Le regard tournoyait sur son passage. Faire tourner les têtes n’intéressait aucunement la rouquine. Clac clac. Le pas entrainait un parfum fruité et piquant dans son sillon. Le pas marqué par le balancier d’une croupe ne perdait pas le rythme. Aujourd’hui, Miss Watson se perdait dans sa mauvaise humeur. SI comme à son habitude, la rouquine avait prit grand soin de son apparence, elle admettrait qu’elle peinait accordait autant d’attention à son petit cœur brisé. Revenir à l’université retournait son fragile estomac. La dernière fois qu’elle avait posé le pied dans la confrérie, sa vie ressemblait à une montagne de merde.

La réflexion aurait pu se poursuivre si la rouquine n’avait pas rencontré un spectacle particulier. Un boucan formidable provenait du salon. Curieuse par nature, la rouquine approcha, portable en main, prête à prendre une vidéo. Son caractère de journaliste ne passerait jamais. Elle devait avoir des preuves pour un potentiel article à venir, peut être un scoop ! Mais l’écran de son portable lui renvoya une image toute particulière. Son cousin massacrait littéralement le salon de la confrérie. D’abord sous le choc, la rouquine renonça à son désir d’avoir des enfants. Non merci. Ils risquaient de prendre les mêmes gênes qu’Athanaël et de devenir des terreurs. Non merci. Vraiment. Non merci. A l’énonciation de son prénom, Cailin laissa son portable retomber le long de son corps.

« Et bien, maintenant, tu n’as plus qu’à tout remettre en ordre. » Déclara Cailin d’un ton aussi froid que le pôle Nord.

Comme si tout remettre en ordre pouvait être réalisé d’un claquement de doigts. Peu importe, Cailin n’avait pas l’intention de laisser ça passer. Il avait tout défait, il ordonnerait donc tout comme il le faudrait. Les billes azurs analysaient les dégâts avec minutie. Clac clac clac. Les talons aiguilles reprenaient leur cadence vers un siège encore debout. Le miraculé, en somme. Sans attendre de réponse de la part d’Athanaël, la rouquine posa son fessier confortablement. Si le blond lui avait souvent été attribué, son intelligence n’en demeurait pas moins toujours intacte. Si elle le laissait seul pour ranger, il ne le ferait probablement pas ou repartir pour une autre bêtise. Autant le laisser faire pendant qu’elle lui tapait la causette.

« Tu pouvais aussi frapper à la porte pour venir me voir. Ca m’aurait fait plaisir. » Déclara-t-elle en croisant les jambes l’une sous l’autre.

Cailin avait changé. Habituellement, la jeune femme jouait les séductrices comme personne, aguichait et utilisait ses charmes pour obtenir tout ce qu’elle désirait. Un sourire restait continuellement collé à ses lèvres et elle possédait un piquant hors du commun. A présent, la froideur ne la quittait plus. Pas une seule expression ne passait sur sa bouille toujours parfaitement maquillée. Cailin avait souffert, trop souffert. A présent, elle gardait l’impression étrange de ne plus jamais être capable de ressentir quoique ce soit. Rien n’avait d’intérêt. Elle alignait les actes et réagissait uniquement pour exister, sans le moindre intérêt ou envie. Elle était devenue une ombre sans attache. Peut-être que de retrouver Athanaël pourrait la rattacher au monde.

Soudain, Cailin croisa les bras sur la poitrine en prenant un air sévère à moins qu'elle ne soit vexée. Allez savoir! Dépressive ? Elle avait l’air dépressive ? Horrible ! Ca allait lui faire des rides ! Non merci. Elle devait se reprendre et rapidement. Aussitôt, l’index de la rouquine pointa le sol et elle le ton se fit plus sévère.

« C’est ma baraque ! Alors tu va me ranger cette pièce ou je vais te mettre une raclée tellement forte que ca va te faire décoller toute la cire de tes oreilles ! » S’insurgea Cailin sans hésiter à menacer.

Habituellement, la jeune femme n’appréciait pas les châtiments corporels. Mais pour cette fois, elle ferait une entrave. Elle avait prit bonne note de la remarque de son cousin. Elle avait l’air peu en forme et c’était lui qui se proposait de botter le cul à la personne qui lui avait fait du mal. Non ! C’était elle qui veillait sur son cousin et elle qui matait les sales trous du cul qui s’amusaient d’elle. Watson avait toujours réglè ses problèmes par elle-même. Des parents absents et la maison de redressement l'avaient mise au pas! Mais aujourd'hui, elle n'avait plus que sa chevelure pour témoigner de sa fougue. Ras le bol ! L’index venait jouer sous le nez du garçon comme pour s’assurer qu’il lui apportait toute son attention, à moins qu’elle ne tente l’hypnose, pour tenter de faire obéir Athanaël. Elle n’avait pas trop de soucis à se faire. Cailin avait des méthodes particulières concernant « l’éducation ». Elle n’hésitait pas à utiliser des chemins peu courant pour parvenir à ses fins. Elle serait capable de se rendre en classe pour lui taper la honte ou s’amuser à diverses idioties pouvant rapidement pousser Athanaël à lui donner ce qu’elle voulait. Heureusement, Cailin n’abusait jamais et utilisait ce genre de méthodes qu’en cas d’extrême urgence.

