On dit que l'espoir nait dans le noir. Les ténèbres, pour moi c'est une autre façon de culpabiliser. Peu importe ma journée, qu'elle ait été belle, animée, heureuse ou au contraire triste, morose et dénuée de vie, il vient toujours le soir et notamment le noir. Non je n'ai pas peur du noir, je n'ai jamais eu peur du noir, pourtant je n'aime plus ce noir morose avant de trouver le sommeil. Seul dans mon lit, semblant fixer un plafond que je ne vois pas dans le noir absolu de la pièce, mes bras croisés sous ma tête, je suis perdu dans mon passé. Ce n'est pas de la nostalgie, c'est plutôt un violent sentiment de morosité, comme une violence surprenante qui me traverse, me ramenant toujours aux mêmes personnes, Jeffrey mon meilleur ami mort par ma faute, Amélya cette petite soeur qui veut me rejoindre et enfin mon père. Il était une ombre dans ma vie, une présence qui m'apprenait à devenir ce qu'il espérait que je devienne, presque une présence menaçante en réalité. Il lui arrivait d'être violent, mais jamais il ne l'a été comme ce jour là dans le cimetière lorsqu'il parla de mon meilleur ami mort quelques jours plus tôt presque dans mes bras, mais surtout à cause de moi. Alors le soir, lorsque je suis seul dans mon lit, je sens les ténèbres de la morosité m'envahir, je les sens se glisser en moi sans aucune pitié, elles s'emparent de mon être et lentement semblent vouloir le détruire. Je ne sais pas pourquoi c'est chaque soir ainsi, bien sûr je me sais me sentir coupable pour Jeffrey et m'en vouloir d'avoir ainsi quitté la maison, mais pourquoi tout cela ne peut pas simplement cesser ?
Incapable de trouver le sommeil alors que mon réveil indique un peu plus de minuit, je me relève, restant en boxer pour me diriger vers le salon. Le chauffage est éteint et je le sens lorsque je quitte la chambre pour me rendre dans le salon. Sous mes pas le carrelage se veut d'un froid redoutable qui ne manque pas de m'arracher un frisson. Je passe près du bar, emportant avec moi un verre et une bouteille de Jack Daniel's, retournant dans ma chambre pour m'asseoir sur le bord du lit. J'ouvre les rideaux et profite de ma vue imprenable sur San Francisco, une ville absolument magnifique de jour, mais encore tellement plus belle quand elle est illuminé la nuit. Je me sers un verre, pensant à nouveau à mon passé, comme si chaque fois que j'étais dans ma chambre, seul la nuit, je devais être morose et rongé par une culpabilité quand je me sais ne pas être coupable. Pourtant je me sens mal, et le verre se vide sans même que je ne me rende compte qu'en réalité il s'agit là du troisième. L'alcool n'a jamais eu de grand impact sur moi, pas assez pour que je me rende compte de combien je pouvais boire en ce moment. C'était idiot de boire pour fuir ses problèmes, mais l'alcool n'affectait que peu ma personne et ma perception du monde qui m'entoure, et boire ne touchait même pas mes résultats scolaires. Ca aurait pu être un mal pour un bien mais ne pas ressentir les effets de l'alcool me donnait cette fausse impression de ne pas être comme mon père. Lui buvait mais devenait violent, moi je ne devenais pas violent, était-ce pour autant que je n'avais pas un problème avec l'alcool ? Qui ça dérangerait de toutes façons ? Surement pas Jeffrey, Amélya ne le savait pas et mes parents me pensaient surement quelque part en Europe ou en Asie puisque c'était là ce que j'avais écris sur ma lettre. Et je me servais un ultime verre, sans me rendre compte que presque les trois quarts de la bouteille manquaient.
Le matin arriva rapidement, je ne savais pas combien de temps avait duré ma nuit, de toutes façons pas assez longtemps. Un léger mal de tête, beaucoup de mal avec le soleil éclatant à travers la fenêtre comme je n'avais pas fermé le rideau avant de me recoucher. Mon pieds tape dans la bouteille en me levant et un juron m'échappe tandis que je ramasse le verre et la bouteille. Je range la bouteille et pose le verre dans l'évier avant de me rendre dans la salle de bain, me laissant couler un bain chaud dans lequel je trouvais finalement un peu plus de sommeil encore. J'appréciais grandement ces moments de détente même si je devais les avouer rare. J'aurais apprécié que mon téléphone ne sonne pas car non seulement il me réveilla, mais en plus à la fin de l'appel, il décida de jouer au Grand Bleu dans la baignoire. Un autre juron lorsque le téléphone choisit de plonger dans l'eau après avoir glissé de ma main. Sortant de la baignoire, avec le téléphone bien entendu, je me séchais et m'habillais pour ensuite m'installer dans le canapé avec une tasse de café, constatant que mon téléphone portable n'avait qu'une destination possible, la poubelle. Je récupérais bien sûr ma carte SIM et après m'être débarrassé du téléphone, me rendis en ville pour en acheter un nouveau et récupérer quelque chose dans un autre magasin.
Le téléphone que je pris fut le même que le premier, exactement l'identique, un Sidekick. Et je récupérais dans un autre magasin ce que j'avais réservé, avant de sortir pour constater que le temps changeait assez violemment. Je pressais le pas pour rentrer chez moi, mais la pluie est plutôt joueuse et n'attendit pas que j'arrive pour se déverser non sans une certaine intensité. Je transformais ma veste en abris contre la pluie continuer à marcher vers mon appartement tandis que je voyais les gens alentours qui semblaient avoir prévu le coup, certains pressaient le pas surprit par la pluie, parmi ces gens, une jeune femme que je jurerais avoir vu à l'Université, m'approchant d'elle, je me permis de l'abriter sous ma veste, prenant soin cependant de garder une prude distance entre nos corps. Je lui adressais un sourire désignant de ma tête un café juste à côté:
- Et si je vous invitais à un café en attendant que la pluie ne s'arrête ?
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