Trop de sentiments qui apparaissent quand on évoque autour de moi le cas de ma voiture. Parmi eux, la colère est la plus présente. Depuis que j'ai vu cette fameuse photo, je cherche l'auteur de ce geste immonde, absurde, insensé. Quel est le fou qui aurait osé me racheter ma voiture ? Cet acte relève de la folie, ça ne peut pas en être autrement. Tout le monde sait ici que cette baniole m'appartient et que pour rien au monde je m'en séparerait. Rien que pour l'avoir vendu sans mon accord, je pourrais traîner Eileen en justice et je serai, à coup sur, certain de gagner. Comment peut-on faire cela à une Maserati Granturismo, personnalisé par mes soins. Je n'en suis pas à comparer ma voiture à une très belle femme, ça serait pure folie mais en même temps, elle occupait une telle place que pour rien au monde j'aurais pensé m'en séparer. Certes j'ai une deuxième voiture mais elle semble moins prestigieuse à mes yeux, moins personnelle. Maintenant que je dois me contenter de ce deuxième choix, je trouve que la conduite a un goût plutôt amère. Je n'entendrais plus son doux murmure au démarrage, sa conduite souple et féline. Oui bah, cette putain de baniole me manque. Pour l'instant, je n'ai qu'une chose en tête, retrouver le salaud qui a osé la racheter et lui pourrir la vie, lui faire payer jusqu'à ce qu'il regrette cet achat. Je ne supporterais pas de voir quelqu'un d'autre au poste de conduite de ma voiture.

Alors que le cours se déroulait tranquillement, je réfléchissais au probable propriétaire de ma voiture. C'était forcément quelqu'un de l'entourage d'Eileen, ça ne pouvait pas en être autrement. Griffonnant quelques mots sur une feuille, je suivais à peine le cours. De toute façon, cette partie là du thème, nous l'avions déjà vu et revu, survoler de nouveau ce domaine me semblait tellement dérisoire. Je relevai doucement la tête pour admirer légèrement les alentours, il n'y avait pas un bruit, seulement des étudiants qui écoutaient religieusement le prof parler. Une fois le cours terminé, je pris mes affaires et sorti de la salle. Que faire du reste de la journée ? Plusieurs options s'offraient à moi, rentrer pour étudier, peaufiner ma petite vengeance envers Eileen, aller voir quelques personnes ou savourer les effets bénéfiques d'une petite sieste. Il est vrai qu'en ce moment, je ne dors pas beaucoup. Il faut avouer que les fêtes commencent à se multiplier, les nuits blanches à discuter avec certaines personnes, les cours qui prennent pas mal d'énergie, mon père et ses exigences à assouvir. Bref, beaucoup trop de raisons d'avoir des cernes, des poches sous les yeux et de somnoler pendant la journée. Les couloirs étaient remplis d'étudiants, de professeurs, de touristes et autres. Un peu de tout, on se croirait plus dans un moulin plutôt que dans une université. Une fois à l'extérieur, je pris une clope et l'alluma calmement. Ce n'était pas dans mes habitudes de fumer mais en ce moment, plus rien n'avait de sens. La douce sensation de la nicotine envahit alors soudainement mon corps. C'était bon, ça me calmait légèrement. Mon regard se posa sur une douce créature, mon sourire s'élargit en croisant son regard. Autant je pouvais être maladroit avec les filles mais là de loin comme ça, je ne risquais aucune boulette, aucun débordement de ma part. Mon regard fut attiré ailleurs, par une belle voiture au ronronnement si familier. Écrasant ma cigarette sur le sol, je ne la lâchais pas des yeux. J'eu un pincement au coeur en la voyant comme cela, aux commandes d'un étranger. Vous pouvez dire que je suis fou de réagir ainsi mais je tenais énormément à cette voiture et ça, Eileen l'avait bien comprit. Avançant de quelques pas, la voiture se gara et un homme sorti en claquant la porte. Il semblait si fier de sa nouvelle voiture. « Oh le fils de pute » C'était sorti tout seul, je ne l'avais pas dit fort. En voyant Billy au volant de ma Maserati, j'en eu presque envie de vomir. Aussi, jamais je ne pourrais pardonner Eileen d'avoir fait une chose pareil. Autant l'on m'a toujours appris de ne jamais frapper une femme, autant le contact avec un homme ne me dérange absolument pas, bien au contraire. Alors que je m'approchais de Billy, je la voyais, elle semblait si fade en sa possession, ça en était presque pathétique. « Nouvelle voiture ? » lançais-je ironiquement. Quoiqu'il puisse arriver, je n'allais certainement pas me montrer tendre avec lui.

