Perchée sur le rebord du toit, le monde semblait petit. Perchée sur ses illusions, les autres devenaient futiles. De là haut, tous n’était de minuscules petites fourmis. La pire fourmilière. Désorganisé, anarchique, les membres à deux pattes oublié de lever les yeux vers le ciel, vacant à leur occupation principales.

Un soupir franchit ses lèvres en réalisant qu’il était temps de retourner dans le monde réel. L’inaction ne parvenait à la satisfaire. Son petit défaut, à elle, se trouvait là : observer le monde. Malheureusement, la vie réelle n’offrait que rarement le luxe de laisser du temps de libre. Le sac sur l’une de ses épaules craqua vaguement lorsqu’elle le fit remonter sans ménagement afin de se donner plus d’appuis. Les talons de ses Doc Martins grincèrent dans l’escalier avant de retrouver l’air lourd du parking. Aussi surprenant que l’idée puisse l’être, Faith savait se faire discrète. Obligée de s’adapter à la confrérie qui était la sienne, elle se doutait que faire du bruit au milieu de ses congénères la rendait plus invisible encore que de faire acte d’immobilisme et de mutisme. Mais seule, la brune redevenait l’ombre qui rasait les murs. De fait, voir un garçon lui sauter dessus lui arracha un hoquet de surprise.

Zayn. Elle, elle le connaissait bien. Il était le bras droit de sa confrérie un temps. Il trainait trop souvent Ebony. La nature jalouse de Faith avait veillé à se tenir informée du moindre changement chez cet homme. Aujourd’hui, elle notait un détail primordial : il était fou. Peut être qu’Ebony l’a frappé trop fortement. Il avait pu se changer en homme licorne tant la bosse avait grossi. C’était la raison pour laquelle il avait cette mèche devant.

Lorsqu’il la reposa au sol, Faith redressa le regard sur le jeune homme. L’envie faire disparaître la bosse principale qu’il avait au milieu de la figure à grands coups de poing manqua de mettre fin à leur conversation, ou plutôt au monologue de Zayn. Pourquoi est-ce qu’elle devait être la favorite ? Est-ce qu’il parlait de sexe ou un truc dans le genre ? Faith était plutôt douée en histoire, la favorite du roi était sa maîtresse ! Est-ce que Zayn lui faisait des avances ? Il utilisait son statut dans la confrérie pour la forcer à aller dans son lit. Monstre !

Par pur mimétisme, Faith rit au rire de son interlocuteur. Elle devait trouver un moyen de l’inciter à ne plus jamais la toucher et à la fuir comme la peste. Qu’il se trouve une autre fille à séduire ! Une facile ! L’idée germa alors.

« Ca fait plaisir de te voir. » Annonça-t-elle en passant une main dans ses cheveux.
Zayn l’avait ébouriffé. Elle s’en fichait pas mal mais l’acte puisait sa source dans un besoin profond d’occuper ses mains.

« J’allais acheter un ou deux trucs à bouffer. On mange ensemble ? Comme ça, on se racontera nos vie. » Interrogea la jeune femme en désigna la direction d’une supérette non loin du campus.
Sa vengeance allait être terrible !

Il passait son bras autour de ses épaules comme s’il la connaissait depuis toujours. L’effet fut immédiat, les joues rougirent, le regard pétilla entre l’étonnement et le malice et pour finir, son cerveau moulinait à une vitesse folle, certain de pouvoir comprendre la situation et analyser l’émotion à éprouver à cet instant. En réalité, Faith ne connaissait pas les marques d’affection. Petite, son père lui tapotait la tête quand elle avait réussi une chose incroyable. Elle avait dû reconnaître un faux Van Gogh que son père s’apprêtait acheter pour la somme d’un vrai. Enfin trêve de bavardage. La brunette tenta de se terrer dans un trou de souris à la question du garçon. Faire … chavirer des cœurs ? D’abord, la petite russe bafouilla une montagne de mots sans suite, des non, des je et des mais. Finalement, elle se réfugia dans ce qu’elle savait le mieux : la science.

