Euh rappelle-moi, c’est ton père qu’on cherche ou l’mien ? || Vitaly

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La porte avait claqué. Réaction typiquement sharkienne. Noah lui n'avait pu que constaté la mine désappointée de celui qui venait de sortir sans un mot. Un jeune homme qui devait avoir la vingtaine, pas plus. Uune étrange ressemblance avec Joe cependant. Serait-ce un membre de sa famille qu'il ne lui avait jamais présenté ? Un cousin peut-être ? Il faut dire que Joe avait toujours été très discret sur sa vie privée et familiale. Et c'était sans doute cette ressemblance, ainsi que la mauvaise humeur de son meilleur ami, qui avait conduit l'écrivain deux heures plus tard, à tenter de retrouver le jeune homme. Il savait qu'il n'avait pas beaucoup de chance, ni d'espoir, mais qui sait, peut-être qu'il avait fait, juste après sa visite au grand requin blanc, une scène digne d'entrer dans les mémoires, ou d'appeler les flics pour qu'on l'embarque direction l'asile. Un exemple qui hélas, était inspiré de faits réels. Joe pouvait s'avérer extrêmement perturbant pour les âmes un peu trop sensibles. Et on avait beau croire que le blondinet en faisait partie, il n'y avait rien en son ami anglais qui pouvait le faire changer d'avis ou l'impressionner. Ils se connaissaient trop bien.

Tiens, il était toujours là … ? Debout, immobile, l'air complètement paumé à regarder à droite et à gauche. S'il était anglais, comme lui et Joe, rien d'étonnant à ce qu'il soit un peu perdu alors qu'il venait de débarquer dans cette ville. Noah ne comptait lui plus les fois où il avait manqué d'entrer en collision avec le véhicule qui venait en face. Quand on avait appris à rouler à gauche, difficile de perdre ses repères. Ou alors il cherchait un taxi. Il est vrai qu'aux Etats-Unis, les taximens étaient généralement des particuliers et non des hommes travaillant pour le compte d'une agence, tant et si bien que sans les connaître, on avait du mal à savoir qui était taxi, qui était particulier. Ou bien Joe l'avait définitivement détraqué. Espérons que non.

Hésitant au départ, surtout quant à la marche à suivre – il ne pouvait tout de même pas lui demander ce qu'il faisait deux heures plus tôt au bureau de Joe, ni même en parler au risque de faire remonter de mauvais souvenirs – Noah s'avança prudemment, jugeant d'abord de son style vestimentaire, de sa coupe de cheveux, de son maintien qui lui confirma qu'il n'était pas totalement fou à lier, avant de s'approcher et de lui tendre la main sitôt à ses côtés. « Bonjour, je m'appelle Noah. Noah Clives. Je vous observe depuis quelques minutes, est-ce que ça va ? Vous cherchez un taxi peut-être ? » Hum, pas mal pour une entrée en matière...

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L’entrevue avec Joe avait été costaud, suffisamment pour désarmer le jeune homme le plus culotté de la création et le pousser vers la porte où il y avait écrit « sortie ». Vitaly était parti sans hésitation, sans se retourner. Pire, il ne regrettait ni ses mots, ni ses intentions. Le grand Joe Shark avait beau être son père, il ne voyait aucune raison de l’épargner plus que les autres… à ceci près que Shark junior ne pensait pas que le brouhaha ambiant à la sortie de l’immeuble l’affecterait à ce point. Sa grande canne blanche en main, les doigts crispés sur celle-ci, il ne vit pas le temps défiler tandis qu’il osait à peine faire un pas. Cette place était si peuplée qu’il se serait immanquablement heurté à tous les passants et aurait probablement fini par tomber. Sa cécité avait fait de lui quelqu’un de passablement faible par instants. Celui-ci en était un. Deux heures s’écoulèrent avant qu’une voix ne prenne le pas sur toutes les autres : un ton rassurant, bienveillant même accompagné de ce qui lui sembla être une main tendue. Vitaly ne put en jurer et c’est pourquoi il ne fut pas en mesure de lui serrer la main. Il leva légèrement sa canne blanche histoire de faire remarquer qu’il était aveugle et hocha dans un premier temps la tête, avec cette impassibilité parfaitement héritée de son paternel. « Vitaly Gwendal-Shark » énonça-t-il sans détour, avant même que de répondre à la question logique que Noah venait de lui poser. Non il n’attendait pas de taxi. Il espérait simplement que le brouhaha ambiant cesse d’embrouiller son ouïe développée et ne puisse enfin lui permettre de mettre un pas devant l’autre sans craindre de s’écrouler. Il haussa donc les épaules dans un premier temps, peu décidé à se placer dans la peau d’un pauvre bichon qu’il fallait à tout prix secourir alors que sa fierté le lui interdisait formellement. Bah, fallait-il que sa politesse soit plus forte cette fois-ci pour qu’il ne fasse fi de son orgueil pourtant surdimensionné en temps normal… « Pour monter dans un taxi, encore faudrait-il que je sois en mesure de les entendre. Je pensais plutôt rejoindre un endroit un peu plus calme dans un premier temps, mais c’est impossible alors que je n’entends pas le bruit de mes semelles sur le sol. » Clair, net, précis, sans bavure. Vitaly était le genre de jeune homme à ne surtout pas prononcer neuf mots quand quatre pouvaient suffire. Il ne mettait aucune émotion dans son discours, détachant bien le côté attristant de sa situation avec sa volonté d’agir. Vitaly n’était pas seulement un aveugle… il était bien plus que cela, même l’éminent Joe Shark l’avait remarqué. La preuve, il n’était pas ému plus que cela fasse à l’intérêt altruiste porté par ce parfait inconnu, et ne le remerciait même pas d’un sourire. Il n’avait pas non plus ôté ses lunettes noires dissimulant ses yeux émeraudes dont l’expression était vide… il se tenait simplement devant lui, sans intention particulière hormis celle de lui répondre poliment.

