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« Et c'est ainsi, que les maires du palais ont pris le pouvoir, mettant fin à la longue dynastie des Mérovingiens. » L'histoire c'est passionnant. J'adore depuis que je suis petit et je passerais ma vie à en parler. Mais les mérovingiens et les carolingiens, en plus d'êtres européens, c'est ultra chiant quand on a une envie de fumer qui vous tient depuis l'entrée dans l'amphi. J'étais en retard à la base, j'avais pas fait gaffe en emmenant Sacha au collège, et j'avais pas eu les petites dix minutes que je m'accordais avant, pour fumer ma marlboro, tranquille devant la fac. Non, là, ça faisait trois heures que j'étais sur ma banquette, à écouter le prof déblatérer tout son savoir sur le moyen âge européen, cartes et peintures à l'appui. C'était limite si j'allais pas piquer une crise de nerfs, vous savez le truc qui monte lentement mais sûrement, mais qui fini par vous obséder. Au bout de deux heures, j'ai cru devoir sortir de l'amphi en courant tellement j'avais envie de ma clope. Ce prof est chiant, il ne laisse jamais faire de pause. La seule fois en quatre ans de cours d'histoire, c'était quand il été tombé malade. Une bénédiction pour les fumeurs. Bon, ce cours était enfin fini, je pouvais sortir et surtout fumer tranquille. J'attrape mes affaires, les fourre dans mon sac et direction le toit. En général, à 18h00, il n'y a personne. Je monte les marches quatre à quatre, clope déjà coincée entre les lèvres. Putain. J'ai à peine poussé la porte que je la referme. Ce dos, je l'ai trop vu pour l'oublier. Kay, mon ami … enfin ancien ami. Direction la sortie et je descends les marches encore plus vite que pour leur ascension. Shit, shit, shit, j'espère qu'il n'a pas eu le temps de me voir. Sueur froide quand j'entends des pas précipités dans les escaliers et j'avance plus vite, pour être certain qu'il ne me rattrape pas. Pourquoi il me suivait hein ? Il voulait que je le frappe encore une fois ? Et puis je comprenais pas non plus pourquoi il m'envoyait tous ces messages d'excuses. Il y était pour rien … moi aussi je l'avais embrassé. Ou du moins, je l'avais pas repoussé. Il y avait un truc étrange chez lui. Ce soir là, au bar, il était plus … sûr de lui. Je le savais homo, mais il n'avait jamais rien tenté, même pas une allusion. Kay, en général, était quelqu'un de calme, à l'écoute, gentil … pas un dragueur qui embrassait sans voisin langoureusement sans hésiter. Et celui que j'avais étalé.

Direction mon appartement personnel, j'ai pas a aller chercher Sacha ce soir. Je me suis pas retourné sur le chemin pour vérifier que Kay n'était pas sur mes pas. Il oserait pas quand même. Si ? En tout cas me voilà enfermé dans mon appartement, avec la possibilité de fumer en paix. Je me ferais bien un joint même, histoire de me détendre. On frappe à ma porte et je pose mon sachet de weed, le troquant contre une simple marlboro. Deux petites secondes, j'ai l'espoir que ma voisine vient me demander du sucre ou me taxer mon briquet. « Soan... C'est Kay... S'il te plait, ouvre moi... Je sais que t'es là.. » Mais c'est pas possible ! Il s'acharne ! Il a envie que je lui fasse l'autre œil ou quoi ? Ca me fait un peu de peine quand même, de l'avoir frappé. C'était un bon ami, un ami diablement sexy et …. non … je pouvais pas me permettre d'embrasser un mec. Je pouvais pas, je supportais pas cette idée. Je secoue la tête, pour faire sortir ses images. Si je me cale sur mon lit et que j'attends, il va s'en aller non ? « S'il te plait. C'est de ma faute? J'ai fait quelque chose de mal? Sérieusement, je sais pas ce que je t'ai fait... Mais, si j'ai eu un comportement qui t'as... Déçu ou alors blessé, excuse moi. Je suis désolé. Si c'est le cas, désolé... Pardon.... » Faut qu'il arrête de parler devant ma porte, j'ai pas envie que le couloir soit au courant ou s'en mêle. Surtout pas, ça serait la pire des hontes. Moi, homo ? Non, non, jamais. Je fais un pas rapide vers la porte, l'ouvrant à la volée, et faisant vaciller Kay qui était adossé à ma porte. Je l'attrape par le bras et le traîne à l'intérieur pour refermer la porte. Voilà, il pouvait parler s'il veut, au moins les autres seront pas au courant. « T'arrêtes de me suivre, t'arrêtes de me prendre pour un con. Tu veux me faire culpabiliser c'est ça ? J'vais pas m'excuser d'avoir frappé une tapette comme toi. » Je tire une latte sur ma clope en le dévisageant méchamment. Putain ce qu'il peut être beau. Et le coquard, ça lui donne un effet mauvais garçon. « T'es venu pourquoi ? Pour que je te frappe encore ? Comment t'as pu croire que … que je pouvais aimer les mecs ? » Ouah, elle a eut du mal à sorte la fin de phrase là !

