La prison. Cailin connaissait plutôt bien. L’année de ses dix-sept ans, elle avait fait deux mois de prison dans un centre pour mineur. Elle avait écumé les centres de redressement et malmené plus d’une gardienne. Heureusement, cette tare et tâche sombre sur son passé avait été effacé. Un juge assez clément avait comprit son besoin d’un nouveau départ et lui avait offert l’opportunité de se racheter envers la société. Si Cailin se montrait superficielle, un peu distante et toujours intouchable, la vie était toute autre pour ceux assez proche.

Ainsi, elle avait lié une forme d’amitié avec une bêta, Lubja. Une femme aussi ravissante qu’intelligente. Pourtant, elle avait sombré et Cailin n’avait pu qu’assister à la chute, impuissante. Impuissante mais pas inutile. En apprenant la nouvelle, Cailin s’était assurée qu’aucun communiqué n’arriverait à la central des journaux et diverses presses. Jouant des coudes, des décolletés et talons aiguilles, Cailin était parvenue à ses fins. Heureusement que le monde était dirigé par des hommes, les femmes pouvaient mieux les manipuler par la suite.

Cailin n’était habituellement pas affectueuse, une façon d’être. Pourtant, elle accepta l’accolade de la brune sans la moindre gêne. Dans cet univers qu’est la prison, il fallait savoir apprécier les petites choses comme une visite.

« Bien sûr. Et toi jolie cœur ? » Interrogea Cailin pour entrer dans son jeu.

Un clin d’œil lui fut même adressé alors qu’elles prenaient chacune place sur leur siège. Un rapide regard courut sur son interlocutrice pour s’assurer de son état de santé. Après avoir discuté d’un peu tout et rien du tout, Cailin se décida à arriver au principal de sa visite.

« Je suis venue pour te parler de la presse. » Une pause fut marquée pour que Lubja comprenne bien que le sujet devenait important. Pour éviter tout malentendu, Cailin expliqua « Je ne suis pas ici en tant que journaliste rassures toi. J’ai obtenu que la majorité de la presse ferme les yeux. » Ouvrant son sac, qui avait été au préalablement fouillé à l’entrée, elle tendit un petit carnet à Lubja. « J’ai noté ici tout les noms et les photos des journalistes qui pourraient venir t’importuner. Je doute qu’ils viennent réellement mais au moindre problème, ne répond jamais rien d’accord. Tu te contente de sourire et marcher lentement et n’hésite pas à m’appeler. »

Gérer la presse, se charger de l’image de Lubja en somme, en voilà toute une affaire. Cailin le faisait sans la moindre intention cachée, ou juste celle d’aider une fille qui se trouvait dans la même situation que la sienne des années auparavant. Heureusement, elle, elle avait pu changer de nom et d’identité. La presse l’avait aussitôt lâché, après quatre années de harcèlements en tout genre.

Depuis quelques temps, les visites fusaient pour moi. Ça avait commencé par Aidan, et puis il y avait eu toutes ces personnes importantes pour moi. June pour commencer, ainsi que Sloan. Ou encore Aislynn. Et voilà que c'était au tour de Cailin maintenant. A chaque fois qu'on venait me chercher pour m'emmener dans les salles des visites je me sentais en quelque sorte revivre. Je voyais des têtes de l'extérieur et cela me prouvait que l'on ne m'oubliait pas a l'extérieur et que les gens tenaient toujours autant a moi malgré ce qui a pu se passer. Bon après tout, ce n'était que de la légitime défense. Personne ne pouvait vraiment m'en vouloir ou même avoir peur de moi. Ce n'était pas comme si j'étais une psychopathe après tout. Je suis juste une femme qui n'a fait que de se protéger contre plus fort qu'elle, bien qu'apparemment j'ai été la plus forte cette fois-ci. " Je vais bien merci " Je ne savais pas quoi d'autres lui répondre. Je n'allais pas non plus au meilleur de la forme, mais je n'allais pas mal non plus, donc bon. Je faisais juste avec ce qui me venait. Je vivais de ce que la vie fait de moi. Lorsque la belle blonde me parla de ce pourquoi elle était réellement venue je souris. C'était adorable de sa part de faire ça. Au vu de ce qu'avait pu me dire Aidan l'histoire avait tout de même fait la une des journaux, mais grâce a Cailin mon prénom n'avait jamais été mentionné. Ce qu'Aidan ne m'avait pas dit. Alors bien sur que ça me rassurait. Une fois que je serais dehors je pourrais retrouver manette vie d'avant sans qu'il n'y ait des tonnes de journalistes autour de moi, me posant des questions sur ce qui s'est passé. Et cela grâce a Cailin. Je pris le carnet qu'elle me tendit et le parcourut. "C'est adorable, merci beaucoup!... Je ne sais pas comment te remercier" Sur le coup je ne savais pas, mais ce que je savais c'est que j'allais évidemment faire quelque chose un jour pour la remercier de ce grand geste qu'elle avait fait la pour m'aider et m'éviter tout un tas de médias autour de ma petite personne. "Et sinon qu'est ce que tu peux me raconter sur le monde extérieur?" Je lisais les journaux que la prison nous donnait, mais ça ne vaut pas ce que l'entourage peut nous raconter d'elle-même.

