« I’m doing just fine. Just give me some time, I need to close my eyes. »

Ce fut les bras pleins de dossiers de différentes sortes que Maria O’Berkeley arriva dans son bureau, bien heureuse et soulagée d’être arrivée à bon port. Déposant le tout sans grande précaution sur son bureau, la brunette appuya ses paumes de mains contre le meuble en chêne quelques instants, les yeux fermés, soufflant. Il ne lui restait plus qu’à travailler ici, jusqu’à ce qu’il soit l’heure pour elle de rentrer. Faire du 8h-18h dans son bureau était devenu une habitude pour la Directrice qui préférait rester à l’abri des regards depuis les évènements de Septembre. Après tout, si quelqu’un ressentait vraiment le besoin de la voir, alors il n’avait qu’à demander un rendez-vous avec sa secrétaire pour la voir dans son bureau. Maria avait tout fait pour garder les évènements de Septembre le plus secret possible, et bien qu’elle eut tout à fait conscience de l’ignorance de ses collègues concernant ce qui avait pu se produire chez elle, O’Berkeley craignait plus que jamais de se confronter aux regards extérieurs. Rien que le simple fait de se regarder dans une glace était devenu douloureux pour elle, bien qu’Edward fasse tout possible pour lui redonner confiance en elle. Même sa psychothérapeute avait tenté une nouvelle manière d’amener leurs séances, mais les choses n’étaient en rien faciles, la culpabilité prenant le pas sur tout le reste.

- Maria ?

Sursautant, Maria se retourna croisant ainsi le regard de sa secrétaire, qui avec le temps devenait plu une alliée qu’une simple collègue au sein de cet établissement. Lui retournant un faible sourire, préférant cacher les failles, encore une fois, elle lui demanda ce qui l’amenait ici.

- Le professeur Felming voudrait s’entretenir avec vous. Puis-je le faire entrer ?

Rylee ? Que venait-il faire dans son bureau à une heure pareille ? N’était-il pas censé faire cours présentement ? Tel qu’elle le connaissait, cette petite visite improvisée avait un but bien précis. A savoir lequel maintenant…

- Bien-sûr, dites-lui d’entrer. Lui demanda-t-elle tout en allant prendre place dans son fauteuil.

Cela faisait quelques temps que Rylee n'avait plus vraiment de nouvelles de la part de Maria. Une grande amie, celle grâce à qui il était encore en vie, celle avec qui il adorait discuter pendants des heures, ne parlait plus trop et refusait de se montrer. A croire qu'elle ne voulait pas qu'on la voit. Ce qui ne laissait présager rien de bon. Puisqu'elle ne semblait pas encline à voir du monde, il fallait trouver un moyen de la rencontrer. Et rien de plus simple puisqu'ils partageaient le même lieu de travail. Regardant son emploi du temps, qu'il avait décidément beaucoup de mal à retenir, même si le début de l'année avait eu lieu il y avait de cela quelques temps, Rylee remarqua qu'il commençait à neuf heures, de quoi lui laisser nettement le temps de voir son amie. Elle commençait tous les jours à huit heures et ne se permettrait jamais d'arriver en retard. Il fit donc en sorte de déposer Jane plus tôt à l'école, afin d'être sur les lieux le plus tôt possible, question d'avoir le temps de papoter. Il lui semblait qu'il y avait quelque chose d'important derrière le mutisme de Maria, qu'elle aurait certainement besoin de parler...

