Une dégénérescence du foie ?  Une sorte de cancer ? Non, avait répondu le médecin. L’ensemble s’avérait plus complexe, des examens complémentaires compléteraient le premier. Aussi bonne sa mutuelle soit elle, Cailin n’avait pas de quoi se payer une montagne d’examen et un traitement à rallonge. Sa vie ne s’achèverait pas dans la moisissure d’un corps incapable de remplir ses fonctions. Son glorieux destin ne pouvait prendre fin ainsi. Ses morts plus glorieuses ou calme lui passaient sous le nez.

« A ce rythme là, vous serez hospitalisée dans trois mois. » La suite sortie d’un brouillard si épais qu’elle en fut incompréhensible. Cailin avait dû plonger sa tête dans un bocal. Les sons raisonnaient amers et tragique. «Faites les tests, Mademoiselle. Nous trouverons peut être la cause rapidement. »

Une poignée de main plus tard et Cailin finissait les fesses sur le siège d’un bar. Longuement, son verre de vodka la contemplait avec ironie. La seule raison valable, que son esprit lui affichait pour s’expliquer sa maladie, restait ce liquide translucide. Inéluctable dette. Cailin payait pour tous les ivrognes de sa famille et les générations à venir. Deux heures plus tard, elle portait ce foutu verre à ces lèvres et engloutissait l’ensemble cul sec. Une toux la secoua violemment alors que le shooter claquait contre le bois du bar.

« Un whisky maintenant ! »

Quelques hommes séduisant, un ou deux verres qui se font payer  et le barmaid prenait pitié. La petite blonde ne le laissait pas de marbre. Cette petite donnait gratuitement des cours à son petit neveu. Aussi, il attrapa son portable pour appeler l’un des hommes présents sur la liste. Le dernier numéro effectué. Heureusement qu’elle n’avait pas appelé Joe ou William un peu plus tôt, mais son fidèle ami, Ian. Un ami qu’elle voyait un peu moins dernièrement. Ne délaissant que rarement un ami si précieux, et surtout l’un des rares avec qui elle avait réussi à nouer des liens, une explication avait été fournie. La journaliste s’occupait d’un ami, en pleine déprime, parce qu’il avait perdu un être cher. A la lueur aussi inquiète que coupable dans le regard de la blonde, Ian n’avait pas besoin d’un dessin pour réaliser que son amie, s’adonnait probablement à l’adultère. Fiancée depuis quelques mois, Cailin avait rapidement montré sa bague à Ian avant de la ranger au fond de son sac. N’importe quelle femme aurait exhibée sa pierre précieuse, sauf Cailin. Une femme intègre, droite et rempli de principes, enfin, presque. Elle savait obtenir ce qu’elle voulait, travaillait dur pour l’avoir et s’était toujours vanté de vouloir fonder une famille. Pourtant, elle pensait bien plus à sa carrière qu’à sa famille. Indépendante, pleine de vie, séduisante et pétillante, la blonde se dressait des barrières, s’imposait une vie qu’elle ne désirait pas, par crainte du démon au fond d’elle. Que deviendrait-elle avec un verre en trop ? Pour le moment, elle ne sentait pas de différence. Elle avait aligné son troisième verre et rien ne se déroulait comme dans les films. Pas d’euphorie, pas de terre qui tourne, pas de bouffée de chaleur. Rien, juste une envie de croiser ses bras sur le comptoir et poser sa tête dessus. La pudeur s’envolait pour la laisser, elle et sa mini jupe, un pied sur un tabouret, l’autre la barre d’appui un peu plus bas, un coude au comptoir , la mâchoire sur la paume de main et tout son glamour s’envolait. Quelques petits malins cherchaient à regarder sa lingerie et s’en régalaient. Mais qu’est-ce qu’elle en avait à faire, elle ? Hum ? Soudain, un rire se fit entendre, elle se leva d’un bond. Grimpant maladroitement sur son tabouret, elle hurla à la salle.

« Si quelqu’un paie sa tournée, je danse sur le comptoir ! »

Etrangement, la tournée ne se fit pas attendre et le bois du comptoir fut l’heureux territoire d’accueil d’une poupée blonde particulièrement amochée. Ondulant, se tortillant et tournoyant, le barmaid avait de quoi se régaler ce soir. La veste ne tarda pas à tomber alors qu’elle se penchait pour boire dans le verre d’un autre, parfaitement inconnu. Avouons, qu’une poupée pareille qui se déhanche, et avec grâce, ça n’arrivait pas tous les jours. Cailin avait pratiqué de la gymnastique rythmique et acrobatique plus jeune.  Souple, agile, petite et particulièrement bien coordonnée, son corps parvenait encore à laisser paraître un rendu agréable pour les yeux.