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Nous nous sommes réconciliés, ça y est. Même si cela allait prendre un peu de temps avant que tout ne redevienne exactement comme avant, je voyais dorénavant Nick de plus en plus souvent. Je suis d’ailleurs surpris que le criminologue ne m’ait pas encore lancé sur la piste d’un nouveau tueur à arrêter. Aurait-il enfin compris le message après son dernier passage à tabac ? Je me doute bien que Lucy et lui ont dû longuement discuté de cette mésaventure afin que Nick prenne conscience des risques qu’il encourait à exercer ce métier, surtout qu’il n’y était pas obligé. Mais de là à songer à ce que mon meilleur ami ait pu l’écouter et cesser de mettre sa vie en danger, il fallait que je le vois de mes propres yeux pour le croire. En attendant, bien des évènements s’étaient produits depuis que j’étais rentré. Des faits dont je n’avais encore parlé à personne, et que je m’apprêtais à faire avec Nick. Je m’étais promis de ne plus rien leur cacher, à tous. Or, ce que j’avais à leur annoncer n’était de toutes façons pas un secret d’état. Piccadilly Fish and Chips, le lieu de rendez-vous.

Il y a de cela un an, je ne connaissais rien de ce petit restaurant britannique, jusqu’à ce que je sois contraint par Nick de stopper un homme qui avait voulu tuer sa femme, alors que le restaurant fermait ses portes. Inutile de vous dire que je n’avais pas pris part à la bagarre, et que Nick lui, s’y était donné à cœur joie. J’ai toujours pensé que malgré son côté plus matheux que social, il faisait preuve d’un romantisme bien caché lorsqu’il s’agissait de défendre les jeunes femmes sans défense. A moins que ce ne soit que de la pure courtoisie, allez savoir. En tous les cas, il avait filé un sérieux coup de main à la femme battue dont le mari s’était rapidement retrouvé emprisonner. Nick avait veillé à son exécution.

Il faisait beau ce matin. Enfin. Après plusieurs jours de pluie durant lesquels j’avais été coincé à l’hôpital faute de personnel en ces jours de fête, le soleil était revenu. Midi. Il était convenu que nous nous retrouvions sur place. J’avais pris le métro pour changer, ayant choisi de laisser notre voiture à Kirby. Dans son ‘état’ je préfère qu’elle se fatigue le moins possible. Et ce n’est que le début. J’arrive, et entre dans un décor typiquement londonien. De la teinte rouge, bleu, blanche des murs et des nombreux drapeaux qui flottent en l’air, que des peintures représentant la reine mère, ou les tables, que sont des représentations de bus deux étages. Bref, une décoration qui me fait sourire et me rend aussitôt nostalgique. Ici, mon accent anglais passe inaperçu, parmi mes confrères patriotes. Ici, je me permets d’employer ma langue dont les mots sont parfois distincts de l’américain. Je ne vois pas Nick. Serait-ce qu’il a du retard, lui, le maître incontesté de la ponctualité ?

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Finalement, il était à l’heure. Pile, à l’heure. « No, it isn’t. » répliquai-je à mon tour en riant. Je n’avais pas le mal du pays, pas plus que la nourriture du pays ne me manquait. Il faudrait que j’invite plus souvent Nick à la maison pour qu’il se rende compte par lui-même du fait que je cuisinais au moins une fois par semaine un plat typiquement britannique. Sans parler du thé que je n’oubliais jamais, bu aux heures anglaises. Enfin bref, je n’étais pas ici pour parler de ça.

Par où commencer ? D’un côté, je n’avais pas envie de refaire surgir les raisons qui avaient poussé Nick à m’en vouloir pour ma disparition soudaine. De l’autre, je ne lui avais pas tout dit et je savais que je ne pourrais pas longtemps garder ce secret, sous peine de perdre définitivement son amitié. LEURS amitiés, à dire vrai, puisque toute ma famille allait devoir l’apprendre, d’un moment à un autre. « Qu’est-ce que tu prends ? » Commençons par le début, voulez-vous. « Et comment va Lucy depuis la fois dernière ? » Dire que la relation que j’avais tout d’abord crue définitivement perdue avec la jeune femme à ses débuts, était aujourd’hui comme celle d’un frère pour sa sœur. Je suppose que tout cela est dû à l’amour que nous avions tous les deux pour Nick qui nous a beaucoup rapproché. Depuis lors, je ne manquais jamais de demander de ses nouvelles ou de lui faire passer le bonjour par Nick, histoire de garder le contact. Or, aujourd’hui, je savais que ce que j’aurai à annoncer à mon meilleur ami, la jeune femme serait elle aussi au courant après qu’il lui en ait parlé. « Tu es sur une enquête en ce moment ? » Je manquais toujours le coche. A tourner autour du pot, même si au fond, la vie professionnelle de Nick m’intéressait vraiment. N’oublions pas que je m’étais faite la promesse de le protéger, à moi comme à Lucy, depuis le jour où il avait manqué de se faire tuer par deux voyous. Ce jour, jamais je ne l’oublierai. Et bien qu’une partie de moi espérait que Nick ait fini par abandonner l’idée de courir les rues le soir venu, après sans doute une discussion avec Lucy, je gage qu’il n’a jamais été plus difficile pour cet homme, de tourner le dos à ce qui lui est le plus cher : résoudre des enquêtes.

