Foutu contrôle de maths. J'étais à peine sortie de mon cours, mais j'avais déjà repéré toutes mes erreurs ; et croyez-moi, elles étaient bien nombreuses. Mon moral avait bien baissé, puisque ma moyenne en maths était aussi basse que la température en Alaska. Je guidai mes pas vers les casiers ; la pause de midi approchait à grands pas, et mon porte-monnaie m'allait être très utile pour me consoler, ne serait-ce qu'un peu. Je mis un peu de temps à trouver mon propre casier, car les allées étaient tellement nombreuses que je me perds facilement. Je me tenais devant la petite porte rouge, cadenasdroit dans les yeux. Sans trop me presser, je cherchais dans mes poches la petite clé en argent que j'aimais beaucoup. Je la trouvai finalement dans mon jeans, mon jeans porte bonheur, que je portais actuellement avec des Louboutins ; mais malgré le prix de la paire de chaussures, j'avais quand même mal aux pieds ! Ahlala, pauvre petite fille, me direz-vous.
Je tournai la clé à l'intérieur de la petite serrure, qui ne tarda pas à s'ouvrir. Réflexe de petite pin-up, je tournai automatiquement la tête à gauche, pour pouvoir m'inspecter dans le miroir que j'avais ingénieusement installé lors de mon arrivée à Berkeley. J'attrapai mon porte-feuille, que je glissai dans mon sac à main, puis, donnant un peu de volume à ma chevelure plutôt terne, je refermai sans plus attendre mon casier. Je crevais de faim depuis un bon moment, et le petit restaurant mexicain, deux rues à côté propose des tacos à se damner.
Il faisait beau, comme toujours. J'avais un peu chaud sous ma tonne de cheveux, et je suais assez dans mes vêtements. Beurk. Je déteste la sueur, c'est dégoûtant. Je me décidai enfin à quitter mon casier, et à m'accorder une pause déjeuner bien méritée.
Je levai les yeux vers le fond du couloir. Quelques silhouettes m'étaient familières. J'adressai quelques signes de tête, et affichai plusieurs fois un petit sourire, signe que tout allait bien pour moi. Je m'apprêtai à reprendre mon chemin, quand je vis, au loin, une personne qui m'était plus que familière.
Sirine LeJuste. Une française venue tout droit de La Sorbonne. Une âme cruelle. Dès que je la voit, je pense à cette nuit où nous ne faisions qu'un... J'ai honte. J'ai vraiment trop honte. Je suis hétérosexuelle, j'en suis sûre et certaine ! Pourtant elle m'intrigue. Elle me manipule. Elle a fait de moi son esclave. Je suis bien obligée de jouer le jeu, vu les choses dangereuses qu'elle pourrait réveler à mon sujet !
J'essaye toujours de l'éviter, quoi qu'il arrive. Elle semble l'avoir remarqué. Je pars dans la direction opposée, accélérant le pas, de plus en plus, et tournant parfois la tête pour vérifier si je l'ai semée. Mais, apparement pas; quelques secondes plus tard, je sens sa main sur mon épaule. Il est inutile de fuir désormais. Je me retourne, lui adressant un beau sourire ironique, et lui dit, très directement :
ACIDEEN ~ Sirine. Qu'est-ce que tu veux ?

J'avais appris à connaître Sirine, mais beaucoup de choses, à propos d'elle, m'échappaient. Elle avait toujours son petit air satisfait et pleins d'idées diaboliques. Elle semblait parfaite, comme d'habitude. Mais pourtant, elle ne l'était pas : son intérieur était bien moins angélique que certains osent le penser. Une vraie petite pimbêche, heureuse d'être comme elle est. Tant mieux pour elle ! Mais pour nous, les autres, ça ne nous arrange vraiment pas. Elle me lançait un petit regard enjoué, et prononça, assez fort je dois l'avouer, quelques mots dévoilant la bêtise que j'avais commise l'autre soir.
Ma réaction ne se fit pas attendre : je virai au rouge, inspectai discrètement combien de personnes tournaient la tête vers moi. Puis, plutôt énervée, je frappai mon poing sur un des casiers, appuyai mon coude sur celui-ci, et me retint d'insulter Sirine vraiment méchamment. Les deux seules raisons qui me poussaient à ne pas le faire étaient : 1) Pour elle, ce n'est qu'un jeu et elle n'attend que l'instant où tous mes nerfs pèteront, et 2) Parce que si je m'énerve trop fort, elle serait amplement capable de révéler mon petit secret à la terre entière... J'ai le choix ? Non, je suis morte et enterrée dans les deux solutions ! Alors j'essaye de garder mon calme, de penser à des choses douces, comme le lotus, la fleur d'oranger... enfin bref, que des parfums de spray pour les toilettes. Un peu plus zen, j'approchai ma tête un peu plus proche d'elle, et lui chuchota :

ACIDEEN ~ Ecoute, ma belle. Il ne s'est absolument rien passer la nuit dernière, c'est bien clair ? Je suis hétérosexuelle, et je le revendique. Tu t'intéresses à ma vie personnelle ? Ahah, comme c'est drôle ; je n'y crois même pas une seconde. Ton principal sujet de conversation, c'est toi. J'ai raison, non ?

J'étais sûre et certaine d'avoir touché en plein dans le mille. Et même si ce que j'avais dit n'était pas très menaçant, j'étais assez fière de moi. Je relevai la tête et mâchai bruyamment mon chewing-gum, tout en regardant Sirine droit dans les yeux. J'avais encore plus faim qu'auparavant, et l'arrivée de cette petite française m'avait encore plus ouvert l'appétit.

