Voilà quelques jours que j’avais débarqué à San Francisco, la belle ville colorée et ses rues en pentes, ses maisons contrastés et la musique qui résonne des années passées. J’appréciais cette ville, depuis la premier instant où j’y avais mis les pieds. L’immensité des lieux me plaisait, j’ai toujours aimé ce qui est grand et démesuré. Il faut avouer qu’à côté de Brest, tout était géant en Amérique. Le campus, en lui-même, pourrait contenir la ville bretonne. Jessie, ma correspondante, m’avait fait visiter les moindres recoins de Berkeley et plus je me baladais dans l’université et son voisinage, moins je voulais retrouver la France et surtout plus j’appréciais le « american way of live ». J’en avais eu un avant goût la dernière fois que j’étais venu mais l’intégration universitaire était le meilleur moyen de s’immiscer dans la vraie vie américaine, loin des séries stéréotypes ayant un succès trop considérable sur le sol français. Après m’avoir montré le complexe sportif, que j’affectionnais particulièrement, Jessie me fit visiter l’Albatross, la salle des fêtes et le restaurant universitaire, rien de bien intéressant mais tout de même bon à savoir. Alors que nous nous rendions à « l’espace détente » de la fac, elle du me quitter car elle avait un rendez vous, ou un cours je ne suis plus très sûr. M’enfin, je continuai mon chemin et pénétrai dans ledit espace. Une accumulation d’étudiants, de rires, de cris et encore de rires, surtout des rires. Les voix se mêlaient en un brouhaha incompréhensible.

Dans la multitude, je reconnus une ou deux françaises qui avaient fait le voyage avec moi et à la recherche de quelqu’un que je pourrais connaître, mes yeux tombèrent sur une silhouette que je connaissais. C’était impossible, par ici. Je m’approchai, sceptique, je n’y croyais pas. Et si c’était bien elle ? Si c’était bien elle, je devrais sortir de cette salle en vitesse mais ma curiosité était bien trop grande. Qu’est-ce qu’une célébrité comme elle ferait à l’université ? Je stoppa net, et si… et si elle m’envoyais une gifle monumentale ? Au fond ça ne m’étonnerai pas et ce serait peut-être un peu mérité. Il faut dire que je l’avais abandonnée alors que nous visitions un des musées de Paris. Que vouliez-vous que je fasses ? Elle était, et est toujours, connue, et je n’étais que le type avec qui elle avait passé quelques jours pendant son passage dans la capitale française. Pour en revenir au fait, nous nous étions retrouvé assaillie par une horde de fans hystériques et je m’étais éclipsé pour ne plus jamais le recontacter. Je m’approchai et hésitais un instant avant de lui parler, elle était dos à moi et j’avoue que je doutais toujours quand à son identité. Je posai alors ma main sur son épaule et une jeune demoiselle qui était loin d’être Estrella Carmichael se tourner pour me regarder d’un air bien étrange.

« Ha, excusez moi…

Je ne devais pas avoir l’air idiot, prendre une fille banale pour une célébrité de niveau international, je soupirais néanmoins que ce ne soit pas la belle chanteuse. J’adressai un signe de tête aux amies de la fille que j’avais prise pour une autre et me détourna de leur table. Je réajustais le col de ma veste et entrepris de quitter cet endroit quand… Je me retrouvai face à cette femme que j’avais cru voir quelques instants plus tôt. Sur le moment, je me demandai si je ne divaguais pas et surtout si je ne l'imaginais pas. Pourtant elle était en face de moi et semblait aussi surprise que moi de ces retrouvailles inattendues...

