.SOAN & ANDREAS..I'M GONNA MAKE A JAILBREAK.
« Hey mec ! T'as pas du feu ? » Adossé contre un lampadaire, je tourne brièvement la tête en levant un sourcil. C'est à moi qu'il parle comme ca ce trou du cul ? « Non. » Dis-je en allumant ma clope tout juste sortie de mon paquet de cigarettes. Le filtre porté à mes lèvres, je tire une bonne bouffée de fumée avant de recracher cette dernière au visage du concerné. Il m'avait pris pour qui celui-là ? Un bureau de tabac ? Si il voulait du feu, il avait qu'à aller s'en acheter un au bar d'en face. J'suis pas le secours populaire moi. De toute façon tout ce qui touche aux clopes, au feu, à l'alcool ou bien à la dope je suis un gros radin, donc ce n'est pas vers moi qu'il faut venir taxer. « Ahah trop drôle ta blague mec. Allez file-moi ton feu. » D'un geste rapide je range mon briquet dans la poche de ma veste en cuire et cale ma clope entre mon pouce et mon indexe. « Dégage, tu m'pollues l'aire ducon.  » Je lui envoie sur un ton largement provoquant. « Putain passe ton feu, fais pas chier ! » Ah. Ca y est le voilà qui s'excite. Je me décolle de mon lampadaire et lève un sourcil tout en le fixant de haut – en même temps vu la taille du type comparé à la mienne ce n'est pas franchement difficile - d'un air perplexe. « Mais qu'est-ce que tu comprends pas dans la phrase : dégage, tu m'pollues l'aire ducon ? Tu veux que je t'achète un dico en plus du feu ou quoi ? » Je m'exclame sur le même ton qu'un peu plus tôt. Les gens me font chier. Mais vraiment. Surtout les boulets de ce genre qui ne comprennent strictement rien à ce qu'on leur dit. « V.A T.E F.A.I.R.E F.O.U.T.R.E » Dis-je en prenant bien soin de découper chaque syllabe et en affichant de grands yeux. Puis je porte une nouvelle fois ma clope à ma bouche. « Les p'tits branleurs comme toi méritent une correction tu le sais ca ? » Il croit quoi ? Qu'il me fait peur le nain ? « C'est ca, retourne casser des cailloux avec tes frères ras-le-sol et fais pas chier. » Je lui lance sur un ton qui se veut un peu plus énervé que tout à l'heure puis décide de reprendre ma route. Après quelques pas je sens une main se poser sur mon épaule et me forcer à me retourner. Et là c'est le drame. La main du mec vient s'écraser tout droit sur ma pommette. Je pousse un grognement avant de passer une main sur ma joue endolorie. Je fronce les sourcils et dans la seconde qui suit je réplique aussitôt en me jetant sur lui bien entendu.

« Putain mais ca fait mal votre truc ! » Je gueule en fronçant les sourcils. Ouais, les menottes serrées au maximum c'est pas franchement agréable. « T'avances et tu te la boucles c'est clair ?! » Gueule un policier en me faisant avancer avec force dans les couloirs mal éclairés du commissariat. « J'ai la peau qui marque super vite, c'est pas de ma faute. » Je réponds aussitôt sur un ton ironique. Le policier en question grogne et me donne un coup dans les côtes pour que je me la ferme et que j'avance vers ma cellule. Putain. Ca faisait un bâille que je ne m'étais pas retrouvé en garde à vue. Ca craint à mort. Ce genre d'endroit ne me manquait absolument pas, mais en même temps après une bagarre en pleine rue -accessoirement bondée de monde – ce n'était pas surprenant que je finisse au trou. J'suis presque certain que c'était à cause d'une petite vieille que j'avais fini là. Les vieilles ca panique dès qu'il y a un truc. Le grincement des barreaux me fait grimacer et le policier m'appuie sur la nuque pour que je me décide à avancer dans la cellule. Ca pue la pisse et la mort ici. Je reste planté cinq secondes en plein milieux de la pièce pendant qu'un gros type me fixe. Il a l'intention de me violer lui ou quoi ? La porte métallique se referme dans un claquement et je pousse un long soupire. Fais chier. […] Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assis sur ce foutu banc en béton mais je commence à avoir mal au cul sur ce truc. « Ta maman ne vient pas te chercher squelettor ? » Le gros de tout à l'heure n'arrête pas de me faire chier et il a franchement de la chance que je ne me sois pas encore énervé. Tout du moins, je fais du self-control. Je fronce les sourcils, toujours les bras croisés et inspire un grand coup. Zen Andy, zeeeeeeen. « Alors le gringalet, tu passes pas à travers les barreaux ? » D'un geste brusque je tourne ma tête en sa direction et lui jète un regard noir. Pour être honnête je ne sais pas d'où m'est venue cette force presque surhumaine mais je pousse le gros type d'un geste violent du banc avant que ce dernier ne se rétame sur le sol dégueulasse. « Va te faire liposucer, tu prends trop de place sur le banc. Toi c'est à se demander comment t'as réussi à entrer dans une si petite cellule par contre ! » Je réplique avec un sourire en coin. Le gros bonhomme se relève et m'attrape par le colle du T-shirt avant de m'en coller une. Putain, fallait me le dire et j'aurais enfilé un déguisement de punchingball aujourd'hui ! J'ai beau avoir une carrure d'anorexique, je ne me laisse pas faire et fou quelques droites au mec en question. Plutot que de nous séparer, les autres personnes présentes dans la cellule se mettent à hurler pour envenimer la situation. « BENSON !!! y'a quelqu'un pour toi ! » La grosse voix du flic raisonne mais cela ne nous empêche pas de continuer à nous taper dessus. J'vais pas me laisser faire par un gros macaque !

