Scott ne se souvenait pas de son premier cours de classique. Il ignorait comment cela c'était passé, comme si sa cervelle avait occulté des détails. Pour sa défense, il n'avait que quatre ans à l'époque. Il avait dut voir ça à la télévision et se dire que ce serait bien de danser comme ça. Toujours est-il qu'il s'était retrouvé entouré de petites filles, unique garçon dans la salle de danse d'une femme à l'haleine épouvantable. Ca, en revanche, il s'en souvenait bien. Cette grande femme très fine, au visage très fin et aux grands yeux gris inexpressifs. Ce n'était pas une femme respirant la douceur, y compris lorsqu'elle enseignait à des enfants, car la danse classique n'est pas un sport facile. Un certain niveau technique est rapidement exigé et il est bien facile de perdre pied et de finir à la ramasse. C'était sans doute pour cela que la pratique commençait si tôt : habituer vite son corps, travailler sa souplesse, se forger une silhouette de danseur... Toujours était-il que Scott était tombé amoureux de cette discipline et cet amour n'avait jamais faiblit. Pourtant, cela n'avait pas toujours été facile et cela ne l'était pas franchement davantage, aujourd'hui. Scott se souvenait très bien avoir eut envie de rentrer sous terre le jour où, alors âgé de onze ans, il s'était retrouvé à la sortie d'un cours de danse, en face d'un garçon de sa classe, qui attendait pour sa part sa soeur. Les remarques, les moqueries, n'avaient pas tarder à fuser. Les enfants peuvent être tellement méchants entre eux et cette méchanceté ne s'émousse pas forcément en grandissant. A croire que certaines personnes n'évoluent tout simplement pas. En dépit de son ouverture d'esprit, s'il y avait bien une chose qui irritait Scott au plus haut point, c'était bien l'intolérance de ses semblables. Sans doute qu'il ne pourrait jamais comprendre ces gens aux idées préconçues et rendues obsolètes par les années, en admettant qu'elles n'aient pas été aussi ridicules par le passé. Non, il ne pourrait jamais comprendre cette incapacité à voir plus loin que le bout de son nez. Néanmoins, il avait renoncer à vouloir changer le monde. Une seule personne n'était pas apte à faire évoluer les mentalités, il ne pouvait que, pour sa part, être fidèle à la personne qu'il était, en s'efforçant de feindre que les piques ne le touchait pas. Peu à peu, ça a finit par faire moins mal et désormais, Scott avançait la tête haute. Il y avait toujours des crétins pour rigoler comme des idiots, le pointer du doigt ou remettre en cause sa sexualité, mais peu lui importait désormais. C'était le problème des autres, sûrement pas le sien.

Ce jour-là, Scott était sensé avoir un cours de danse. Un cours qui n'entrait pas dans les siens, un cours avec des gens qui ne partageaient pas forcément ses idéaux. Les élèves présents, s'ils aimaient ce sport, ne l'aimaient pas assez pour vouloir à tout prix en faire leur vie. De l'avis de Scott, ils n'avaient pas cette passion consumante qui brulait pour sa part dans sa poitrine, chaque jour, à chaque instant, ce qui ne l'empêchait pas de les apprécier néanmoins. La passion était tout de même présente. Ces gens pratiquaient par plaisir, par amour et ça suffisait très bien à Scott. Il arriva à la salle de danse avec quelques minutes d'avance. Il n'aimait pas arriver aussi justement avant le début du cours, mais dans le fond, peu importe. Après tout, il était déjà pratiquement tout habillé. Comme d'habitude, par gain de temps, il avait enfilé plus tôt un collant sous son survêtement et avait revêtu un vieux sweat-shirt aux couleurs de l'université par dessus un tee-shirt tout simple, au col en v. Une fois arrivé à la salle de danse, il fila dans les vestiaires et se débarrassa de pull et pantalon, ramenant ses affaires dans un coin et buvant un peu d'eau avant de filer dans la salle. Il y trouva moins de monde que d'habitude et fronça les sourcils de surprise. Il y avait des gens soit, mais il devait bien manquer, à vue de nez, six ou sept personnes. Scott intercepta une fille qui passa devant lui pour aller récupérer quelques choses dans les vestiaires et apprit au cours d'un bref échange que le cours était annulé pour cause d'absence du professeur. Scott se mordit la lèvre avant de remercier la fille. Cela ne le chagrina pas, ce n'était pas la fin du monde et il allait tout de même rester pour danser, comme il le faisait tout le temps, cours ou pas, mais le laissa perplexe. Son odieux professeur à l'haleine de poney en Angleterre n'aurait jamais loupé une seule leçon. Bon, elle était particulièrement rigide aussi, ce qui n'était ni un défaut aux yeux de Scott dans cette discipline, ni franchement une qualité non plus. Enfin, le professeur qui lui avait enseigné la danse durant plus de quinze ans était en Angleterre, à martyriser d'autres élèves et lui, il était là et il allait danser tranquillement, en admettant qu'il en soit capable. La danse était une affaire sérieuse pour lui et il ne pouvait s'empêcher de danser avec un sérieux qui se volatilisait dès lorsqu'il cessait de s'entraîner. Scott salua quelques personnes d'un signet de tête en se dirigeant vers la barre d'exercice au fond de la salle. D'un naturel sociable, il s'entendait avec la plupart des gens et plus facilement avec les filles qu'avec les garçons. Pas qu'il ressente la moindre animosité envers ces derniers, c'était même plutôt le contraire. Il avait tellement enduré de railleries et se voyait adresser encore tant de commentaires irritants qu'il ne pouvait que leur préférer en général la compagnie des filles. Elles étaient plus aptes à le comprendre et moins à le juger. Au contraire, elles semblaient toujours apprécier de voir un garçon en cours. Il faut dire qu'il n'y en avait jamais beaucoup, voir souvent aucuns en fait. Scott commença à s'étirer en silence. Au bout de quelques minutes, il s'apprêtait à changer de jambes lorsqu'il croisa un visage familier. Son visage se ferma en une moue mi-vexée mi perplexe à la vue d'Olivia. « On peut se dire bonjour, ici ? Je crois que c'est le seul endroit ou tu m'adresses la parole » lança-t'il sur un ton un peu sec, faisant allusion à ce qui s'était passé deux jours plutôt. Vu qu'ils avaient déjà dansés ensemble, au cours de ce même cours, par le passé, Scott avait crut bon de saluer Olivia en la croisant sur le campus et elle l'avait tout bonnement snobé, prenant un air froid, glacé même, qui avait refroidit Scott au plus haut point.