Aengus avait perdu pieds depuis quelques mois à présent. Des erreurs s’accumulaient les unes après les autres. Mais aujourd’hui était un autre jour. Aujourd’hui, elle prenait un nouveau départ. Elle avait décidé de faire une croix sur les personnes laissant ressortir les ombres en elle et ne garder que les celles aptes à sourire en sa présence. La jeune femme commençait à remettre en cause son comportement, sa façon d’agir mais aussi son entourage. Une forme de renaissance ou simplement de nouveau départ pouvait se mériter mais demandait aussi beaucoup de travail.

Aussi, elle avait retrouvé le chemin de l’amphithéâtre numéro 7 avec pour but de mettre un visage sur un nom, un proche et peut être un membre important de son existence. La salle ou Ross O’Griffin, probablement son cousin, donnait cours était pleine. L’homme avait du talent pour attirer autant de monde. Pourvu qu’il n’ait pas vu trop de têtes pour oublier la sienne. Dans son journal intime, Aengus avait retrouvé un ancien conflit avec le jeune homme. Ils s’étaient disputés. Aengus, Sin à l’époque, devenait trop envahissante et Ross avait dû mettre les pendules à l’heure.

Quelques mois plus tard, elle fuyait le foyer familial pour prendre son indépendance. Sin était alors devenue Aengus. Un pseudonyme qu’elle avait choisi et qu’elle aimait. Aussi, armée de son sac en bandoulière, d’un jean trop large et d’une chemise noire, la blondinette patienta. Le flot d’étudiant ne tarissait pas et bloquait l’accès à la salle de cours. Patience… Une qualité qu’Aengus ne semblait pas capable de mobiliser sur une trop longue durée. Lorsque la salle fut vide, elle passa la tête dans l’ouverture pour vérifier que le professeur se trouvait toujours là.

Son regard tomba sur une silhouette qui n’éveilla aucune sensation en son sein hormis une légère appréhension. Une bouffée oxygène plus tard, elle avançait en sa direction.

« Salut ! Tu te rappelles de moi ? J’ai un doute parce que tu débarques ici et puis tu ne viens même pas me voir ! » Grogna la jeune femme en croisant les bras sur sa poitrine, un sourire taquin sur le bord des lèvres et un accent irlandais à couper au couteau.

Aucune rancœur à ce sujet. Aengus souhaitait en revanche que, lui, ne lui tienne plus rigueur de leur virulente dispute passée et de son comportement inapproprié. Surtout qu’elle avait bien l’intention de squatter chez lui. Finalement, certaines choses semblaient immuables. Peut être qu’Aengus était vouée à gonfler son entourage. Qui pouvait savoir ? Personne !

J'avais terminé ma premier semaine de cours et tout se passait pour le mieux. Mon amphi était bien rempli. Tous les élèves écoutaient avec attention. Il faut dire que dés le premier cours j'avais foutu dehors à grand bruit un élève parce qu'il avait répondu à un appel durant mon cours. Ils ont pu tous voir que j'étais pas un rigolo. En tout cas après un mot de silence absolu tout revient dans l'ordre et depuis à chaque cours j'ai un peu plus de monde et de plus en plus de questions me sont posées. Autrement dit j'avais réussi à motiver les personnes et à stimuler leur intérêt. J'en étais assez fière ce qui se manifestait par un grand sourire.

A la fin du cours plusieurs élève sont venu me posées des questions sur mon cours ou me demander de la lecture pour approfondir leur savoir. Après avoir répondu patiemment à toutes leurs interrogations je rassemblais mes affaires lorsqu'un je ressentis un regard poser sur moi. Je mis un temps à la reconnaître lorsque je leva enfin le visage pour la voir. Enfin c'est surtout lorsqu'elle s'adressa à moi que cela fit tilt. Sa voix n'avait absolument pas changer. Elle avait toujours cette accent reconnaissable entre tous, l'accent de mes compatriotes.

« Si, je me souviens de toi, Sin »

Oublier une telle personne était difficile. J'avais eu avec elle une de mes plus mémorables engueulades. Peu de temps après elle était parti de chez elle. Je m'étais soucié un temps si son départ était une conséquence de notre embrouille. Enfin ce n'était pas une mauvaise personne. Je n'avais aucune rancœur contre elle.

«  Je savais pas que tu t'interessais à la chimie ? »

Elle semblait se plaindre que je ne sois pas venu la voir. C'était bien, elle. Attaquer la première sans attendre que son adversaire soit près .