Tutorat tu parles. Deux heures à rien faire, mis à part un concours du plus rapide buveur de bières, ou de celui qui roulerait les cônes les plus parfaits. Niveau bière, je m'étais vite fait battre, mais mes cônes étaient de très loin les meilleurs. C'était comme ça tous les mardi soirs. L'université avait mis en place un système d'aide aux élèves en difficultés, avaient choisis des profs – dont moi – et en avant pour des soirées de folles révisions. Sauf que la plupart des élèves qui venaient, étaient des branleurs en puissance, et qu'étudier, c'était le cadet de leurs soucis. Pour ma part, je n'avais absolument rien de plus à apprendre, et je n'allais pas mettre le couteau sous la gorge à un des pauvres mecs qui passaient leur mardi soirs entre les quatre murs d'une salle de classe en lui faisant réciter ses dates et la carte du monde. En général, quelqu'un ramenait de quoi picoler et un peu de fume, qu'on entamait au bout d'un quart d'heure de révision – c'était la pause, la grande grande pause -. Je dis bien en général vu qu'il n'était pas rare que l'on s'y prenne beaucoup plus tôt pour commencer ce genre de festivités. Ce soir ne faisait pas exception. La semaine dernière, on avait forcé la serrure d'une des fraternités – les workers vu qu'il n'y en avait pas dans notre groupe – pour leur prendre un canapé qu'on avait ramené jusqu'ici. Au fur et à mesure, elle se transformait en squatte étudiant notre salle de tutorat, avec son canap plein de brûlure de clope, ses cadavres de bière et les sachets d'herbe sur la table basse – volée à l'infirmerie celle là -. Assis sur le canapé, les jambes croisées, je porte de nouveau mon joint à me lèvres, tirant une longue latte avant de le passer au type à côté de moi. Je crois que la dernière fois que j'avais été autant défoncé, c'était chez Andreas il y a … deux jours. Mon portable se met à vibrer. Je plonge la main dans ma poche pour l'attraper et me fige devant le numéro. Oh putain c'est la police, oh mon dieu je suis dans la merde. Qu'est ce qu'ils vont dire ? Qu'ils encerclent le bâtiment ? C'est qu'un petit peu de beuh, on a pas grand chose ce soir. Et si je perdais ma bourse ? Et mon appart ? Je veux même pas l'imaginer. C'est la douche froide, un grand frisson remonte le long de mon échine. Je prends une grande bouffée d'air, décroche … « Je peux tout vous expliquer ... » La voix d'un homme, plutôt grasse, me coupe en plein aveux. « Votre numéro nous a été donné par Andreas Benson. » Je me glace un peu plus. C'est son nouveau jeu ça, de me balancer aux flics ? « Il a été placé en garde à vue ce soir, sa mère ne répond pas et vous êtes sur la liste. » Le flic continue en me donnant l'adresse exacte du commissariat à qui m'adresser et le montant de la caution. Montant qui me refile un nouveau frisson au passage, j'espère juste avoir assez sur mon compte, sinon il finira la nuit en taule le Benson.

J'avais assez, grand miracle, et deux policiers viennent me chercher pour m'emmener à la cellule dans laquelle a été placé Andy. « BENSON !!! y'a quelqu'un pour toi ! » J'avais déjà été en garde à vue quelques fois, et ça c'était toujours plus ou moins bien passé. Pas de bagarre avec les autres co détenus, soit on se calculait pas en attendant notre libération, soit on discutait, on se marrait un peu sur le pourquoi on était ici – même si souvent, les types qui étaient placés là n'était pas des plus rigolos à écouter -. Tout ça pour dire qu'on était qu'on était qu'au commissariat du coin, et que pour se battre, fallait vraiment le vouloir. Bien entendu, Andreas est précisément en train de se taper dessus avec un grand mec. Je laisse échapper un soupire, avance de quelques pas pour le regarder agiter ses poings et croise les bras. C'était une bonne chose au final, que j'ai eu assez de thunes pour le faire sortir. J'suis pas certain, vu la taille du mec contre qui il est en train de se battre, et des deux trois autres types qui partagent la cellule, que mon petit ami s'en sorte vivant. Il me fait marrer à faire son caïd. Genre mini 50 cents avec ses tatouages partout. La scène finit par me faire rire – en sourdine, les flics ont l'air assez énervé pour que je me permette de rire bien fort à côté d'eux -. Je jette un coup d'oeil au flic qui à l'air soudain aussi blasé que moi. « BENSON ! » Allez Andy, un petit effort, je vais pas rester des heures ici. Je tente un pas vers la grille, me retourne vers les policiers qui ne se bougent absolument pas pour les séparer. Je n'ai aucune envie d'aller me jeter dans le tas. « Andy ?» Je sais même pas si il a remarqué que j'étais là cet imbécile.

Je n'irais pas jusqu'à dire que je suis comme tous ces mecs pas nets qui finissent en taule pour trafic de stup' ou des conneries de ce genre là puisque ce n'est pas le cas. Enfin presque. A dix-sept ans ma mère m'a laissé moisir dans une cellule pendant vingt-quatre heures parce que j'avais revendu du shit à un mec de mon bahut. Ma mère était l'unique responsable de ma période « aller et retour » en taule. Quelle idée elle avait eu aussi de me priver d'argent de poche uniquement parce que je m'étais fait virer pour trois jours après avoir fumé dans les toilettes du lycée. Donc, il avait fallu que je trouve un moyen de me faire du fric et vendre de la dope, ca rapporte plutot bien. D'autant plus que j'ai toujours été habitué à mener un certain train de vie avec ce que beau papa me laisse claquer. En même temps c'est pas avec les milliards qu'il a sur son compte que je vais le ruiner en m'achetant une bagnole ou de la came. Alors ouais de la taule j'en avais fait un peu. Mais rien de bien méchant. C'était toujours pour des conneries. Comme la fois ou avec des potes on avait volé dans un magasin et que ce gros gorille de vigile est apparu devant nous les bras croisés et les sourcils froncés. Alors aller au frais pour une bagarre...franchement ca me fait bien chier. Enfin à la base c'est pour un briquet. C'est ca le plus frustrant dans toute cette histoire. Finir au trou pour un putain de briquet. A ce prix là j'aurais pu lui en payer des milliers de briquets vu le montant de la caution. Prioritairement je file le numéro de ma mère à ce crétin de flic et ensuite celui de Soan. En même temps j'allais pas leur demander d'appeler l'université pour venir me sortir de cette merde hein. Il faut toujours que je me foute dans des situations pas possible. La prochaine fois je fermerais ma gueule tiens.