Un simple sourire apparu sur le visage de la blonde. D’une main, elle rabattit une mèche de cheveux derrière une oreille. La gêne, moteur de cette soudaine agitation, poussa du rouge sur chacune de ses joues. Les émotions et sentiments ne semblaient autrement jamais outrepasser le stade de la pensée. Pourtant, aujourd’hui, la timidité maladive de Cailin revenait à la surface. Inspirant profondément alors qu’elle joua de la pointe de son pied contre le pied de la table, elle reprit contenance.

« Je ne suis pas ici en quête de reconnaissance, tu sais. »

En sommes, elle ne quémandait aucune attention particulière ou remerciement. C’était un geste purement instinctif, pour chasser les journalistes, leurs mettre des bâtons dans les roues et se venger de ce qu’ils avaient pu lui faire subir plus jeune. Elle avait fini sur le bucher de la presse, la vie détruite.

« Je ne sais pas si on t’a parlé du meurtre à Berkeley ! Ca a bien remué. On a été bloqué dans la ville interdit de partir. J’ai dû surveiller les petits jeunes. Je dois avouer que j’ai pas eu à me plaindre quand il était question des Delta ou des Iota. Des bons petits bouts. Il y avait des horribles fautes de goûts, je te l’accorde mais bon, ils sont jeunes.»

Elle offrit un clin d’œil à Lu’ prouvant qu’elle ne faisait que la taquiner. Après tout, elle ne faisait que parler plaisanter. La vie ne devait pas être drôle en prison, même si c’était de la surveillance minimum, avec la possibilité de se mouvoir dans un endroit clos certes mais c’était toujours mieux que le trou.

« Et toi ? Comment tu t’en sors ? D’ailleurs, dans combien temps est-ce que tu sors ? Tu sais où tu vas après ? Si tu as besoin j’ai une chambre d’ami. »

Levant la main, elle posa un doigt sur sa bouche, laissant remarquer qu’elle parlait trop, trop de questionnement tuait la discussion. Mais après un tel séjour en prison, reprendre la vie normale restait difficile. Elle le savait pour l’avoir vécu. Reprendre des horaires. Reconnaitre les règles. Sociabiliser à nouveau dans d’autres convenances sociales que celles de la prison… Un véritable enfer.

Cailin écarquilla les yeux. Alors elle n’était réellement pas informé pour le meurtre. Dans un pincement de lèvres, la blondinette sorti un vieux journal de son sac. Rien ne pouvait réellement surprendre puisqu’elle était dans le journalisme après tout. Personne ne doutait que sa manie à fouiner dans les moindres recoins avait porté ses fruits. Autant informer un peu la brunette. Certes, Cailin était venu pour lui changer les idées mais celles-ci semblaient bien sombres pour une jeune femme en prison. Tant pis, elle changerait de sujet plus tard.

« C’est lui. » Souffla-t-elle en lui présentant l’article paru, une forme d’éloge funèbre.

Les compliments et la célébrité arrivaient un peu tard pour ce brave gamin que personne ne connaissait avant cet incident malheureux. Il se serait bien passé de cette publicité pour continuer à vivre sa vie. Un hommage tardif plus voué à calmer la fureur de parents ravagés.

« Il est tombé sur la terrasse en plein milieu du bal. J’ai bien voulu monter sur les lieux mais je suis arrivée après les flics. Toujours là où il ne faut pas eux! »

Comme si les policiers n’étaient que des parasites qui l’empêchaient de faire son travail, Cailin balaya l’air de la main. La police et les autorités en général n’avaient pas bonne presse dans le cœur de Cailin. Un passé un peu trouble l’avait définitivement fâchée avec eux.

