L’été commençait, les vacances aussi. Les beaux jours étaient arrivés, même si les choses étaient légèrement mouvementés sur le campus depuis le bal, mais au final, le traintrain quotidien de la vie reprenait, la terre n’avait pas arrêté de tourner à cause d’un simple incident. Certains avaient été plus ébranlés que d’autres, mais au final la plupart des gens dans San Francisco se foutaient bien de ce meurtre. C’était aussi le cas de Casey. Non, il n’aurait pas besoin d’aller consulter un psychologue pour se débarrasser de cauchemars le hantant depuis qu’il avait vu le pauvre omicron mort. En fait, il ne se souciait même plus de cet évènement. Qu’on se le dise, bien des choses s’étaient passés entre temps dans sa vie. À commencer par cette histoire de Léo avec ce maudit anglais. Si un omicron aurai bien dû tomber du toit, ça aurait dû être ce Mavis selon Casey! En fait, dans les faits, le Delta préférait simplement ne pas repenser à cette histoire. Oui, dans les premiers temps ça l’avait fait rager, puis ça l’avait déprimé, en ce moment, il était de retour dans un semblant de normalité. Semblant parce qu’il avait perdu le gout de la chasse. Il buvait, il sortait, il passait du temps avec ses amis, mais ses beaux jours de tombeur n’étaient plus. Les filles étaient devenues en quelque sorte fades, comme si si elles n’étaient pas Léo, elles n’en valaient pas la peine. Ou peut-être justement, Léo lui avait montré que les filles n’en valaient pas la peine. Qu’elles finissaient toutes par foutre le camp avec le premier maigrelet à la tête de gosse qu’elles croiseraient. Enfin, bref, le New-Yorkais avait fini par se l’admettre; oui, il pouvait être jaloux, oui, il était frustré et oui… il avait pour Léo des sentiments dépassant l’amitié. Sauf qu’il l’avait réalisé trop tard, et maintenant, il se devait de l’oublier. Pas question qu’au retour de la Beta, elle tombe sur un Casey faible et désespéré. Non, d’ici là, il l’aurait oublié, rayé. Au final, cette distance était la meilleure chose pour qu’il puisse se remettre sur pied. Et puis, en réalité, il ne passait plus vraiment beaucoup de temps à ruminer sur le cas de sa meilleure amie, parce depuis quelques temps, de nouvelles fonctions lui avaient été octroyées puisqu’il était devenu bras droit de Kenzo. Oui, il était à présent membre de la trinité des Betas-Deltas. Position à laquelle il avait rêvé mais jamais réellement aspiré. Autant dire que son père avait été bien fier en apprenant la nouvelle. Mais jusqu’à ce jour, il n’avait pas eu grand-chose à faire en réalité mis à part organiser quelques trucs et discuter avec Valentina et Kenzo.
Jusqu’à ce jour oui, car cette fin d’après-midi-là, le Delta avait donné rendez-vous à un nouveau membre de la confrérie devant le complexe sportif. Bon, ce n’était pas vraiment parce qu’il était bras droit que c’était de sa responsabilité de s’occuper du bizutage de son nouveau confrère, mais c’était tout de même sa première tâche à accomplir depuis qu’il avait ce nouveau titre.

Le New-Yorkais était arrivé au point de rendez-vous fixé via message texte avec le nouveau Delta quelques minutes avant l’heure fixée. Il lui avait bien précisé que son bizutage ne durerait pas bien longtemps, pas comme certains autres bizutés qui avaient à passer toute une journée à être aux ordres d’un plus ancien membre ou un truc du genre. Mais cela était-il une bonne chose au final? C’était encore à voir. Au loin, il vit finalement l’ombre de son nouveau confrère se dessiner. Un sourire naquit sur les lèvres de l’étudiant en gestion. Ils allaient bien s’amuser… En tout cas, lui allait bien s’amuser, pour Aiden, c’était à voir! Lorsque l’autre brun fut assez près, le premier venu s’exclama : « J’espère que tu n’as pas oublié l’appareil photo que je t’ai demandé d’emmener ». Avec un sourire, il lui tendit la main « Casey Morello, Bras droit du Président de Confrérie, enchanté d’enfin faire ta rencontre.

Fraichement intégré dans la confrérie que je convoitais depuis quelques semaines, je n'avais pas pu échapper au passage obligatoire qu’est l’épreuve du bizutage. Epreuve dont je me serais bien passé soit dit en passant. Ce sont des choses drôles lorsqu’on a dix-huit ans,  mais à désormais je n’avais vraiment aucune envie de devoir me soumettre aux ordres de mon sois disant supérieur hiérarchique de la confrérie ; et encore moins d’être son larbin. Dans confrères, il y a « frères » non ? Et en aucun cas je n’accepterais bien longtemps de me faire traiter comme un moins que rien bien longtemps ! C’était hors de question ! Je devais me plier aux traditions pour entrer dans le cercle mais c’était bien clair, je ne me laisserais pas rabaisser.