Quand je dis qu'il faut que j'apprenne à la boucler de temps en temps...Ce n'est pas que je ne fasse pas d'effort, mais je n'arrive pas à me laisser marcher dessus sans rien faire. C'est quelque chose qui m'est totalement insupportable. Les embrouilles, c'était quelque chose que je préférais largement éviter en taule. Ouais, parce que rien ne peut laisser prévoir qu'un type ne va pas sortir une lame et la planter dans le ventre parce que j'ai le malheur d'avoir un indice de masse corporel inférieur à la normal. Les gens sont tellement cinglés que ca pourrait très bien être un prétexte pour me liquider. Et puis il faut dire qu'avec ma grande gueule, je ne me suis pas fait que des amis. En fait, c'est plutot tout l'inverse. Alors ouais, quand je passe la porte métallique de cette putain de cellule, je m'attends à trouver un mec qui va vouloir me faire la peau. Crever en taule ne fait pas vraiment parti de mes projets du moment, mais vu la chance que j'ai pour m'attirer des ennuis sans forcément le vouloir, c'est quelque chose qui pourrait très bien me pendre au bout du nez. Peut-être que le mec avec qui je me bat depuis cinq minutes va m'écraser sur un des bancs en béton. Si j'étais plus baraqué, je lui serais rentré dedans plus tôt. Pourtant j'avais luté un sacré moment pour ne pas lui balancer une grosse vanne et lui en coller une entre les deux yeux dans la foulée. Je m'étais dit qu'il ne fallait pas que je joue au con afin de ne pas aggraver d'avantage mon cas. Mais ce type c'était un peu comme un grain de sable qui vient faire dérailler la machine.

Il me semble avoir entendu mon nom résonner dans ma tête mais je ne suis sûr de rien. Ma tête s'en est tellement pris aujourd'hui que je ne suis même plus certain d'arriver à faire correctement la distinction entre les vraies paroles ou bien celles que je pense entendre. Mes oreille bourdonnent tellement que j'ai l'impression d'avoir passer cinq heures d'affilées la tête collée contre les enceintes que j'ai à l'appartement avec AC/DC à fond. Etant pris dans ma folie de cogner jusqu'à ne plus en pouvoir ce grand mec, je me coupe totalement du monde extérieur. « BENSON ! » C'est la voix de l'autre con ca encore. J'suis certain qu'il veut que j'arrête mes conneries et que je me calme dans un coin de la cellule. Il a qu'à rentrer dans la cellule si il a un problème lui aussi. Si il veut je lui fou mon poing dans la gueule pour avoir osé martyriser mes petits poignets d'homme fragile. « Andy ?» Alors que je m'apprêtais à faire en sorte que mon poing aille s'écraser sur la joue du mec, une voix que je reconnaitrais entre mille me fait soudainement tourner la tête. Je m'arrête dans mon élan et lève un sourcil, la bouche ouverte en forme de O. « SOAN ?! » je m'exclame en faisant une grimace de surprise. A vrai dire je n'ai pas le temps d'en dire d'avantage puisque mon adversaire en profite pour m'en coller une. Ce qui me fait tomber par la même occasion en arrière à cause du choc. Je gueule tout en couvrant mon nez et ma bouche de mes mains. L'enculé ! « Bon allez les gars on le fait sortir de là. » Lance un des policiers, faisant au passage grincer la porte en métal. Deux gars me relèvent et m'entrainent hors de la cellule. Je m'avance vers mon petit-ami et prend appuie contre lui en posant un bras sur son épaule. Je dois avoir une de ces gueules en plus. « Ma mère est pas là ? » je lui demande en levant un sourcil. C'est bizarre. « Peu importe. Merci d'être venu. » je lui murmure alors que les flics nous demandent de les suivre pour signer des papiers.

Combien de fois j'avais fini au poste ? Je sais plus vraiment, je n'avais pas compter pour être honnête. Peut être dix, un peu moins, un peu plus. De toute façon, quand on venait de mon milieu, de la périphérie de San Francisco, le genre Bronx de la côte Ouest, c'était un passage obligé. Tous les gamins, et leurs paternels compris y avaient déjà foutus les pieds. Et si ce n'était pas tout le monde, la grande majorité oui. Ce qui compte de toute façon, c'était la toute première fois qu'on se faisait chopper. On s'en souvient à cause de l'adrénaline, à cause de cette foutue trouille qu'on a eu quand on a vu les flics débarquer pour nous faire monter dans les bagnoles. A ce moment, tu te dis forcément que t'es foutu, complétement foutu. Que tes parents vont te renier, que tu vas finir ta vie au trou ou passer sur la chaise électrique. Réflexe con et bien vite effacé. Ma première fois, c'était peu après mes quatorze ans. Sonny, un type du lycée, m'avait demandé d'aller vendre un peu de came pour lui. Je devais juste faire le troc, donner et prendre l'argent et venir lui rapporter. En échange j'avais droit à quoi ? Une trentaine de dollars. J'me sentais comme un caïd sur le coup, comme si j'étais rentré dans la cours des grands. Alors j'avais pas vraiment réfléchi, et j'y étais allé tête baissée. Et bien la chance du débutant comme on dit, c'est des belles conneries. J'avais même pas eu le temps de me planquer, et j'étais trop terrorisé pour vraiment essayer de courir, qu'ils m'avaient déjà passé les menottes et direction le poste. Des menottes sur un gamin de quatorze piges, la grande blague. Bref, j'avais fait mon petit tour en garde à vue, j'étais passé devant le juge aussi, pour qu'il me fasse son sermon. Qu'on t'y reprenne plus. Et j'étais sortit. La raison du pourquoi je m'en souviens surtout, c'est que devant le tribunal, m'attendait mon père, mon grand frère et leurs potes respectifs qui m'avaient emmené au bar pour fêter ça. Ouais, fêter ça … ils avaient appeler ça mon dépucelage. Quand je dis que c'est une tradition dans mon ancien quartier c'était pas loin de la vérité. Bref, j'suis pas sûr que de son côté, la famille Benson fête ça autours d'une bière. Je verrais plus Noëllie coller une claque à son fils prodigue.

