C’était une magnifique journée. Plus précisément un certain mercredi après-midi. Je finissais les cours beaucoup plus tôt que les autres jours et j’en avais profité pour donner rendez-vous à Polly dans la salle de musique à 15 heures. D’après ce que j’avais compris elle aussi avait un horaire plus allégé le mercredi. Polly est une jeune fille que j’ai rencontrée dans l’université il y a de ça quelques temps. C’est vrai qu’au début ce n’était pas vraiment gagné entre nous. Elle me faisait même plutôt peur. Non pas qu’elle est méchante ou quoi que ce soit, loin de là, mais ça façon de me suivre partout et de m’admirer comme ça m’effrayait vraiment et finalement ça avait même commencé à m’énerver. Au départ je ne l’appréciais donc pas du tout mais c’est marrant parfois comme les choses peuvent changer, comme une relation peut évoluer. Aujourd’hui je ne la déteste plus du tout. Loin de là je m’amuse même beaucoup à l’aider car j’ai très vite compris que Polly ne me voulait en fait pas du mal, elle voulait simplement pouvoir s’améliorer dans le domaine de la musique pour arriver à un niveau tel que le mien, sans vouloir me vanter bien évidemment. Elle est devenue comme ma petite protégée aujourd’hui et je me fais toujours un plaisir de l’aider à progresser parce que pour moi il est devenu évident qu’elle a un talent. Il faut seulement qu’elle arrive à laisser de côté sa timidité pour laisser sortir comme il faut sa voix, parce que c’est évident qu’elle en a une magnifique et qu’elle pourrait faire des ravages dans le domaine si elle acceptait de laisser sortir ce qu’elle garde en elle. Beaucoup de gens dans mon cas n’aurait jamais accepté d’aider cette fille car quand on commence à la faire travailler il devient presque évident qu’elle pourrait me dépasser une fois qu’elle aura vaincu ses craintes. Beaucoup de gens auraient donc eu peur de ça, mais pour moi ça m’était totalement égal. A vrai dire je trouvais même plutôt important qu’elle réussisse à exploiter complètement son talent, quitte à ce qu’elle me dépasse tant pis, ma fois chacun son talent. Je serais même plutôt fière de moi au final parce que je saurais que si elle en est arrivée là ce sera en partie grâce à moi. Donc j’étais complètement prête à l’aider et une fois que j’avais passé par-dessus cette certaine réticence que j’avais en la voyant, nous avions commencé à nous voir beaucoup plus régulièrement. Au départ on se voyait simplement pour discuter, je voulais apprendre à la connaître, cerner un peu mieux le personnage si on veut avant de me lancer dans quoi que ce soit. Puis j’avais décidé la semaine dernière de lui envoyer un message pour commencer beaucoup plus sérieusement des cours de chant car jusqu’à maintenant je l’avais bien sûr fait chanter à plusieurs reprises mais jamais je n’avais cherché à lui donner un véritable cours. Nous avions donc trouvé ce rendez-vous aujourd’hui même à 15 heures dans la salle de musique qui était heureusement libre. J’étais arrivée avec une dizaine de minutes d’avance, après avoir posé mon sac dans un coin de la salle j’attrapais ma guitare et je me posais sur une chaise pour commencer à jouer. Ma voix s’éleva dans la salle alors que j’avais choisi de chanter une de mes musiques favorites des Cranberries, Zombie. Je me laissais emporter dans le rythme de celle-ci, fermant les yeux pour mieux l’apprécier et je laissais ma voix sortir dans un son magnifique et envoutant. J’adorais ces moments-là je me sentais tout simplement bien, j’avais l’impression que tout autour de moi s’effaçait, d’être totalement seule au monde, de n’avoir aucun problème. Bref je ne pensais à plus rien du tout, j’étais totalement emportée par la musique. Je n’arrivais pas vraiment à croire l’effet qu’elle pouvait avoir sur moi. C’était tout de même incroyable ce sentiment de liberté que j’avais lorsque je sentais ma guitare entre mes mains et mes cordes vocales vibrés. La musique m’avait aidée pour tellement de choses en même temps, je ne pouvais que me sentir bien lorsque je la pratiquais.

