Je me mis à arpenter la pièce telle une fouine, tel un cambrioleur à la recherche d’un trésor, à votre guise. Ma maison était devenue un vrai foutoir, je ne retrouvais plus rien. L’autre jour je ne trouvais plus mon canapé. C’est grave ? Non, j’exagère bien sûr, mais la situation réelle n’est plus très loin de cela. Je connaissais la raison de ce grand n’importe quoi. Skylar. Qu’est-ce que je ne serais pas prêt à supporter pour les beaux yeux d’une fille ? Je me le demande bien. Elle était mon dernier coup de cœur, mon plus important même. Je tenais à elle comme à la prunelle de mes yeux et même si, pour le moment, nous étions loin d’être engagés dans une relation sérieuse et durable, j’en avais bien l’intention. Parfois, et même souvent, je me demandais comment j’avais pu tomber dans ses bras. Elle la Gamma. Roméo Hermès-Cador et Gamma, ce sont deux mots qui sont loin d’aller ensemble. Enfin, ça c’était jusqu’à il y a quelques semaines, ma relation avec Skylar faisant évoluer cette pensée. Je n’aurais jamais cru qu’un jour je pourrais m’éprendre de ce genre de femme. Si Zachariah ou pire, Keyllan, apprenaient avec qui je passais mes nuits, ils n’en reviendraient certainement pas et me presseraient de la quitter sur le champ. Ils connaissent par cœur mes petites faiblesses. Ils les connaissent sur le bout des doigts. Ils savent pertinemment que je suis un être influençable, un jeune homme naïf comme il en existe que très peu. La preuve ? Ma relation avec Eden par exemple qui a tourné au fiasco après que celle-ci m’ais larguée car elle avait obtenu de moi tout ce qu’elle voulait : des contacts et une petite célébrité. Oui, les Hermès-Cador étant particulièrement reconnus en France, nous avions eu le droit à la Une de la presse lors de notre séparation. Je m’en serais passé. Mais Sky n’était pas comme cela. Certes, c’était une jeune femme pas forcément équilibrée mais au moins, elle, elle m’aimait. A moins que je ne me voile la face ? Je ne l’espérais pas. Nous vivions une parfaite idylle ces temps-ci et je dois dire que cela m’avait manqué, de filer le parfait amour. Mes dernières relations n’avaient durée qu’un mois tout au plus, alors je comptais bien me racheter en faisant durer celle dans laquelle j’étais actuellement. Bon, ce n’était pas un canapé que je cherchais, c’était mes clés de voiture. Je ne les trouvai nulle part et je les soupçonnais de s’être réfugiées dans le salon, sous un meuble probablement. Faisant un tour sur moi-même, comme si j’allais les trouver comme ça, j’entendis le son d’une clé, justement, dans la porte d’entrée. Skylar devait être de retour après sa petite escapade matinale. Bon, au moins ça c’était positif puisque j’allais pouvoir emprunter la sienne, de voiture. La regardant entrer, je courus, ou presque, pour aller déposer un baiser sur ses lèvres. « Ça c’est bien passé la livraison ? » Je savais que je tombais dans la totale illégalité en restant avec elle mais c’était plus fort que moi, je l’aimais plus que tout. Je me voyais mal la laisser seule maintenant. Et puis comme je suis très manipulable et que je n’ai pas un très gros caractère, forcément ça joue aussi. Bref, j’acceptais parfois d’aller livre quelques doses à ses clients. Parfois je me regardais dans la glace. Non, ce ne pouvait pas être moi, je ne pouvais pas faire cela. Roméo Hermès-Cador le chéri de ses parents, l’être si bien éduqué ne pouvait pas dealer avec sa petite amie. Il m’arrivait même de verser une larme à la vue de ma situation. Plusieurs fois je crus prendre un avion pour Nice et aller retrouver toute ma famille pour faire une pause … et probablement ne plus jamais revenir. Mais je n’y arrivais pas. J’aimais Skylar.
Mon dieu, que ferait mon frère s’il apprenait ça. Je me ferais certainement détruire. Ou plutôt non, ce serait Skylar qui se ferait détruire par Keyllan et je ne voulais pas ça. Quand on aime, on est prêt à tout accepter et j’acceptais les activités extra scolaires de Sky. Au début, je n’avais pas voulu y participer, mais il faut croire qu’elle sait se montrer très persuasive lorsque je suis réticent à l’aider. Ouais, peut être que je me faisais baratiner mais une fois encore, je m’en fichais. J’étais heureux comme ça et dans la vie je ne cherchais qu’une seule chose : être heureux. Néanmoins, j’étais décidé à faire une nouvelle tentative. Là, maintenant, tout de suite. Une nouvelle tentative pour qu’elle arrête tout son trafic et que, par conséquent, je ne sois plus impliquer là-dedans. Peut-être que je l’aidais sur certaines commandes pour qu’elle prenne conscience que ça affectait son entourage. Mais, malheureusement, cela n’avait eu aucun effet pour le moment. Je la regardais, je voulais la sortir de là. Une partie de mon esprit était absorbé et pouvait aller effectuer des commandes quand l’autre partie s’efforçait d’aider Skylar. Je pris sa main et l’attirait dans la cuisine. Je manquai d’ailleurs de trébucher sur un carton qui n’était visiblement pas à sa place. « Tu sais, tu n’as pas besoin de faire ça. On a largement de quoi vivre tous les deux sans pour autant rajouter de l’argent sale que je n’aime pas du tout. » Enième tentative. Ma vie deviendrait parfaite si elle arrêtait tout cela. J’étais complètement envouté par son charme mais visiblement pas assez pour ne pas vouloir la sortir de là. C’était important pour moi, de la sauver. Elle était la personne qui comptait le plus pour moi et je ne tenais pas à aller lui rendre visite en prison. Pire, je ne tenais pas à aller en prison moi-même. Qu’est-ce qu’il se passerait pour moi, Roméo, en prison ? Vous m’avez bien regardé ? J’ai une tête de détenu ? Non, je ne crois pas. C’était bien la prison qui m’effrayait le plus dans tout cela. J’en avais peur. Je ne voulais pas être enfermé dans un lieu, à ne pouvoir en sortir, comme à l’orphelinat où j’avais été durant trois années. Même si je n’en ai maintenant plus aucun souvenir, je ressens en moi le besoin d’être libre de mes mouvements, à tout moment. Je veux faire ce que je veux, quand je veux et où je veux. Et d’ailleurs, ses commandes me bouffaient la vie. Elles étaient de plus en plus régulières, et je ne voulais plus que cela prenne autant de temps dans notre vie de couple. Je ne désirais qu’une seule chose : avoir une vie normale. C’est trop demandé ? Quand on vit avec Skylar oui, c’est trop demandé. Des rendez-vous durant la nuit, dans ma propre maison qui plus est, devoir abréger des rencontres avec des amis pour de la drogue, non merci j’en ai marre. Mais je ne pourrais jamais la quitter, elle. Je ne pourrais jamais la laisser dans sa « merde ». J’aurais trop honte de l’avoir laissée seule dans tout cela, au milieu de tous ces délinquants qui n’attendent qu’une seule chose : avoir une demi-heure de bonheur. Sans parler de tous les règlements de compte qui ont lieu dans le milieu. N’oublions pas que nous sommes à San Francisco, à seulement quelques centaines de kilomètres du Mexique, le royaume des cartels. Non, c’est plus fort que moi, je ne peux pas la laisser.
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