« Encore faut-il que je sache que tu sois ici. Si tu crois que j'ai lu tous les noms des élèves du campus.... Qu'est ce qui me vaut ton auguste présence ?»

D'accord, on fait mieux dans le genre accueil d'une personne de sa famille que l'on a pas vue depuis plusieurs années mais c'était ainsi qu'était leur relation avant, toujours à se taquiner. J’arborais toujours un sourire aux lèvres car cela me faisait plaisir de la voir. Je refermais la serviette ou j'avais mis tous mes affaires. Je venais près d'elle pour lui faire la bise comme on faisait entre nous dans la famille.

Il l’avait appelé Sin. Ceci sonnait extrêmement étrange. A ses oreilles, ce nom évoqua autre chose, un lointain passé ou elle aurait pu se montrer plus soumise qu’aujourd’hui. Mais en le voyant approcher, Aengus ne se posa plus question. Son question battit si fortement dans sa poitrine qu’elle en ressenti presque une douleur profonde. Qu’allait il lui faire ? Entrant la tête dans les épaules, elle se crispa tentant de rester droite et fière tant bien que mal. Son regard papillonna tandis qu’elle tiqua à la bise. Plantée comme une idiote devant le professeur, elle ne su comment réagir. Elle n’avait pas l’habitude. Blaithin lui avait fait un doigt d’honneur, elles s’étaient balancées des horreurs avant que sa cousine ne lui colle deux paires de baffes. Visiblement, elle les avait méritées mais Aengus ne comprenait pas réellement pourquoi. Son père avait été encore plus glacial, sa mère avait pleuré avant de faire une crise d’hystérie sur la décadence de sa fille et la honte qu’elle pouvait éprouver. Liam, son frère ainé, avait râlé parce qu’il l’avait cherchée pendant des semaines sans avoir de ses nouvelles et Erwan, le frère encore plus âgé, s’était contenté de lui passer sa secrétaire.

Les joues d’Aengus avaient viré au rouge vif. Elle bafouilla une ou deux paroles en nouant ses doigts les uns dans les autres. Noyant ses paroles dans un sourire tandis qu’elle baissa le nez sur ses chaussures, elle ne su pas réellement que répondre.

« On m’appelle Aengus maintenant. » Précisa t elle simplement sans répondre à la question de Ross.

Qu’était elle venu faire ici ? Elle était venue le voir. Logique non ? Pourtant, elle inspira profondément, fermant délicatement la porte de l’amphithéâtre sous leur nez.

« Fallait que je te parle. » déclara t elle d’une voix un peu plus grave.

Aengus était perdue. Elle ne savait plus qui ou quoi dans la famille pouvait la soutenir, être vrai et lui apporterait un peu d’attention. Puisque Ross lui en donnait un début, elle n’allait pas le tromper. Elle souhaitait partir sur une bonne base, quelque chose de sain. Il devait donc savoir qui elle était, de quoi elle était capable et ce qu’elle pouvait entrainer comme horreurs avec elle. Elle préférait lui dire elle-même que le voir rappliquer et exiger des explications.

« J’ai fais pleins de bêtises. Des trucs graves qui n’ont pas du tout plu. Tu seras forcement informé à un moment ou un autre alors je préfère te le dire moi. Blaithin avait un passé d’alcoolique. Elle avait fréquenté les alcooliques anonymes durant des années et elle était sobre depuis 13 ans. J’ai glissé de l’alcool dans son verre à son insu et je lui ai fait prendre une cuite. Je l’ai insulté aussi. On s’est un peu bagarrée » Enfin, elle s’était surtout prit les coups en réalité mais pour Aengus s’était une bagarre. « J’ai essayé de faire interner de force Liam, mon frère, et Blaithin a dû le faire libérer. »

Tout avait dit d’un seul trait et Aengus dû s’arrêter pour reprendre son souffle. Elle risqua un regard sur Ross pour voir s’il avait tout suivi mais surtout s’il était fâché.

« Voilà. » Conclu t elle. « Je crois que c’est tout mais je suis pas sûre. Ah non. J'ai dragué le fiancé de Blaithin et ils se sont séparés du coup. Alors Blaithin est retournée à l'armée. T’es fâché ? »

Pourvu que non.

Je l'écoutais patiemment. On aurait dit une petite fille qui avait fait un bêtise. Cela me fit sourire. Bon tout ce qu'elle m'avouait n'étais pas joli-joli surtout que certaine de ses bêtises concernaient ma sœur. Moi qui voulait justement renouer avec elle, ça semble plutôt compromis. Sin enfin je veux dire Aengus semblait désolé de tout cela. Lorsqu'elle eut terminé de tout me déballer, elle semblait attendre quelques choses de moi. Il y avait bien des années que je ne l'avais revu mais il semblerait que les années ne lui ont pas ajoutées de plomb dans la cervelle.