S’il y a bien une chose pour laquelle je suis douée, sans compter la musique, c’est bien aider les autres. Dès que je trouve quelqu’un de seul, quelqu’un de peu sûr de lui ou je ne sais quoi je n’hésite que très rarement à aller l’aider et à tenter de le faire avancer dans une bonne direction. Ca ne marche pas toujours. Il y a toujours ceux qui pensent pouvoir se débrouiller tout seul, qui ne veulent certainement pas recevoir de l’aide de qui que ce soit. Ma fois chacun sa vision des choses, dans ces cas-là je leur fais toujours comprendre que si jamais ils changent d’avis je suis toujours là pour les aider et qu’ils peuvent donc venir me trouver sans soucis. Oui parce que selon moi on ne peut pas toujours se débrouiller tout seul et recevoir de l’aide de quelqu’un d’autre peut toujours être utile et ne peut forcément que faire du bien. Il est clair qu’une bonne partie de nos problèmes il faut les régler nous-même, mais recevoir un petit coup de pouce n’est pas interdit, c’est même beaucoup mieux ainsi. Je trouve donc plutôt dommage de voir ces personnes qui ne veulent certainement pas recevoir de l’aide de qui que ce soit. Mais en même temps je ne peux rien faire de plus, tant qu’ils ne seront pas décidés à recevoir de l’aide ils ne m’écouteront pas et en feront qu’à leur tête. J’étais cependant très heureuse que Polly ne fasse pas partie de ce type de personne. Bien qu’au début elle m’effrayait un peu, j’avais fini par comprendre qu’elle avait simplement besoin d’un peu d’aide et je m’étais donc immédiatement proposée. Elle n’avait pas dit non, loin de là et c’était certainement une des personnes que j’aimais le plus aider. Polly était devenue comme une petite protégée, voire même une petite sœur que j’ai toujours voulu avoir à mes côtés. Elle avait un certain talent pour le chant, je l’avais compris immédiatement lorsqu’elle avait chanté devant moi pour la première fois. Le problème c’était qu’elle manquait de confiance en elle et j’étais donc là pour l’aider à passer par-dessus tout ça et à laisser sortir sa véritable voix. C’était certainement aussi pour ça que je n’avais pas de peine à la considérer comme une petite sœur. Elle avait comme moi un talent pour la musique et il est vrai que j’ai toujours rêvé pouvoir donner des cours de musique à ma petite sœur si j’avais pu en avoir une. Enfin d’un autre côté j’étais bien contente de ne pas en avoir eu une. Fille unique c’était beaucoup mieux ainsi vu comme était mon père. J’avais de la peine à me remettre de tout ça, mais tout aurait été bien pire si j’avais eu une petite sœur et si j’avais su que mon père lui faisait subir la même chose qu’à moi. Je ne l’aurais certainement pas supporté et ça c’était bien à cause de mon besoin de protéger les gens que j’aime. Enfin bref, j’avais donc rendez-vous avec ma petite protégée dans la salle de musique et j’étais arrivée avant elle. Forcément j’avais immédiatement attrapé ma guitare et je m’étais mise à chanter. Je suis obligée de le faire, à chaque fois. Je ne peux tout simplement pas faire autrement, dès que j’ai une occasion de chanter je saute dessus bien évidemment. J’interprétais une de mes chansons favorites des Cranberries, je la chante d’ailleurs parfois un peu trop souvent. Perdue dans le rythme de la chanson je n’avais pas remarqué que Polly était arrivée, en même temps je fermais les yeux pour mieux apprécier le tout et je n’avais donc pas pu la voir entrer. J’arrivais presque au bout de la chanson quand j’entendis des livres s’écraser sur le sol. J’arrêtais immédiatement de jouer et j’ouvrais les yeux pour découvrir qui avait provoqué la chute de ses livres. Je posais donc mon regard sur Polly et un sourire s’étira sur mon visage. En plus de tout ça, Polly était une fille vraiment adorable et à chaque fois que je la voyais j’avais juste envie de sourire. Elle était parfaite, mais elle était encore loin de