« Vous pouvez vaquer à vos occupations, vous savez. Je me débrouille très bien seul. » A l’heure actuelle, Vitaly était à des lieues d’imaginer le lien puissant unissant Joe à Noah. Il s’était présenté en accolant le nom de famille Shark, qui était tout de même le sien, de manière toujours aussi naturelle, et ce bien qu’il ait diablement plus d’atomes crochus avec la ‘lignée’ de sa mère, la délicate Iris… qui devait probablement se faire un sang d’encre à ne pas le voir revenir de son ‘entrevue’. « Votre façon de poser vos silences m’indique que vous n’allez pas tracer votre chemin, je me trompe ? » Direct, et observateur à sa façon en prime. Aucun détail n’était jamais laissé au hasard, et bien qu’il ne puisse qu’imaginer le monde gravitant autour de lui, il savait détailler chaque chose, chaque comportement, chaque geste. Il ne connaissait pas encore les intentions de Noah, mais cela n’allait probablement pas tarder.

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Il n'avait pas vu sa canne. Rien d'étonnant puisqu'il était davantage concentré sur les traits fermés du jeune homme que tout autre partie de son corps. Ce n'est que lorsqu'il posa sa première question, et qu'un petit bruit de râclement sur le sol que Noah abaissa le regard vers cette tige blanchâtre, et qu'il comprit, aux lunettes solaires de Vitaly, ce qu'il en était vraiment. A moins qu'il ne se trompe, ce jeune homme était aveugle. Imaginez un papa gâteau qui protège tout ce qui bouge. Maintenant imaginez-le devant une personne atteinte de cécité oculaire et vous aurez un aperçu de la prochaine tournure des évènements. D'un Noah compatissant, attendri et surprotecteur à l'égard de cet inconnu qu'il ne connaissait pourtant ni d'Eve, ni d'Adam. Quoiqu'il en soit, la main tendue de Noah fut rapidement délaissée, tandis qu'il lui donnait ses nom et prénom.

Pardon ? Il avait bien entendu ? « Shark ? C'est ce que vous avez dit ? » Oui bon, autant paraître idiot, ça rend sourd aussi. Et vu l'air étonné, abasourdi même de Noah, heureusement en un sens que Vitaly ne puisse le voir. Il avait l'air d'un homme qui venait de s'apercevoir qu'il se promenait en slip depuis près d'une heure. Ou presque. Non, ce jeune homme ne pouvait pas être le fils de son meilleur ami. Pas comme ça. Et comment ? Joe ne lui en avait jamais parlé ? A moins que leur mauvaise humeur à tous les deux ne soit dûe à cette heureuse nouvelle. Décidément, l'éditeur avait le chic pour planter ses graines au gré du vent. N'était-ce pas de la même manière qu'il avait appris l'existence de Connor quelques années auparavant ? « Je suis ...enchanté de faire ..votre ...connaissance. » balbutia le blondinet en gardant les yeux rivés vers l'inconnu, même s'il savait pour le coup que son attitude pouvait paraître impoli. On observe pas aussi longuement une personne à moins qu'elle n'ait une mouche sur le bout du nez ou un oiseau qui s'était déchargé sur sa cravate, voyons. « De les entendre ? Pourquoi, vous êtes sourd aussi ? » Une réplique qui lui avait échappé et qu'il regretta presque immédiatement. Quel impoli il faisait, non mais vraiment ! « Pardon je ...ce n'est pas ce que je voulais dire. » Rouge comme une tomate, et honteux comme jamais, Noah tenta de s'expliquer. Maladroitement, comme toujours.

« Oh je ne veux pas vous déranger, pardonnez-moi. » C'était tout lui ça, s'excuser pour tout et n'importe quoi, surtout quand il n'avait rien fait. En attendant, le british n'avait pas bougé d'un cil, trop occupé à observer Vitaly pour rechercher quelques ressemblances avec son cher Joe. Non, ce ne pouvait être son fils, il devait se tromper. Il avait quoi...20 ans ? Quoique Joe était très fertile, même à l'époque de la faculté. A moins que ce ne soit un cousin éloigné. Et cette façon de répondre, cynique et tranchant, il la connaissait trop bien pour ne pas la reconnaître. « Non, en effet. » Il méritait peut-être une explication un peu plus conséquente, non ?! « Excusez-moi je ...je peux vous poser une question ? Ce ne sera pas long. » Autant être direct et sincère puisqu'il semblait pressé de le voir disparaître. « Etes-vous de la même famille que monsieur Joe Richard Shark ? Je vous ai vu sortir de son bureau tout à l'heure. Aussi j'ai pensé, en entendant votre nom de famille que ... » Conscient qu'il dépassait peut-être les bornes en lui demandant son arbre généalogique, Noah n'en avait pas moins l'intention de tirer cette affaire au clair, certain que Joe ne lui en toucherait mot que lorsqu'il serait mort et enterré. La famille Shark et ses secrets, une vraie tombe.

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» Si je te rappelle Darling, c'est qu'il y a une raison ...
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