La vie universitaire avait pas mal changé depuis l’arrivée des Français à Berkeley, tout le monde était curieux de voir à quoi ils ressemblaient et ce qu’ils étaient capables. Pas étonnant donc qu’à peine le soir de leur premier jour, une grande fête ait été organisée. Ils étaient tous très marrants à voir, les yeux rouges, cernés à cause du décalage horaire. Des tas de photos circulaient déjà sur le site de la fac, au grand damne des principaux sujets. Mais malgré cela, ce fut une très bonne première approche. Depuis des mois ils s’écrivaient, s’échangeaient leur point de vue, leurs goûts et leur buts pour l’avenir, mais jamais ils ne s’étaient rencontrés avant cela. Autant dire que ce ne fut pas facile, chacun avait fait sa propre idée de la personne et si elle ne correspondait pas avec ce qu’elle était vraiment, et je ne parle pas que du physique, il n’était pas étonnant que certains tombent des nues. Pour Estrella, les premiers instants avec son correspondant se passèrent plutôt bien, ils n’avaient pas encore passé une minute seuls tous les deux, car toujours entourés d’autres étudiants, mais il n’empêche qu’elle en gardait une bonne impression de départ. Ça ne faisait que quelques jours qu’ils avaient débarqué sur la côte ouest des USA, le temps que tout le monde s’adapte à leur présence allait être plus ou moins long, il ne valait donc mieux pas être impatient. Mais cela faisait partie du « jeu ».

L’espace détente de BCU était l’un des endroits où la jeune Omega adorait passer du temps quand elle n’avait rien de spécifique à faire. Elle pouvait y passer des heures entières, seules ou avec des amis, à lire, écouter de la musique, rire, papoter. Bien sûr elle travaillait aussi, mais pas au point d’y passer tout son temps. Et puis ce n’était pas comme si sa filière lui était inconnue, en réalité, ses cours de musique dans leur globalité était assez simples, puisqu’elle avait déjà une expérience. Que ce soit dans le chant, la composition des paroles ou de la mélodie, si elle avait une idée de départ, ça venait de suite. Parfois, elle demandait conseil à son frère, qui fut longtemps son partenaire sur scène avant de décider de faire un break pour entamer des études. Comme ils avaient les mêmes goûts, ils s’entendaient sur pratiquement tout, c’en était parfois étrange pour les gens qui ne les côtoyaient pas tous les jours. Mais ils finissent tous par s’y habituer. A l'abri des regards, Estrella entreprit l’écriture d’une nouvelle chanson selon ses humeurs du moment, c’est-à-dire nostalgie et besoin d’affection. Pourtant pas à plaindre, la brunette ressentait dernièrement une envie de stabiliser sa vie amoureuse, et faute de prétendants pour plus d’une nuit, elle continuait à chercher activement qui pourrait combler ce vide. Elle n’en avait parlé à personne autour d’elle pour le moment, elle détestait plus que tout les rendez-vous arrangés, déjà qu’elle n’avait pas supporté ce que Watch Out avait dévoilé sur elle dans son dernier article, il était inutile d’en rajouter une couche par ce biais. Du coup, vous vous en doutez, la chanson qu’elle écrivait était plutôt triste. Pourtant, l’étudiante avait le sourire, et respirer la joie de vivre. Le manque qu’elle ressentait n’était pas au point qu’elle ne veuille plus rien faire ni entreprendre, Dieu merci.

Quelques minutes plus tard, elle décida de faire une pause dans son travail et se leva pour se dégourdir les jambes. Elle remarqua alors le nombre de personnes qui avaient envahi les lieux pendant qu’elle était plongée dans sa feuille. Bien sûr elle avait entendu du bruit, mais pas au point de ne plus pouvoir se concentrer. Certaines têtes lui étaient familières, d’autres un peu moins, et elle n’eut aucun mal à en déduire qu’il s’agissait de Français. Parcourant un peu plus la salle, elle sourit aux visages qui étaient tourné vers elle sans pour autant s’arrêter chez quelqu’un en particulier. Quand soudain un jeune homme se retourne juste devant elle, la surprenant plutôt deux fois qu’une. D’abord, il l’obligea à s’arrêter net dans sa marche si elle ne voulait pas lui foncer dedans. Ensuite, son visage lui était plus que familier. Elle se questionna un instant sur son nom avant d’avoir une révélation. Voilà pourquoi ses yeux s’écarquillèrent d’un coup sous la surprise. Que faisait-il là, devant elle ? Puis l’échange lui revint à l’esprit et pourtant la coïncidence était bien trop grande ! Fronçant les sourcils, elle posa une main sur sa hanche et articula finalement :