Il ne lui fallut pas longtemps, bien qu'il hésita un peu, se demandant si son amie ne le prendrait pas mal, avant d'arriver dans les locaux de la direction. La secrétaire l'accueillit avec un large sourire. C'était une femme sympathique, avec qui il avait déjà souvent discuté, mais ils n'étaient rien d'autre que deux connaissances, deux collègues qui se souhaitaient le bonjour chaque fois qu'ils se croisaient.
« Bonjour, j'aimerais voir Madame la Directrice. Est-ce possible ou devrais-je repasser plus tard ? » demanda-t-il l'air charmant. Evidemment, si Maria ne voulait absolument pas le voir, il n'allait pas la forcer, il n'en avait pas le caractère. Après lui avoir indiqué d'attendre, la secrétaire éclipsa. Elle finit par refaire apparition tout au plus deux minutes plus tard, l'invitant à franchir la porte du bureau de Maria O'Berkeley.

« Bonjour, Maria. »fit-il, simplement, un sourire timide naissant sur son visage, alors qu'il la voyait assise confortablement dans son large fauteuil. « Je commence qu'à neuf heures aujourd'hui et... je n'ai rien à faire de particulier, alors je.. j'ai pensé passer te voir... » souffla-t-il presque trop timidement. En vérité, il avait peur de se faire de fausses idées et de ce fait, de la heurter en disant quelque chose qu'il ne fallait pas. Mais en même temps, il restait quelqu'un de sincère, qui n'avait pas la langue dans sa poche et qui restait rudement franc du collier. Lui lançant un nouveau regard, et un autre de ses sourires mythiques, il reprit la parole. « En fait, je m'inquiète pour toi. On ne te voit plus, j'ai l'impression que tu te caches... Et je pensais que... Enfin... » Qu'il pourrait l'aider. Oui, c'était cela qu'il voulait dire, mais il ne savait pas comment s'y prendre. « Si ça ne va pas, tu peux m'en parler, tu le sais... Je hais te voir dans un état pareil. » Il ne l'avait pas souvent vu abattue, mais dès lors qu'il la voyait dans une autre forme que celle de la femme pleine de pêche, il commençait à s'inquiéter. Maria pouvait très bien le renvoyer, lui dire qu'elle avait du boulot... mais ce serait dommage de tourner ainsi le dos à un ami qui avait vraiment envie de vous tendre la main, n'est-ce pas ?

« I’m doing just fine. Just give me some time, I need to close my eyes. »

Lorsque Rylee fit son entrée dans son bureau, Maria fit de suite tout son possible pour ne rien laisser paraitre. Mais ses efforts semblèrent en vain au vu des propos qu’il commença de suite à tenir. On pouvait au moins dire qu’il n’y allait pas par quatre chemins pour exposer son point de vue. C’était d’ailleurs l’une des caractéristiques de l’homme que Maria avait toujours apprécié chez lui.

- En fait, je m'inquiète pour toi. On ne te voit plus, j'ai l'impression que tu te caches... Et je pensais que... Enfin... Il fit une pause, puis reprit. Si ça ne va pas, tu peux m'en parler, tu le sais... Je hais te voir dans un état pareil.

Son attention touchait bien évidemment la brunette qui se refusa cependant à laisser transparaitre ce qu’elle pouvait réellement ressentir en ce moment. Elle se battait tellement pour ne rien laisse paraitre, Maria n’allait certainement pas tout lâcher maintenant, pas aussi rapidement, pas aussi facilement non plus. Se passant la main dans les cheveux, elle se saisit d’un des dossiers qu’elle avait ramené et le déposa devant elle, juste à côté de son ordinateur portable.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, Rylee. Tout va très bien.

Donner le change. Donner le change. Voilà ce qui était devenu son mot d’ordre ces dernières semaines. Sourire. Faire la conversation. Sourire. Répondre de façon intéressée. Sourire. Tout irait bien. Elle pouvait réussir à donner le change encore une fois, comme elle le faisait chaque jour auprès de tous bien que certains de ses proches n’aient pas eu à attendre longtemps avant d’entendre la sombre vérité quant à son comportement depuis la rentrée.

- Ne t’inquiète pas.