Décidément, voir ce mec sortir de ma voiture eu un goût amère. Comment un comme ça pouvait-il racheter une voiture telle que la mienne, cela me laissait on ne peut plus perplexe. Après tout, connaissant la louloute, il ne l'avait pas forcément acheté, Eileen aurait pu tout simplement lui donner. Non, cette idée m'était impossible quoique fortement probable. Pour bien m'atteindre ma peste de demi-soeur aurait carrément pu offrir ma Maserati Granturismo à cet enflure. Plus j'y pensais et plus je trouvais cette hypothèse des plus probables. Et joyeux Noël Jorden ! Je garde encore le petit cadeau qu'elle m'avait fait le soir de Noël, sa petite enveloppe avec dessus une photo de ma voiture soigneusement vendue. Oh non, ce genre de coup-bas ne passera pas inaperçue et même si la soirée fut extrêmement mouvementé, je suis loin d'oublier l'essentiel. Eileen s'était attaqué à la seule chose qui comptait dans ma vie, la seule ! Autant je ne suis pas trop matérialiste mais là, je tiens particulièrement à ma voiture, elle représente tellement de choses pour moi. Le gars s'éloigna doucement de ma voiture, mon premier réflexe aurait été de récupérer rapidement ma voiture mais d'après ce que j'avais pu comprendre, Eileen avait soigneusement changé les papiers et n'avait pas hésité à changer également l'assurance. Non, je ne pouvais pas me jeter dessus, il fallait se la jouer finement. Enfin finement, j'entends par là mettre un bon coup de pression. Je ne connaissais pas encore ce gars là mais à première vue, il n'avait pas l'air bien méchant, peut-être un peu niais même. En tout cas, de premier abord, je n'aurai pas affaire à un colérique premier choix. Bien au contraire, il semblait relax et ne même pas remarquer ma présence à quelques pas de lui. Ce fut tout juste s'il entendit ma question, pourtant j'avais articulé et parlé fort. Étrange, s'il voulait me snober, cela allait encore plus m'énerver, donc mauvaise idée de sa part.

A ma hauteur, il me lança un petit regard avant de me répondre vaguement. « Hein ? Ah, oui, si on veut. On peut dire ça comme ça. » Mais qu'est ce qui ne tournait pas rond dans tête. Le gars avait récupéré une Maserati et tout ce qu'il me trouvait à me dire, c'était oui on peut dire ça comme ça. Mes fondements étaient alors exacts, ce mec n'était pas à la hauteur de ma voiture, il ne la méritait pas et j'allais me donner à coeur joie pour la récupérer. Et le pire dans tout cela, c'est qu'il passa à côté de moi, comme si de rien n'était et continua gentiment sa route. Je sentais la colère monter en moi, pour qui se prenait-il. Quoique, il fuyait peut-être les conflits, pas de chance pour lui, je ne suis pas du genre à renoncer aussi vite. Je suis du genre obstiné et quand je n'ai pas ce que je veux, je suis prêt à n'importe quoi pour l'avoir. Oui, dans mon jargon, on appelle cela un capricieux. Oui, je suis capricieux et je l'assume. Je suis un fils de riche prétentieux et je l'assume aussi. En fait, je pourrai clairement m'en racheter une autre mais ce n'est pas mon attention. J'ai mis beaucoup d'argents et beaucoup de temps pour personnaliser ma Maserati et je ne compte pas la laisser dans les mains du premier couillon venu. Bref, il marchait tranquillement, je n'eu pas d'autre choix que de le suivre, en aucun cas je ne pourrais lui laisser ma voiture. C'était un fait. J'arrivais à sa hauteur et me mis à côté de lui. « Une Maserati Granturismo noire, une cylindrée 4 244 centimètres cube, une accélération jusqu'à 100 km/h en moins de 5 secondes, jantes carbonnes 961 ... C'est une belle voiture. » Le gars ne semblait pas comprendre, pas étonnant, cette voiture je la connaissais par coeur. C'était ma déesse que j'avais soigneusement personnalisé, j'étais donc imbattable. Le pauvre, il n'avait aucune idée de la valeur réelle de cette baniole. Pas de problème pour moi, s'il veut je lui achète n'importe laquelle, la même s'il le faut mais je veux la récupérer à tous prix. Je me retournai alors vers lui et lui tendit la main. « Je suis Jorden Rosenbach » Avec ce nom de famille, il allait peut-être tilter, non ?

En fait, j'aurai pu penser qu'il aurait tilter mais apparemment non. Soit, il avait réagis et ne montrer aucun sentiments ou soit, il n'avait pas réagis et se demandait ce que je pouvais bien lui vouloir. Je m'étais lancé là dedans sans vraiment réfléchir, voilà mon impulsivité qui reprenait le dessus. Je ne savais pas dans quelles circonstances Eileen lui avait donné la voiture, ou lui avait vendu. J'ignore tous les détails et pour cela, je pourrais vite passer pour un gros con. Peut-être lui avait-elle offert de sa part à elle, de notre part à tous les deux, peut-être avait-elle négocié. Trop de questions sans réponses mais quelque chose me disait que je n'allais pas tarder à découvrir le pourquoi du comment. J'observais ses yeux, souvent cela trahissait la personne mais là, son regard semblait plutôt vide. Et alors que je lui avait tendu la main, il me la serra avec un peu de difficulté. Il venait quand même de faire un petit mouvement de recul, et quoi, je n'allais pas le manger. Déjà pour un début, cela partait un peu mal, en tout cas pour moi, ce premier contact me semblait difficile. Ce n'était pas le genre de gars vers qui j'irai spontanément, bien au contraire. Quelque chose était louche dans cette histoire, peut-être n'avait-il rien à se reprocher et que je me faisais des films. Non, si cela était le cas, il n'aurait pas réagit comme ça. « Je n'ai entendu parler de vous que de nom. Billy. Billy Huntington. C'est un plaisir. Réellement. » Pourquoi me vouvoyait-il ? Il ne me semblait pas l'avoir vouvoyé auparavant. Enfin, c'était une marque de politesse, un peu déplacé certes mais une marque quand même. Je n'eu pas d'autre choix que de répondre calmement. « De même. » Après tout, je n'allais pas me jeter dessus comme un sauvage, un peu de discipline mon cher !

