Passablement défoncé et probablement quelques grammes d’alcool dans le sang, Raïser se mouvait au rythme de la musique sous la lumière épileptique sans se soucier de ce qui se passait autour de lui, dansant tantôt seul parmi les autres, tantôt avec quelqu’un, hommes ou femmes, cela lui était égal, il ne faisait pas de distinctions. Contrairement à son colocataire Devléo, il ne se considérait pas comme bisexuel, bien qu’au fond de sa mémoire, il se souvenait de la nuit qu’il avait passé avec Kienan, souvenir qui l’embarrassait d’ailleurs beaucoup. Quoiqu’il en soit, il était autant à l’aise avec l’un comme avec l’autre. Mais à ce moment-là, il se tenait collé dans le dos d’une rousse qui, probablement ivre, avait passé ses mains derrière sa tête pour l’enlacer, il avait quant à lui posé les mains sur ses hanches et de gestes félins, accompagnant seulement les rythmes saccadés du morceau. Quand celui-ci s’arrêta, il abandonna la jeune femme sans se soucier d’elle pour aller souffler un peu au bar. Bar qu’il fréquentait régulièrement, surtout depuis le départ d’Isis pour la France. Il eut un petit soupire en pensant à elle. C’était tellement bête, ils venaient de se rencontrer et déjà ils étaient séparés par plusieurs milliers de kilomètres. En la sachant loin de lui, il ressentait un profond manque mais aussi de l’inquiétude…et plus trivialement, de la frustration. Il sortait donc beaucoup le soir pour se défouler. Tout juste essoufflé, il s’affala sur l’un des tabourets, avant de se redresser avec son immense sourire à l’adresse du barman, inutile de préciser qu’ils se connaissaient plutôt bien maintenant.

« Remet moi un de ton truc là, avec de la vodka tu sais. Beaucoup de vodka, mec ! »
« Raïser, parfois je me demande si tu ne pas te noyer avec tout l’alcool que tu bois ! »
« Naa chez nous, on met ça dans le biberon, c’est comme de l’eau quoi ! »

Le Barman se détourna avec un sourire en coin pour préparer les cocktails tandis que Raïser souriait, l’alcool avait tendance à l’exciter et le rendre plus bavard qu’il ne l’était déjà, puis il racontait aussi pas mal de conneries. Sans alcool il était déjà très sociable et confiant, mais là, il était pire encore. Au moins, il avait l’alcool heureux. Le barman servit une jolie jeune femme blonde qui était arrivée quelques secondes avant que Raïser s’installe au bar, l’ukrainien l’observa alors un instant. Leurs regards se croisèrent et elle lui sourit, creusant de jolies fossettes dans ses joues. Elle lui plut évidemment immédiatement. Elle avait ce petit côté atypique qu’il aimait tant chez certaines femmes, un peu comme Isis…Il ne put s’empêcher de lui sourire d’un air charmeur. On ne peut changer un homme du jour au lendemain...

Ses journées se ressemblaient actuellement, il se levait tôt le matin pour aller évacuer toutes les toxines en courant, en nageant ou en escaladant,, il allait ensuite travailler à l’hôpital…Pour reprendre avec des soirées de folie au tombé de la nuit ! C’était assez surprenant, mais malgré ses journées chargées et ses divers excès il avait une hygiène de vie irréprochable. Mais son sourire, sa bonne humeur et son attitude le faisaient passer pour imbécile, on le prenait pour un idiot sans cervelle, un Delta Sulfureux comme tous les autres et pourtant, depuis son enfance, il s’était toujours débrouillé seul, avait quitté son pays puis l’Europe sans en avertir personne, il avait vécu des situations dramatiques et il ne devait sa vie confortable (Il possède une bourse pour étudier à Berkeley) qu’à sa persévérance et son intelligence. Il se passionnait réellement pour la médecine et il avait vraiment hâte d’exercer. Hélas, les gens ne voyaient en lui qu’un mec joyeux et séducteur. Mais, était-ce grave ? Au final, il s’en fichait pas mal des gens qu’il rencontrait en boite, il n’y en avait qu’une qui comptait à ses yeux. Mais elle n’était pas là ce soir et il comptait profiter de sa soirée. La jeune blonde tombait donc à pic. Ce qu’il ignorait, c’est qu’elle était la meilleure amie d’Isis, celle qui occupait toutes ses pensées. Quand celle-ci s’installa à ses côtés, il sourit, ravi d’être en bonne compagnie, sans se soucier cependant de ce que cela pouvait laisser entendre. Il but une gorgée de sa vodka en se tournant vers elle en souriant. Elle se pencha légèrement pour lui crier à l’oreille.