« Et oui, mon petit bonhomme ! Moi aussi, je fais ce que je veux que je peux t’assurer que je vois bien ma chaussure se loger dans ton derrière ! »

Encore faudrait-il que la bêta puisse lever la jambe assez haut alors qu’elle portait une jupe moulante. Le risque de déchirure était grand. Miss je mesure un mètre soixante perché sur mes hauts talons avait la technique, ne vous inquiétez pas ! Watson retirait l’une de ses chaussures pour l’attraper par l’aiguille, le côté le plus dangereux. Elle ne se risquerait pas à envoyer son cousin à l’hôpital. Mais elle avait bien retenue affection que son cousin avait su lui insuffler et la remontée de moral qu’il avait réussi à lui offrir. Aussi, elle rangea son doigt sagement, croisant les bras sur son torse, une chaussure toujours à la main.

« Je vais te faire passer l’envie de me faire pousser des cheveux blancs !!! » Poursuivit-elle sans réaliser que son propos, d’un point de vu extérieur, pourrait prêter à rire.

Ainsi, elle espérait bien que le brun serait rassuré par le renouveau de vitalité de sa cousine. Il fallait dire qu’il avait placé la barre particulièrement haut !!! Saccager SON salon… Sérieusement à quoi pensait-il ? Ah oui, qu’elle ne serait pas là. Une chance pour lui qu’il soit tombé sur elle et non sur un Delta. Certains lui auraient fait la tête au carrée.

Cailin soupira, lasse. Que c’était agaçant parfois, d’être dans cette position. Evidemment, elle ne pouvait pas le laisser comme ça. L’envie ne manquait pas surtout lorsqu’il menaçait de se faire violent envers elle. Après l’avoir retrouvé sur le seuil de sa porte couverte d’hématomes, fauchée et malade, il ne pouvait décemment pas se permettre le moindre geste violent. Un ex-fiancé avait suffi à sa vie. Moins d’un an de cela, Cailin se retrouvait inconsciente sur le sol de sa cuisine à baigner dans son propre sang. L’homme était parti avec toute la fortune de Cailin. Elle s’était alors retrouvée à la rue pour peu de temps, certes.

Aussi, le voir retourner le meuble ne la fit pas ciller, ni tressaillir. Athanaël avait une grosse colère, une de plus et Cailin ne se sentait pas intimidée. Néanmoins, elle devait prendre sur elle et admettre que l’un comme l’autre cherchait les limites. Le pas nu s’avança tranquillement vers la porte d’entrée. D’abord évitons qu’Athanaël ne se fasse chopper par un Delta ou une Bêta. Ils n’avaient pas besoin d’un spectateur. Au pire, ses consœurs et confrères s’imagineront qu’ils s’adonnent à une partie de jambes en l’air particulièrement animée. Dans un sourire carnassier pour les autres à l’extérieur, Cailin lui fit un signe de la main avant de refermer la porte et de tourner la clef dans la serrure. Dos contre cette dernière, elle inspira profondément.

« Je ne t’autorise pas plus à détruire mon salon. N’abuse pas de ma gentillesse pour croire que tout t’est permis à mon encontre. » Souffla-t-elle simplement.

La phrase faisait écho aux propos d’Athanaël afin de lui faire comprendre qu’elle exigeait de lui exactement ce qu’il exigeait d’elle. Bien sûr, il avait attrapé ce vase pour le laisser chuter au sol, parfaite provocation. La blonde ne s’attendait pas à une obéissance parfaite de son cousin. Il aurait été n’importe qui d’autre, elle aurait envoyé la vidéo à la direction et l’aurait laissé se faire renvoyer. Mais elle savait que le jeune homme méritait mieux que ça, beaucoup mieux. Il pouvait réussir ses études, haut la main. Elle avait foi en lui. Finalement, le chantage affectif se fit entendre. Aussitôt, un sourcil se redressa, perplexe. Il voulait jouer sur sa peur panique de l’abandon pour se faire entendre. C’était particulièrement bas. Savoir qu’il serait capable de tirer un trait sur elle la blessait. Pourtant, le montrer donnerait trop d’aplomb à la réplique. Que pensait-elle de toute façon ? Evidemment qu’il pourrait se passer d’elle. Personne était indispensable. Il n’y avait qu’elle pour s’attacher à tout le monde aussi rapidement.