Nous étions arrêtés de marchés et nous ne nous lâchions pas des yeux. Peut-être cherchions nous une faiblesse de la part de l'autre. Non, bof, l'ambiance était un peu spéciale. « C'est donc vous que je dois remercier pour cet ... Impressionnant modèle de transport moderne ? Parce que vous avez excellent goût, si c'est le cas. Non pas que ce soit mon genre de voiture. Mais bref. » Pardon ai-je bien entendu ? Ce n'était pas son genre de voiture ? Comment ne peut-on pas apprécier cette déesse ? Décidément, ce Billy et moi n'avons rien du tout en commun, que ce soit au niveau vestimentaire, au niveau caractère ou même physiquement quoi. Apparemment non, il ne semblait pas être conquis par MA Maserati. Je dégluti en entendant cela. Au moins j'aurai pu espéré qu'il l'apprécie mais ce n'est même pas le cas quoi. Cela me faisait encore plus de mal. « Effectivement, cette voiture était la mienne et non, ce n'est pas la peine de me remercier. » Je pris une grande inspiration, histoire de me calmer, cette histoire me mettait un peu hors de moi. Il était tout simplement hors de question que je le vouvoie à mon tour, après tout, il était beaucoup plus jeune que moi. « Remercie plutôt Eileen qui me la volé pour pouvoir la donner/vendre à quelqu'un d'autre. » Et oui, je l'avais particulièrement dur et j'étais clairement prêt à tout pour la récupérer. Après, comment s'y prendre ? C'était une tout autre question.

run, billy, run.

Je le regardais, surpris. Il voulait en venir où, exactement ? Je ne pouvais point le savoir, pas encore. Et pourtant, malgré mon coeur qui s'empressait à me dire que je devrais m'inquiéter de ... Quelque chose, il ne faisait que battre pour Rylee. Je n'avais qu'une envie là : qu'il me laisse tranquille afin que je puisse aller l'épier. Je n'avais pas envie de parler à Jorden. Absolument pas. Il me semblait ... Étrange. Malicieux, en quelque sorte. Ce n'était pas le genre de personne que je souhaitais avoir dans mon entourage.

- Eh bien, pour une fois que quelqu'un connaît mon nom ... dis-je alors en riant nerveusement. J'avais l'impression qu'il me voulait quelque chose. Et si la convention commune était d'être moi-même, je n'avais pas suffisamment trouvé de "moi même" pour pouvoir m'en servir dans mes échanges. Mon identité se cachait dans mes veines, et amuse toi pour l'en sortir et la dompter, Billy !

Si cette voiture n'était pas de mon goût, elle n'en demeurait pas moins, une très belle voiture. Néanmoins, quelque chose me disait que j'avais déjà fait un faux pas. Pour ne pas changer d'habitude, évidemment. Parce que Billy adorait ça, les risques. Cette voiture était sienne avant ? Il a eu du cran, d'accepter de me l'offrir ... Même si je ne savais pas réellement quoi en faire, maintenant. Et surtout, étant donné que ce serait sans doute mal vu de proposer de la lui rendre ... Un cadeau ne pouvait pas se refuser, ni se rendre. Il me dit alors quelque chose qui me fit serrer des poings, et, également, frissonner, légèrement. Victime. J'étais visiblement une victime d'une sombre machination ... Merci Eileen ? Aurais-je eu assez de couilles pour m'essayer à l'humour, j'aurais prononcé cette idée à voix haute.

- ...

Muet, je ne savais pas trop quoi lui répondre. J'étais pris au dépourvu, pris dans une spirale infernale d'évènements que je ne savais pas contrôler ... Et honteux comme j'étais, je ne savais réellement pas comment je pouvais faire pour me racheter, d'un point de vue social. Car je n'étais pas un voleur, et, en l'occurrence, j'avais été accessoire à un crime.

- Je ... Mais les mots ne sortaient pas. Seul le vent s'imposait contre le silence qui nous séparait, étant donné que j'étais perdu dans mes pensées.

code (c) feu ardent ; ne pas reproduire

Spoiler: