Let's be dark and twisted

Stephen & Delilah

« Your lips may be sweet ; such that I can't compete … but your heart is as black as night. »

Elle n’en croyait pas ses yeux. Loin, devant elle, au coin de la rue, se trouvait Stephen – qu’elle ne connaissait que trop bien – et avec lui, paraissant bien trop proche, Alsheva. Elle qui n’était que rarement énervée, elle eut une bouffée de colère. Stephen, ça faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas vu. La dernière fois, c’était quand il avait tabassé à mort un gars devant elle, et il ne s’était pas d’ailleurs pas arrêté avant que l’Anglaise ne le force. Alors, elle avait rompu. On pouvait se dire qu’elle n’avait pris cela que pour une excuse. Elle n’avait jamais voulu mettre de mots sur leur relation, mais quand elle y repensait, il était pourtant clair que ce qu’ils avaient eu ressemblait comme deux gouttes d’eau à de l’amour. Mais elle ne voulait pas se l’avouer. Alors certes, peut-être avait-elle rompu sous le prétexte de la violence du jeune homme pour camoufler la véritable raison ; mais ce n’était pas vrai. Non, la principale raison, c’était cette crise de folie qu’il avait eue ; parce qu’elle n’avait pas pu s’empêcher d’avoir peur. Avoir un coup de sang ça pouvait arriver à tout le monde mais de là à amener quelqu’un à l’hôpital, il y avait un monde. Et alors, même si la rupture entre les deux était de toute façon inévitable, elle avait été précipitée par cet excès de colère.

Et autant le dire, le voir avec Alsheva, sa meilleure amie, ça ne lui plaisait pas du tout. Elle le savait donc violent, mais la Suédoise de son côté n’était pas en reste. Et si parfois Delilah cherchait à changer ce trait chez son amie, c’était voué à l’échec. Malheureusement, elle se doutait que s’ils étaient ensembles, ils finiraient par sombrer dans la violence et dans l’excès. Ce serait le genre de relations qui étaient par définition malsaines. Elle devait empêcher ça. Mais comment le faire sans froisser son amie ? Déjà, elle refoula l’envie qu’elle avait d’aller les rejoindre et se s’entremettre entre les deux. C’était une mauvaise idée, aucunement justifiée. Il fallait être plus subtil que cela. Et donc, elle décida d’attendre. Cela prit un moment. Perchée sur son banc, elle les observait sans véritablement les voir, pour ne pas se faire repérer. Plusieurs fois, alors qu’ils semblaient avoir des éclats passionnés, elle dut se retenir de se lever et de courir les arrêter. Il ne se passait rien de particulièrement intéressant, ils étaient proches mais sans plus ; cependant cela ne l’empêchait pas de se persuader que ça allait mal se finir. Et dans un combat entre les deux, elle n’avait pas envie de voir qui allait gagner.

Finalement, ils se séparèrent. Elle ne savait pas combien de temps avait passé depuis qu’elle les observait, et ça n’avait pas vraiment d’importance. Elle jeta sa cigarette par terre, l’écrasa d’un coup de pied rageur. Marchant d’un pas bien déterminé, elle vérifia qu’Alsheva était bien hors de vue pour mettre le cap vers Stephen, qui semblait concentré pour lire Dieu-sait-quoi sur son téléphone. Après quelques dizaines de mètres, elle se retrouva à sa hauteur, et avec une certaine force, mains posés sur les pectoraux du jeune homme, le poussa en arrière. Tant pis s’il tombait sous la surprise, elle s’en fichait. De toute façon, il devait bien avoir l’habitude, à force de se battre. Toujours aussi énervée, elle lui cria, sans qu’il n’ait le temps de réaliser ce qui était entrain de se passer.

« Bastard! Back the hell off, leave her alone! She doesn’t need you, you fucking lunatic!  »

Même si elle était relativement en confiance, parce que persuadée qu’il ne frapperait pas une fille, elle fit un petit pas en arrière, sur ses gardes. Le sang lui battait les tempes, et son regard était voilé par la colère. Un seul doute s’insinua dans son esprit ; peut-être ne comprenait-il pas de qui elle parlait. Mais elle se ferait un plaisir de bien lui expliquer la situation.