Finalement, c'était peut être une bonne chose qu'elle n'ait pas répondu à son téléphone ce soir. Surtout si elle avait assisté au spectacle de son fils en train de se battre contre un type plus baraqué que lui. Elle en aurait fait une attaque sur le coup. Le son de ma voix à l'air de le faire réagir, plus que celles des flics en tout cas. Andy n'a pas les même réflexes que le commun des mortels. « SOAN ?! » Surprise. Et si maman Benson n'avait pas fait une attaque tout à l'heure, elle l'aurait fait maintenant en voyant le magnifique crochet du droit et Andreas tomber à la renverse. Bon, là sur le coup, ça me fait un peu moins marrer qu'on l'amoche de la sorte. J'hésite même à rentrer me battre à ses côtés mais si c'est pour que les flics m'enferment avec. J'avais réussi à payer la caution d'Andy, j'aurais jamais assez pour en payer une deuxième. « Bon allez les gars on le fait sortir de là. » Un des deux flics comment enfin à se bouger – j'pense que ça les éclate aussi de voir leurs prisonniers d'un soir se battre. Ou sinon ils sont juste blasés d'assister à ça tous les soirs -. Andreas sort de la cellule, vient s'appuyer contre moi et direction l'accueil du commissariat. « Ma mère est pas là ? » Faut croire que non. « Elle a pas répondu, donc ils m'ont appelé. » Andy enchaîne vite. « Peu importe. Merci d'être venu. » Je le laisse s'asseoir sur un des sièges, lui décroche un sourire histoire de lui faire comprendre que c'était totalement normal. Il en aurait fait pareil pour moi – du moins je pense -. Et je vais remplir les quelques papiers, signer sa libération, et remettre la caution. […] Enfin dans la rue, on fait une pause sur un banc, histoire que je regarde un peu mieux ses blessures. C'est surtout son nez qui semble avoir pris. Demain il aura sûrement une cicatrice … enfin ça lui donne un petit air de bad boy. Il est sexy comme ça Andy, il devrait peut être se battre plus souvent. Quoi que, je pouvais très bien le faire moi même de lui arranger la façade, ça finirait par me coûter trop cher de venir le sauver tous les soirs. « Si j'avais su qu'un jour j'aurais dû payer pour t'avoir ... » Je lui décroche un sourire en coin. Je passe ma main sur sa joue pour vérifier l'état de sa lèvre qui n'est pas non plus en bon état. « 'fin heureusement que j'ai pas eu à payer les frais médicaux. J'aurais dû hypothéquer mon appart sinon. » Je lâche un petit rire, passe ma main dans ses cheveux pour les ébouriffer. Andy le grand bad boy... plus besoin de garde du corps.

« Elle a pas répondu, donc ils m'ont appelé. » Que ma mère ne soit pas venue m'étonne tout de même. Quoi que non, ca ne m'étonne pas en fait puisqu'elle m'avait déjà laissé crever en garde à vue auparavant pour que je comprenne une bonne fois pour toute, qu'il fallait que j'arrête mes conneries. Hum. Il faudrait vraiment que ma mère revoit ses méthodes d'éducation. Il y a tout de même quelque chose qui me chiffonne. Que ma mère ne réponde pas surtout lorsqu'il s'agit du numéro des flics, est vraiment louche. Quoi que. Elle devait savoir que si les flics l'appelaient c'est parce que j'avais du faire une connerie. Si ma mère n'avait pas voulu venir elle m'aurait quand même laissé un message ou quelque chose de ce genre là. Elle m'aurait dit de me démerder et d'aller au Diable. Ou une phrase dans ce genre là je crois. Mais me laisser dans le doute comme ca, ce n'est pas son genre. Après tout je suis quand même son fils chéri qui ne fait accessoirement que des conneries. Ce qui me surprend le plus c'est de constater que c'est Soan qui est venu me chercher. Ca veut dire qu'il a eu de quoi payer ma caution pour que je puisse sortir de ce trou. Putain, il a du s'endetter pour les cinquante années à venir sur ce coup là. Afin de me remettre de mes émotions, je me dirige vers le banc qui est juste à coté de nous et m'affale dessus en poussant un long soupire. Mon petit-ami me sourit et je fais de même. Parfois je me demande ce que je ferais sans lui. Il est toujours là pour me sortir des situations les plus farfelues dans lesquelles je me fourre. Mon corps me fait affreusement mal. J'me suis vraiment pas loupé sur ce coup là. Enfin c'est surtout l'autre gros type qui ne m'a pas raté. Machinalement je porte une main à ma lèvre et constate qu'elle saigne. Idem pour mon nez. Mon pauvre petit visage si parfait, tout abimé. J'vais être bon pour faire de la chirurgie esthétique. D'avoir un bras, un poignet ou une jambe de pété j'en ai strictement rien à foutre, mais que mon visage soit défiguré, je ne supporte pas. Après tout il faut quand même dire ce qu'il y est : j'suis pas trop mal foutu. Non non non je ne suis absolument pas narcissique – ou presque – je suis simplement réaliste.

Le retour à l'air libre me fait franchement du bien. J'pourrais vraiment pas rester enfermé toute ma vie entre quatre murs. C'est décidé, à partir d'aujourd'hui je ferais moins de conneries. Tout du moins j'essaierais. Après quelques minutes de marches nous décidons de nous arrêter près d'un banc. Ce qui m'arrange vu que j'ai mal partout. Ca va me permettre de souffler cinq minutes. Voilà que mon petit-ami se met à jouer les Docteur Queenn en plein milieux de la rue. « Qu'est-ce tu fou ? » Je lui demande en faisant un léger mouvement de recule avec ma tête. Ca me surprend toujours qu'on vienne m'examiner dans les moindres détails de cette façon. J'ai pas l'habitude de ca. Je laisse échapper un soupire et me frotte les yeux d'une main. « Pardon. » Dis-je à Soan dans la foulée. M'énerver sur lui n'est absolument pas ce que je veux. Je suis juste un peu à cran à cause de toute cette journée de merde. Il faut que je décompresse. Alors naturellement je sors mon paquet de clopes de ma poche et m'en allume une avant de tirer une longue taffe. « Si j'avais su qu'un jour j'aurais dû payer pour t'avoir ... » Je laisse échapper un rire tout en recrachant la fumée d'entre mes lèvres. « J'suis un modèle unique que veux-tu. » Dis-je en me calant dans le fond du banc. Puis la main de mon petit-ami glisse le long de ma joue pour finir sa course au niveau de ma lèvre. Ouais je sais j'suis amoché. « 'fin heureusement que j'ai pas eu à payer les frais médicaux. J'aurais dû hypothéquer mon appart sinon. » Puis la main de Soan s'égare dans ma chevelure. Je plisse le nez et tire une nouvelle fois sur ma clope. « En parlant de thunes, j'vais appeler ma mère pour qu'elle te rende ton fric. »

