Cette matinée était toute aussi ordinaire que les autres. Rentrée à cinq heures, elle devait se lever de bonne heure pour aller à son cour d’anglais à neuf heures qu’elle avait décidé de ne pas sécher une fois de plus. En même temps, quand on rentre à huit heures de soirée par exemple, rien ne nous donne envie d’aller en cours une heure plus tard, autant dormir pour mieux être en forme le soir. Au pire on rattrape, c’est tellement plus simple lorsqu’on raisonne ainsi. L’avantage de la petite Mary est que ses capacités intellectuelles lui permettent de ne pas tout suivre en temps voulu, contrairement à certains qui ne s’en sortent pas. Après s’être levée, à moitié endormie, elle se dirigea vers sa salle de bain, en heurtant plusieurs fois les murs qu’elle avait du mal à délimiter. Direction trousse de médicaments : si elle se présente en cours, autant mettre tous les moyens possible pour bien être concentrée, sinon mieux vaut rester chez soi. Et c’est parti pour moins de trois quart d’heures de douche brûlante suivit d’une décision rapide des vêtements : le premier attrapé sera le bon. Elle avait carrément oublié à quel point elle détestait s’habiller dans sa chambre. Etrange, peut-être. Mary a toujours eu l’habitude de s’habiller dès la sortie de la douche, elle n’aime pas trainer en peignoir ou avec une grosse serviette sur les cheveux. Séchage des cheveux en un temps record puis bref passage devant la glace pour le maquillage, histoire de masquer un minimum les grosses poches sous ses yeux. Après avoir enfilé un short en jean avec une chemise de couleur ivoire, elle balança son sac en cuir vieilli sur son épaule, direction l’amphithéâtre. Elle avait tellement la tête dans le cul qu’elle ne remarquait pas les personnes lui adressant des signes de bonjour autour d’elle. Il faut dire qu’elle n’était pas habituée à se lever aussi tôt, elle avait vraiment mal préparé son coup là ! Ordinateur sous le bras et installée tout devant elle était enfin prête à supporter deux heures d’atroce souffrance, et surtout d’ennui mortel.

Dieu merci, le calvaire est enfin terminé. Il lui a fallu un temps de réaction d’environ dix secondes avant de percuter que son portable sonnait. Tant pis, ce n’était qu’un sms. Elle fut plutôt étonnée en voyant l’auteur, elle crut vraiment que l’effet de la fatigue lui jouait des tours. Cela faisait maintenant plusieurs jours que Calvin et Mary ne s’étaient pas adressés la parole. Plus rien, nada, même pas une conversation ou plutôt des explications. Etonnant pour ces deux personnes qui passent la plupart de leur temps ensemble. « Salut, on peut se voir ? ». Tellement bref que Mary hésitait à lui répondre, après tout, pourquoi devrait-elle accepter ? Evidemment, il ne lui fallut pas beaucoup de temps avant de céder. « Ok, on se rejoint dans dix minutes sous les toits. Tu as plein de choses à me dire, j’attends des explications. » Aussi sec et bref que celui de Calvin, quoiqu’un tout petit peu plus long. Mary lui en voulait beaucoup, vraiment. Ils s’étaient croisés la veille à la soirée, sans pour autant se parler. Elle veut ses explications, et elle les aura. Il ne risquera pas de tenir bien longtemps lui aussi, il perd souvent face à Mary. Ou c’est plutôt chacun leur tour en fait, limite de la soumission, c’est étrange d’ailleurs. Ils se sentent obligés de tout se raconter, même au bout d’une période de silence, l’un viendra toujours voir l’autre.