« Je ne rentrerai pas dans ce jeu, Athanaël. Mon amour pour toi est inconditionnel quoique tu fasses. Tu ne te débarrasseras pas de moi. La question n’est pas là, de toute façon. Je ne parle pas de toi, de mon amour pour toi ou de la façon dont je te perçois. Tu ne peux pas venir chez moi et tout casser. C’est ce que je veux te dire. »

C'est vrai non? Il lui répondait comme si elle l'avait insulté de tout les noms. Cailin savait qu’elle risquait de le frustrer, qu’il n’allait pas apprécier. Malheureusement, elle ne pouvait pas le laisser croire que tout était permis dans la vie. Comme pour tous, il avait besoin d’un cadre et elle était le dernier rempart avant qu’une autorité moins complaisante ne lui fasse comprendre. Être la méchante de l’affaire ne lui plaisait pas. A force, la sensation d’avoir des cornes sur la tête et une queue rouge deviendrait réalité. Le doigt qu’il pointait vers elle ne l’impressionnait toujours pas. En revanche, elle redressa le bras doucement pour écarter le membre accusateur.

« Qu’importe le passé, ça n’excuse pas ton geste. Je voudrai simplement que tu ranges. » Reprit-elle simplement. « On peut soit s’y mettre maintenant et terminer au plus vite, soit continuer à se prendre la tête. »

Après tout, elle ne voulait pas qu’il range tout seul. Ca prendrait trop de temps. Elle n’avait pas envie de se faire surprendre dans cette situation. Elle aussi risquait de se faire renvoyer pour une bêtise qu’elle n’avait pas commise. Mais que voulez-vous ? Elle ne pouvait pas laisser son cousin en galère.

Chiante pour vous servir ! Loin de la vexer, le propos l’amusa et un sourire en coin étira les lèvres de la rousse. Bien sûr, certains hommes ne percevaient pas son caractère comme Athanaël. Il fallait admettre que Cailin avait trop besoin de son cousin pour lui tenir rigueur de ses propos. L’amour pouvait permettre de supporter des actes dont on n’avait jamais imaginé l’existence, comme ranger un salon en désordre tout en sachant pertinemment que s’ils se faisaient chopper, ils étaient bons pour un renvoi. En tout cas, Cailin pourrait dire adieu à son poste d’assistante universitaire. Alors qu’elle ramassait la télécommande sur le sol, elle entendit une chose étrange !

« Ah bon ? Tu ne fais pas un peu de couture dans tes cours ? Vous préférez le tricot ! » Demanda Cailin en se redressant, les sourcils froncés.

Dans le stylisme, il ne fallait pas faire des dessins de vêtements, puis les faire dans le tissu et le couper et l’assembler et tout ça… Cailin n’était plus très sûre de suivre. Mais elle eut un sourire en coin avant de jeter un coup d’œil à la montagne de plume.

« Je me montrerai si tu veux. Comme ça, plus tard, quand tu seras vieux et en maison de retraite tu pourras rapiécer tes petits bas de laine. »

C’était mal de se moquer ? Mais elle était loin de se prendre pour une humoriste de haut rang. Seulement, ranger constituait une activité particulièrement ennuyeuse. Alors parler pouvait alléger le poids de la tâche. Si en plus, une petite touche de moquerie sympathique pouvait être envoyée à son cousin, c’était parfait. Un rencard ? L’intérêt de la rouquine se trouva piqué à vif. Sa famille représentait pour elle la chose la plus importante au monde. Athanaël en était l’unique membre. Tacha, sa cousine maternelle, était décédée avant les vacances. Un incendie avait ravagé son immeuble et, la jeune mère avait bravé les flammes pour sauver sa fille. Si l’enfant avait survécu presque miraculeusement, Tacha, elle, était morte à peine sortie de l’immeuble. Cailin avait pris en charge l’enfant, le temps que Benedikt se remette.

« Tu as rencard avec qui ? Tu l’emmènes où ? Je la connais ? »

Un vrai flic sur le moment. Elle se sentait prête à passer à la loupe la première fille qui s’approchait trop proche de son cousin. On ne joue pas avec le cœur de son petit Athanaël. Il fallait une fille à la hauteur de son petit bout de rebelle. Il était précieux le petit !

« Aie ! » Grogna Cailin en sentant une pointe entrer dans son pied.

Elle sautilla sur son pied en tenant le canapé pour ne pas tomber. L’idée la plus stupide du monde que de se trimballer pieds nus dans une hécatombe de vases, de cadres et de diverses petites choses tranchantes. Elle posa ses fesses sur le rebord en grimaçant de douleur. Elle remonta son pied tremblant et sanguinolent pour voir la coupure. Putain que c’est douloureux. Le regard se brouilla d’un voile de douleur et admira le morceau de verre dans la voute plantaire.  Est-ce qu’elle devait l’enlever ? Peut être pas, peut être bien… Elle n’en savait rien. La médecine et elle avaient toujours fait deux !
« Oh non, je vais avoir une cicatrice. » Se plaignit Cailin en tirant une moue désapprobatrice.

Son amour pour son corps poussait peut être un peu les limites du convenable, surtout que son sang commençait à perler sur le carrelage au sol. C’était vraiment pas son jour.