[…] « QUOI ?! Putain ! M'man ! Mais raccroche pas ! » Je gueule en faisant les cent pas devant le banc. « Allo ! » Je m'exclame avant de regarder l'écran pixelisé qui affiche la fin de l'appel. « Merde ! Fais chier ! » Je continue de m'énerver et fonce tout droit vers une poubelle pour donner un violent coup de pied dedans. Je porte mes mains à mon visage et affiche une mine contrariée. Au bout de quelques secondes je reporte mon attention vers mon petit-ami et fronce les sourcils. « Tu veux en savoir une bonne ? » Je lui demande en affichant un sourire en coin. « Ma mère me coupe les vivres parce qu'elle en a soit disant marre de mes conneries. Donc en gros je n'ai plus une thunes. » Dis-je avant de laisser échapper un rire nerveux d'entre mes lèvres. « C'est vraiment la merde Soan sur ce coup... » J'affiche un air blasé et retourne prendre place sur le banc aux côtés de mon petit-ami. « Il doit quand même me rester de la thune, j'vais te rendre ton argent. Au pire j'peux toujours revendre des merdes que j'ai à mon appart'. » Puis je croise les bras tout en fixant un point au loin. « J'vais finir clodo ou prostituée à ce rythme. P'tain...J'suis vraiment désolé Soan...»

C'était assez étonnant que Noëllie ne réponde pas au téléphone. Surtout quand le numéro qui s'affichait était celui de la police, numéro qui en général, ne présageait rien de bon. Elle devait en avoir marre, qu'on l'appelle en plein milieu de nuit parce que son fils ou sa plus grande fille était entre les murs du commissariat pour telle ou telle raison. Remarque, si j'étais père, je pense qu'au bout d'un moment, je décrocherais même plus. Une fois, deux ou trois à la rigueur, mais après mon gamin se serait démerdé comme un grand. C'était comme ça que ça marchait chez moi, et c'était un sacré bon entrainement au final : depuis quelques années, je ne m'étais plus fait chopper pour des deals par exemple. Bien sûr les bagarres de coin de rues sont vites arrivées, mais on est vite relâché aussi. Remarque, fallait mieux pas que je me fasse coffrer depuis que j'étais avec Andy, mon père aurait plus répondu aux flics de me garder au trou quelques semaines, voire de me donner des coups de matraque à chaque fois qu'ils passaient à côté de moi. « Qu'est-ce tu fou ? » J'essaye de te casser le nez Andy, l'autre à mal fait son boulot. J'écarte les mains deux secondes, quand Andy se recule et me rapproche de nouveau quand il s'excuse. Je me doute qu'il n'a pas eu une soirée de rêve, mais ce n'est pas non plus la peine de s'en prendre à moi. Andy se sort une clope, j'en fais de même, lui piquant son briquet au passage. « J'suis un modèle unique que veux-tu. » Un modèle assez abîmé aussi, va falloir rabaisser les prix. Je hoche la tête avec un sourire, tirant une nouvelle latte sur ma clope. J'espère quand même qu'il va vite s'en remettre. Il a beau faire genre qu'il n'a absolument pas mal, je sais que si. Andreas, c'est comme un gros camionneur qui a raté sa vocation de catcheur enfermé dans le corps d'un anorexique. Il a tendance à ne pas se rendre compte que son adversaire a toutes les chances de l'étaler avec une simple claque – ce qui c'était passé tout à l'heure au passage -. Enfin, il a quand même un sacré retour. Lui et moi on c'était battu assez souvent pour que je le sache. D'ailleurs, ça faisait longtemps qu'on n'en était pas venu aux mains.. comme quoi, la réconciliation avait eu un petit effet positif sur notre relation. « En parlant de thunes, j'vais appeler ma mère pour qu'elle te rende ton fric. » Je lui décroche un sourire assez gêné. Si j'avais été riche, je lui aurais refusé un remboursement.... ouais, si j'étais riche. En attendant, s'il ne m'en rendait pas la moitié, j'étais bon pour crever de faim dans les prochains jours. Ou je devrais recommencer à dealer pour gagner ma vie, ce que je faisais de moins en moins depuis que j'étais avec Andy … de toute façon, ma came, c'était souvent lui qui me l'achetait.

