Le soleil avait décidé qu'aujourd'hui il n'allait certainement pas pointer le bout de son nez, oh non ! De fait il avait laissé le champ libre à la pluie, aux nuages et aux mines moroses de tous les étudiants de l'université. En somme rien de bien joyeux. Cependant Apolline n'était pas le genre de personnes à se dire "oh god il pleut je rentre chez moi me mettre sous la couette", tutut. La jeune femme avait prévu de passer l'après-midi à s'entraîner, répéter encore et encore des pas de danse jusqu'à épuisement, jusqu'à ce que le rendu soit parfait, absolument parfait. La rouge n'était vraiment pas du genre à passer outre les détails, bien au contraire ! Elle était très perfectionniste, très ambitieuse et résolument anti-médiocrité. Ainsi donc lorsque le dernier cours s'acheva, elle se rendit directement en salle de danse qui était vide. Evidemment on était vendredi, tout le monde allait donc se pomponner pour la prochaine soirée (la plupart des filles de l'université étant relativement vilaines au naturel, il leur fallait facilement l'après-midi pour devenir à peine excitante); après tout ça n'était pas plus mal, Apolline avait la salle pour elle toute seule. Elle se changea rapidement et commença à s'échauffer. Elle faisait onduler son corps devant le miroir; oui il était parfait lui aussi, musclé juste où il fallait, ni trop gras, ni trop fin, la rouge en était pas peu fière, c'était là aussi sa marque de fabrique, un corps de sportive. Soudain son téléphone sonna et la jeune femme soupira et décidé que ça pouvait attendre, après tout, elle n'allait pas risquer de se claquer un muscle pour si peu. Un petite demi-heure plus tard, elle alla s'assoir sur le banc histoire de voir ce que cela avait pu être. "Un appel manqué de Marni". Apolline pressa la touche "Rappeler", porta le téléphone à son oreille et attendit en se mordillant la lèvre inférieure. La Bêta ne répondit pas à son tour, de fait elle laissa un message "Marni j'ai vu que tu m'avais appelée, n'hésite pas à recommencer hein". Et elle posa son portable afin de se remettre à son travail.

Marni-Lay. Stevensen. Apolline l'avait rencontrée il n'y a pas si longtemps, trois semaines peut-être, lors d'une soirée très pompeuse pleine de riches et élégantes personnes. Chacun était sur son 31, chacun il allait de son petit regard enjôleur, bref une soirée absolument parfaite pour la rouge qui se sentait tel un poisson dans l'eau. Elle vagabondait de ci et de là, abordant et se faisant aborder par des gens tout à fait méconnus mais pourtant si délicieux; elle affichait ce sourire qui prouvait à tous ô combien elle était heureuse dans ce monde-là, combien il était sien. Puis il y eu Marni. Cette blonde accoudée au bar l'air morose qui sirotait un mojito royal à priori plus fait de rhum que de champagne et de menthe. Et bien sûr Apolline ne put s'en empêcher "Comme quoi ce n'est pas le genre de soirée qui ravit tout le monde" lâcha-t-elle nonchalamment en commandant un gin tonic. Enfin elle tourna la tête vers sa future comparse. "Je suis Apolline et je n'aime pas les jolis visages, si rares sont-ils, afficher cet air lugubre". Bien entendu la Iota ne se doutaient pas une seconde que le père de Marni était récemment décédé, mais qu'y voulez-vous, ce n'était pas écrit sur son décolleté.

Depuis lors, Apolline avait confirmé les idées cachées qu'elle se faisait de Marni. Cette dernière était bien la (bien que nouvellement) peste limite garce et manipulatrice jeune femme qu'elle avait décelée. Et la rouge savait qu'elle pouvait faire d'elle bien plus que ça, une autre blonde à son image, une Apolline bis bien que l'original soit déjà pas mal corsé. Apolline ? La rouge, en plein mouvement, se stoppa net. Elle n'avait juste pas intérêt de se louper sinon elle allait finir par se froisser quelque chose. Elle se redressa donc doucement et se tourna. Marni. Of course. Miss Pearce sourit. Elle savait que la Stevensen était fragile et avait souvent fait les frais de ses crises d'humeur probablement liées à son deuil pas terminé mais la blonde platine savait les gérer. Et Marni apprendrait aussi, elle apprendrait à devenir contrôlée mais implacablement humaine et tortionnaire. Bref la perfection.

Marni ? La Bêta faisait une tête étrange tout de même, et la Iota était encore pas mal la tête dans sa chorégraphie. Marni ? Il serait appréciable que je ne parle pas à une marionnette tenant debout sans ses ficelles, tu as l'autorisation de me répondre, lâcha Apolline. C'était elle tout craché, et encore avec Marni, qu'elle considérait - oui oui - comme l'une de ses amies (du moins nouvelle à ce titre-là), elle se tenait et faisait attention à ses intonations ainsi que ses grands airs de princesse. Tout de même.