ESTRELLA « Maxime ? C’est toi ? »

Elle avait fait l’effort de prononcer son prénom à la française, ce qui était assez mignon à entendre, même si elle aurait pu carrément entamer une conversation dans cette langue. Elle n’en fit rien pour la simple et bonne raison qu’elle n’était pas certaine qu’il s’agisse du dit Maxime. Il était déjà miraculeux qu’elle se souvienne de son nom, vu le nombre de personnes qu’elle avait côtoyé dans sa vie. N’empêche qu’il avait été le seul à la laisser en plan en pleine visite du Louvre, c’était sans doute ce qui la fit se souvenir de lui et pas franchement en bonne chose.

• « Maxime ? C’est toi ? »

• "On se connait ?"

Maxime * "On se connait ?"


Mais à quoi jouait-il ? Il l’avait forcément reconnue, l’expression de son visage l’avait trahie avant même qu’il n’ouvre la bouche pour dire cette idiotie. Estrella n’avait jamais très bien compris la mentalité des Français, et encore une fois, elle avait du mal à voir où il voulait en venir. Était-ce un jeu qu’il aimait jouer ? Une sorte de défi qu’il lui laissait pour voir comment elle réagirait ? Si tel était le cas, Maxime était un imbécile. Il ne pouvait déjà pas être très fier de la façon dont il l’avait laissée en plan à Paris, s’il comptait recommencer ici, à Berkeley, sur son territoire à elle, il allait avoir des ennuis, et de sacrés. Ces Frenchies se croyaient vraiment tout permis depuis qu’ils avaient débarqué en masse en Californie pour cette échange. Au début, Estrella en était ravie, elle n’avait rien de particulier contre eux, surtout qu’elle adorait parler français. Mais elle avait appris à force de côtoyer son correspondant, que leurs ambitions n’étaient pas celles qu’elle pensait. Et encore ce n’était que le début, ils étaient censés reste au moins quelques mois avant de retrouver leur pays natal, qu’est-ce que tout ça allait donner ?

Pour en revenir à la question stupide de Maxime, Estrella ne put s’empêcher de le dévisager. Elle venait de reconnaître en lui l’un de ses exs qui lui avaient fait un coup bas qu’elle n’avait pas oublié et lui, au lieu de faire profil bas, jouait aux cons. Il n’y avait pas d’autre mot pour le qualifier à cet instant. Croisant les bras, la jeune étudiante essaya de déchiffrer son expression, pour voir s’il plaisantait ou s’il était complètement sérieux. La deuxième option était la bonne puisqu’il n’ajouta rien qui puisse lui faire penser le contraire.


ESTRELLA « A quoi tu joues là ? »


Le sourire qu’elle aurait pu lui adresser en signe de salutation avait totalement disparu de son visage. A la place, ce trouvait une crispation très réelle, qui n’était pas prête de s’en aller. Elle avait d’autres choses à faire que de tenter de discuter avec un mec qui n’en avait visiblement rien à faire d’elle. C’est pourquoi elle abrégea la conversation en ajoutant très fermement et en français s‘il vous plaît !


ESTRELLA « Je vois que tu ne t’ai pas arrangé, c’est dommage. Préviens moi si tu auras décidé de mûrir un peu. »


Qu’il y ait un public autour d’eux ne la dérangeait pas, elle savait que plus de la moitié n’avaient pas compris ce qu’elle avait dit. Et puis même, elle n’en avait strictement rien à faire des autres pour le moment. Elle était énervée d’avoir ainsi été traitée. D’un autre côté, elle n’aurait pas du s’attendre à mieux de sa part, c’était un goujat, Français certes, mais un goujat quand même.