J'avais enfilé un petit short en jean, une paire de baskets en toile, et un petit haut blanc vaporeux basique. Une tenue neutre, pour un rendez-vous qui ne l'était pourtant pas. En tout cas, pas à mon goût. J'avais longuement hésité à répondre au texto que Lucas m'avait envoyé en début de semaine, me demandant si j'étais disponible pour que l'on puisse se voir. Dans un premier temps, j'avais même pensé à décliner sa proposition – simplement parce que j'étais mal à l'aise. C'est fou ce à quoi peut nous amener une simple nuit, suivie de deux ou trois maladresses. Je me suis emparée d'un sac à main, avant de quitter l'université pour me rendre dans le centre ville de San Francisco. Là où Lucas m'avait donné rendez-vous. En terrain neutre, et où nous serions entourés. Non pas que cette entrevue risquait de dégénérer d'une quelconque manière – mais au moins, nous avions l'assurance que le public nous entourant pourrait nous inciter à la discrétion. N'est-ce pas ?

« Salut Lucas. » Déclarais-je d'un ton enjoué, après avoir planté un baiser rapide sur la joue droite de l'Oméga. Ces retrouvailles, orchestrées par Lucas lui-même, avaient un arrière-goût étrange. Il faut dire que la dernière fois où nos chemins s'étaient croisés, nous nous étions montrés un peu moins farouches et pudiques. Mais cette soirée d'été me semblait être à des années lumières de ce que nous vivions en ce moment même. « Ça va. » Répondis-je, sans trop épiloguer sur mon état, en tournant la tête vers le français pour croiser son regard. « Et toi ? » Demandais-je, lui renvoyant ainsi la politesse. J'écoutais attentivement les mots du français, apprenant à plus amplement le connaître en même temps. Je me suis brusquement tendue lorsque j'ai senti le bras de Lucas passer autour de mes épaules. Je n'étais pas franchement à l'aise avec cette proximité corporelle, mais Lucas ne semblait pas s'en faire outre mesure.  Il avait un large sourire empreint d'insouciance, et n'avait visiblement aucune intention d'aller plus loin. Ce qui me confortait dans l'idée que je m'étais faite de lui, pendant de temps après notre discussion houleuse via message. « Pas grand chose, en fait. J'ai obtenu un stage au Civic Center pour l'année prochaine. » En lui répondant vaguement, j'évitais les sujets qui pouvaient s'avérer délicats – les amours, par exemple. Mais Lucas ne vivait pas comme un reclus, et s'il n'avait pas vu Isay m'embrasser à pleine bouche lors du bal pour la nouvelle année, il avait probablement eu connaissance de mon escapade cubaine avec le Delta. Il n'y avait pas eu d'officialisation, mais nous avions estimé que cette relation n'appartenait qu'à nous. « Et j'ai validé mon année. Bref, que du positif. » Assurais-je avec un petit sourire fier. « Et toi ? » L'interrogeais-je, désirant en savoir plus quant à ses intentions futures. Je n'étais pas sans ignorer que Lucas venait d'achever sa dernière année d'études, et s'apprêtait donc à quitter l'université de Berkeley. « Que vas-tu faire, maintenant que tu es libéré de toutes tes obligations ? » Nos pas nous menèrent vers la plage. Esquissant un pas sur un rocher, je me suis retournée vers l'Oméga en lui tendant la main. « Tu viens ? » Je me suis à nouveau détournée de lui, portant mon regard sur l'océan, relativement calme aujourd'hui. J'ai retiré mes chaussures, avant de sauter du rocher pour pouvoir sentir le sable chaud recouvrir mes pieds. Une sensation que j'adorais tout particulièrement, et qui me rappelait les vacances. « Tu sais, je suis contente que tu aies appelé. Je ne pensais pas que tu le ferais, vu notre dernier échange. Et pour être tout à fait honnête avec toi, j'ai hésité à venir. Longuement.  » Avouais-je en haussant les épaules. « Mais il était grand temps que nous parlions. »