vendredi soir, lexington club. cassie&ezra. C’était une de ces soirées comme Ezra les aimait bien. De la bonne musique, certes un peu assourdissante, une salle suffisamment pleine de monde pour faire des rencontres satisfaisantes, mais pas assez pour se sentir oppressé, de l’alcool qui coulait à flots à condition d’avoir prévu le budget nécessaire à cet effet. Ezra s’était rendu au Lexington Club accompagné de sa bande habituelle – seul Sam faisait exception, pour une obscure raison que le Iota n’avait pas vraiment comprise, mais, fidèle à lui-même, il ne s’était pas pris la tête outre mesure, bien trop égocentrique pour cela. L’arrivée imminente de l’été avait ceci de positif que les garde-robes des demoiselles, déjà légères par tous les temps de l’année grâce au climat généralement agréable de la Californie, étaient passées au strict minimum. Ce fut donc avec un plaisir non dissimulé qu’Ezra avait contemplé les innombrables paires de jambes interminables et bronzées et les décolletés généreux des jeunes femmes qui fréquentaient l’établissement. Bon nombre d’elles, en l’apercevant, lui avaient adressé des œillades franchement pas difficiles à interpréter, et Ezra n’avait eu qu’à faire son choix parmi toutes les délicieuses créatures qui arpentaient le sol du Lexington. Le jeune homme était habitué à ne pas avoir à se fouler outre mesure pour se dégoter une agréable compagnie pour une partie de la soirée. Éventuellement, il sortait son portefeuille pour offrir une boisson à une demoiselle, sinon, il se contentait de savourer les corps à corps langoureux avec celles qui seraient les objets de ses désirs pour la demi-heure à venir. Ce soir, pas moins de six demoiselles avaient succombé à son regard azuré, deux d’entre elles ayant carrément fait le premier pas, décidées à mettre le grappin sur cet Apollon dont la réputation au sein de l’université n’était plus à refaire. Inutile de préciser que sitôt la demoiselle disparue, voire plus tôt dans bon nombre de cas, Ezra avait oublié jusqu’au nom de celle-ci, et quelques minutes plus tard, son existence. Il ne fallait pas compter sur Ezra Rosewood pour jouer les amoureux transis, ou les romantiques irrécupérables – il était totalement à l’opposé de ce portrait, et cela lui convenait parfaitement comme ça. Le jeune homme n’avait qu’une idée en tête : profiter dignement de sa soirée pour décompresser de toute la pression (certes parfaitement soutenable, dans la mesure où Ezra ne laissait rien ni personne le stresser, et ce, sous aucun prétexte) qui lui avait été insufflée au cours des derniers mois par ses études. Enivré par la musique, les quelques verres qu’il avait avalés au cours de la soirée, et par le parfum de chacune des divines créatures qu’il avait eu l’occasion de côtoyer ce soir, Ezra baignait dans une félicité dont il ne se lassait pas. Les heures passèrent, toutes semblables entre elles, toutes aussi agréables les unes que les autres. Peu à peu, le jeune homme avait vu ses acolytes s’en aller, accompagnés ou non, mais ne s’en était absolument pas soucié outre mesure – la seule personne dont l’absence pouvait, dans certains cas, lui déplaire, c’était Sam, et Sam n’avait même pas pointé le bout de son nez ce soir, autrement dit, Ezra n’avait à tenir compte de personne. Autrement dit, tout était parfait, pour ce grand égoïste irrécupérable.

Ce fut aux alentours de trois heures du matin, après s’être débarrassé de la sixième demoiselle, que l’alcool avait rendue des plus collantes et oppressantes, qu’Ezra commença à songer à s’en aller, même si la nuit n’était pas encore terminée. Il songea à rejoindre une des rares personnes dont la compagnie ne le lassait jamais, mais il fut rapidement dissuadé en apercevant une silhouette familière à quelques mètres de là où il se trouvait. Assise à côté d’un inconnu, sirotant un verre avec une mine qui témoignait clairement que c’était loin d’être son premier, se trouvait Cassandre Scofield, sœur jumelle de son meilleur ami. Si Sam était la seule personne à qui Ezra tenait clairement, sa sœur, sans être proche de lui, occupait également une place particulière aux yeux du Iota. En effet, elle était la seule jeune femme à qui il n’oserait jamais toucher, de peur des représailles terribles auxquelles il pouvait s’attendre de la part de Sam. Cassandre était en quelque sorte sacrée, intouchable. Il la connaissait depuis sa naissance, l’avait vue grandir, et avait fini par développer quelque chose qui ressemblait à de l’attachement pour elle – en tout cas, suffisamment pour se rendre compte qu’il ne pouvait décemment pas la laisser là, seule avec ce gaillard dont les intentions n’étaient probablement pas des plus nobles. S’il arrivait quelque chose à Cassandre alors qu’Ezra avait été dans les parages, les conséquences seraient dramatiques – et bien que la culpabilité n’ait jamais fait partie des émotions ressenties par Ezra, celui-ci savait bien qu’il ne se sentirait pas au mieux de sa forme si une pareille chose venait à arriver. Il parcourut donc en quelques enjambées la distance qui le séparait de la demoiselle, qui n’avait pas remarqué sa présence. Il posa une main sur son épaule pour attirer son attention, et lui glissa à l’oreille : « Je pense que t’as assez profité pour ce soir, Cassie. Et si on rentrait ? » Pas besoin de se répandre en salutations et autres formalités totalement futiles, ils avaient dépassé ce stade – et surtout, Cassie savait, malgré le caractère absolument pas fiable et totalement imprévisible d’Ezra, qu’elle n’avait pas à s’inquiéter quand elle était avec lui. La seule personne qui semblait pouvoir poser problème, c’était ce mec à ses côtés, qui visiblement n’était pas ravi de voir sa proie lui glisser entre les doigts. Il s’apprêta à riposter, l’air menaçant, mais Ezra coupa court à son manège en lui lançant un regard glacial, dont l’effet était systématiquement radical. « Elle est avec moi. » susurra-t-il d’un ton sans réplique, avant de détourner le peu d’attention qu’il avait eue pour ce type et de la reporter sur Cassie. « Allez, viens. »