« this is not of your business. »

Joe & Logan

Alors que Joe vient tout juste de m’expliquer son envie de me faire taire même si pour cela, il devait en venir à me tuer, j’esquisse un fin sourire amusé. Aller savoir si c’est réellement de l’amusement ou bien de la nervosité. Peut-être les deux, après tout. Je suis parfaitement conscient que je commence à pousser le bouchon un peu trop loin mais mon but est de le faire réagir. Je n’en ai pas fini. Je ne quitterais pas cette maison avant d’avoir obtenu de lui des aveux.

- Ressentir de la haine pour quelqu’un, c’est lui accorder de l’importance. Et si tu accordes de l’importance à quelqu’un, c’est effectivement que tu n’es pas une machine. Alors évite ce ton insensible avec moi, il ne marche pas, ni ne me fait peur, Joe.

Oui, je pourrais lui tenir tête durant des heures entières s’il le souhaitait. Lorsqu’il recommence à parler, au début, je peux comprendre son point de vue. Effectivement, il n’a jamais demandé à avoir autant de responsabilités et de devenir dépendants. Cependant, la suite de ses paroles me fait hausser les sourcils. Surprenant. Désespérant. Pathétique. S’il considère ses enfants comme un véritable fardeau, je ne peux plus rien pour lui. Je trouve ces mots forts et exagérés. Ce n’est pas non plus comme si on l’avait enchaîné à trois boulets. Il semble sincère même si une part de moi se plaît à penser que c’est la colère qui parle à sa place. Le fait qu’il blâme les deux femmes qu’il a aimé, je trouve ça un poil égoïste. Le fait est que lorsque Sasha elle, est tombé enceinte, j’ai tout de suite pris mes responsabilités et ce, à dix-sept ans. La raison ? Seules les femmes tombent enceintes. Nous, hommes, nous avons la chance de ne pas être encombrés d’un utérus. Je trouve donc normal d’accepter l’inconvénient qu’est la grossesse lorsque l’on se plaît uniquement à tirer son coup pour finalement partir juste après.

- Tu sais ce que c’est d’être père ? C’est avoir la chance de voir ses enfants grandir. Toi qui t’aimes tant, qui te trouve si parfait comparé aux autres, tu devrais être fier de savoir qu’une part de toi restera toujours chez tes fils et ta fille. Être père, tu comprendrais qu’à côté des inconvénients il existe bien des atouts. Tu le verrais tout ça si tu ne passais pas ton temps à te plaindre parce que Monsieur Joe Shark n’est plus le parfait petit connard qui se prend pour un dieu !

Effectivement, j’avais perdu de ma bonne humeur et ce, parce que je trouvais les paroles de Joe stupides et exagérées.

- Ce que tu vis, ça ne s’appelle pas de la malchance, mais tout simplement de la maturité ! Si tu détestes autant ta vie, si tu regrettes tant d’avoir des enfants et si tu es aussi insensible que tu veux le faire croire à tous, qu’est-ce que tu attends pour te débarrasser d’eux ? Les services sociaux, ça existe. T’as peur de quoi ? De regretter ? A ta place, je les abandonnerais et je reprendrais ma petite vie. Donc oui, c’est ce que j’ai fait en partant. Seulement, ce n’était pas pour des raisons aussi immatures que les tiennes. Alors oui, dis merde à ta famille uniquement pour redevenir un gamin capricieux. T’as toujours détesté ton père ? Ne t’inquiète pas pour ça, tu prends le bon chemin pour lui ressembler. A être aussi con, ils finiront par te détester eux aussi. Et quand ça arrivera, je te jure que si je te vois être triste, c’est mon poing que tu te prendras dans la gueule !

Les sourcils froncés, je continuais de fixer Joe. Je me fichais pas mal d’être dur dans mes paroles car dans le fond, il l’était tout autant.

- Je trouve immature de blâmer une femme parce qu’elle tombe enceinte alors que tu as dû te donner à cœur joie pour tirer ton coup. Si tu veux assumer tes responsabilités, fais le jusqu’au bout, ou bien ne le fait pas du tout. Donc oui, tu dois te dire que ta vie aurait pu être différente. Et la mienne alors ? Moi aussi je me demande à quoi elle aurait pu ressembler si à dix-sept ans je ne m’étais pas retrouvé avec un enfant sur les bras. Mais j’ai fermé ma gueule parce que si mon connard de père m’a appris une chose importante, c’est que si je suis capable de tirer mon coup, je dois être capable d’agir comme un homme, plus comme un enfant !

J’étais déçu par le comportement de Joe. Si je pouvais imaginer nettement ce qu’il avait pu être avant de d’apprendre son statut de père, je savais qu’aujourd’hui, il était davantage mature. Du moins, c’est ce que je pensais puisqu’à l’instant précis, j’avais l’impression que le connard d’avant refaisait surface. Finalement je pris ma veste afin de l’enfiler. Etonnamment, je n’avais plus envie de chercher à faire quoi que ce soit. Mais, juste avant de sortir, je reposais une dernière fois mon regard sur Joe.

- Il est loin l’homme qui me demandait des conseils pour se rapprocher de son aîné. Alors retourne à tes occupations de gosse gâté à qui tout réussi. Redeviens ce connard méprisant car tu as raison sur une chose : ainsi, on ne se serait jamais connu parce que les types comme ça, je ne les veux pas dans mon entourage.

Et finalement, je prenais la porte, le visage fermé. Une expression qui se détendit lorsque Connor posa son regard sur moi.

- Tu t’en vas ?

Je m’approchais de lui pour ébouriffer ses cheveux blonds.

- Oui. Je vais laisser ton papa se reposer. Hésite pas à m’appeler si tu veux.

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