Ce que j’avais passé la journée à faire ? Ecouter des gens parler dans un amphithéâtre avec dans la tête la seule envie de sortir, et vite. Je pouvais trouver une excuse, mais j’étais secrètement passionné par tout ce que le mec racontait dans son microphone, en même temps, je n’avais pas choisi la psychologie pour rien ! On parlait du cerveau humain, de son fonctionnement, à travers ces cours, chacun d’entre nous apprenait à connaître mieux une personne de notre entourage. Mais sérieusement là j’en avais rien à foutre. Je me dissipais carrément entre ses élèves dont l’attention était soit fixée sur le monsieur qui parlait, soit sur les moindres faits et gestes de leurs ennemies ou encore de ceux qui se plongeaient dans une phase de télépathie avec leurs meilleurs amis. Loin. C’était loin de ma réalité. Je voyais quand même les quelques regards curieux qui se demandaient si c’était bien moi, j’avais envie de leur faire peur, de leur faire drôlement peur et de rigoler à plein nez de leur réaction. Saloperie. Après tout, je suis une saloperie. Une saloperie immobile qui regarde et écoute le monde hypocrite qui l’entoure. Je suis mieux que ça, toutes les saloperies sont mieux que ça, les saloperies de mon genre sont bonnes à faire des saloperies, et rester dans une salle là, en regardant le peuple, c’est pas super, super comme saloperie. J’avais envie de réagir brusquement, de briser l’attention de chaque personnes, mais j’avais trop la flemme. La flemme, c’est toujours l’aîné de mes soucis, le gros frein. Etre plus fort que sa flemme,  ça n’a jamais été facile pour personne ! Non, non, jamais ! « Ils sont souvent freinés par une carapace qu’ils forment incon… » J’ai entendu ça, et pas la suite, noooon… J’étais trop pété dans mon délire. Les carapaces. Ça quand même c’était un mot drôle ca-ra-pa-ce. Plusieurs regards se sont tournés vers moi, la plupart d’entre eux étaient amusés, je m’en souviens bien, et puis les autres faussement dérangés. Ils aimaient bien ça, ce genre d’occasion pour faire comprendre qu’ils sont ceux qui suivent la voix du donneur de culture. En tout cas, ils n’ont pas réussis à me stopper. A force, on me demandait de me taire, je persistais. J’étais prêt à tout pour ne pas m’ennuyer. « Mais qu’est-ce qu’il se passe ?! » J’ai arrêté de rire. J’ai pas eu peur. J’ai jamais peur. J’ai juste été surpris, très surpris par l’intervention de la voix dans le micro. Ça m’faisait bien rigoler quelque part que j’ai pu capter son attention un peu, je serais me faire distinguer parmi les innombrables élèves de l’amphithéâtre. « Bah en fait, j’me disais que les carapaces, ça devait pas être pratique, autant chez les hommes, que… baah. Chez les tortues ! Pour faire des câlins et tout… Mais c’est un peu ça qui les protège du monde extérieur, tu vois ? » Il voyait ce que je voulais dire, les autres me prenaient pour un débile, un attardé mentalement parlant. Rien à foutre. La voix dans le micro avait approuvé. Elle avait tout compris. Mais à ce qu’il paraissait, j’avais un certain problème d’expression, il n’avait compris qu’à moitié, malheureusement. En gros, je revenais épuisé. Elle m’avait manquée… Ma console… Ouais, ma femme aussi, mais ma console quoi ! J’avais percé pleins de secrets qui ne sont encore qu’à moi et j’étais tellement enthousiaste de les mettre en œuvre que dès que le dernier cours du soir a enfin vu son apogée, j’ai filé dans ma voiture.

