J'ai toujours été une fille pour qui la famille compte plus que tout. J'ai un grand frère, une grande soeur, une petite soeur, un petit frère et deux parents géniaux. Je suis l'enfant du milieu et on m'a souvent fait remarquer qu'il s'agissait de la pire place à occuper dans une famille. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi, personnellement je l'ai toujours bien vécu. Je m'entends aussi bien avec mes aînés qu'avec mes cadets. Je n'échangerais ma place pour rien au monde. J'ai grandi dans une maison remplie d'amour et toujours active. Chez moi on ne s'ennuie pas, et surtout on est jamais seul. Être seule c'est quelque chose qui m'angoisse pas mal. Je ne suis pas faite pour vivre ainsi, j'ai besoin d'être entourée et protégée et j'ai besoin de bruit, de mouvement, de joie et d'amusement. Quand je suis seule j'ai vraiment l'impression d'être plus vulnérable, plus triste, voir même carrément dépressive. Pourtant, en arrivant à Berkeley j'avais hâte de me lancer dans la vie étudiante, je savais pas avance que j'allais être seule mais je me disais que ça irait. J'ai eu la chance d'être acceptée chez les Sigmas et autant vous le dire tout de suite, ma confrérie c'est devenu ma deuxième famille. Sans eux, je serais déjà rentrée au Nouveau Mexique depuis longtemps. Mes premiers mois à Berkeley ont vraiment été difficiles, je ne m'attendais pas à ce que l'université me bouscule autant. Je m'attendais à du changement, c'est sûr, mais j'ai tout de même été prise de court. Affronter tout ça toute seule n'avait pas arrangé les choses, heureusement les vacances de Noël étaient arrivées et j'avais pu rentrer chez moi pour me ressourcer auprès des miens et reprendre des forces. Il y avait ensuite eu le Spring Break où j'avais vu à quel point tout le monde n'était pas pourri à Berkeley, certains en valaient vraiment la peine et cela m'avait redonné un peu d'espoir et d'envie. J'avais décidé d'aller mieux, de cesser de voir la vie en noir pour redevenir celle que j'avais toujours été jusqu'à présent. Pétillante, joyeuse, pleine de vie… Ça me manquait vraiment de ne plus m'amuser, de ne plus rire et sourire sans raison. Je n'en pouvais tout bonnement plus d'être négative et ronchonne. Et voilà qu'après avoir pris cette décision d'aller de l'avant, ma soeur débarque à Berkeley. Au départ j'ai vraiment cru à une blague, je n'ai pas compris pourquoi Pandora venait ici, pourquoi elle aussi semblait avoir changé… Pour une raison qui m'échappe encore, je n'ai pas posé trop de questions à ma soeur, je pouvais sentir qu'elle était venue ici dans un état d'esprit qui n'était pas habituel. Elle n'était plus comme avant elle non plus. Je ne sais pas trop comment décrire ma relation avec ma soeur, c'est sans doute la seule personne à qui je peux tout dire sans aucune crainte. Panda et moi c'est fusionnel, indescriptible… Je lui fais une confiance totale et aveugle, je sais qu'avec elle je peux être moi même, je n'ai pas peur d'être jugée. Lorsque quelque chose ne va pas, elle est toujours présente pour moi, elle m'écoute, me conseille et me console. Nous n'avons que trois ans d'écart, lorsque nous étions plus petites on nous prenait souvent pour des jumelles. J'aime ma soeur plus que tout, et si elle répond toujours présente pour moi, j'en fais de même pour elle. Être réunies à Berkeley, c'est vrai que ça m'a fait un peu bizarre au début mais à présent j'en suis plus que ravie. Comment aurais-je pu ne pas être heureuse de la revoir et de l'avoir à mes côtés? Elle est ma meilleure alliée, ma meilleure amie, ma confidente, ma soeur. Elle est tout. A présent nous pouvons profiter l'une de l'autre et en même temps vivre nos petites vies chacune de notre côté, c'est simplement parfait pour moi. L'indépendance de l'université mêlé avec la dépendance à ma famille. Pandora, peut importe ses raisons, a bien fait de venir ici. Sans le savoir, elle m'aide beaucoup.