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Let's be dark and twisted

Stephen & Delilah

I’ll take you six feet under.

Elle l’avait fait tomber, et elle en était satisfaite. Il n’avait que ce qu’il méritait. Elle ne comprenait pas comment quelqu’un comme lui pouvait plaire. Si, évidemment, elle était seulement de mauvaise foi : elle savait parfaitement pourquoi il plaisait ; elle-même y avait succombé, il y avait quelques années de cela. Mais malgré tout, si elle admettait que le genre badboy était extrêmement attirant, savoir qu’il cassait les os de personnes était pour elle un véritable tue-l’amour, et elle partait du principe que c’était la même chose pour tout le monde. Sauf Alsheva, évidemment. Ils étaient trop similaires et ça ne l’étonnait pas le moins du monde qu’elle ait un crush à son égard. Mais quand même. Elle ne pouvait s’empêcher de mettre le nez dans leurs affaires, et d’essayer de régler la situation avant même qu’il n’y ait un problème. Parce qu’une relation comme la leur ne pouvait que mal tourner, pour une raison pour une autre. Et Delilah s’était mis un point d’honneur à empêcher cela, pour empêcher sa meilleure-amie de se faire briser le cœur. Elle était après tout bien placée pour savoir que ce type de blessures mettait un temps fou à guérir, et ne guérissait parfois jamais.

Il la regardait furieusement mais elle ne flancherait pas. Non, elle ne se laisserait pas faire. Bras croisés, pour lui donner l’air plus sérieux, crédible peut-être. Ca lui donnait aussi l’impression d’être en sécurité, parce que c’était indéniable, au fond d’elle-même – même si elle s’était toujours persuadée qu’il ne frappait pas les femmes – elle avait peur de lui. Il fut debout à nouveau, et elle repoussa soudainement une de ses épaules, peut-être encore plus énervée maintenant.

« Oh so you’re blaming me for leaving ? You fucking beat someone to death ! »

Elle secoua la tête, excédée, et s’alluma une cigarette, presque rageusement. Ce n’était pas de ça dont elle voulait parler, et elle ne voulait pas se faire attirer sur ce terrain là. Ca semblait pour irrémédiable, sachant que c’était la première fois qu’ils se voyaient depuis qu’elle était partie. Son accent semblait encore plus fort, lorsqu’elle s’énervait, et même si l’accent Londonien est l’un des plus compréhensibles d’Angleterre, toujours est-il que certaines intonations restaient difficiles à comprendre. Mais elle s’en fichait, qu’il la comprenne ou pas, c’était du pareil au même. De toute façon, elle était persuadée qu’il ne pensait qu’avec ses muscles et sa foutue impulsivité qui avait tout foutu en l’air.

« Anyway, that’s not the issue. I’m telling you to leave Alsheva alone. She doesn’t need you. You’re gonna fuck her up. So back off ! »

Bien sûr, indéniablement, elle lui en voulait toujours. Mais elle était tourmentée : d’un côté, elle ne l’avait jamais pardonné – parce qu’il lui avait fait vraiment peur – et d’un autre côté, elle était plutôt reconnaissante que ça se soit passé avant qu’elle ne se retrouve trop attachée à lui. Elle ne savait plus que penser. Elle s’était persuadée qu’elle le détestait, mais le voir ramenait une foule de sentiments à la surface qu’elle aurait voulu enterrer. Et elle savait déjà qu’elle commençait à fléchir, que son regard n’était plus aussi dur qu’il l’était il y a quelques secondes. Mais l’idée qu’il comprenne tout de travers lui traversa l’esprit et à nouveau elle s’énerva. S’il lui répondait qu’elle réagissait par jalousie, elle allait le tuer. Rarement n’avait-elle été dans un état de rage aussi puissant. Et ça la perturbait fortement : elle n’avait pas l’habitude de sentir le sang lui battre aux tempes ainsi, et cela n’avait rien de plaisant.

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