Se relevant de son fauteuil, elle déposa une brève bise sur la joue de l’homme, laissant ainsi apparaitre à ce dernier une très légère cicatrice qu’il n’aurait jamais vu si elle ne s’était pas tant approchée de lui. Située au niveau de l’arcade sourcilière, Maria devait cette marque au coup de crosse d’arme que le cambrioleur lui avait assené durant cette triste nuit de Septembre.

Rylee regardait son amie avec une once de sincérité, et beaucoup d'amitié. L'on pouvait lire dans son regard toute sa sincérité, bien parce qu'ils étaient le miroir de son âme. Le trentenaire n'avait jamais su masquer ce qu'il ressentait, ses expressions faciales et ses sourires intimidées ne mentaient jamais. Et cela en était de même pour son amie. Il la connaissait depuis un certain temps à présent et il savait très bien reconnaître le mensonge de la vérité lorsqu'elle lui parlait... Du moins, il osait espérer que c'était le cas. Si bien que lorsque Maria lui affirma que tout allait bien, il ne put s'empêcher de froncer les sourcils et de poser ses mains sur ses hanches.

« Oh je t'en prie. » dit-il simplement. Il ne voulait pas la forcer à parler, du moins, c'était la décision qu'il avait prise en entrant dans ce bureau. Mais elle avait vraiment l'air mal à l'aise. Quoi qu'il se soit passé, ou était en train de se produire, dans sa vie, elle devait crever l'abcès. Et elle pouvait lui faire confiance, il ne la laisserait pas tomber, combien même elle l'enverrait paître avec de méchants mots. Il la regarda se lever finalement de son fauteuil, déposant des dossiers. Elle ne semblait pas loquace et de plus en plus évasive. Exactement le comportement qu'elle n'aurait pas dû avoir si elle voulait se débarrasser de lui. Finalement, elle déposa un petit baiser sur sa joue, en signe d'ultime tentative de le convaincre que tout allait bien. Lorsqu'elle s'écarta, Rylee l'attrapa par le bras. Il venait de remarquer quelque chose. Une blessure, à l'arcade sourcilière. Ce n'était pas grand chose, mais ce n'était certainement pas en se cognant toute seule qu'elle se l'était faite.
« Tu es vraiment sûre ? »demanda-t-il, passant sa main droite sur la joue de la demoiselle, la caressant légèrement, en toute amitié, passant son pouce de manière à mieux observer la blessure, dans la lumière de la lampe éclairant la salle. Dehors, il faisait très sombre, signe que l'hiver était déjà arrivé. « Tu t'es fait ça comment ? Me dis pas que tu t'es pris un poteau ou que t'es tombée, je ne te croirais pas ! » fit-il, fougueux et tendre à la fois. Il ne la brusquait pas, bien que ses paroles puissent paraître creuses et fortes, même peut-être un peu trop troublantes. Maria ne pouvait pas se cloîtrer comme ça toute seule ! C'était une femme battante, pleine de vie ! C'était la meilleure directrice de tous les temps, qui aimaient voir le monde, comment évoluer l'Université, et pas le genre de personne à travailler en solo dans le fin fond de son bureau, cachée derrière une pile de dossiers.

« I’m doing just fine. Just give me some time, I need to close my eyes. »

- Tu es vraiment sûre ?

La question n’était anodine, et ce fut au moment même où Maria sentit les doigts de Rylee effleurer sa joue qu’elle comprit qu’un détail lui avait échappé. Les évènements avaient eu beau se produire en début septembre, certaines marques ne partiraient jamais, ou pas avant un très long moment du moins, et en particulier cette fameuse marque au niveau de son arcade sourcilière. Se laissant faire lorsqu’il lui prit le visage de manière à mieux voir la blessure ou du moins ce qui en restait, O’Berkeley ferma les yeux, se rendant compte qu’elle allait cette fois-ci devoir trouver une excellente raison à cette balafre au risque de devoir carrément rendre des comptes à son collègue et surtout ami.