Adossée contre une poutre, Mary attendait sagement son ami les bras croisés, ce qui ne présageait rien de bon pour le jeune homme. Elle ne s’attendait pas non plus qu’il soit en avance, chose rare chez son ami. Il devrait avoir peur le misérable. Quelque fois la colère de Mary peut atteindre des sommets phénoménaux, même si cela n’arrive que très rarement. Pourquoi se donnèrent-ils rendez vous dans les toits ? Disons que c’est leur lieu fétiche, secret, rien qu’à eux. Un petit havre de paix, l’endroit où personne ne viendra les déranger. L’accès y est pourtant interdit, mais Calvin et Mary n’ont aucun mal à s’y faufiler. C’est probablement l’endroit le plus calme, le plus paisible de toute l’université, sans oublier que la vue est magnifique d’ici. Des bruits de pas résonnent, et quelques secondes après la silhouette de Calvin apparu. C’est étrange, mais d’un coup Mary n’avait plus aucune colère, plus rien. Elle avait tout simplement envie de le prendre dans ses bras. Elle reprit vite ses pensées, imaginant que l’alcool agissait probablement encore. Posture droite, bras croisés et regard de tueuse. Mouahaha, énooorme. Mais évidemment, elle fait tout son possible pour garder son calme, préparant déjà tout ce qu’elle pourra lui balancer dans la face. Si elle avait des projectiles le pauvre serait défiguré.

❝ Time has no meaning if you're not around, all i have to give is for you ... close.

Hier soir, la jeune Mary était en soirée, l’une des plus attendues par les adeptes de la fête. Avant de se rendre au cœur de San Francisco, Mary prit beaucoup de temps pour se préparer. Etrange pour cette jeune femme qui avait l’habitude de s’habiller et de « choisir » ses vêtements d’une manière aléatoire et à une vitesse éclaire. Plantée devant son armoire pendant au moins quinze bonnes minutes, après avoir retourné tous les vêtements et vidé tous les tiroirs, son regard fut attiré par un bout de tissu noir, dissimulé tout au fond du meuble. En y regardant d’un peu plus près, elle se rappela que cette robe était celle que son ami Calvin préférait le plus. Non pas parce qu’on apercevait toute sa forme, mais juste car elle la portait magnifiquement bien. C’est fou ce qu’une simple robe noire pouvait valoriser autant une personne. Sans hésiter, elle l’enfila en deux temps trois mouvements pour ensuite se diriger vers la salle de bain. Cheveux attachés ou lissés ? Gros dilemme ! Après de nombreux essais, elle opta pour un chignon effet décoiffé. D’ailleurs il ne ressemblait pas à grand-chose mais bon, ce n’était pas trop son fort. Dans tous les cas, ses efforts s’envoleront au fur et à mesure de la soirée, à laquelle elle n’hésitera pas à se déchaîner. Les soirées, son petit moment de plaisir. Plus que la journée, la jeune femme vit vraiment la nuit, c’est tellement plus intense et l’ambiance est beaucoup mieux. Et puis, c’était l’occasion de faire des rencontres toutes différentes les unes des autres. Une chose est sûre, notre but est de s’amuser. D’un coup, elle sortit de ses pensées, se disant que tout cela était absurde. Elle ne comprenait pas pourquoi elle donnait autant d’importance à cette robe qui est pourtant si ordinaire. Et elle ne comprenait pas non plus pourquoi elle l’avait mise en pensant à Calvin, comme pour lui plaire. Pourtant, ce n’était pas du tout ce qu’elle voulait faire, du moins elle ne l’admettait pas. De toute façon, maintenant que c’est fait, elle n’allait tout de même pas tout défaire, seulement pour un coup de tête.

