Je n’avais même pas prêté attention à ce que venait de dire le gardien, trop obnubilé par ce que je venais d’apprendre de Cheyenne. Les yeux à présent ronds comme des soucoupes, je tâchais de me faire à l’idée. Hutchinson enceinte, portant dans son ventre un petit Salaun. Ou bien une petite Salaun. Je n’en savais encore rien. Peut-être était-ce trop tôt, alors que nous venions à peine d’officialiser notre relation. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de penser que notre relation remontait à plus d’un an, que nous vivions quasiment l’un chez l’autre, que je la connaissais en tant que mère et qu’elle, sait désormais ce que je vaux en tant que papa. Dans le fond, cette grossesse restait aussi étonnante que réjouissante. Le seul bémol restait ma présence ici. Et si je restais entre ces quatre murs pour de bon ? Même durant une longue période ? Et si je devais voir Cheyenne dans cette pièce pour les années à venir, sans voir mon fils ou ma fille ? Et Kilian ? Et Caitlin ? Et Aidan ? Non, ce n’était pas possible. Et déjà je m’en voulais de ne pas avoir pris la fuite avant de me faire arrêter par les forces de l’ordre. Je refusais qu’Hutchinson se retrouve une seconde fois seule et enceinte. Elle ne le méritait définitivement pas.

Puis je me remémorais ses paroles. Sydney. J’avais l’impression de ne pas l’avoir vu depuis un bail, alors que nous avions encore passé une soirée juste tous les deux juste avant qu’il ne nous arrive cette mésaventure, à Kilian et à moi. Je suivais sa grossesse de près, restant protecteur et attentif, notamment depuis qu’elle s’est vue perdre l’une de ses filles. Serais-je présent pour la naissance de la petite ? Cheyenne avait également évoqué ‘‘la dernière fois’’. Effectivement, elle avait déjà été enceinte de moi au mois de février, ce qui ne remontait pas à longtemps en somme. Une grossesse qui s’était conclu par une fausse couche. Fausse couche qui avait eu raison de nous, bouleversé en plus par les péripéties de l’époque. Mais cette fois-ci, ça sera différent. Je le savais, sans trop pouvoir l’expliquer.

Cheyenne revenait de sa petite conversation avec le gardien, notamment pour négocier un temps de visite allongé, alors que pour ma part, je n’avais pas bougé d’un seul millimètre, toujours aussi troublé par ce que je venais d’apprendre. Ou plutôt de déduire. La conception de l’enfant ? Pendant le mariage de sa meilleure amie ? Je levais les yeux au plafond, en pleine réflexion, me remémorant cette partie de jambes en l’air. Rectification : CES parties de jambes en l’air. Godness, le simple fait d’y penser laissait des frissons parcourir mon corps. « Comme c’est romantique. Il fallait juste que l’on officialise notre relation, et le voilà. Ou la voilà. » J’esquissais un sourire en coin, contrôlant mes émotions pour éviter de sauter partout de joie. Soudain, je vins à me demander comment elle avait pu allonger notre visite auprès du gardien, alors que même moi je n’arrivais qu’à lui soutirer quelques bons bouquins d’Histoire ou d’aventure. Et comme Hutchinson et moi communiquions beaucoup par de simples regards, elle me répondit silencieusement d’un simple haussement d’épaules. La persuasion féminine, probablement.

« Je me doute que ce n'est pas le moment et... Enfin. Je suis désolée... » Mes sourcils se haussèrent à nouveau. Pourquoi être désolée ? Je ne saisissais pas vraiment ses propos actuels. Car j’apprenais sa grossesse dans de telles circonstances ? Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même après tout. Elle, elle n’y était pour rien. Et puis ce n’était pas non plus désagréable, bien au contraire. Un peu de joie dans un environnement de tensions. Que demander de plus ? « J'ai besoin de toi à la maison, Logan, et pas seulement pour Kilian ou les enfants. J'ai besoin de toi... » Ces tous derniers mots suffirent à faire exploser les barrières des émotions que je gardais en moi. Touché, je fis un pas en avant afin de passer mes bras puissants autour de son corps. Les larmes me montèrent aux yeux, avant de dévaler mes joues dans le silence le plus complet. La sentir là, contre moi, restait l’une des plus belles sensations qui m’ait été donné de connaître. J’aurais tout donné pour l’enlacer de la sorte, ne serait-ce que quelques minutes. Son parfum m’avait manqué, sa douceur aussi, le rythme de sa respiration, ses lèvres sur ma peau, l’expression d’apaisement mêlé à la sûreté qu’elle affichait lorsqu’elle se trouvait nichée contre moi, également. « Très bien, fais-moi sortir d’ici au plus vite. Je veux rentrer chez nous. Je te veux toi. », avais-je murmuré à mi-mots, au creux de son oreille. « Et ne sois pas désolée. Tu m’as apporté la plus belle des nouvelles. »

Je reculais la tête, de façon à pouvoir croiser son regard. Et même si les larmes nous avaient tous les deux envahi, j’esquissais un tendre sourire respirant l’amour. « … merci… » Je déposais mes lèvres sur les siennes, toujours aussi douces et légèrement charnues comme je les aime. « On va avoir un bébé… » Je soufflais de bonheur, avant de lui lancer un regard malicieux. « On pourra aller à la caisse prioritaire maintenant quand on ira faire les courses. C’est super ! Enfin, si Kilian ne nous tue pas avant... » Là, je la taquinais. Je prenais ses mains dans les miennes, avant de les porter à mes lèvres afin d’y déposer un tendre baiser. « Vous me manquez tellement, les enfants et toi… »