« Raïser ! Et toi ? Etudiante à l’université ? »

Il se recula légèrement pour fouiller dans sa poche pour récupérer ses cigarettes avant de remonter les manches de son fin pull bleu marine. S’il avait une seule addiction, c’était bien le tabac. Il fumait beaucoup trop, plus encore quand il n’avait rien à faire. Il lui en proposa une puis reposa le paquet sur le bar avant de l’allumer. Il reporta alors son attention sur la jolie jeune femme, un peu plus sérieux désormais.

« Tu es seule ce soir ? »

Il ne lui demandait pas vraiment si elle avait un mec mais il préférait éviter de se retrouver brusquement entouré des « copines » ou pire, se prendre un poing du petit-ami jaloux. Il était comme à son habitude très détendu et parfaitement à l’aise, légèrement tourné vers elle, prenant soin de ne jamais expirer sa fumée vers elle. A la dérobée, il l’observa. C’était vraiment une belle jeune femme, bien qu’il préférait les brunes, elle avait ce type de visage à la fois innocent et insolent qu’il aimait tant. S’il n’y avait pas eu Isis, il aurait pu être tenté par l’inconnue. Mais en attendant, Isis n’était pas là et il ne faisait rien de mal, il ne faisait que regarder. Et penser.

L’Ukrainien observa la jeune femme en sa compagnie. C’était une belle jeune femme, elle lui plaisait vraiment et s’il n’y avait pas eu Isis, il aurait probablement tenté sa chance, du moins, il aurait cherché à aller plus loin. Elle avait en elle quelque chose de sombre, comme si la vie l’avait déjà éprouvée. Lui-même ayant été abîmé et bousillé par sa mère dès sa naissance, se sentait attiré par les femmes torturées. Non pas pour les protéger et jouer au héros mais car il se sentait compris, sans se livrer aux confidences pourtant, mais les savoir aussi disloquées que lui le rassurait, il n’était pas le seul à vivre dans l’abîme. Egoïstement, il ne supportait pas de voir ces gens trop bien heureux qui lui rappelaient tant celui qu’il aurait pu être lui-même. Pour lui, la haine de sa mère et l’absence de son père furent destructeurs, d’enfant paisible, il devint violent et incontrôlable. Il fallut l’envoyer à plusieurs centaine de kilomètres de chez lui et un bon paquet de médicaments pour qu’il puisse se stabiliser et se maîtriser, bloquant par la même occasion ses sentiments. Pourtant, depuis son arrivée à Berkeley, il avait rencontré les personnes capables de débloquer, peu à peu, ses émotions. Il n’avait pourtant raconté cette histoire à personne, pas même Isis ne savait ce qu’il était réellement. Revenant à la soirée, Raïser sourit en buvant d’un trait le reste de son verre.

« Etudiant en médecine. Tu comptes vraiment me parler études ce soir ? »

Il sourit, mais il n’avait pas franchement envie de parler de ça ce soir, il avait eu sa dose d’hôpital pour la journée pour y avoir accompagné Emy Conway et lui avoir annoncé sa terrible maladie. Il ne lui posa donc aucune question sur ses études à elle, après tout, il ne pensait pas la revoir. Elle lui posa alors la question fatidique. Habile, il préféra l’occulter et après avoir pris une dernière aspiration sur sa clope, il se leva et posa la main sur son avant-bras, d’un geste très doux et léger, assez pour provoquer un frisson involontaire à sa compagne d’un soir. Il était très doué pour ménager ses effets. A vrai dire, ils étaient tous deux sur leur propre terrain de chasse. Il ignorait qu’elle le testait, comme elle ignorait qu’il ne faisait que se servir d’elle, il n’avait pas l’intention de tromper sa copine, mais comment définir ce qu’est tromper ? Quand elle lui proposa de danser, il hocha la tête en plongeant son regard dans le sien, un sourire aux lèvres.

« J’allais te le demander ! »

Galant, il laissa passer Lily devant lui, la suivant de près après avoir lancé un petit sourire victorieux au barman. Sans plus attendre, il se laissa imbiber par la musique, par le déhanché sauvage de la blonde et peut-être un peu à cause de ce qu’il avait consommé. Elle savait indéniablement bien danser, et heureusement, il savait s’y faire aussi, il se serait senti bien bête sinon face à elle. Très vite, selon le rythme imposé par la musique, il se mouvait de gestes félins. Tantôt face tantôt dans le dos de Lily, la tournure des évènements s’accéléra, tactile, il ne se posa pas de questions quand il posa ses mains sur elle, sur le creux de ses hanches tout en l’accompagnant souplement. En toute honnêteté, elle était enivrante..