Andreas serait là, il m'en aurait collé une directement, ou deux même. Il supportait pas le fait que je ne m'assume pas ; en même temps c'est normal, on a tous envie de se balader main dans la main avec l'homme qu'on aime non ? Enfin qu'on aime. La situation était déjà assez compliquée à la base pour que j'en rajoute des tonnes en plus, avec mes problèmes personnels. Hum, Andy avait une copine, Andy trompait sa copine avec tout le monde, Andy était beau, Andy voulait le monde, et Andy avait jeté son dévolu sur ce pauvre mec sortit de sa banlieue, et qui en menait pas large face à l'homosexualité. Qu'Andreas s'assume, tant mieux pour lui, d'ailleurs parfois, j'trouvais qu'il s'assumait un peu trop bien. Ce mec avait couché avec … ouais, avec la moitié de San Francisco, homme et femmes confondus. Niveau nana, j'étais franchement pas en reste, je pouvais pas me plaindre. Et niveau mec, et bien deux, juste deux : Andreas, et Kay, qui me faisait face avec son air gêné. Hey mec ! Regarde la chance que tu as ! J'aurais pu te mettre mon poing directement ! Quel bon ami j'faisais putain. Il m'avait toujours parlé de son penchant pour les hommes, il ne m'avait jamais menti, et moi ? Moi j'lui servais mensonge sur mensonge, pour pas qu'il s'imagine un jour, qu'il pouvait être mon type de mec, et que ouais, j'avais dû fantasmer sur lui quelques fois. Et je l'avais frappé, là dessus je m'en voulais. Andy je pouvais, Kay c'était pas pareil, il ne m'avait techniquement rien fait. Kay m'voulait du bien, Andy me faisait souvent du mal.

Kay s'approche de nouveau, et attrape ma cigarette entre ses doigts fins. Je ne proteste pas, le laisse faire. On avait l'habitude de venir tirer sur les clopes de l'autre, alors je vois pas pourquoi ça changerait aujourd'hui. « Ok. » Je laisse mes yeux venir se planter dans les siens, sans afficher ni colère, ni tristesse, ni joie, ni quoi que ce soit. Son ok était aussi convainquant que ma dernière affirmation sur la boite et les mecs. « On oublie tout & on fait la paix? » Je regarde quelques secondes la main de mon ami, avec une légère hésitation. « Ouais. On est toujours amis.. » Je sert sa main dans la mienne quelques secondes, avant de soupirer, en retournant me chercher une clope. C'était gênant, franchement gênant.

J'attrape mon paquet, fait glisser une clope entre mes lèvres, et part me poser sur mon lit, m'asseyant en tailleurs et désignant l'autre bout du matelas, pour que Kay ne reste pas planté au milieu de la pièce. « Kay, j'peux te poser une question ? » Je tire une nouvelle taff sur la marlboro, les yeux posés sur son visage. Quand il fini par tourner la tête vers moi, je détourne mes yeux pour les reporter sur un point imaginaire se trouvant sur mes draps. « Comment t'as supporté toi ? Enfin je veux dire que je suis dans la même situation, ni comme toi on est d'accord ? Mais comment tu as réussi à l'accepter, vis à vis des autres ? » Les autres, le problème principal, ma plus grande peur.