« Enfin, tombé… on l’a poussé quoi. » Précisa-t-elle en laissant le temps à son interlocutrice de lire le petit article. « Mais ca ne réjouira pas ta journée me semble-t-il. » Finit elle par conclure dans un doux sourire.

Glissant l’article dans son sac avec précaution, la maniaquerie de Cailin ne passait jamais inaperçu, son regard se glissa sur celui de la brunette. Elle n’avait pas si mauvaise mine. Après tout, elle n’était pas dans une prison haute sécurité non ? Elle pouvait bouger… à l’intérieur de la prison. Mais par expérience, Cailin savait que la réadaptation à l’extérieur pouvait être douloureuse.

« Oui, si tu as besoin de quoique se soit. D’ailleurs, il faudra fêter ta libération avec une petite soirée entre filles pour chasser du mâle. »

Dans un clin d’œil, Cailin signifia qu’effectivement, elle serait partante pour la soirée mais qu’elle n’avait pas pour habitude de chasser du mâle. Oui, elle les séduisait, les tentait pour mieux les laisser sur leur faim. Personne ne pouvait réellement être digne d’elle. Surtout qu’elle était fiancée à présent, une nouvelle qu’elle n’avait encore annoncée à personne. En y repensant, c’était probablement anormal comme réaction. Toutes filles brandiraient à tout va sa bague de fiançailles. Elle, elle la cachait au fond de son sac.

Elle ne le connaissait pas affirmait elle. Un soulagement s’empara aussitôt de Cailin. Il aurait été malheureux de lui apporter de sombres nouvelles dans cet endroit lugubre. Certes, la pauvre victime restait une pauvre victime mais elle était inconnue au bataillon. Même si l’affaire restait triste et troublante, elle n’entacherait pas la vie de Lubja durant trop de temps, moins que s’il avait été question d’un proche ou d’une connaissance.
Mais la question de Lubja la laissa perplexe. Pourquoi tuer ? Il y avait tant raison possible. Si Cailin restait une pacifiste dans l’âme, elle ne reniait pas pour autant son côté animal, bestial… Pour l’avoir vu, l’avoir vécu, elle savait que les hommes restaient un animal mauvais et sombre. Tuer un semblable pouvait prendre plusieurs formes et parfois être motivé de multiples raisons. La vengeance, la jalousie, la survie, le pouvoir, les croyances… Tant de motivation futile au fond.

« Je ne sais pas. J’essaye d’enquêter un peu mais je ne pense pas avoir beaucoup de chance de trouver la personne qui a fait ça ni pourquoi elle l’a fait. » Souffla Cailin dans une pointe de déception.

Mais revenons aux choses sérieuses. Tout l’intérêt d’être ici était d’apporter un peu de lumière à sa camarade. Une soirée ? Avec plaisir ! Elle viellerait à ce que tout se déroule au mieux pour cette dernière. Bien sûr, elle était loin d’être une experte sur la façon dont une fête se menait. Elle avait toujours été une fille sérieuse… Toujours. Enfin si on retirait la vente de drogue, les effractions, la manipulation et les multiples vols à son encontre évidemment… C’était du passé tout ça. Il la rattraperait sous peu mais elle l’ignorait encore.

« Ne dis pas de bêtise. Tu ne me dérangeras pas ! » Souffla Cailin en battant l’air d’une main. De toute façon, si Lubja ne donnait plus de nouvelles, Cailin se chargerait d’aller en chercher. Elle ne la laisserait pas toute seule. La réinsertion pouvait réellement être une terrible épreuve ! « Tu risquerais surtout de me chopper à gérer deux gamins infernaux, de la purée dans les cheveux… »

Elle rit de bon cœur en pensant à ses deux têtes blondes : Simon et Lea. Certes, elle cassait un peu le mythe de la femme parfaite. Et alors ? Elle n’avait pas en face d’elle une personne avec qui il convenait de se cacher. Elle n’était pas réellement leur mère mais à ses yeux c’était pareil. Depuis quatre ans déjà, elle s’occupait d’eux comme de ses enfants. Parfois, elle souffrait de ne pouvoir réellement les voir plus souvent.