s’en douter malheureusement. Elle allait finir par s’en rendre compte un jour ou l’autre de toute façon, mais il lui fallait encore un peu de temps pour vraiment le comprendre. Ma fois la confiance en soi ne vient que petit à petit, on ne peut pas acquérir ça du jour au lendemain. Je me levais de ma chaise pour m’approcher de Polly qui s’était assis et j’approchais ma chaise de la sienne pour m’asseoir dessus à nouveau. Je ne sais pas si on peut vraiment appeler ça un don du ciel, disons que je me débrouille bien. J’affichais un petit sourire, toujours modeste évidemment. Tu connais bien cette chanson ? Je propose de la recommencer, mais tu chantes avec moi d’accord ? Je pensais que c’était le meilleur moyen pour qu’elle arrive à se lâcher un peu, chanter avec quelqu’un nous pousse à chanter plus fort, à sortir un peu plus sa voix pour qu’on l’entende aussi et je comptais bien m’arrêter de chanter à un moment pour n’entendre qu’elle. Je ne savais pas si elle allait continuer à chanter en m’entendant m’arrêter, mais enfin je pouvais toujours faire l’expérience. Je préparais ma guitare pour jouer la mélodie, mais j’attendais d’abord sa réponse avant de commencer, je ne voulais pas la forcer à faire quelque chose si elle n’en avait pas envie. Même si d’un côté je pensais que c’était peut-être bien qu’elle se force un peu au début à faire quelque chose qui ne lui plaira pas forcément. Une fois qu’on se force un peu après ça devient forcément de plus en plus facile.

Je savais que l’apprentissage de Polly n’allait pas être évident. Elle avait un immense travail à faire sur elle-même et ça n’allait certainement pas être facile pour elle. Arriver à prendre confiance en soi n’est jamais évident. Surtout quand c’est depuis toujours qu’on manque de cette confiance. C’est un grand pas à faire en avant et j’étais prête à aider cette demoiselle du mieux que je le pouvais. Je voulais absolument qu’elle avance, qu’elle progresse. Je voulais entendre sa voix sortir plus fort que jamais car je savais très bien qu’elle avait une belle voix. Je l’avais immédiatement compris, son plus grand souci c’était qu’elle avait peur de la laisser sortir, par peur de se ridiculiser, par peur de paraître nulle. C’est vrai que ce n’est pas évident quand on vous demande de chanter devant une personne dont on admire le talent. Je savais que Polly devait penser dans sa tête qu’elle ne serait jamais aussi douée que moi et que je devais certainement la trouver plus que nulle. Mais ce n’était pas du tout le cas, loin de là même. En fait j’étais peut-être une des rares personnes à avoir compris qu’elle avait un talent et donc une des rares personnes qui pouvait l’aider. Après je ne connais pas son entourage, je ne sais pas comment ses amis se comportent avec elle et je ne sais pas du tout si elle reçoit le même genre d’aide de la part de quelqu’un d’autre. Mais de toute façon je n’ai pas envie de savoir, si c’est le cas alors tant mieux pour elle et si ce n’est pas le cas et bien je sais au moins que je suis là pour l’aider et qu’elle n’est pas toute seule face à ce manque de confiance en elle qui n’est jamais facile à gérer pour qui que ce soit. Bien sûr en l’aidant je m’aidais moi-même en même temps. Je me faisais ma propre morale. Oui parce que personne ne le sait mais je manque aussi de confiance en moi. Pas quand je chante ou que je joue de la guitare. Là c’est certainement le seul moment où j’ai confiance en moi. Mais dans tout le reste. Pourquoi je n’ai pas confiance en moi ? Parce que j’ai peur de tout et que je me méfie de tout et qu’avec mon passé j’en viens parfois à penser que ce qui m’est arrivé n’était après tout que ce que je méritais et que pour le reste de ma vie je ne mérite pas mieux que ça. C’est horrible à dire, mais c’est vrai qu’il m’arrive de penser ça. Enfin bref, arrêtons de parler de moi, ce n’est pas moi le sujet aujourd’hui, non