[…] « QUOI ?! Putain ! M'man ! Mais raccroche pas ! Allo ! » Je tire la dernière latte sur ma clope, arrivé au filtre, avant de jeter plus loin le mégot. Je croise les jambes, regard posé sur Andy qui hurle après le téléphone, ses bras bougeant dans tous les sens. S'il réveille pas le quartier cette fois, c'est un miracle. « Merde ! Fais chier ! » Je lève un sourcil, attendant de savoir la raison de son énervement, qui ne tarde pas à sortir. « Tu veux en savoir une bonne ? Ma mère me coupe les vivres parce qu'elle en a soit disant marre de mes conneries. Donc en gros je n'ai plus une thunes. » Et là, c'est la grande douche froide, le monde qui s'écroule. Si c'est la sensation que je ressent quand Andy m'annonce ça, je n'imagine pas l'état dans lequel il doit être intérieurement. Andy sans thunes ? Il allait faire quoi ? Lui qui vivait presque comme un ministre chaque semaine ? Lui qui était assez égoïste à la base, quand il s'agissait de faire la fête, il se transformait en généreux donateur, balançant l'argent par les fenêtres. Il allait en faire une dépression à tous les coups … quoi que, s'il allait pleurer sur le pallier de ses parents, peut être qu'ils craqueraient et lui remplirait son compte en banque, avec les intérêts. « C'est vraiment la merde Soan sur ce coup... » Tu l'as dit … et je ne sais absolument pas quoi lui répondre sur le coup. C'est vrai, c'est pas comme si ça m'était déjà arrivé une fois de perdre plusieurs milliers de dollars d'un coup. On pouvait même pas dire qu'on était désolé, c'est pas comme s'il venait de perdre un membre. Andreas finit par se rasseoir à côté du banc. « Il doit quand même me rester de la thune, j'vais te rendre ton argent. Au pire j'peux toujours revendre des merdes que j'ai à mon appart'. » Je laisse échapper un soupire, sort mon paquet de clope en lui en tendant une. « Arrête toi, tu me rendras les thunes quand ta mère arrêtera de faire la gueule. Tu vas voir, demain matin elle va t'appeler en te disant que tout est oublié, un délire dans le genre. » J'y crois pas vraiment, je l'espère plus qu'autre chose. Andy attrape une clope, j'en cale une entre mes lèvres et l'allume. « J'vais finir clodo ou prostituée à ce rythme. P'tain...J'suis vraiment désolé Soan... » Je laisse échapper un petit rire plus nerveux qu'amusé. « T'sais, j'ai aussi un appart', si jamais elle te rappelle pas. C'est sûr que c'est moins grand que le tiens, mais j'habite pas non plus sous les ponts. » J'avais passé des semaines chez lui, je pouvais lui rendre la pareille, même si je m'attendais déjà aux remarques sur mon appart. « Puis t'es pas obligé d'aller te mettre à quatre pattes devant de vieux pervers pour trouver de la thune. Les gens en général, prennent des petits boulots, je sais pas si t'as déjà entendu parler de ce concept mais ça peut toujours aider. » Je tire une nouvelle latte sur ma clope. « Enfin, je suis là si t'as besoin de quelque chose. Je pourrais pas te donner autant que tes parents mais un peu quand même. C'est toujours ça. »

Parfois je me dis qu'il faudrait que j'apprenne à me détendre et à être plus doux. Surtout avec Soan. Plutot que de l'envoyer limite sur les roses dès qu'il pose un doigt sur mon visage. Ce n'est pas que je n'aime pas que l'on me touche – surtout lorsque c'est Soan – mais je suis loin d'être le genre de mec qui se laisse peloter cent sept ans par sa nana. Ce n'est pas que je compare Soan à une nana – quoi que parfois il frôle dangereusement la limite homme/femme – mais je ne suis pas fan du : on se fait des papouilles toute la journée. Ca va bien cinq minutes quand même. D'autant plus que mon visage – voir même tout mon pauvre petit corps – me fait terriblement mal, alors si mon petit-ami commence à inspecter chaque plaie, on a pas fini. Mais bon, mon Soan je le connais par coeur depuis le temps et je sais que c'est plus fort que lui ce genre de truc. Peut-être que l'effet « gueule cassée » lui fait de l'effet je n'en sais trop rien, mais si c'est le cas c'est tant mieux. Mais bon, ce n'est pas pour autant que je retournerais me faire défoncer. J'suis pas rugbyman de profession moi. J'suis qu'un simple anorexique, anciennement fils à papa et actuellement complètement ruiné. Soan s'était bien fait péter la gueuler par son père et j'avais joué les infirmière. Aujourd'hui, c'était un peu comme si on échangeait les roles en fait. Une fois que je me suis excusé de m'être emporté, voilà que les mains de mon petit-ami reprennent leur chemin sur mon visage. « Aïïïïe ! » Je gueule lorsque Soan effleure pourtant avec le plus de délicatesse possible ma pommette devenue violette à cause de l'impact. C'est vrai que j'ai beau faire comme si ca ne me faisait ni chaud ni froid, en réalité j'ai envie de hurler de douleur. En rentrant à l'appartement, j'irais me plonger dans un bain de glaçons, histoire que je ne devienne pas Elephant man.

Ou alors j'irais me plonger dans un bain une fois les glaçons auront fondu pour que je me noie dans ma baignoire. Parce qu'avec le coup que vient de me faire ma génitrice, je n'ai qu'une seule envie : aller me suicider. Comment pouvait-elle me faire un truc pareil ?! J'étais tout de même son fils ! Son unique fils ! Celui qui était resté près d'elle après son accident de voiture et qui avait pris soin d'elle. Et voilà qu'elle me foutait presque à la rue. Oui, sans fric j'allais finir à la rue. Voilà, c'était officiel, je faisais parti de ce que l'on pourrait considérer comme « nouveau pauvre ». Enfin, un truc de ce genre là quoi. J'vais devoir cultiver des tomates et des radis sur ma terrasse pour aller les vendre au marché afin de m'acheter un paquet de clopes. Han nan j'veux pas finir agriculteur. De toute façon j'ai pas le physique pour ce genre de truc. Le retour aux racines était assez violent sur ce coup là. Parce qu'il faut bien dire ce qu'il y est, beau papa nous a bien sortit de la merde ma mère et moi en acceptant de se marier avec une femme qui avait un môme dont elle ne connaissait pas le père. D'autant plus qu'elle n'avait pas un rond à la base. On dit que l'argent ne fait pas le bonheur, et bien pour ma part il y contribue ! Le fric c'est un peu mon deuxième amour et sans thunes je ne suis plus rien. Ma mère savait qu'elle allait toucher mon point sensible sur ce coup. Et bien elle ne s'est pas plantée ! Elle veut quoi ? Que j'aille ramper à ses pieds en m'excusant d'être un fils à problèmes un peu trop porté sur la boisson et qu'en échange elle me rende mes sous ? Hors de question !