- Tu t'es fait ça comment ? Me dis pas que tu t'es pris un poteau ou que t'es tombée, je ne te croirais pas !

C’est ce qui s’appelait être prise en flagrant délit ou presque. Se reculant subitement, Maria essaya de trouver une réponse convenable, sans pourtant prendre trop de temps à cela, au risque d’attirer encore un peu plus les soupçons de Rylee qui devaient s’intensifier au fil des secondes passées.

- Eh bien, au risque que tu ne me crois pas et tu sois en manque de grandes histoires rocambolesques, sache qu’en septembre, Aaron était dans les bras d’Edward et a trouvé très intéressant d’ouvrir l’une des portes de placards qu’on a au-dessus de l’évier et de fracasser l’arcade sourcilière de sa mère. J’ai presque pensé à porter plainte ! S’exclama-t-elle, sans oublier ce fameux petit rire de fin de phrase qui évacuerait tous soupçons ; du moins c’est ce qu’elle espérait naïvement.

Il fallait vraiment qu’il gobe cette affreuse histoire qu’elle osait poser sur les épaules de son pauvre petit garçon qui n’avait rien demandé à personne. Seulement là, Maria n’avait eu guère d’autre choix que de dire quelque chose comme cela. Quitte à paraitre bête sur le moment, si cela pouvait lui éviter de parler.

Le professeur de mathématiques se demandait ce qu'allait bien pouvoir inventer Maria pour justifier cette blessure à l'arcade sourcilière. Il savait très bien qu'elle allait lui mentir, la façon avec laquelle elle s'était reculé la trahissait. Évidemment, il n'était rien qui pouvait pousser la directrice à tout raconter, elle n'avait pas de compte à lui rendre... Enfin, presque pas. Lui, c'était certain, il lui devait la vie, et surtout, il lui devait de veiller sur elle. A l'époque des tristes événements qui avaient failli rendre Jane orpheline pour de bon, Rylee avait commencé par détester son amie. Il lui en avait voulu de longs jours de l'avoir trouvé, d'avoir empêché son esprit de s'en aller à tout jamais. Pour lui, rien n'était plus clair : Maria avait allongé son malheur et sa souffrance. Pourtant, toute la famille du jeune homme avait su lui montrer à quel point il avait été égoïste. Les liens que l'on a avec les autres ne nous appartiennent pas et nous n'avons donc pas le droit d'y mettre un terme sous prétexte que nous sommes malheureux. Et le professeur avait un enfant, son acte était d'autant plus condamnable. A présent, il se rendait compte de tout le mal qu'il avait pu faire, notamment à sa sœur, encore adolescente à l'époque qui en était sortie toute tourmentée et meurtrie.
Posant le regard sur son interlocutrice, il l'observa chercher ses mots, elle lui parût perdue, fuyante encore plus qu'auparavant. Décidément elle ne savait pas mentir, enfin à lui en tous cas et il remarqua aussitôt que son histoire de porte d'armoire ne tenait pas debout. Poussant un soupir, il finit par reprendre la parole : « C'est tout ? » demanda-t-il. Le trentenaire arborait un ton peu convaincu et surtout une mine sombre. Il ne se joignit tout naturellement pas au rire se voulant véridique de sa grande amie.
« Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que tout va bien. Dis-le moi une dernière fois et... je te laisserai tranquille. Après tout, je sais que tu n'as rien à cacher, ni aucune raison de t'en vouloir à toi-même, n'est-ce pas ? » fit-il en se rapprochant de nouveau d'elle et lui passant de nouveau délicatement une main sous le menton. Le trentenaire sentait qu'en disant ces mots, il la ferait craquer. Elle se cachait, comme si elle avait honte d'elle-même... Et ce depuis des jours et des jours. Depuis le début de leur conversation, elle fuyait son regard, elle ne le regardait pas vraiment. Alors il lui posait un ultimatum. Il savait pertinemment que Maria n'était pas capable de lui mentir droit dans les yeux. Pas à lui.