« C’est vrai que l’été est propice au rapprochement et que les gens associent cette période à … enfin tu vois, avec les filles dénudées, les garçons aussi et bah. Enfin, après peut être que tu ne les regardes pas. Je sais pas. Tu pourrais les regardes aussi, y a des garçons qui regardent des garçons. » Est-ce qu’elle pouvait partir en courant ? Parce qu’elle sentait que son discours allait la conduire à la catastrophe. « Moi, je préfère que tu regardes les filles. C’est mieux pour moi… parce que sinon j’aurai plus de garçons. De toute façon, je ne vois pas quelle est la différence moi.  C’est juste un chromosome, c’est tout.» Et bien, probablement que ce fameux chromosome changeait beaucoup ! Il serait aisé de le remarquer si Faith avait déjà vu un homme nu. « Enfin, je veux dire, au final, ca revient au même, moi aussi j’ai un anus. » Oh mon Dieu mais quand est-ce qu’elle allait se taire ? Pourquoi est-ce que les mots  continuaient à sortir. Diarrhée verbale ! « Ce propos ne constitue pas une proposition indécente… Je mangerai bien des chips ! » Finit-elle presque dans un cri pour tenter de changer de sujet.

Les oreilles avaient viré au rouge, elles- aussi. Quelle poisse ! Fait avait tellement parlé qu’ils étaient déjà arrivés au magasin. La jeune femme attrapa la poignée pour ouvrir la porte et laisser passer Zayn. Le temps pour elle de se ressaisir. Il était temps d’entrer en jeu. Faith avait une méthode bien particulière pour parvenir à se séparer de quelqu’un sans avoir à être celle qui faisait le mal, au final. D’abord, il convenait de chopper le porte feuille de Zayn, en douce. En tant que pickpocket avéré, la jeune femme avait un talent pour ce genre de chose. Et puisque Zayn l’avait serré contre lui, elle était facilement parvenue à le lui prendre. La jeune femme connaissait l’emplacement des caméras de surveillances et des angles morts uniquement couvert par des miroirs. Elle n’aurait qu’à placer des objets possédant des antivols à la place du portefeuille. Il faudrait quelque chose de petit, peut être un bijou fantaisie. Elle n’aurait qu’à s’éclipser quand il serait attrapé par un vigile. Après, ça, elle serait plus embêté par cet étrange bonhomme qui tentait de s’approprier son corps.

Pauvre bichon ! Il ne s’attendait pas à la rébellion de sa petite chose, celle qui trainait partout. Refusant de se réduire à l’état d’objet qu’elle avait été tout le reste de son existence, Faith ne manqua pas le narguer, se régalant de le voir réagir.

Le temps avait passé. La soirée avait commencé en douceur, ou presque. La brune se dandinait sur la piste de danse, ou ce qui s’en apparentait. La musique avait ce don surpuissant. Les basses frappaient sa poitrine, ses tempes et mouvaient son corps au point de la rendre saoule. Quand elle tituba en direction de la table où les verres s’empilaient la brunette ne prêta aucune attention à Zayn. Trop prise dans le son, la petite chose avait perdu le sens des réalités. Elle qui observait tout, qui notait tout et qui réfléchissait toujours à tout avait recraché son cerveau par tous les pores de la peau.

Les doigts serrèrent rapidement une bière avant de la porter à ses lèvres au diable les bonnes décisions, le contrôle et les bonnes manières. La russe n’en pouvait plus. Une ou deux gorgées suffiraient à la rendre complètement ivre dans les minutes à suivre.

« Tiens, t’es là toi ! » S’écria-t-elle en voyant Zayn sur le rebord. « A ton casier judiciaire, le blond. » Fit elle remarquer en levant sa bière au ciel puis en trinquant avec le front du gamma. « Oups. » Dire qu’elle voulait viser son verre. Elle l’aimait bien lui, maintenant. A vrai dire, elle aimait bien aussi le gars qui faisait tournoyer son pantalon dans les airs et la fille qui recrachait sa vodka à la figure d’une autre fille. Elle aimait tout le monde mais son petit doigt lui annonçait que le ton allait changer. « J’ai calculé qu’on avait à peu près 45% de chance de se croiser ce soir. Mais c’est vrai que le pourcentage augmentait autour du coin boisson. »

Certains auraient réfléchi à quoi faire s’il recroisait Zayn ou comment éviter Zayn ou encore comment arranger la situation. Non, elle, elle se contentait de statistique.

« Le chiffre avait prit 20 points quand j’ai appris que toi aussi tu te tapais Ebony et que toi aussi t’étais pote avec Rosy. »

Non, Faith ne faisait rien avec Ebony mais sa faute de langage ne l’inquiétait en rien. Après tout, elle avait d’autres chats à fouetter.

« En parlant de Rosy, je t’aime pas alors si tu pouvais arrêter de l’aimer, ca m’arrangerait. »

Finalement, elle ne l’appréciait plus. Il faudrait savoir une chose sur Faith, son franc parlé pouvait choquer et plus encore quand elle avait bu.