Comment je vais faire pour rendre le fric à mon petit-ami moi maintenant ? J'vais devoir faire un crédit sur vingt ans. Poussant un long soupire je reprends place sur le banc et m'enfonce dedans en tirant une gueule de trois pieds de long. Soan n'a pas l'air mieux que moi et ca se comprend. Avec mon fric j'pouvais le sortir de son taudis et de sa vie de merde mais maintenant qu'on était dans le même bateau on allait faire comment ? Mon petit-ami me tend une clope et je la saisit d'un geste qui se veut mou. La clope coincée entre mes lèvres je laisse Soan me l'allumer. « Arrête toi, tu me rendras les thunes quand ta mère arrêtera de faire la gueule. Tu vas voir, demain matin elle va t'appeler en te disant que tout est oublié, un délire dans le genre. » Je lui jète un regard en coin. « C'est la première fois de ma vie que je suis endetté. J'sais bien qu'il faut une première fois à tout, mais celle-là je m'en serais bien passé tu vois... » J'affirme en tirant sur ma clope. « De toute façon je connais ma mère, elle reviendra pas sur sa décision aussi facilement. Sinon ce ne serait pas marrant. » Dis-je en roulant des yeux. Ahah on se marre trop là c'est vrai. « T'sais, j'ai aussi un appart', si jamais elle te rappelle pas. C'est sûr que c'est moins grand que le tiens, mais j'habite pas non plus sous les ponts. » Je hausse les épaules et laisse échapper la fumée d'entre mes lèvres. « Ouais. On verra bien. Au pire j'investirais dans une tente de camping. » En plus il y en a de super grandes maintenant. Ahem. « Puis t'es pas obligé d'aller te mettre à quatre pattes devant de vieux pervers pour trouver de la thune. Les gens en général, prennent des petits boulots, je sais pas si t'as déjà entendu parler de ce concept mais ça peut toujours aider. » Je lève un sourcil. « Ouais mais généralement ils demandent des compétences et des compétences j'en ai que dans le domaine de la baise moi tu vois. » J'affirme avec un sourire en coin. Non je plaisante j'suis pas totalement abruti au point de ne savoir rien faire de mes dix doigts. Surtout que j'arrive toujours à me démerder même si généralement tout me tombe tout cuit. « Enfin, je suis là si t'as besoin de quelque chose. Je pourrais pas te donner autant que tes parents mais un peu quand même. C'est toujours ça. » Je tape sur son épaule et affiche un sourire idiot « C'est bon de pouvoir compter sur sa petite femme même dans les moments difficiles. » Et voilà que j'me marre comme un con.

C'est quand même la merde cette situation. J'sais pas vraiment comme on va s'en sortir pour le coup. C'était toujours possible, je le faisais bien avant de vivre avec Andy mais … je sais pas, à ses côtés, j'avais trouvé une sorte de confort que je n'avais pas avant. Je vivais pas aux crochets de mon petit ami, ce n'est pas ce que je voulais dire, mais déjà le fait de passer la plus grande partie de ma semaine dans son appartement, c'était toujours mieux que le miens. Andy avait un salon, pas moi. Rien que ça c'était déjà le luxe pour un étudiant lambda. J'avais pensé rendre mon appart pendant un moment, pour m'installer plus ou moins définitivement avec Andy. On aurait eu plus d'argent, on aurait fait beaucoup plus la fête et ça m'aurait évité de payer pour rien celui que j'occupais déjà. Enfin au final, heureusement que je ne l'avais pas fait. Je l'avais toujours connu plein aux as, je n'arrivais pas vraiment à réaliser sur le coup. Ça mère avait trouvé son point faible sur le coup. C'était toujours plus efficace que le priver de portable, ou lui prendre son ordinateur. Il s'en serait racheté un autre directement. D'ailleurs vu la tête paniquée qu'il tirait en ce moment, il devait se torturer l'esprit à se demander ce qu'il allait devenir. Ça m'arrache même un sourire … Je le connais par cœur, il doit déformer la réalité. Rien que le fait qu'il dise tout à l'heure qu'il allait finir clodo sous les ponts le prouve. Il a une imagination plutôt débordante quand il s'agit de penser des conneries. Je sais pas … Il doit penser que tous les pauvres vivent dans des cartons, ne mangent qu'une fois tous les deux jours ou sont obligés d'aller fouiller dans les poubelles pour nourrir leurs enfants … Avec lui, on peut jamais savoir. Si ça se trouve, il pense que les russes sont tous des trappeurs barbares qui se déplacent en traîneau avec un chapka sur la tête. J'suis sûr qu'il a pensé ça la première fois que je lui ai dis que mes parents venaient d'Ukraine. Enfin, pour l'instant, c'est la grande panique dans sa tête, ça doit exploser de partout. Faudrait que j'essaye d'un peu mieux le rassurer, j'ai jamais été des plus doué pour ça.

« C'est la première fois de ma vie que je suis endetté. J'sais bien qu'il faut une première fois à tout, mais celle-là je m'en serais bien passé tu vois... De toute façon je connais ma mère, elle reviendra pas sur sa décision aussi facilement. Sinon ce ne serait pas marrant. » J'ai l'image de la mère d'Andy, qui se marre à côté du combiner de téléphone, avec le même air vicieux que son fils quand il fait une connerie. La blague du siècle. « Ouais. On verra bien. Au pire j'investirais dans une tente de camping. » Je laisse échapper un rire, tirant une nouvelle fois sur ma clope. Il tiendrait pas une semaine dans une tente... et de toute façon, il ferait quoi ? Il la prendrait sur son dos pour aller en cours ? Il pourrait travailler comme tout le monde, c'était déjà plus basique, plus normal. Andy n'aime pas la normalité. « Ouais mais généralement ils demandent des compétences et des compétences j'en ai que dans le domaine de la baise moi tu vois. » Il aurait presque fait de la peine s'il n'y avait pas eu la fin de phrase. Je hausse un sourcil, tourne la tête vers lui. « Mais si, t'es doué de tes mains. » Subtil. Je tire une nouvelle latte sur la clope, un sourire sur les lèvres. Je pensais que la soirée allait tourner au drame, mais Andreas c'était vite calmé. Il fait même de l'humour. « C'est bon de pouvoir compter sur sa petite femme même dans les moments difficiles. » Forcément, l'humour d'Andy vise toujours quelqu'un. Je hausse les épaules en laissant échapper un rire, en même temps que mon copain. « Tu serais perdu sans moi. » Je tire une dernière taff, arrivant au filtre et balance ma clope un peu plus loin. Jetant un regard à Andy, je finis par me lever, main tendue pour l'aider à se mettre debout. « Si tu te sens capable de marcher, on va chez moi, c'est plus prêt. Faut que tu commences à t'habituer à ta nouvelle vie. » Vu l'état dans lequel l'avait mis l'autre loubard en garde à vue, il fallait mieux qu'il évite de trop marcher. En temps normal, Andreas aurait sûrement appelé un taxi mais avec la nouvelle du soir, il allait sûrement commencer à faire attention – ou tout claquer d'un coup pour se plonger directement dans la vraie vie du pauvre -. Le mieux, c'était donc d'aller chez moi ; en fait, Andy n'était jamais resté très longtemps dans mon appartement. Quelques aprems et encore, jamais pour la nuit … ça m'avait même vexé certaines fois. Enfin maintenant, il n'aurait peut être plus trop le choix.

