela pouvait aider Jade à accomplir ses rêves alors, elle n’en serait que plus heureuse. « Je te fais confiance pour convaincre ton frère… Les garçons ont toujours un peu plus de mal que les filles… » Discuter avec la fillette lui changeait les idées. Jade était vraiment adorable et la jeune femme se trouvait chanceuse que son père ne lui interdise pas de la voir, il aurait très bien pu après tout. Personne n’aurait pu l’en empêcher, ni même lui en vouloir. S’il l’a considérait pas assez digne pour faire partie de la vie de sa fille, c’était son droit. Gratifiant le professeur lorsqu’il lui ramena son verre d’eau, elle en bu une gorgée avant d’avaler de travers. La question de Jade l’avait quelque peu prise de court. Elle ne s’y attendait absolument pas. Espérant trouver secours auprès d’Edward, elle plongea son regard dans le sien, priant intérieurement tous les Dieux existants de lui venir en aide. Que pouvait-elle bien lui répondre. Je voulais seulement lui annoncer que je risquais de mourir à tout moment et qu’en plus de ça, je suis enceinte ! Elle ne pouvait carrément pas répondre à cette question, c’était plus fort qu’elle. Fermant les yeux un instant pour empêcher ses larmes qui menaçaient de couler de franchir la barrière de ses yeux, elle sourit avant de croiser le regard de la fillette. « Je voulais savoir si elle était libre pour une journée shopping, rien de très important… » Elle pria intérieurement pour qu’elle la croit, elle n’avait pas besoin qu’elle essaye de comprendre le pourquoi du comment. Elle était à deux doigts d’éclater en sanglots et elle n’était pas vraiment prête à le faire, surtout pas devant Jade et encore moins devant son père.

Il était assez difficile pour Esmeralda et moi de nous trouver dans la même pièce tout en nous retenant de nous égorger. Bon, nous n'en arrivions pas non plus à ce point, mais il ne se passait en général pas deux minutes sans que l'un de nous n'envoie l'autre sur les roses par pur plaisir. Néanmoins, quand nous étions en présence de Maria, nous tâchions ne nous abstenir, allant même jusqu'à faire semblant de bien nous apprécier. En tant normal, ça l'amusait de voir comme nous étions bons comédiens l'un avec l'autre. Mais en fait, on sentait tout le temps cette grande tension entre nous. Quoi qu'il en soit, moins l'on se voyait, mieux l'on se portait.

« Je suis certaine que tu seras une archéologue très douée, ma mère disait toujours que quand on y croit très fort, nos rêves se réalisent toujours… » M'asseyant à mon tour, sur le canapé, j'observais ma fille sur les genoux d'Esmeralda. « Oui, papa aussi le dit souvent ! » C'était étrange de voir à quel point le feeling passait bien entre eux. Même mon fils, Seth, et donc le frère de Jade, s'entendait très bien avec la jeune femme. Il l'avait même une fois demandé en mariage, mais ça, c'était encore une autre histoire. « Je te fais confiance pour convaincre ton frère… Les garçons ont toujours un peu plus de mal que les filles… » Je levais les yeux au plafond. Remarque facile. Quoi qu'il en soit, je les laissais discuter entre elles. Je n'étais pas un monstre doublé d'un gamin pour interdire à Esmeralda d'approcher ma fille, bien au contraire. J'acceptais tout à fait que toute ma famille, sauf moi, porte Williams dans leurs cœurs. Oui, c'était bel et bien le cas. Que ça soit Ambre, Jade, Seth ou Maria, ils adoraient tous la jeune femme. Et si Aaron n'était pas un bébé, je suis sûr qu'il montrerait déjà beaucoup de sympathie envers elle.

Puis la question fatidique arriva, posée par Jade. « Je voulais savoir si elle était libre pour une journée shopping, rien de très important… » Je voyais clairement bien qu'Esmeralda se retenait de pleurer. J'en concluais donc qu'elle n'avait pas une très bonne nouvelle à apprendre à ma femme. Quel genre ? Je n'en avais aucune idée. Quoi qu'il en soit, je me surpris à être compatissant. Même si Williams me sortait bien trop souvent par les yeux – pour ne pas dire tout le temps –, je n'en arrivais pas à lui souhaiter du mal, bien au contraire. « Trésor, vas jouer avec Ben et ton frère, tu veux ? » Ben n'était autre que le fils du voisin, ayant leur âge, un camarade de classe et grand ami. « Mais j'ai pas fini mes devoirs... » L'habitude des règles parfois strictes concernant les leçons à faire après l'école. Je lui adressais un sourire. « C'est pas grave ma puce. Tu peux aller jouer, on finira ce soir. » La fillette esquissa un large sourire et sauta des genoux d'Esmeralda. « Trop bien ! Merci papa ! Bisous Esme ! » Puis elle sortit de la maison en courant.

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