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Effectivement, si tu aimes ce type de nourriture, l’endroit était bien choisi. Pour ma part, je n’avais pas très faim. Depuis quelques minutes, en fait. Depuis que Nick était entré. L’impression d’avoir u poids sur l’estomac en songeant à la réaction de mon meilleur ami, sans doute. « Juste une tasse de thé, merci. » Je fronce les sourcils, aux paroles prononcées par Nick. Pourquoi tu me dis ça ? J’ai fait quelque chose de mal ? « Euh…oui, oui oui je le sais très bien, pourquoi ? » Ah, c’est donc ça. Mais non, je ne tourne pas autour du pot, je cherche mes mots, c’est très différent. Qui plus est, je ne sais même pas par où commencer. « Je ne vois absolument pas de quoi tu veux parler. » Faisant mine de ne réellement pas comprendre, je tourne la tête sur le côté pour admirer l’un de ces vieux couples de jeunes amants en pleine éducation sexuelle. Autrefois, une telle manifestation d’affection m’aurait sans doute dérangé. La honte, la gêne, le malaise des ébats publics. Je crois que le fait d’être en Amérique me rend de plus en plus « américain » et de moins en moins « anglais ». « Que…comment ? Un enfant, toi ? » Ma surprise était telle que les mots étaient sortis d’eux-mêmes, sans que je n’eus le temps de tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Oh, je ne voulais certainement pas dire par là que Nick ferait un mauvais père, loin de là. « Pardon je… je ne voulais pas dire que … mais je croyais que tu n’aimais pas les enfants. C’est ce que tu as toujours dit, non ?! » A moins que c’est moi qui l’ai interprété de cette manière. Après tout, à chaque fois que Nicky était en contact avec un enfant, soit celui- ci se muait en une boule de nerfs, ou en momie muette comme une carpe, ou mon imitation préférée : l’enfant sociopathe qui adorerait voir des morceaux de corps découpés. Je me demande bien ce que Nick peut leur dire lorsque je ne suis pas avec lui pour le surveiller. Quoiqu’il en soit, passée le temps de la surprise, un sourire anima aussitôt mes lèvres. « Je n’arrive pas y croire. Lucy et toi vous… c’est… c’est merveilleux. Je suis vraiment content pour vous deux. Des félicitations s’imposent je crois. » Et je parlai, je parlai, incapable de croire ce que je venais d’entendre. « Que s’est-il passé ? Je veux dire : comment a-t-elle réussi à te faire changer d’avis ? Oh non, elle t’a menacé, c’est ça ? Ou elle a caché ton crâne et tu as accepté uniquement pour le récupérer ? » Une moue déçue s’empare alors de mes traits, alors que je songe à ce crâne humain que Nick a toujours gardé dans son appartement, soit disant pour avoir quelqu’un avec qui converser quand il est seul. Fascinant.  