c’est Polly. Elle venait d’arriver dans la salle de musique alors que j’étais en train de chanter et je m’étais ensuite approchée d’elle avec dans l’idée que nous chantions toutes les deux ensemble. Je venais de lui faire la proposition et j’attendais avant de commencer à jouer, je ne voulais certainement pas la forcer à quoi que ce soit ce n’est pas mon genre, loin de là. Je la regardais donc avec un petit sourire, attendant de voir ce qu’elle allait décider. Elle vint s’asseoir plus près de moi et elle s’excusa avant même que j’aie commencé à jouer de la médiocrité de sa voix. Je décidais de ne pas relever, sachant pertinemment que ça ne serait pas médiocre du tout. Je commençais donc à jouer les premières notes et je chantais doucement pour entendre Polly, mais je finis par m’arrêter pour l’écouter. Elle chantait tellement doucement que je ne l’entendais que très peu. Elle n’y arrivait pas, mais de toute façon je ne m’attendais pas à ce qu’elle me sorte directement le grand jeu non plus. Je continuais de jouer mais elle s’arrêta de chanter et elle s’excusa encore deux fois. Je posais ma guitare à côté de moi et me tournais vers elle pour la regarder droit dans les yeux avec un petit sourire en coin. Je me doutais bien que ça allait donner quelque chose dans ce genre-là, en même temps elle ne pouvait pas faire des miracles et acquérir une confiance en elle en l’espace de quelques secondes. Je ne lui en voulais pas, loin de là. J’étais même plutôt contente de voir qu’elle avait au moins essayer. Après tout elle aurait pu aussi me dire directement qu’elle ne voulait pas du tout chanter. Elle avait essayé et c’était déjà un petit pas en avant. De toute façon on allait y aller petit à petit et elle allait finir par y arriver, j’en étais persuadée. Je comptais bien lui montrer que je crois en elle et je me doutais que le fait de savoir ça allait déjà bien l’aider. En tout cas je l’espérais. Bon on respire un bon coup et tu vas commencer par arrêter de t’excuser. Tu n’as aucune raison de le faire. Je sais que ce n’est pas facile alors ne t’en fais pas on va y aller doucement, à ton rythme et tu finiras par y arriver. Le droit est peut-être ton domaine, mais je peux t’assurer que le chant aussi. Il te faudra juste un peu plus de temps pour le comprendre. Mais tu finiras par le voir. Un jour tu verras tu vas même dépasser le maître sans problème. Je lui fis un clin d’œil, suivit d’un immense sourire. Le maître c’était moi et je sais qu’elle a du talent énormément de talent et peut-être plus que moi. Ca ne m’étonnerait pas de la voir me dépasser, pas du tout même. Alors on va peut-être commencer par discuter un petit peu, ça te détendra et quand tu te sentiras prête on essayera de chanter de nouveau, ça te va comme ça ? Je ne voulais pas la brusquer. Il fallait y aller en douceur pour qu’elle arrive à se sentir à l’aise avec moi et qu’elle finisse par me montrer cette partie d’elle qu’elle cache. Cette partie d’elle qui sait si bien chanter mais qui reste enfouie en elle par peur. Je voulais qu’elle se sente à l’aise et en sécurité avec moi. Je n’étais pas là pour me moquer d’elle, je n’étais pas là pour la rabaisser. Bien au contraire. J’étais là pour la faire avancer et lui faire découvrir ce talent qu’elle est persuadée de ne pas avoir mais qui pourtant est bien là à quelques parts en elle. Il faut juste qu’elle le trouve et j’allais tout faire pour qu’elle y arrive. En plus je devais avouer que je me suis légèrement attachée à cette demoiselle depuis le temps maintenant. J’avais besoin de la protéger et de la voir grandir, de la voir prendre confiance en elle pour mieux réussir plus tard. Bah oui parce qu’avoir confiance en soi c’est en plus vraiment nécessaire pour la suite de sa vie. Dans le monde professionnel on ne fait que très rarement des cadeaux et il ne faut pas se laisser marcher dessus si on veut réussir.