Pour le moment, je ne sais pas si je réalise vraiment ce qu'il vient de me tomber dessus. Ce n'était vraiment pas ma journée en tout cas. Peut-être qu'une nana que je n'avais pas rappelé après avoir passé la nuit avec elle, avait décidé de faire une poupée vaudou à mon nom pour se venger de moi, ou bien une connerie dans ce genre là. Putain, j'aurais mieux fait de rester coucher, la tête enfouie sous mes couettes à comater avec Soan. Si je n'étais pas sortit, rien de tout ca ne serait arrivé et je serais toujours riche. Rien que de penser à ces beaux petits billets vert ca me fou la larme à l'oeil. Ce qui me fou également la larme à l'oeil, c'est lorsque je pense à ce que je vais devenir. Parce que dans ma tête tout était déjà planifié : j'allais finir rentier. Quoi que, j'avais déjà commencé depuis un bon bout de temps. Mis à part dealer, j'suis pas capable de faire grand chose. La dope, c'est un domaine dans lequel je suis un véritable expert alors travail dans un bar ? C'est un coup à ce que je picole tout ce qui se trouve sous mes yeux. Bosser dans un bureau de tabac ? Je vais piquer toutes les clopes et bosser en tant que maitre nageur, c'est un coup à ce que je sois bien plus occupé à mater les jolies fesses d'une nana qui passe plutot qu'au gamin qui se noie trois mètres plus loin. Pour conclure, il faut soi que je bosse en solo ou bien que je ne travail pas et que je pompe le fric de mes vieux. Mais la deuxième option s'avère plutot compliqué en ce moment...Tout était tellement plus simple avant. Mon petit-ami pouvait vivre comme un prince chez moi, faire ce qu'il voulait, je pouvais dépenser sans compter pour lui ce n'était pas un problème. Mais maintenant, mon budget va être considérablement restreint. Ca m'apprendra à trop jouer avec le feu – sans jeu de mot.

Maintenant que j'étais pauvre – ou presque – Soan allait me faire chier c'est sûr. Je m'attendais à de petites piques venant de sa part balancées par-ci, par-là avec son sourire à la con. Parce que là je descendais – pour ne pas dire que je me cassais complètement la gueule – violemment de mon piédestal. Ca me fait bizarre. Mais vraiment. Moi qui ait toujours vécut comme un roi, j'allais vivre comme un mendiant. J'ai presque envie de pleurer sur l'épaule de mon Soan là. J'suis trop nostalgique comme mec. Non j'plaisante, plutot crever que de chialer devant Soan. Plutot que de m'apitoyer sur mon sort, je préfère raconter des conneries puisque c'est une de mes grandes spécialités. « Mais si, t'es doué de tes mains. » Je lève un sourcil genre : trop pervers et agite ma main. « Ouais je sais. Je sais comment m'y prendre avec toi. Surtout avec la main droite. » C'est d'une classe ce que je viens de dire sur ce coup là. Heureusement qu'il n'y a pas de mamie qui passe dans le coin sinon elle aurait fait une syncope sur le trottoir. De toute façon elle aurait pu se gratter pour que je lui fasse du bouche à bouche, je touche pas aux fossiles moi. Heureusement, je savais que Soan ne serait pas choqué par ce genre de gros sous entendu. De toute façon des phrases de ce genre là on s'en balançait tout le temps. « Tu serais perdu sans moi. » J'affiche un sourire en coin « Je te retourne le compliment. » Pendant les deux mois où nous avons rompu, c'est vrai que j'étais un peu sans repères sans mon Soan. Après tout, j'y avais pris goût à cette petite vie de couple que nous menions tous les deux. Alors ouais, je pouvais être très vite perdu sans lui. Mais ca, j'vais éviter de lui dire sinon je sais qu'il va jubiler.

Sans le perdre de vue, je regarde mon petit-ami se lever du banc après avoir jeté sa clope. Dans la foulée j'attrape la main qu'il me tend afin de m'aider à lever ma carcasse. « Si tu te sens capable de marcher, on va chez moi, c'est plus prêt. Faut que tu commences à t'habituer à ta nouvelle vie. » Une dernière latte sur ma cigarette puis j'envoie valser cette dernière avant de faire un hochement de tête en signe d'approbation. J'allais pas souvent chez lui. En même temps on était mieux dans mon super appart' que dans sa boite de conserve. En temps normal j'aime avoir de l'espace pour vivre et mon appartement était le meilleur endroit de toute cette Terre – après les bars. Mais en même temps j'aime bien aller chez Soan pour pouvoir plonger dans son univers. [...]Un bras tenant fermement la taille de mon petit-ami, nous arrivons rapidement devant sa porte. Que de merveilleux souvenirs. J'me revois encore à l'agonie sur son paillasson – qui accessoirement pique – entrain de le supplier de me pardonner. Parfois j'me fais un peu honte quand même. Une fois la porte ouverte j'entre et me plante en plein milieux de la pièce. Je laisse parcourir mes yeux un peu partout et tombe sur une photo de lui et moi. Je souris et attrape le cadre entre mes mains. « t'as gardé ce truc ? » Je lui demande en secouant l'objet avant de le reposer à son emplacement initiale. Puis je me dirige vers mon petit-ami et le colle contre le mur avant de passer mes bras autour de sa taille afin de le serrer le plus fort possible contre moi. Le visage enfoui dans son cou je reste comme ca quelques instants. J'veux juste profiter de ce moment. C'est rare que je me montre aussi affectif mais là, j'en ai vraiment besoin. Je recule mon visage et fixe Soan droit dans les yeux sans dire le moindre mot. Puis je pose mes lèvres sur les siennes.