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Naturellement, la répartie de Nick me fait sourire, même rire. Oui mon grand, si tu veux. Ton enfant sera un prodige. Mais est-ce que tu sais que les enfants de parents dont le quotient intellectuel est supérieur à la moyenne ne le sont pas forcément ? Soit Nick fait mine de ne pas y songer, soit il ne le sait vraiment pas. Dans les deux cas, je me garderai bien d’intervenir au risque que mon meilleur ami ne puisse changer d’avis pour une broutille aussi insignifiante, que l’intelligence de sa progéniture. « Ca aurait été tout à fait possible, te connaissant. » soufflai-je en dissimulant mon sourire derrière ma tasse de thé qui venait de se ramener, en compagnie du plateau repas de Nick. « Et puis-je savoir à quoi on doit ce revirement de situation ? » Si, je suis curieux. Parce que je n’aurai jamais conçu avant qu’il ne me l’avoue de vive voix, que Nick puisse penser à autre chose qu’à ses enquêtes, ou à ses proches. Bref, fonder une famille avais-je cru comprendre depuis fort longtemps, ne faisait décidément pas partie de ses priorités. Mais depuis qu’il avait Lucy, tout avait changé. En bien, fort heureusement. Il fallait que je la remercie pour tout ça. Non seulement Nick n’avait jamais été plus heureux que par le passé, mais en plus, il lui arrivait à penser à autre chose qu’à risquer sa vie pour le plaisir du risque. Chapeau bas, miss Wakefield, même moi je n’ai jamais réussi à le détourner de ses objectifs comme vous l’avez fait ! « Je suppose que tu as déjà une préférence quant au fait que ce soit un héritier ou une héritière ? » le taquinai-je en avalant une nouvelle gorgée, sourire aux lèvres. Personnellement, je trouverais ça particulièrement adorable de voir un mini Nick courir aux quatre coins de la maison ou tester ses petites expériences aux côtés de son chimiste de père. Une petite fille aussi, aurait été mignonne à observer dans les bras de Nick. A mettre le foutoir partout dans ses expériences, à lui mettre une poupée dans les mains pendant qu'il essaierait de se concentrer sur un évènement d'importance, ou encore, qu'il s'habitue à lui faire des couettes dans les cheveux. Aaah, je m'y vois déjà, à me moquer de mon cher Nicky, tout en le félicitant d'avoir engendré une petite bouille que je chérirais jusqu'à la fin des temps. Et bien quoi ? Il ne faut pas croire que parce que Nick me parle d'avoir un enfant, j'ai l'intention de rester en dehors de l'éducation de son engeance. J'ai toujours adoré les enfants. Qu'importe leurs âges, leurs sexes ou leurs caractères. Il m'arrive même de me montrer aussi gaga qu'eux, par moment. L'une des raisons qui fait d'ailleurs que ma mère ou mon frère continuent à me considérer comme un enfant qui n'a fini de grandir, mais ça, c'est un autre débat.

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Je fronce d’abord les sourcils, certain de ne pas avoir compris la question de mon meilleur ami, avant de me rendre à l’évidence. Et de devoir alors retenir un sourire amusé devant son incompréhension. « Bienn, ce n’est pas « important » en soi, c’est vrai. Tout parent est heureux de savoir qu’il va avoir un enfant, qu’il s’agisse d’une fille ou d’un garçon. » commençai-je en cherchant les mots justes pour tenter de lui faire comprendre là où je voulais en venir. « Mais tout parent a aussi des désirs de garçon, ou de fille, selon ce qu’il prévoit pour l’avenir. » Je ne suis peut-être pas encore suffisamment clair. « D’après les statistiques, les femmes ont plus envie d’avoir une fille qu’un garçon. Et les hommes, d’avoir un fils. » Pourquoi ? C’est une bonne question. Pour ma part, je sais que d’avoir une fille ou un garçon me rendrait fier et heureux. « Je suppose que la façon dont on a soi-même été éduqué conditionne notre choix de vouloir plus l’un ou l’autre. Il a été démontré qu’une femme qui a eu des problèmes avec son père ou ses frères au cours de son enfance, désire plus une fille parce qu’elle pense pouvoir mieux lui fournir l’affection dont elle a elle-même manqué. Et il va de soit qu’une femme préfèrera avoir une fille en pensant qu’elle aura une « amie » avec laquelle discuter une fois que la petite sera adulte. Chez les hommes, c’est à peu près le même principe qui s’opère, à la différence près qu’un homme voudra avoir un fils pour « hériter » de ses gènes, plus qu’une fille. Beaucoup d’hommes pensent en effet que leur virilité sera à son apogée par leur engeance. En un sens, ils veulent modeler leur fils comme ils l’ont été ou comme ils auraient aimé l’être étant enfant, tu comprends ? » La psychologie humaine. J’avais particulièrement apprécié ce cours en faculté de médecine. Sauf que la Nature Humaine me paraissait être trop complexe pour pouvoir l’appréhender complètement, et de plus, souhaitant déjà à l’époque travailler avec des jeunes, je n’aurai pas pu supporter de ne pouvoir leur apporter toutes les réponses auxquelles ils aspirent. Voilà pourquoi je m’étais tourné vers le diagnostique, plutôt que la pédopsychologie. Ce qui ne m’empêche pas d’en savoir un rayon sur le sujet, ceci dit. « Euh… » Je ne savais en revanche quoi répondre aux questions qu’il se posait. Il était évident qu’il désirait en savoir davantage et que la réponse était d’importance à ses yeux. Or, je n’avais pas envie de me tromper dans mes interprétations. « Pourquoi tu ne lui demandes pas ? Je pense que, comme toi, Lucy sera déjà très heureuse d’être maman, et ne se souciera pas du sexe du bébé, mais si tu veux en avoir le cœur net, tu peux toujours lui poser la question tu sais. »