Reira traversait le couloir désert en courant. Les larmes dégoulianient le long de ses joues, laissant sur leur sillage de fines lignes noires dues au mascara qu'elle applique légèrement sur ses cils chaque matin. Le toit était sa destination, et elle priait pour que celui-ci soit vide. Elle se sentait mal, de mauvais souvenirs remontaient à la surface, serrant son estomac et embuant ses grands yeux bridés. Pourquoi fallait-il toujours que son passé la rattrape ? Allait-elle réagir comme ça à chaque garçon qui l'approcheraient à l'avenir ? En effet, elle avait croisé un Delta tout à l'heure, malgrè l'effort qu'elle avait fait pour l'éviter parce qu'elle sentait qu'il voulait l'aborder depuis le début de la matinée. Il s'était approché d'elle, gentiment, et avait engagé la conversation. Rien de menaçant pour l'instant, même si la jeune fille tremblait discrètement et croisait les doigts derière son dos pour que le Delta ne s'attarde pas avec elle. Malheureusement, il tenta le contact physique et se rapprocha un peu trop près d'elle, parlant de sa voix de séducteur. Reira trésailli, totallement affolée, l'envoya baladé, puis parti en marchant vite d'abord pour ne pas avoir l'air trop étrange, puis en courant, secouée par un immense sanglot. Les souvenir de l'horrible nuit qu'elle avait passé il y a quelques année remontant à la surface à cause de la manière dont le Delta s'était adressé à elle. Elle pensai s'être adaptée à la présence masculine dans l'enceinte de Berkeley, mais elle s'était apparement trompée. Comme toujours, Junji, son frère jumeau, avait raison, on peut tomber sur n'importe qui ici, et la plupart des hommes ont de mauvaises intentions. Et malgrè ses mises en garde, elle s'était faite abordée, elle avait honte de ne pas faire honneur aux efforts qu'il faisait pour la protéger.

Reira arriva sur le toit, trainant des pieds et fermant doucement la porte derière elle. Il pleuvait, surement depuis pas très longtemps, mais le sol était déjà mouillé, et les cheveux de la jeune nippone commençaient à s'humidifier eux aussi. Son regard était embué par les larmes, troublant la vision du paysage autour, et c'est seulement en s'approchant un peu du bord qu'elle remarqua que quelqu'un d'autre était ici. La personne en question était Rei Core, un des amis son frère. Elle n'avait eu que de très rares occasions de lui parler, et ne le conaissait pas très bien. N'ayant pas envie de se confronter une nouvelle fois dans la journée à un garçon, elle se retourna, voulant faire demi-tour, mais le jeune homme avait apparement remarqué sa présence et murmura, en japonais :

« Qui est là ? »

Reira sursauta, hésitant à répondre. Il était trempé, du à la pluie, ce qui lui donnait un côté un peu démoniaque, associé au son de sa voix. Il portait des ray-bans, qui lui donnaient un air froid souligné par le vent qui décoiffait les mèches de ses cheveux. Il faut avouer qu'il lui faisait un peu peur, et le fait qu'il était un garçon n'arrangeait pas les choses, surtout à ce moment là. Elle voulait fuir, encore une fois, mais elle savait qu'elle allait vite le revoir, sachant qu'il était ami avec son frère. Elle aurait beaucoup trop honte de le regarder en face après l'avoir fui. Alors, ne voulant pas paraître impolie et totallement illuminée, elle répondit en japonais aussi, d'une voix à peine audible, cachée par les sanglots et le vent qui soufflait de plus en plus fort :

« Reira Truscott. Je suis désolée je te déranges peut-être, j'allait m'en aller de toute façon... »

« Oh. Bonsoir. »

Rei s'approcha de la jeune fille d'une démarche vacillante. Reira recula instinctivement. Maintenant, elle avait vraiment peur. Qu'allait t'il faire d'elle ? L'agresser à son tour ? Au fur et à mesure que Reira reculait, l'intriguant jeune homme s'approchait d'elle, lui tendant sa main droite. Ne savant que faire, elle la serra brievement, puis cacha sa main derière son dos et se replia légèrement sur elle-même pour se protéger. Une odeur de tabac et de drogue étaient imprégnée dans les vêtements de Rei, ce qui renforçait son côté dérangé. C'était trop tard, elle ne pouvait plus faire demi-tour. Elle pleurait de plus belle, à chaudes larmes. La peur l'envahissait de plus en plus, qui, associée à ses sanglots, la faisaient trembler fortement. Elle avait surement été maudite à la naissance, un sort à ennuis lui avait été jeté dessus.
Rei, lui, n'avait pas l'air dérangé pour un sou, et continua, de sa voix rauque et débraillée :

« Enchanté, les gens m'appellent Rei, en général. Faut comprendre que je n'ai pas trop l'habitude de me parler à moi-même, alors je ne m'appelle pas Rei, hahah. »

Puis, il continua :

« N'aie pas peur, je vais pas te manger hein. Pourquoi tu as pleuré ? »