« Certain collectionnent les timbres d'autres les conquêtes mais toi c'est les emmerdes. »

Je la regardais avec un petit sourire.

«  Si tu penses que je vais te donner l'absolution pour ce que tu as fais. Tu as tord »

En même temps si elle était venu jusqu'à moi c'était sûrement pour quelque choses. Aengus était une jeune femme lorsque je la connaissais qui ne faisait jamais rien par hazard. Si on regardait tous les événements dans ce sens, on pouvait se demander ce qu'elle voulait vraiment. La Sin que je connaissais n'étais pas une méchante jeune femme. Je ne pense pas que l'Aengus qui est devant moi est totalement changé.

« Je vais pas te blamer non plus. »

Je haussais des épaules. Ressasser le passé ne serre pas à grand chose et juger les gens n'étaient pas ma tasse de thé.

« Parcontre si tu veux on peut discuter de tout ça calmement pour essayer de comprendre pourquoi tu accumules les conneries. »

Après avoir posé ma main sur son épaule pour la rassurer sur mes intentions, je m'assis sur le bureau. J'étais près à l'écouter enfin si elle voulait parler de ses mésaventures ou tout autre chose. Je sais être patient avec les personnes de la famille sauf avec mon père.... Enfin la dernière fois, notre engueulade était du au faite qu'elle avait largement abusé de ma patience. Encore un fois c'était le passé. Aengus méritait un nouvelle chance. Tout du moins pour la relation qu'elle avait avec moi.

« Pourquoi es tu venu me voir exactement ? »

C'était surtout ça qui était important car j'avais l'impression que cette aveu n'était qu'un écran de fumée qui cachait ses véritables intentions.

Un sourire accompagna sa remarque. Oui, elle collectionnait les emmerdes. C’était tout elle.

« Si tu penses que je vais te donner l'absolution pour ce que tu as fais. Tu as tord »

Elle secoua la tête négativement presque navrée qu’il pense ainsi. Les poings se serraient pour ne pas exploser, ne pas hurler. Sa tendance à tout bruler à bout de bras, à s’emporter pour tout, pour rien, pour n’importe quoi lui faisait payer le prix fort pour ses écarts de conduite. La colère grondait. Pourquoi Ross ne se fâchait pas ? Il aurait dû le faire ! Elle voulait qu’il le fasse pour qu’elle, elle se sente mieux.

« Je ne suis pas idiote. Je sais très bien que… ce que l’on accepte de donner aux personnes comme moi. Ya que le messie pour laver Marie Madeleine. » Souffla t elle plus pour elle-même que pour Ross.

Aengus était croyante autant que ses parents. Elle ne pratiquait pas mais avait une solide éducation religieuse et catholique. Ses parents refusaient le divorce, l’avortement, les relations hors mariage et évidemment, l’homosexualité. Aengus avait donc soigneusement cachée à sa famille son mariage et son divorce avec une femme à New York. Mais tout ca était une autre histoire. A la main sur son épaule, elle sursauta légèrement. Que faisait il ? Pourquoi il la touchait aussi facilement ? Doucement, sans brusquer, elle dégagea son corps de son emprise. Le rouge avait gagné ses joues autant que le malaise grandissait. Suivant le mouvement, elle avança vers son bureau… pour discuter. Mais elle ne savait pas faire ce genre de chose. Jamais elle ne discutait. Elle hurlait, criait, frappait, énervait, mordait et tout autre chose du même ordre mais jamais elle ne parlait mais plus encore personne n’écoutait sans vouloir entendre quelque chose précisément. Ils voulaient des explications, des justifications et des excuses. Il y avait toujours anguille sous roche. Pourquoi Ross ferait il exception ? Il attendait forcement quelque chose de cette discussion.

« Je me disais que se serait plus facile avec toi. » Précisa t elle simplement le regard perdu sur ses doigts qu’elle nouait et dénouait entre eux. « Plus facile parce que tu comprendrais que… Je peux pas rester. C’est pas que je compte m’en aller non plus… C’est juste que je peux pas continuer à forcer une relation uniquement engendrée par un lien du sang, ou par obligation passée ou quelconque. Ca n’a pas de sens et ca vous ruine. Alors je pars.»

Une idée assez simple en apparence et qui pourtant réclamait beaucoup de travail.