Pour autant je n’ai jamais rien eu contre une bonne déconnade, et c’est aussi pour ça que j’avais choisis de rejoindre les Deltas. Outre le fait qu’ils étaient tous comme moi, sur le plan physique comme moral, nous partagions les mêmes valeurs et avions la même visions des choses, et surtout des relations avec les femmes. En parlant de femmes, ce point important a aussi été un élément très important dans mon choix de pavillon. J’avais la chance de partager la même maison que les plus belles du campus. Que demander de mieux ? De charmantes demoiselles et leurs pyjamas party à deux pas de ma porte ? Quel homme sur terre ne rêve pas de ça ?!  Je réalisais donc un des plus importants fantasme masculins. Et puis aucune règle n’interdit les relations avec nos consœurs, bien au contraire. Alors pourquoi s’en priver ? Avant même de faire partie de ce groupe, j’avais déjà partagé quelques-unes de mes nuits avec certaines d’entre elles. Et je passais déjà une bonne partie de mon temps dans le bâtiment qui est désormais le miens.
Mais faire partie d’une confrérie avait d’autres inconvénients que la seule étape du bizutage, je renonçais à mon indépendance. Mon appartement, ma vie de célibataire. Je devais désormais me plier aux règles établies par la trinité  et devais partager l’endroit dans lequel j’allais vivre. Mais la vie en communauté avait aussi de nombreux avantages et les fêtes auxquelles j’avais l’occasion de me rendre allaient se multiplier. Faire partie d’une confrérie, c’est se créer un réseau, tisser des liens forts. Ma mère avait été présidente de la sororité Beta, à l’époque où ce n’était qu’une sororité, non mixte. Elle serait fière de voire que je suis ses traces, du moins je suppose. Et puis elle avait rencontré mon père et avait choisi un droit chemin. Elle n’était pas une vraie allumeuse, comme le sont les Beta désormais, c’était juste une jolie fille populaire et charmante qui se mettait un point d’honneur à se faire désirer. J’étais donc un digne héritier, et j’avais bel et bien ma place ici. Je l’avais tout aussi parmi les Epsilon, au vues du passé de mon père ancien doyen de cette confrérie, mais je ne m’y sentais pas pour autant à ma place. Ici je me sentais parmi les miens, auprès de gens qui me ressemblent.  
J’avais été intronisé peu de temps avant le bal de promo, mais mon appartenance ne se ferait qu’une fois le bizutage terminé. Je n’avais en rien peur de ce qui allait m’arriver car je n’ai honte de rien. Si l’on me demandait de courir nu dans le couloir des filles, je le ferais. Ils verraient bien que je suis monté comme un étalon et cela pourrait même être une excuse pour augmenter ma popularité auprès des filles. Ce que je redoutais c’était d’en arriver aux mains avec la personne en charge de mon intégration, dans le cas où je refuserais d’être son sous-fifre. Mais une fois cette tâche terminée, à moi la place chez les Delta et les strings à gogo !
Pour le moment l’heure était à la partie ingrate, mon bizutage allait commencer. Casey m’avait convié à celui-ci, il avait été assez bref, ne dévoilant aucun détail. Il voulait très certainement faire durer le suspense et c’était chose faite. Il m’avait simplement indiqué la date et le lieu du rendez vous. Je n’avais pas le droit de ne pas m’y rendre. Non pas par peur, mais simplement parce que je n’avais aucune envie d’assister à ma propre humiliation. Il m’avait aussi demandé de ramener un appareil photo. Et puis quoi encore ? Une caméra vidéo ou une GoPro tant qu’il y ait. J’étais déjà parti quand je me rappelais ce détail. Mon téléphone ferrait l’affaire. Il n’était pas au courant qu’avec les nouvelles technologies, les androids avaient un objectif tout aussi net et puissant que certains appareils photo ? A quoi bon s’embêter. J’arrivais à l’heure au point de rendez vous, et je rencontrais pour la première fois celui qui avait été fraichement promu bras droit du président.