Je devrais peut être me reconvertir au bouddhisme, ou essayer le yoga. Il y a une nana du même amphi que moi, qui est revenue d'Inde et qui m'a dit que c'était une solution. Apparement j'avais les chakra qui étouffaient ou une connerie du genre, et c'était ce qui me rendait violent. Avoir, même si je pensais que passer trois heures assis sur un tatami à réfléchir de façon introspective sur mon âme était totalement inutile. J'avais beau essayer de me cacher mon homosexualité, c'était pas possible de se mentir à soi même. Les autres sont beaucoup plus facile à berner, moi je la connaissais bien la vérité, elle était franchement pas dure à voir. Bisexuel ouais, mais sûrement plus attiré par les mecs que les nanas. J'me souviens d'une soirée, ou une jolie blondinette était venue me draguer, qu'elle c'était posée sur mes genoux, avec la bonne idée de me faire visiter sa chambre un peu plus tard. Un de ses amis, invité à cette fête, un grand mec blond était passé derrière et c'était fini, j'arrivais plus à m'intéresser à elle, pas moyen. J'avais prétexté un mal de ventre totalement bidon pour rentrer me planquer dans ma chambre, pour que personne ne se rende compte de rien. La fuite était parfois nécessaire et la seule option que je m'étais trouvé pour le moment. Kay vient s'asseoir de l'autre côté du lit, jambes croisées. Il ne m'avait jamais caché son orientation sexuelle, mais on n'en avait jamais parlé non plus, j'crois que j'avais fait mon maximum pour qu'on hésite la question d'ailleurs, même si on avait l'habitude de parler de tout librement. « Mmmh... Ca a pas été facile... Vraiment pas. Je viens du fin fond du Minnesota et, même si je savais que j'étais... 'différent', je n'ai appris qu'assez tard ce que voulais dire qu'être homosexuel. J'avais personne à qui en parler... J'avais peur d'en parler pour les mêmes raisons que toi je pense. Vers mes 17 ans, j'ai rencontré un mec. On a fini par sortir ensemble, j'allais plutôt mal et il m'a aidé. Sans lui, je me serais surement... J'aurais surement fait une bêtise. J'allais plutôt mal et il m'a aidé . » Comment ça comme moi ? Je serre légèrement mon point. Bon calme toi Soan, pense à Bouddha et écoute ce qu'il te raconte au lieu de faire ton abruti fini. Le Minnesota … ils étaient vachement croyants et pratiquants là bas non ? Ça n'avait pas dû être simple pour lui, quand il y a une armée de types fanatiques qui te beuglent dans les oreilles que l'homosexualité est un péché. J'me souviens de mon père, assis sur le canapé avec sa bière à la main, qui avait sortit dans un mélange d'anglais et d'ukrainien, que Jésus voulait pas des homos après avoir regardé un feuilleton sur la jeunesse libertine. Et en écoutant la suite de l'histoire de Kay, j'avais l'impression que tous les parents essayaient de mettre des barrières dans la sexualité de leurs enfants. « Je me suis fait insulter de nombreuses fois, on m'a frappé... Même tabassé mais en fait, ce n'était pas tant tout ça, tant le regard des gens qui me dérangeait que ce que penserais ma mère si elle était en vie... Elle espérait, qu'un jour, elle me verrai marié, avec des enfants et tout. . » Ça me mettait hors de moi, d'imaginer Kay se faire tabasser. Ouais, c'était assez ironique quand on savait que je l'avais frappé pour les mêmes raisons que ces lycéens – même si c'était pas vraiment le même cas -. Et sa mère … les parents qui voulaient absolument calquer leur désir de vie sur celle de leurs enfants. Il a l'air mal de parler d'elle, et je vois comme des larmes perler sur le coin de ses yeux. « Elle est morte l'an dernier sans savoir que je l'étais mais je pense que ce qu'elle voudrait... Ce qu'elle veut avant tout, c'est que je sois heureux. » Au final non, la mère de Kay n'avait rien à voir avec la mienne. Doucement, j'écrase ma clope dans le cendrier et m'avance vers lui, passant une autours de ses épaules pour l'attirer contre moi. « J'suis désolé Kay, je savais pas pour ta mère. » Ça me fait bizarre de me serrer contre lui, mais c'est franchement pas désagréable. «Elle devait être quelqu'un de bien pour vouloir ton bonheur avant tout. Tu sais, mon père … si jamais il pensait une seule seconde que … Enfin ce que je veux dire, c'est que si ça avait été mon père, il aurait préféré me renier de la famille plutôt que d'avoir un fils gay. » Je pose ma main dans ses cheveux, pour le réconforter un peu. Il ne m'avait pas dit que sa mère était morte, je savais ce que c'était de perdre quelqu'un de cher.