Ne pas avoir peur ? Comment pouvait-elle ne pas avoir peur ! Il était trop proche d'elle, et agissait vraiment bizarrement, et elle venait d'être traumatisée par un Delta. Si on pouvait plus avoir peur à ce moment, elle aimerait bien voir ça... enfin, non, c'était déja peu supportable ainsi.
Toujours dans le défaut d'être polie, et parce qu'il avait le privilège d'être un ami de son frère, elle lui répondit, toujours secouée de sanglots :

« Je... je n'ai rien... euh... je ne veux pas paraitre blessante mais tu peux te reculer un peu s'il te plait ? Je ne supporte pas trop d'être trop près d'un garçon. Je suis désolée, je ne veux surtout pas te vexer, ce n'est pas de ta faute ! »

Elle souhaitait juste une chose : que la conversation s'abrège. Elle était tellement traumatisée qu'elle n'arrivait même plus à trouver une excuse pour partir. Cette journée n'était décidement pas la sienne. La pluie, en réponse à son humeur, tombait de plus belle. La jeune femme était desormais totallement trempée.

L'intriguant Rei recula doucement, suite à la demande de la jeune nipponne, puis sorti une cigarette de son paquet & l'alluma sans problème, malgrè la pluie. La fumée s'envolait difficilement, et l'odeur de tabac se propageait dans l'atmoshpère. Reira se sentait toujours mal à l'aise, et son interlocuteur l'avait remarqué, d'autant plus qu'elle l'avait souligné par sa phrase.

« C'est pour ça que tu pleures alors, je ne vois rien d'autre. C'est à cause d'un garçon que tu pleures parce que tu as eu peur. »

Reira se figea. Il avait à peu près deviné la chose, elle le savait depuis le début de leur conversation, mais l'entendre à voix haute était différent. Elle était face au problème, qui plus est exposé par un garçon, et elle ne pouvait pas reculer. Elle ne pourrait peut-être jamais changer, et ça lui faisait peur.
Rei la fixait, son visage était plutôt calme, d'une paleur étrange. Puis, de sa voix rauque, il récita un poème, de Baudelaire. Son ton était mélodieux, rassurant, comme s'il déclamait une chanson. Les paroles étaient magnifiques, et touchaient la jeune femme au plus profond de son être. L'espace d'une seconde, Reira avait oublié pourquoi et comment elle était arrivée ici, sur ce toit, avec la pluie battante. Lorsqu'il eu finit, il continua, reprenant sa tonalité normale :

« C'est du Baudelaire. Je ne dis pas la suite du poème qui est innaproprié à la situation. Tu n'as pas à avoir peur, d'une part parce que tu es la soeur de Junji et que tu m'as l'air gentille, et d'autre part parce que si je veux quelqu'un je n'ai qu'à le laisser venir. »

Reira était étonnée par son propre calme, totallement différent à ce qu'elle éprouvait quelques secondes plutôt. C'était la première fois depuis longtemps qu'elle avait réussi à tenir un bout de conversation avec quelqu'un du sexe opposé sans s'enfuir totallement et paniquer. Biensur, au début, c'était dans son plan, elle avait vraiment peur de Rei, avec son attitude bizarre, de son apparence de drogué, de sa façon de parler étrange et des circonstances de leur rencontre. Mais avec son poème et ses mots, il avait réussi à la calmer, la mettre en confiance, malgrè qu'une once de méfiance planait toujours. Elle n'arrivait pas à agir avec lui comme elle agissait avec les autres. C'était un sacré paradoxe pour elle : effrayée par un garçon et rassurée par un autre en l'espace de quelques secondes. Elle ne savait pas trop quoi dire. Elle ne voulait pas lui raconter son histoire, car c'était trop douloureux, et elle ne conaissait Rei que depuis quelques minutes, ce qui n'est pas assès pour pouvoir accorder sa totale confiance ! Mais elle répondit quand même, conservant sa petite voix et sa tête vers le sol, voyant les effort du jeune japonais pour l'appaiser :

« C'était un Delta... Il m'a abordé, et j'ai paniqué, parce que ces personnes sont capables de tellement de choses horribles ! Alors, sous le coup de la peur, j'ai pleuré. Je t'avouerais que t'avoir vu sur ce toit ne m'a pas rassurée, bien au contraire. Mais tu as réussi à accomplir un miracle : tu as beau être un garçon, je n'ai pas peur de toi, enfin, du moins, je n'ai plus peur de toi. Desolée de t'avoir embêtée avec mes histoires et mes larmes, vraiment desolée. »

Puis elle regarda bien en face le jeune japonais, pour la première fois depuis le début de leur conversation. Il tremblait légèrement, en se massant les tempes. Il avait l'air d'avoir de la fièvre, un forte fièvre, mais en l'espace de quelques seconde, son expression redevint comme avant, comme s'il avait guérit miraculeusement. En fait, non. Il semblait lutter, donnant l'impression qu'il était plus puissant que la maladie. Plus puissant que son propre corps. Il avait beau le cacher, Reira le voyait : il souffrait.

« Et toi, tu es sur d'aller bien ? Tu me semble fièvreux... Pense-tu qu'il est judicieux de rester sous la pluie dans ton état ? »