Au bout d’environ vingt minutes de voiture, Mary était enfin arrivée au lieu de la fête. Son petit sac en main, voiture soigneusement garée, elle se dirigea vers la porte d’entrée où l’on pouvait apercevoir les lumières des spots scintiller. En allant rejoindre quelques amies, beaucoup de personnes s’arrêtaient lui souhaiter une bonne soirée ou alors lui faisait signe de la main. Sa démarche était lente et non régulière, elle n’avait pas encore bu pourtant. Et puis ce n’était pas très facile de se faufiler dans la masse d’étudiants surexcités et se déchaînant sur la piste de danse. Quoiqu’il n’y avait pas vraiment de piste de danse, tout l’espace possible était utilisé. Dans l’obscurité, elle ne manquait de trébucher à plusieurs reprises et de bousculer de nombreuses personnes, lui lançant des regards noirs jusqu’à la perdre de vue. Ses amis lui faisant geste de la main, elle ne fut pas du tout étonnée de voir que Calvin était absent. Enfin, absent non. Il était obligatoirement à la fête, il ne pouvait pas rater ça, impossible. C’est juste qu’il ne fût pas avec eux. Pourtant elle l’aperçut à plusieurs reprises non loin de là, avec sa bouteille et une poignée de jolies étudiantes lui collant au derrière. Jalouse, elle l’était. Mais le pire dans cette histoire était qu’il l’avait vu, mais qu’il n’était pas pour autant venu la rejoindre. Elle avait pris l’habitude à présent, cela faisait déjà pas mal de temps qu’ils ne s’étaient pas adressé la parole. Tout le reste de la soirée se passa à merveille, elle aurait pourtant préféré être avec son ami. Arrivé à un stade de la soirée où tout tournait un peu trop vite autour de vous, elle décida de se poser quelques minutes sur le côté. S’apercevant de l’heure, elle appela un taxi affolée. Elle avait le temps d’y voir un petit peu plus clair, il ne serait devant la salle que dans trente minutes.

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Calvin n’était pas vraiment en retard, environ cinq minutes. Ce qui n’était pas le record du jeune homme. Mais aujourd’hui, elle n’avait aucune patience, et même arrivé à l’heure elle l’aurait incendié. Il était planté là, juste devant elle et ne savait pas vraiment quoi dire. C’était plutôt bizarre de le voir dans une situation pareille, lui qui réussissait toujours à trouver quelque chose à dire que ce soit intelligent ou non mais Mary n’en était pas dérangée, au contraire. Ce côté de son ami la faisait beaucoup rire. Il avait toujours les mots qu’il fallait, à n’importe quelle situation. Sauf cette fois-ci. Il sortit un minable « Ca …ça va ? ». Elle ne manquait pas de rire. Mais non pas parce que c’était drôle, plutôt un rire nerveux. « Plutôt bien. Et toi ? » répondit-elle brièvement. Ça n’allait vraiment pas, mais il fallait bien détendre l’atmosphère, même si ça n’avait pas été efficace. Après tout, il allait s’en prendre plein la gueule, autant pousser ce moment au plus tard possible. Elle n’aimait pas se disputer avec, elle était tout à fait consciente que son comportement était abusif. C’est tout, c’est comme ça. Seul lui connait cette Mary-là. Elle reprit : « Je t’ai vu à la soirée hier, tu avais l’air d’être bien entouré. ». Et voilà c’était dit, trop tard maintenant. Au lieu de lui reprocher son absence, elle s’enfonçait laissant paraître ses émotions et ses sentiments. Du vrai travail de débutante. Nul. « Tu aurais pu me faire signe, ou juste un sourire. Enfin quelque chose du genre quoi ! Ce jeu va encore durer longtemps ? Tu ne te rends pas compte de ce que tu es en train de faire, il faudrait peut-être que tu te ressaisisses. Descends de ton petit nuage. ». Et la bombe humaine s’était enfin déclenchée. « Désolé de pas t'avoir...m'enfin " recontacté " depuis le temps mais, tu comprends, la psycho' tout ça...tu connais le truc quoi. Mais ça me fait plaisir de te voir. Très même. ». Il ne devait pas comprendre ce qui lui arrivait le malheureux. A peine arrivé que Mary l’agressait. « Mouais, tu ne me feras pas croire qu’en ce moment tu es à fond dans tes cours, pas toi. D’ailleurs, tu es reparti assez tôt hier, ce n’est pas du tout ton genre. ». C’en était fini pour Mary, elle avait tout déballé. Il avait sûrement du tout comprendre. Avec un petit peu de chance, il ne s’en serait pas rendu compte. « Moi aussi ça me fait plaisir » finit-elle par glisser tout doucement. Gênée de son élan de folie, elle se retourna puis remarquant que cette solution ne menait à rien, elle se posa au sol.