«  Enchanté Aiden Williamson, mais tu dois me connaitre puisque tu es celui en charge de mon humiliation. Mais prend garde, tu as beau être mon sois disant grand frère, si tu t’acharne, je ne t’épargnerais pas. »  Dis-je en rigolant. Le bizutage était une étape à laquelle nous étions obligé de nous plier. Mais je n’étais malheureusement pas docile. Je ne voulais pas avoir de problèmes avec la trinité, mais je ne voulais pas pour autant passer pour un pigeon, alors autant mettre les choses aux clair dès le début. «  J’ai un téléphone qui fait d’assez bonnes photos, ça devrait aller non ? »

Oui, les bizutages, c’était un peu idiot et immature. Il y en avait certains biens amusants et d’autres justes humiliants, mais c’était une tradition très américaine, et on ne pouvait pas passer à côté. C’était mythique en quelque sorte. Sortir diplômé d’une université américaine en ayant fait partie d’une confrérie sans être passé par ce rituel, c’était avoir échoué quelque part tout de même. Casey se souvenait bien du sien, et il avait été bien content à l’époque d’avoir été en compagnie d’autre nouveaux venus… jusqu’à ce qu’il apprenne ce qu’il aurait à faire. Rien de douteux et d’honteux, mais c’était totalement pénible de jouer les esclaves pour les plus anciens. Sur le coup, il avait ressenti de l’appréhension et parfois de la frustration – parce que rater son bizutage, c’est se ramasser en dehors de la confrérie dans le pire des cas! – mais aujourd’hui, tout cela le faisait bien rien. Une chose était certaine, ç’avait créé des liens entre lui et les autres membres de la confrérie. De savoir que tous étaient déjà passés par là avant et que les autres à venir y passeraient aussi, c’était ce qui aidait à sentir lien d’appartenance avec la confrérie et ses membres passés et futurs. Évidemment, avec le temps, il y avait bien plus que ça; les traditions, les réunions, les fêtes, les amitiés et bien sûr, le fait de tous vivre à cet endroit qui était connu comme la résidence des Beta Delta Psi. Avec un peu de chances, un jour peut-être, le nouveau Delta qu’il allait bizuter allait finir par sentir cette attachement à la confrérie et comprendrait que tout cela commençait avec son bizutage! Évidemment, il y avait toujours une chance que l’autre ne se présente pas et Casey sentit une vague de soulagement lorsqu’il vit Aiden marcher vers lui. Il semblait plein d’assurance, mais ce n’était pas surprenant; le New-Yorkais en savait pas mal sur sa « victime », après tout, il était bras-droit du président de la confrérie, faire la communication entre les membres et la trinité, c’était son devoir à lui, alors il se devait de connaitre tous les membres que ce soit par leur dossier ou personnellement… du coup, l’étudiant en gestion savait très bien qu’Aiden n’était pas un petit jeune de 18 ans tout frais sorti du lycée qui ne savait rien de rien de la vie sur le campus.
C’est l’ancien Delta qui engagea la conversation en premier, et la réponse du nouveau venu le fit rire tandis qu’il lui serrait la main. Il avait bien venu; Aiden ne serait pas du genre docile et prêt à tout faire, c’était donc une chance qu’il avait choisi quelque chose de court et facile à accomplir. C’était bien plus amusant de torturer les gamins perdus que les étudiants farouches comme celui devant lui! En fait, au final, à moins que tout tourne de travers, ce serait plutôt eux qui allaient s’amuser au dépend de membres d’une autre confrérie. « Aucun acharnement, ne t’en fait pas. Si tu donnes du tiens, on pourrait avoir fini dans les 15 prochaines minutes. Rien de trop long comme j’avais promis. » Il termina sa phrase avec un grand sourire qui pouvait rien augurer de bon dans pour quelqu’un d’un minimum suspicieux.
« Un téléphone… mwais, ça devrait faire l’affaire. » De toute, avec la technologie de nos jours, oui ça le ferait. Casey hocha la tête comme pour donner son approbation et fit signe à son compagnon l’accompagner à l’intérieur du complexe en se mettant en marche. Plutôt que de se rendre directement à l’étage des vestiaires des filles, le New-Yorkais choisi le chemin le plus long, presque comme s’il faisait une visite guidée à son nouveau confrère. Certes, il aurait pu faire ça expéditif, mais le but de tout ça était de créer et resserrer les liens entre membres non? Alors, pourquoi pas discuter un peu, faire connaissance un peu plus et surtout, mettre en confort le brun à ses côtés. « Petite question parce que je suis curieux : ça fait un moment que tu es à Berkeley, non? Alors pourquoi rejoindre une confrérie seulement maintenant? Et surtout… pourquoi avoir choisi les Deltas en particulier? » Oh, ce n’était pas que Casey le pensait non qualifié pour rejoindre la confrérie, mais c’était réellement par curiosité et pour en savoir un peu plus sur lui. Aiden était son aîné, ça aussi il le savait, alors voilà, tout le monde avait son histoire, son parcours et ses raisons, et le bras droit se demandait quels étaient ceux de l’étudiant en droit et sciences politiques et puis surtout, ils avaient encore un peu de temps à tuer s’ils ne voulaient pas se faire attraper la main dans le sac!