Une peste. Oui, c'était le mot juste pour définir Sirine. De plus, je crois bien qu'elle est au courant de sa personnalité plutôt égoïste, parce qu'elle ne manque pas de le rappeler. Ce qui est vraiment bizarre, voire louche, c'est qu'elle se fiche d'avoir des ennemis. Car personnellement, je déteste en avoir, même si c'est le cas. Alors la vue de Sirine m'est vraiment difficile. Et pourtant je fais avec. Je suis facilement irritable, et la petite française connaissait tous mes points faibles, et savait appuyer là où ça fait mal. Elle n'hésite pas à le faire d'ailleurs, je viens - à l'instant - de le voir. Cela l'amusait bien de me voir me tortiller sur moi-même, en attendant qu'elle me laisse tranquille ; et honnêtement, je ne me prenais pas au jeu, même au fil du temps.
Je la vis, l'espace d'un instant, rouler des yeux en direction de mon poing. J'y jetai un coup d'oeil, pour m'apercevoir que quelques gouttes de sang coulaient sur mon poignet. Merde, ça avait touché ma superbe et nouvelle chemise. Je suis une fille morte. J'essuyai avec mon doigt le surplus de sang, puis suçai la blessure, en évitant de regarder Sirine dans les yeux, cela pourrait encore lui faire jaillir des souvenirs...honteux. La nuit que j'avais passée avec elle m'avait satisfaite, certes, mais elle m'avait aussi fait comprendre que j'aime les hommes. Et cela n'allait pas plus loin. Pourtant, la petite peste qui était en face de moi allait employer tous les moyens pour me prouver le contraire, et je suis prête. Je suis prête à la malmener, quand il faudra, et où il faudra. Mais je devrais tout de même faire attention, car on ne sait jamais de quoi elle est capable : si quelqu'un de mon entourage (ou non d'ailleurs, car les rumeurs vont vite, très vite même !) l'apprend, je quitte les Etats-Unis à tout jamais ! Mes espoirs seront tous ruinés, et ma vie entière sera détruite. Chaque fois qu'elle évoquait notre nuit "d'amour" (je ne sais pas si l'on peut appeller ça comme ça, parce que les sentiments n'y étaient pas vraiment !) je me sentais de plus en plus souillée. Je n'ai pas honte de dire que je suis une petite fille à son papa qui ne déborde jamais. Mais la dernière partie de la phrase est parfois fausse. Je me tournai vers Sirine, ô Sirine, qui me regardait avec ses petits yeux démoniaques, puis lui dit :

ACIDEEN – Sirine, le moment que nous avons passé ensemble m'a fait comprendre une chose : je ne suis pas comme toi. Mais alors, vraiment pas ! Je ne suis pas une fille aussi facile que tu n'oses l'imaginer. Je sais me défendre.

J'y suis allée un peu fort. Honnêtement, je serais capable de beaucoup de choses, mais sûrement beaucoup moins que la petite française ! Je venais de défier une personne persuadée de gagner, et je pense vraiment avoir fait une gaffe.

Le petit jeu de la française commençait à sérieusement m'intéresser : je n'y voyais quasiment aucune issue, de toute façon. Wow, Sirine savait "attaquer" ! J'étais déjà au courant, je commence à la connaître assez bien, on va dire. Sans le vouloir, on est assz proches l'une de l'autre : pas exactement de la façon dont je voudrais, je l'avoue. Maintenant, je devais faire face à la situation, assumer les conséquences de mes actes bien regrettables... Sirine n'est pas vraiment le genre de fille qu'on fait changer d'avis aussi vite que l'éclair, je l'avais deviné ! J'avais donc compris que je devrais redoubler d'efforts pour lui faire rentrer la vérité dans son petit crâne... Ça n'allait pas être facile. Mais, comme ma mère m'a toujours dit, " il faut sympathiser avec l'ennemi" non ? C'était exactement ce que je vais faire : la petite peste a sûrement un bon fond, j'en suis persuadée. Comme toutes les gamines de riches, qui se sentent mal-aimées, elle a besoin d'attention, qu'on les comprenne, etc... Ouais, je vois. Eh eh. Je suis diabolique. Enfin, non, ce n'est pas ce que voulais dire... Disons intelligente, ça me semble vraiment plus approprié. Soudainement, je lui souris, d'un sourire vraiment sincère. Je regardai un peu au tour de moi, et soupirai.

ACIDEEN - Euh... Ça te dirait qu'on déjeune ensemble ? Personnellement, je suis morte de faim. Le mexicain, à côté, ça te va ?

Elle devait se demander ce qui se passait dans ma tête. Un instant j'étais méchante, limite agressive, et la seconde d'après je l'invite à déjeuner. Une schizophrène, j'avais l'air d'une schizo. Je me retenais de rire, tellement j'avais l'air conne, à me "mettre à genoux " devant elle... J'avais un peu peur de sa réaction aussi : allait-elle m'envoyer balader, ou alors fondre en larmes en me racontant son pasé douloureux ? Euh, la deuxième option me semble un peu invraisemblable, désolé, je regarde un peu trop de films à l'eau de rose. J'imaginais la scène dans ma tête, et je me pinçais encore plus les lèvres, j'étais à deux doigts d'exploser de rire !