Aujourd'hui je n'avais rien de prévu, beaucoup de temps libre devant moi et une envie folle de passer du temps avec ma soeur. A la maison on entrait dans la chambre de l'une et de l'autre et se voir était simple comme bonjour, ici je ne voyais pas pourquoi ça devrait changer. J'avais donc décidé d'aller la voir directement dans sa chambre chez les Alphas. Evidement ça aurait été plus simple si elle avait choisi les Sigmas mais bon, je n'allais pas me plaindre pour un détail de ce genre! Tant qu'elle se plaisait là où elle était, c'était le principal. En arrivant à l'étage de sa chambre je m'étais précipité à sa porte. Je ne sais même pas si j'avais toqué ou pas, j'étais trop impatiente de la voir. J'ouvris donc la porte, et j'allais me précipiter sur le lit lorsque je fus coupée dans mon élan. La pièce était vide. Toutes les affaires de Pandora avaient disparues… Le sourire sur mon visage s'effaça et l'angoisse commença à monter en moi. Où était-elle partie? Je tournais sur moi même pour bien constater que sa penderie avait été vidée, les murs étaient libres de toutes photos, le bureau ne comportait pas un seul bouquin. Et si elle avait quitté Berkeley? Non! Elle ne m'aurait pas fait ça… elle m'aurait prévenu quand même! Peut-être avait-elle simplement changé de chambre…. Je restais pourtant figée sur place. Je m'inquiétais vraiment pour elle. Ma soeur se faisait appeler Calliopée ici, je ne sais pas pourquoi soudainement elle a souhaité prendre son deuxième prénom, quoi qu'il en soit c'est le premier changement que j'ai pu observer, son comportement n'était plus le même non plus et elle avait beau me dire que l'université ça fait mûrir et grandir et changer, il y avait un truc qui coinçait quand même. J'allais sortir mon téléphone de ma poche pour lui envoyer un texto quand j'entendis des pas derrière moi. Je me tournais brusquement, laissant tomber mon portable sur le sol. "Merde!" Je me précipitais pour le ramasser en priant pour ne pas avoir pété l'écran une fois de plus. Les smartphones c'est bien mais niveau résistance c'est pas terrible. Heureusement il était sain et sauf, pour cette fois… En me relevant je pu observer Pandora se tenir devant moi. Je ne pris même pas la peine de la saluer, j'attaquais tout de suite avec mes questions. "Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi ta chambre est vide? Tu pars? Je comprends pas… "

En voyant cette chambre vide je n'ai pas su m'empêcher de ressentir comme un sentiment d'abandon. Je ne savais pas pourquoi Pandora n'était plus ici, ni pourquoi ses affaires avait été retirées mais je m'étais malgré tout laissée envahir par une sorte de panique momentanée. Si elle s'inquiétait pour moi, c'était mutuel, je m'inquiétais aussi beaucoup pour elle et je ne savais pas trop quoi penser de ces derniers mois. L'université nous avait séparé, elle était partie la première à UCLA, et pendant un an nous avions appris à vivre loin l'une de l'autre mais comme je vivais encore à la maison nous avions tout de même réussi à maintenir un semblant de relation fusionnelle. Ma grande soeur était à mes yeux la perfection incarnée, en tout cas elle était mon exemple, le pilier sur lequel je m'appuyais pour à peu près tout dans la vie et si j'avais besoin d'un conseil ou d'un avis sur quoi que ce soit c'était définitivement vers elle que je me tournais. Depuis toute petite, nous étions comme des jumelles, toujours collées ensemble à faire les quatre cent coups, de toute façon il faut bien dire que je suis proche de toute mes frères et soeur. Calix, Pandora, Daphné et Matthias. Les plus jeunes comme les plus vieux et j'estime même avoir la meilleure place dans la famille. Je suis pile au milieu et c'est vraiment la position idéale pour être proche d'à peu près chacun. Chez les Collins, les frères et soeurs et la famille en générale, ça passe en premier! Les liens du sang surpassent tout le reste, du moins c'est ainsi que l'on a été élevés et c'est dans cet état esprit que j'ai toujours évolué. Cependant, inutile de se voiler la face, Pandora et moi nous nous sommes éloignées. Quand je suis rentrée à Berkeley et que je me suis retrouvée prise dans un tourbillon d'ennuis et de rencontres un peu douteuses, sans parler des cours qui m'ont pris beaucoup de temps, notamment durant une longue période d'adaptation, et la rigueur que je m'imposais pour pratiquer le cirque, j'ai eu l'impression de passer ma première année à courir partout, et à n'avoir pas même le temps de dire "ouf" une seule fois. C'est vrai, c'est passé à une allure folle, j'ai bien cru craquer plus d'une fois mais au final, j'ai survécu à cette année et voilà les examens qui sont passés ou qui passent encore et bientôt on quittera le campus pour s'éparpiller sur le globe et profiter de l'été. Pour une fois, je ne sais même pas où mes vacances vont me mener, je n'en ai pas franchement parlé avec mes parents puisque je dois bien dire que j'ai plutôt tendance à les éviter dernièrement. Peut-être allons-nous rendre visite à Calix en Australie, je sais que ça me ferait un bien fou de me ressourcer chez moi. Sydney… Ça me manque tellement! Bizarrement je n'ai pas trop pensé à l'Australie cette année, d'habitude je suis toujours impatiente de partir en vacances mais là l'idée ne pas traversée l'esprit avant aujourd'hui. Et pourtant, en y pensant bien, je mourrais d'envie d'y remettre les pieds.