« Where do I even start ? Why does it seem so hard ? »

Pourquoi est-il toujours si difficile – voire impossible – de mentir aux gens que l’on aime lorsqu’il s’agit de nous-même ? Voilà la question qui tergiversait dans l’esprit de Maria sans qu’elle ne parvienne à la moindre réponse, même la plus brève soit-elle. L’illusion fanait avec le temps et le barrage qu’elle essayait de construire autour de ce qui s’était passé se fendillait. Le plus facile aurait été de tout dévoiler à son ami, cependant O’Berkeley ne trouvait pas de « bonne façon » de lui avouer quelque chose de cette ampleur. S’il s’agissait de tout sauf de ça, elle aurait bien évidemment eu bien moins de mal à se confier, même face à Rylee.

- Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que tout va bien. Dis-le-moi une dernière fois et... je te laisserai tranquille. Après tout, je sais que tu n'as rien à cacher, ni aucune raison de t'en vouloir à toi-même, n'est-ce pas ?

- Je ne suis pas sûre que tu…je… Elle savait qu’elle n’avait plus le choix et qu’elle allait devoir dire toute la vérité. Mais c’était si difficile ! Se dégageant brutalement de l’emprise de l’homme, Maria lui tourna le dos pour aller près de la fenêtre fermée. Prenant une profonde inspiration, elle décida de se lancer, sans filets. Tu as sans doute entendu parler de ce cambriolage qui a mal tourné au début du mois de Septembre à San Francisco, non ?

Commencer doucement était très certainement ce qu’elle avait présentement de mieux à faire, bien qu’elle craigne que le jeune homme comprenne un peu trop rapidement le pourquoi du comment de son comportement de ces dernières semaines. Fermer les yeux, Maria ramena ses bras contre sa poitrine, croisés.

- C’était moi.

Incapable d’en dire davantage, la brunette sentit une larme couler le long de sa joue droite. Totalement désarmée, O’Berkeley se mit alors à pleurer, en silence cependant, toujours le dos tourné à son ami, se refusant à ce qu’il la voit si faible. Depuis qu’ils se connaissaient, Maria avait toujours tout fait pour paraître la plus forte des deux, tout en sachant en vérité qu’elle n’avait plus rien de forte et ce, depuis longtemps déjà.

Rylee commençait vraiment à crever de curiosité, même si son but premier était tout simplement de faire parler Maria afin qu'elle se sente mieux, apaisée, sûre d'elle-même. Mais la demoiselle faisait tellement de mystère qu'elle levait comme un voile de curiosité un peu malsaine dans les yeux de notre jeune professeur de mathématiques. La regardant dans les yeux, fixement, avec intensité, il lui demanda une dernière fois de parler, de dire ce qu'elle avait sur le cœur. Elle avait l'air de se sentir si mal ! Il fallait absolument qu'elle se libère et devienne de nouveau cette femme si forte et fantastique qu'elle était avant de se refermer sur elle-même comme une chenille dans un cocon. Soudainement, après avoir bégayé un instant, elle se dégagea de l'emprise de son ami d'une façon on ne peut plus brutale avant de venir se poster devant la fenêtre, interdite. Puis, après quelques longues secondes de silence, elle se mit à parler, timidement, doucement, mais certainement.
Le cambriolage début septembre. Oui, il avait lu quelque chose à ce sujet dans les journaux. Le cambrioleur avait été tué. Une sombre histoire et Rylee plissa les sourcils en tentant de comprendre ce qui pouvait relier la directrice de Berkeley à tout cela. Et malheureusement, ou heureusement, la réponse tomba vite. Elle avait été impliquée. Elle était celle qui avait... Oh mon Dieu. Rien de bien étonnant quant à son comportement... Sans doute se sentait-elle honteuse et abominablement coupable.

