Une douleur. Perçante, atroce, aiguë, les adjectifs manquaient pour qualifier le mal être que ressentit le jeune Arthur Porter à cet instant précis. Une, deux, trois secondes, la douleur traversa ses divers nerfs et il se mit subitement à crier, expulsant ainsi ce mal être par sa voix pas franchement très grave. Pourtant, bien qu’il était dans un lieu que l’on pouvait qualifier de publique, c’est-à-dire dans le salon de la confrérie Oméga, personne ne lui porta attention. Pourquoi ? Parce que la musique était très forte, bien plus forte que son cri des plus virils soit-il. En effet, les Oméga étaient réputés pour leurs fêtes, leur sens de l’amusement bien particulier et leurs dérives des plus incroyables. Arthur était un Oméga. Ça avait été comme une évidence d’intégrer cette confrérie, comme si c’était celle qui lui correspondait vraiment. Certes, il avait beau être plutôt populaire auprès des filles, être un artiste à part entière, les Omégas étaient les plus proches de sa personne. En quelques mois, il avait réussi à se faire une place alors qu’il était seulement en première année et commençait déjà à être pas mal réputé pour sa descente d’alcool récurrente et plutôt amusante, il fallait bien se l’avouer.
Si la plupart des élèves rentraient chez eux le week-end, ça n’était pas le cas de Arthur qui, on pouvait le déceler sous cet accent parfois mal vu, était un anglais pur souche. L’Angleterre, c’était loin et franchement, même si ça avait été la porte à côté, rentrer dans son village paumé n’était franchement pas la chose la plus réjouissante d’après lui. La distance n’était qu’une excuse. Cela pouvait paraitre égoïste, car à Bolton, il avait sa mère, son père et quelques amis, mais il préférait de loin Berkeley. Il préférait cette nouvelle vie qu’il vivait depuis de longs mois à tout ce qu’il avait bien pu vivre durant les dix-sept premières années de sa vie, bien que cette nouvelle vie, il ne l’avait pas vraiment choisi. Il avait simplement eu le privilège de choisir l’université dans laquelle il allait étudier dans un panache de choix. Le reste, ça avait été l’affaire de ses géniteurs qui en avaient marre des frasques de leur fils unique. Arthur n’était pas des plus brillants ou intelligents, il n’aimait pas travailler et l’école n’était pas sa priorité. Il avait fait quelques détours par la case prison - sous surveillance, rien de bien inquiétant en somme - mais n’était pas un mauvais gamin. D’ailleurs, ses professeurs avaient tendance à dire que s’il le voulait, Arthur pouvait devenir un élève très brillant. Seulement, faire de longues études, devenir quelqu’un d’important, de brillant, n’était franchement pas son but dans sa vie, contrairement à son paternel qui voyait de grandes choses pour son fils. Une erreurs de trop et le voila à la merci des moindres désirs de ses parents. « - Tu étudieras le droit mon fils, que tu le veuilles ou non. ». Ça avait les dernières paroles échangées avec son père. Le choix de l’université n’avait pas été bien compliqué. Il avait supplié sa mère de le laisser choisir parmi les plus grandes. Berkeley, tout simplement parfait. L’Amérique, son vieux rêve d’enfant. Il allait enfin quitter son village, ces ragots, ce patelin, l’Angleterre, la pluie… Il allait vivre au soleil dans une ville faite pour lui. Il n’était pas si mal tombé. A vrai dire, il avait eu de la chance dans son malheur puisque même s’il étudiait le droit - chose qu’il contestait depuis de longues années - il était dans une grande université - grâce à l’amitié qui liait son papa au doyen - au sein d’une confrérie des plus tumultueuses. Il faisait la fête nuit et jour et c’était tout ce à quoi il aspirait depuis gamin, en plus de faire de la musique.

Attrapant son pied qui venait de se cogner sur la table basse, d’où son cri de douleur, le jeune homme sautilla sur place, attendant que la douleur lancinante passe rapidement. Il laissa alors aller son regard sur la foule ici présente, à danser, s’amuser, boire… Il y avait du monde pour un samedi soir, bien que la plupart des gens qu’il connaissait étaient rentrés chez eux rendre visite à leur famille. Quoi qu’il en soit, Arthur préférait largement être ici, à faire la fête plutôt qu’auprès de ses parents. Non pas qu’il ne les aimait pas, c’était juste qu’il n’avait pas vraiment d’affinité avec eux. Si sa mère jouait à la maman poule, il n’avait franchement plus énormément de contact avec ce père qu’il avait déçu, il le savait. Alors, son regard clair s’arrêta sur une silhouette. Une silhouette qu’il connaissait parfaitement puisque c’était celle de cette fille qu’il appréciait tant, Hope. Comme une sœur, en théorie… Longtemps il avait cru qu’elle était la sœur qu’il n’avait jamais eu le privilège d’avoir et pourtant, depuis de longues semaines, il s’évertuait à l’éviter le plus soigneusement possible. Une soirée comme une autre, un coup de trop dans le nez et le voila qu’il se réveille auprès de la belle blonde, dans le même lit… complètement nu. Il n’avait que des bribes de cette nuit là et pourtant, il n’y avait aucun doute quant à ce qu’il s’était passé. Il était gêné, terriblement gêné et préférait donc l’éviter. Il posa son pied au sol, espérant sincèrement qu’elle ne l’ait pas vu, ne souhaitant pas avoir la fameuse discussion avec elle. Il s’éloigna alors un peu et durant un blanc du au changement de chanson, une voix masculine et imbibée d’alcool résonna : « - ALORS PORTER, TU BOIS PAS ? ». James, un ami à lui vint lui donner une tape dans le dos, attirant tous les regards sur eux avant que la musique ne reprenne et que chacun reparte à ses activités. Bien alcoolisé lui aussi, cela n’empêcha pas Arthur de maudire cet ami en carton avant de poser une fois de plus son regard sur la jeune femme avec qui il avait partagé une nuit, histoire d’être sûr qu’elle ne l’ait pas vu. Raté, elle le fixait et il n’eut d’autre solution que de croiser son regard clair, ne sachant pertinemment ce qu’il en était de leur relation… Que faire ? Quoi dire ? Il ne pouvait plus faire comme s’il ne l’avait vu. Il s’avança alors prêt d’elle, arrivant rapidement à sa hauteur. « - Salut… ». Il était gêné, terriblement gêné. Pourtant, il lui arrivait souvent de coucher avec la première fille venue lorsqu’il était bourré. Mais là, ça n’était pas n’importe quelle fille, non, c’était une amie, une sœur. Il se sentait incestueux en un sens et ne savait pas vraiment ce qu’il pouvait bien ressentir vis-à-vis de la belle blonde.