Debout dans la chambre, ou peut-être devrais-je dire l'ex-chambre de ma soeur, je restais perplexe et désemparée devant ce vide qui m'intriguait au plus haut point. J'avais laissé mon portable tomber au sol en entendant des pas dans le couloir, alors que je m'étais empressée de le ramasser, j'avais relevé la tête pour apercevoir Pandora se tenir devant moi. Poussée par l'angoisse de la voir partir, il faut croire que la retrouver à Berkeley avait été un immense soulagement pour moi, j'avais enfin une alliée à mes côtés et c'était l'un des meilleurs sentiments au monde, je l'avais bombardé de questions sans même la saluer auparavant. Normalement, j'aurais dû lui sauter au cou et ensuite trouver un truc marrant à dire avant de tenter de lui demander ce qui se passais mais en fait j'étais tellement inquiète que je devais donner l'air de jouer la moralisatrice ou l'inspecteur de police. Sans faire exprès, ma voix avait même adopté un ton de reproches que j'aurais voulu moins sévère. Je me préparais à la supplier de ne pas me laisser mais en fait elle affichait un léger sourire et calmement elle m'expliqua la situation. J'avais tout faux, du moins ce n'était pas ce que je croyais. Pandora ne quittait pas Berkeley, elle se contentait de quitter sa confrérie pour intégrer les Lambda, c'est-à-dire les gens plutôt normaux qui soit refusent d'intégrer une confrérie, soit se sont fait refoulés par chacune d'entre elles. Pandora se voulait rassurante, et déjà je sentais que je m'apaisais un peu. "Désolée…" lâchais-je tranquillement. "J'ai vraiment cru que tu m'abandonnais. Mais pourquoi quitter les Alphas? Je pensais que tu t'y plaisais.. Et puis tu sais ce qu'on dit, ça fait toujours bien sur un CV!" J'étais à présent beaucoup plus calme et même si son choix m'intriguait tout de même un peu, je n'étais plus aussi inquiète. Après tout, si elle n'avait plus envie d'être chez les têtes d'ampoules de l'université, c'était son choix et elle en avait tout à fait le droit même si ça me surprenait venant de sa part. Dans la famille on a de l'ambition, et je savais que Pandora en avait elle aussi à revendre, mais j'imagine que faire partie d'une confrérie n'était pas dans ses priorités. Vous me direz, ce n'est pas une obligation mais je ne pouvais m'empêcher de penser que c'était tout de même un plus. Ma soeur me prit dans ses bras avant de me tirer dans la pièce. Elle me demanda ce que je faisais là et pourquoi je n'étais pas en cours. Je haussais les épaules. Pourquoi étais-je venue ici déjà? Alors que je me creusais la tête pour me souvenir de la raison exact de ma venue, je réalisais qu'en réalité il n'y en avait aucune. "J'avais juste envie de te voir et de passer du temps avec toi… Mais si t'es occupée je repasserai te voir plus tard, c'est pas grave." Je laissais un petit sourire m'échapper. En vrai, j'étais prête à la supplier et à lui faire les yeux doux pour qu'elle m'accorde ne serait-ce qu'une petite heure. J'avais trop besoin d'un moment de complicité, je savais que ça me reboosterait et peut-être qu'elle aussi ça lui ferait du bien. "Je n'ai pas cours, je suis libre comme l'air… Je pensais glander un peu, ou aller quelque part, les boutiques ou le cinéma je sais pas… " Pandora affichait un air joyeux mais quelque chose était tout de même étrange et même si nous faisions comme si de rien n'était l'une et l'autre je sentais qu'il y avait sorte de malaise mais j'étais incapable de dire si cela venait de moi ou d'elle ou bien de nous deux à la fois.