Le trajet était plutôt long, c’est pour ça qu’ils m’ont proposés un chauffeur, mais bon, ils m’auraient proposés dans tous les cas ! J’ai refusé, catégoriquement ! J’ai pas eu mon permis pour rien nan mais quand même. Et puis j’refuse que ma libre circulation dans l’espace dépende d’un homme, c’est bon quoi, il y a des limites. Bref. Je roulais vite, je prenais des sens interdits comptant naïvement sur mon sourire charmeur pour faire tomber ces dames… En tout cas, j’ai eu d’la chance, j’ai beaucoup de chance dans ma vie en même temps. « Mon ânesse chérie de moi ? » Je m’avance doucement dans la maison, les lumières sont allumées donc forcément elle est là. Coincé dans les bouchons, faut avouer qu’il fait quand même assez tard. « T’as pas touché à ma console j’espère, parce que j’ai trouvé une astuce MORTELLE à Call Of Duty, tu vois ! » J’ai l’impression de parler au vent, mais je m’en fous un peu, c’est pas grave. Je continue d’avancer dans la grande maison, gueulant comme animal, mais j’en ai complètement rien à foutre, donc ça va. Dès que j’aperçois enfin la porte de notre chambre, j’ouvre la porte en mode guépard affamé près à sauter sur sa proie, soit le lit. Déchaîné, dès que j’arrive dans la partie libre du lit, j’entends une masse s’étaler violemment contre le sol.

"We've been doing pain for so long.
When I stare in your eyes it's all gone"

Été... Ô Été ! Soleil, chaleur, plage, maillot de bain, dodo hamac avec Teddy, crème solaire, vacances, vacances, vacances, bataille de chatouilles dans le jardin avec Teddy, chiens, piscine, bronz... « Caroll-Ann ! » Nom d'une anguille en gelée ! Qui me parle ? Qui me parle ? Qui ose interrompre ce moment crucial de réflexion philosophique ? Est-ce trop demandé d'avoir un moment de répit ? Légèrement agacée mais, arborant tout de même mon célèbre sourire « fiche le camp », je me retournai face au trouble-fête qui avait brusquement interrompu ma rêverie. « Tiens, c'est pour toi... » Me dit-elle les joues légèrement rosies. « Quelle gentille attention ! Lui dis-je finalement en prenant le paquet qu'elle me tendait. Qu'est-ce que c'est ? » J'étais sincère, cela me faisait plaisir qu'elle ait pensé à m'offrir quelque chose. J'ouvris le sac et en sortis... quelque chose. Qu'est-ce donc que cela ? Un truc, une plaisanterie, une... « C'est une robe que j'ai faite pour toi. » Vraiment ? « Elle est superbe, merci ! » Je lui donnai une légère accolade, mon sourire « Colgate Max White One » toujours plaqué sur mon visage. Elle s'en alla telle un pétale poussé par la brise du printemps. La pauvre, je n'avais aucune envie de lui faire de la peine. Et puis, en fermant d'abord l'œil gauche tout en tournant la tête à trente degrés à droite, puis en fermant l’œil droit, elle n'était pas si mal cette robe... Non, définitivement, non. On dirait qu'un dinosaure alcoolique a vomi sur du tissu et qu'elle a décidé d'en faire un vêtement. Hors de question que je mette... cette chose. Comme quoi, il existe vraiment des gens étranges en cursus mode... Bon, il est vrai que je ne m'habille pas comme le commun des mortels mais, jamais je ne penserai à me montrer avec cette horreur en public. « C'est fini pour aujourd'hui. » Amen ! Je ne supportais plus cette salle ! Il fallait que je m'en aille. Au moins, cela faisait un jour en moins avant l'arrêt des cours... Bon, le plus dur était fait. J'avais réussi à sortir de la classe sans me faire harceler et je n'étais pas mécontente de cet exploit ! Mais, ce n'était pas terminé ! Encore, fallait-il que je réussisse à atteindre ma voiture... Bon, Caroll-Ann, regarde devant-toi et surtout, ne te retourne pas. Si jamais tu craques, tu risques de te faire manger toute crue et les sucs gastriques ce n'est pas très bon pour la peau...