Le professeur de mathématique finit par s'approcher doucement de son amie, avant de poser une main contre son épaule. Que dire, que faire à présent ? Lorsqu'il remarqua qu'elle pleurait, il se sentit soudainement désœuvré.. Même si c'était bon de crever l'abcès quelque soit la façon de le faire brutale ou non. Des deux, elle avait toujours été la plus forte, celle qui ne montrait aucun signe de faiblesse, celle qui lui prouvait que la vie était un cadeau...
« Tu devais le faire, tu devais le faire pour défendre ta famille.... » dit-il simplement, en se faufilant face à elle, caressant doucement la joue de sa meilleure amie, essuyant au passage quelques larmes. « Je ne peux pas te dire que je comprends que c'est dur, car je n'ai jamais vécu cela... Mais si j'avais été à ta place, j'aurai agi de la même manière... Après tout, tu as agi comme toute mère l'aurait fait... Tes enfants dormaient là, tu as eu peur... Tu n'es pas en faute, c'était une sorte d'accident... » souffla-t-il. Ce n'était peut-être pas rassurant, mais bon... Il voulait juste lui montrer qu'elle avait eu raison d'agir ainsi. Qu'elle n'avait pas été en tord, qu'elle avait agi en mère.

« Where do I even start ? Why does it seem so hard ? »

- Tu devais le faire, tu devais le faire pour défendre ta famille...

Cette phrase, elle l’avait entendu des dizaines et des dizaines de fois depuis que le cambriolage avait eu lieu. Edward, le premier, essayait de tout faire pour qu’elle ne se considère plus comme un monstre ayant ôté la vie à quelqu’un mais plutôt comme quelqu’un qui s’était montré prêt à tout pour sauver sa famille. Or, O’Berkeley ne parvenait en aucun cas à voir les choses de cette manière-là. Soudainement obligée de soutenir le regard de l’homme qui venait de se faufiler avec douceur face à elle, la brunette sentit sa main se poser avec une infinie délicatesse contre sa joue légèrement humidifiée par les quelques larmes qui s’étaient involontairement mises à couler.
Le simple fait de se repasser la scène dans son esprit lui rappeler l’horrible sensation qu’elle avait eu en pressant la détente. A ce moment précis, Maria sut parfaitement que sa vie prenait un tout autre tournant, cependant, cela n’eut été guère suffisant pour l’arrêter dans son geste, définitivement trop craintive quant à la sécurité de ses deux enfants endormis non loin de sa chambre à coucher.

- Je ne peux pas te dire que je comprends que c'est dur, car je n'ai jamais vécu cela... Mais si j'avais été à ta place, j'aurai agi de la même manière... Après tout, tu as agi comme toute mère l'aurait fait... Tes enfants dormaient là, tu as eu peur... Tu n'es pas en faute, c'était une sorte d'accident...

La simple hésitation dans la voix de l’homme prouva à la directrice qu’elle avait raison sur toute la ligne quant à son nouveau statut. La Directrice de Berkeley était devenue la meurtrière au sang-froid. En vérité, la simple idée qu’elle ait pu presser la détente comme elle l’avait fait la rendait tous les jours un plus malade et mal à l’aise face au reste du monde qui semblait l’observer en la pointant du doigt, hurlant « A mort la meurtrière ! ». Voilà pourquoi elle préférait tout faire pour éviter de devoir sortir de son bureau ou de chez elle. La situation était suffisamment délicate comme cela pour qu’elle puisse en plus vouloir se confronter au regard des autres qu’elle sentait déjà s’abattre sur elle tel une épée de Damoclès.

- Tu ne le penses pas… Murmura-t-elle, presque tremblante. Personne ne voit l’accident là où il y a eu meurtre, Rylee, ne me dis pas le contraire. Je me sens tellement coupable... Bien-sûr, j’ai conscience de l’avoir fait pour sauver mes enfants mais…cela n’ôte pas en moi ce sentiment assassin, si je puis dire.