Un, deux, trois. Frappe sur la gauche. Un, deux, trois. Frappe sur la droite. Un, deux, trois. Inlassablement, ses poings se heurtaient sur la surface en cuir du boudin (oui, elle l’appelait ainsi, elle aimait bien donner des petits noms aux choses désagréables) suspendu dans les airs qui faisait souffrir les articulations de ses mains. Tous ses muscles sollicités, elle s’acharnait en frappant de manière toujours très précise, quoique la précision fut rapidement remplacée par un besoin irrépressible de se défouler, de laisser s’écouler lentement de chacun de ses membres tendus à l’extrême un mélange de rage, de haine, et de frustration. Elle frappait bien, mais pas suffisamment fort du fait de sa corpulence. Elle était toute petite avec son mètre soixante à tout casser, et elle serait obligée de se maintenir en forme en permanence si elle voulait pouvoir rivaliser avec ses adversaires masculins de la police. En plus, du fait de ses blessures passées, elle sentait parfois que son dos était malmené. Elle était moins rapide qu’avant pour esquiver les coups et anticiper les gestes. Surtout lorsque ces derniers arrivaient du côté droit. Rouge comme une tomate, essoufflée et en sueur, elle portait pour l’occasion une tenue tout ce qu’il y a de plus féminin : à savoir un legging noir qui lui arrivait à mi-mollet, une brassière de la même couleur par-dessus laquelle elle portait un tee-shirt plus ample gris qui camouflait les marques de cicatrices qui cisaillaient le bas de son dos.

Le coach n’allait sans doutes pas tarder à arriver. Elle suivait les cours qu’il donnait le soir à la salle de sport depuis quelques semaines maintenant, sans avoir spécialement dit à qui que ce soit qu’elle était flic. Cela lui permettait de se maintenir en forme et de se changer les idées. Ce coach proposait des cours de lutte en variant les disciplines. Judo, arts martiaux, il proposait par cycles de plusieurs semaines chaque fois diverses disciplines et s’adressait à des personnes qui avaient déjà des notions mais qui souhaitaient pratiquer pour le plaisir. Autrement dit tout ce qu’elle recherchait vu qu’elle n’était pas une débutante. Leur groupe comprenait un petit nombre de personnes, et ce soir, ils étaient un nombre impair. Elle n’aurait donc pas d’adversaire, tous ceux présents ayant déjà leur paire. En effet tous ne se précipitaient pas pour se mettre avec elle car elle leur faisait peur. Il lui arrivait de faire mal à ses adversaires lors des exercices proposés tant elle peinait parfois à contrôler sa force, et ses capacités déjà acquises. Quoiqu’il en soit, elle venait toujours une heure avant le début du cours pour s’entraîner pour la boxe. Une serviette autour du cou, elle eut le temps de se passer un peu d’eau sur le visage t de se rafraîchir de ses précédents efforts avant que le coach n’arrive.

« Bonsoir tout le monde ! Je vois que vous êtes déjà tous en doublon. Virginie, tu te mettras avec moi. » Rien d’étonnant. Grande blonde, plantureuse, trop moulée dans sa brassière rose. Le coach avait des vues sur elle depuis des semaines maintenant. Mais elle semblait plutôt reluquer un nouveau venu. Pathétique. Enfin bref. « Leyla, vous n’aurez qu’à vous mettre avec le petit – enfin pas si petit que ça – nouveau. Ne le malmenez pas trop surtout. » dit-il en plaisantant alors que de son côté elle riait jaune. Alors, c’était quoi ce type ? Oui, elle disait bien « quoi », parce que dans sa vie privée, elle était d’une amertume et d’une mauvaise volonté sans nom lorsqu’il s’agissait de faire de nouvelles connaissances. Et lui, en plus, il lui faisait penser au stéréotype parfait du mauvais garçon avec ses tatouages et sa coupe trop clean. Bref. « Vous n’êtes pas douillet j’espère. »
« Bon, comme d’habitude, pour commencer j’aimerais que pour chaque paire l’un mette des gants et l’autre encaisse et essaie d’esquiver les coups de l’autre avec les pattes d’ours. » - « Vous préférez commencer ? »
.