« Allez, attrape Duke ! » Je lançai la balle au Bichon Bolonais blanc qui s'empressa d'aller la chercher. À peine arrivée chez moi, j'étais allée retrouver les amours de ma vie, mes animaux. Le soleil brillait à présent et malgré une très légère brise, je m'empressai d'aller enfiler un short en jean et un débardeur. L'amusement, c'était bien mais, il fallait quand même que je réussisse mes examens... J'entrepris donc de réviser mes cours de langue sur la terrasse. Je pouvais profiter de cet agréable courant d'air, tout en appréciant toute la beauté qui émanait du russe. « Merci Anna. » Grâce à ma fidèle employée de maison, je pouvais aussi profiter d'un bon Earl Grey avec des scones. Même en Amérique mes habitudes britanniques subsistaient et il était absolument hors de questions que j'oublie mon fameux rituel... Bon, j'en avais déjà assez du soleil. Il était temps de rentrer. Je m'engouffrai donc dans le confort de la gigantesque chambre matrimoniale. J'en avais aussi assez des révisions. De toute façon, j'étais plutôt sûr de moi en ce qui concernait ma réussite aux examens. Il n'y a absolument aucune raison pour que j'échoue, à moins qu'une espèce d'esprit maléfique s'en prenne à mon encéphale... Me rappelant soudainement le « cadeau » que j’avais reçu aujourd’hui, je décidai de l’examiner avec plus de soin. Ma robe, une veste assorti et… Ah ! Nous y voilà ! En voici une autre qui s’extasie sur la belle gueule de mon homme. Eh bien, c’est dommage pour toi ma petite, jamais il ne portera ce costume, c’est raté. Et toc ! Je repliai les vêtements et les remis dans le sac. La soirée s’annonçait particulièrement amusante…
Teddy allait bientôt rentrer et je ne savais que faire pour m'occuper. Je m'assis donc sur le lit et me replongeai donc dans mes bouquins en quête d'une quelconque notion obscure dans le programme de l'année. Après le russe, je décidai de me mettre au Coréen, soit la langue qui m'avait donné le plus de fil à retordre depuis le début de l'année. Mais, je ne baissais pas les bras, loin de là... Il en faut plus pour décourager une championne. « Mon ânesse chérie de moi ? » Je ne pris même pas la peine de répondre à cette odieuse provocation, Teddy ne perdait rien pour attendre. Et dire que je l'attendais... « T'as pas touché à ma console j'espère, parce que j'ai trouvé une astuce MORTELLE à Call Of Duty, tu vois ! » Ah, là il commençait à fortement m'intéresser... « Dépêch... » En une fraction de seconde, je me retrouvai à terre en position du scorpion. J'avais chuté la tête la première la jolie moquette. Et comme si cela ne suffisait pas, mon livre de coréen vint ponctuer tout cela en atterrissant lamentablement sur mon pauvre dos. Heureusement, il n'était pas très épais, autrement je serais surement restée allongée là à vie… Non d’une théière sifflante ! « Mais, t’es malade, t’as faillis me tuer ! » Aussi, vite que je m’étais retrouvée au sol, je fus remise au lit par Teddy. Je lisais une certaine hilarité dans ses yeux… Ah, mon mari est vraiment impossible. Je m’étirai tel un chat se préparant à une sieste pour essayer de limiter les dégâts causés par le boulet de canon humain que j’avais épousé. « Cette astuce en vaux vraiment la peine ? Parce que tu m’as cassée en deux ! » Dis-je le visage enfouit dans son cou. Oui… J’avais envie de savoir ce que s’était ! Il n’y a jamais d’astuces en trop pour pouvoir buter les autres joueurs. « Du coup, c’est toi qui l’allume la console, tu m’as transformée en mamie, je peux pas le faire. » Et puis quoi encore ? Je n’allais pas en plus lui mâcher le travail !